| RETARDER, verbe A. − Empl. trans. [Le suj. désigne une pers. ou une chose] 1. Mettre en retard, faire arriver plus tard que prévu. Synon. attarder.Pendant trois jours, la mer furieuse retarda l'arrivée du bateau à vapeur (Nerval,Filles feu, Octavie, 1854, p. 640).Tous se demandaient ce qui retardait Hamilcar (Flaub.,Salammbô, t. 1, 1863, p. 162): − Il a décollé de Commodoro à dix-neuf heures trente. − Et depuis? − Depuis?... Très retardé... très retardé par le mauvais temps...
Saint-Exup.,Vol nuit, 1931, p. 119. − Empl. pronom. réfl. Se mettre en retard. [Le prince d'Athis] vient à la douche depuis quelque temps, toujours le matin (...) Aujourd'hui il s'est retardé, rapport à un enterrement, qu'il a dit à Joseph (A. Daudet,Immortel, 1888, p. 171). 2. Ralentir dans son mouvement, dans sa progression. Synon. freiner.Retarder un développement, un effort, une marche, un processus. Une roue tourne plus librement, parce qu'on a diminué les frottements qui retardaient son mouvement (Destutt de Tr.,Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 142).Elle le suivait lentement, retardée par les glissades pénibles de ses sabots dans les ornières (Zola,Germinal, 1885, p. 1488). − TECHN. MILIT. Faire des manœuvres, des combats de retardement pour ralentir la progression de l'ennemi. Retarder un ennemi, une troupe. On cherche simplement à retarder l'adversaire en l'obligeant à manœuvrer (Foch,Princ. guerre, 1911, p. 117). − En partic., dans le domaine écon., pol., culturel.Cette méprise a retardé les progrès de la géographie (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 1). 3. [Le compl. d'obj. dir. désigne une horloge, une montre] Lui faire indiquer une heure moins avancée que celle qu'elle indique. Or, ce jour-là, bien qu'il ne l'eût jamais ni avancée ni retardée, sa montre se trouva d'accord avec les chronomètres du bord (Verne,Tour monde, 1873, p. 139). 4. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Faire agir, intervenir plus tard que prévu, remettre à plus tard. Synon. ajourner, différer, repousser; anton. avancer. − [Le compl. d'obj. dir. désigne l'indication d'un moment] Retarder une date, un instant, un moment. C'est Fanny qui retarde toujours la date (Pagnol,Marius, 1931, iv, 5, p. 228).Par pudeur, il avait retardé le moment où l'étrangère franchirait le seuil de la maison pauvre (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 83). − [Le compl. d'obj. dir. désigne un événement ponctuel] Retarder une échéance, un départ, un voyage. Si nous eussions retardé d'une heure ce travail (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 373).Ils ne vont pas retarder ma démobilisation (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 75). − Empl. pronom. à sens passif. Se différer, se repousser. Alors vous partez? (...) − C'est une chose qui ne peut pas se retarder? − Oh! non (A. France,Lys rouge, 1894, p. 63). − Vieilli ou littér. Retarder de + inf.Différer de. Maman et papa sont d'avis que tu retardes de faire venir les fournisseurs jusqu'à ce qu'ils t'en aient parlé (Staël,Lettres jeun., 1788, p. 241). B. − Empl. intrans. 1. [Le suj. désigne une horloge, une montre] Avancer trop lentement par rapport au temps réel; indiquer l'heure avec du retard. C'est en vain que je disais: « Il me semble que l'autre jour la pendule retardait plutôt » (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 583). − Retarder de + compl. de temps.Nous observâmes que notre horloge n o19, retardait chaque jour de 10 secondes, ce qui différait de 2 secondes du retardement journalier attribué, à Cavite, six mois auparavant, à cette même horloge (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 165).V. heure ex. 6.[P. méton.; le suj. désignant une pers.] Avoir une montre qui est en retard. − (...) Quelle heure avez-vous? − Onze heures vingt-deux, répondit Passepartout, en tirant des profondeurs de son gousset une énorme montre d'argent. − Vous retardez, dit MrFogg (Verne,Tour monde, 1873, p. 5). 2. P. anal. [Le suj. désigne une pers.] a) Être en retard, arriver avec du retard. Et l'employé de banque, lequel, tirant sa propre montre, interpella sa nièce: − « Et vous retardez de sept minutes (...) » (Bourget,Actes suivent, 1926, p. 56). b) Au fig., fam. Ignorer des faits récents mais connus de tous. Mais j'y ai été moi en prison... C'est pas pire qu'où je suis à présent!... Tu retardes... (Céline,Voyage, 1932, p. 482).Avoir des idées, des principes désuets, dépassés. Il retardait de vingt ans sur son siècle (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 4, 1859, p. 399).Votre petite-fille n'a jamais vu priser... Oh!... Je sais bien que je retarde, mais c'est non seulement une habitude, mais un besoin (Gyp,Souv. pte fille, 1927, p. 215). REM. Retardatif, -ive, adj.,rare. Qui cause du retard. Synon. retardateur.Il y avait chez les Anglais, comme chez nous, l'action retardative des politiciens (Joffre,Mém., t. 2, 1931, p. 252). Prononc. et Orth.: [ʀ
ətaʀde], (il) retarde [ʀ
ətaʀd]. Barbeau-Rodhe 1930: je retarde [ʒ
ə
ʀtaʀd], [ʒ
ʀ
ə-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. ca 1170 « remettre à plus tard, différer » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5457); 2. 1275 « ralentir » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 16877); 3. 1314 « ralentir un processus » (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. Ch. Bos, 584); 1690 retarder une horloge (Fur.); 4. 1538 « mettre quelqu'un en retard » (Est., s.v. mora). B. Verbe intrans. 1. 1540 « tarder » (Amadis, II, 19 ds Hug.); 2. 1690 « prendre du retard » (Fur.); 3. 1694 « aller trop lentement » (en parlant d'une horloge) (Ac.); 4. a) 1811, 30 oct. (Jouy, Hermite, t. 1, p. 143: nous ne sommes pas si retardés en civilisation que vous vous plaisez à l'insinuer); b) 1828 retarder sur (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., p. 46); c) 1834 retarder de plusieurs siècles (Id., Volupté, t. 2, p. 112). Du lat. retardare « retarder, arrêter », fig. « empêcher », comp. du préf. re-* et de tardare (v. tarder). Fréq. abs. littér.: 1 062. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 962, b) 1 293; xxes.: a) 1 116, b) 1 476. DÉR. Retardation, subst. fém.,phys. Ralentissement du mouvement d'un corps. Newton est le premier qui ait donné les lois de la retardation du mouvement des corps dans les fluides (Ac.1935).− [ʀ
ətaʀdasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1835. − 1resattest. a) ca 1350 « obstacle » (G. Le Muisit, Poésies, I, 288 ds T.-L.), b) 1396, 26 juin « fait de retarder quelque chose » (Cart. de Flines, DCCXXXVI, Hautcoeur ds Gdf.), c) 1748 terme de phys. (Diderot, Lettre sur la résistance de l'air, éd. Assézat, IX, 181 ds Fonds Barbier); dér. sav. de retarder, suff. -ion*. |