| RESSAISIR, verbe trans. A. − Empl. trans. 1. Qqn ressaisit qqc./qqn a) Saisir de nouveau ce qu'on avait lâché, ce qu'on avait laissé échapper. Synon. reprendre.Ressaisir sa canne, un fuyard, une proie. Il ressaisit la main de son fils (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 470).[Sa mère] avait ressaisi ses lunettes et son tricot (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 115). b) Ramener sous son autorité. Ressaisir des provinces perdues. [Pierre IV] se tenait prêt à profiter des premiers succès de don Henri pour ressaisir les villes occupées par les Castillans dans le royaume de Valence (Mérimée,Don Pèdre 1er, 1848, p. 410). c) Au fig. − Reprendre, rentrer en possession de quelque chose. Ressaisir son courage, sa raison; ressaisir des détails, une impression, une sensation. [Les grandes guerres religieuses des protestants et des catholiques au XVIes.] deviennent le moyen, l'occasion d'une nouvelle tentative des grands seigneurs pour ressaisir le pouvoir qui leur échappait et dominer la royauté (Guizot,Hist. civilis., leçon 12, 1828, p. 9).Le DrPasquier s'arrêta soudainement, baissa la voix, fit un sourire, ressaisit son sang-froid avec une merveilleuse aisance (Duhamel,Combat ombres, 1939, p. 44). − Littér. Revenir à. Loin de moi des regrets trompeurs: si j'obtiens encore quelques larmes, si je me crois encore aimé c'est parce que je vais disparaître; mais si je ressaisissais la vie, elle retournerait bientôt contre moi tous ses poignards (Staël,Corinne, t. 3, 1807, p. 432). 2. Qqc. ressaisit qqn.Saisir de nouveau quelqu'un. Passion, peur, sentiment qui ressaisit qqn. Tout ce passé me ressaisit avec une force extrême (Michelet,Chemins Europe, 1874, p. 17).Aujourd'hui, dès le lever me ressaisit l'angoisse, à contempler l'épais nuage qui s'étend affreusement sur l'Europe, sur l'univers entier (Gide,Journal, 1938, p. 1325). − Au passif. Être ressaisi par l'amour, par la joie. Une pensée incessante le torturait, la crainte d'être ressaisi par les douleurs avant l'ouverture (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, 1882, Rouille, p. 792). B. − Empl. pronom. 1. Vx ou DR. Qqn se ressaisit de qqc./qqn a) Se saisir de nouveau, s'emparer de nouveau de quelque chose. Se ressaisir d'un document, d'un prisonnier évadé. Gérard B. a eu le plus grand mal à forcer le cordon d'agents allemands et à se ressaisir des manuscrits (Gide,Journal, 1943, p. 161). b) Reprendre, rentrer en possession de quelque chose. Se ressaisir du pouvoir. [La religion] l'a encouragé [l'homme] dans ses écarts, en lui laissant l'espoir (...) de se ressaisir des flatteuses espérances qu'elle donne, pourvu qu'il remplisse certaines formalités religieuses (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p. 558). 2. Empl. pronom. réfl. a) Redevenir maître de soi. Le frère croyait apercevoir, sous ce qu'elle laissait paraître, un sourd travail pour se ressaisir, un pénible et continuel effort à se soulever d'une sorte de stupeur, d'un sommeil de fatigue, d'un accablement mortel (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p. 301).V. hoqueter ex. de Martin du Gard. b) P. ext. Opérer un redressement de soi-même par un effort de volonté, une attitude plus ferme. À chacun il peut arriver de se tromper; vous vous êtes immédiatement ressaisi (Barrès,Déracinés, 1897, p. 403).Ne vas-tu pas te ressaisir, essayer à la dernière heure de sauver ton âme? (Salacrou,Terre ronde, 1938, III, 1, p. 226). − Rare. Qqc. se ressaisit.Se redresser, retrouver une nouvelle force. Notre art vivace, envahi par l'italianisme (...), sut pourtant se ressaisir (Mauclair,De Watteau à Whistler, 1905, p. 31). Prononc. et Orth.: [ʀ
əsezi:ʀ], [-sε-], (il) ressaisit [ʀ
əsezi], [-sε-]. Martinet-Walter 1973: (il faut) vous ressaisir [vuʀ
əsεzi:ʀ], [-se-], [vuʀse-] (10, 6, 1). Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xiies. resaisir qqc. « être de nouveau en possession de (d'un bien) » (Brut de Munich, 3507 ds T.-L.); b) ca 1245 « prendre de nouveau » (Ph. Mousket, Chron., 27791, ibid.); c) 1643 fig. (Corneille, Polyeucte, 883: La crainte de mourir et le desir de vivre Ressaisissent une âme avec tant de pouvoir); 2. a) 1644 pronom. se ressaisir de « prendre de nouveau » (Id., Pompée, 1492); b) 1813 se ressaisir de soi-même (Constant, Journaux, p. 382); c) 1857 se ressaisir (Flaub., MmeBovary, t. 2, p. 168). Dér. de saisir*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 910. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 755, b) 967; xxes.: a) 1 256, b) 1 946. DÉR. Ressaisissement, subst. masc.,littér. Action de ressaisir ou de se ressaisir; résultat de cette action. Jamais il n'avait rencontré ainsi chez une femme à la fois cette faculté de défaillir, de tomber dans la volupté comme une pierre dans un puits, tout droit, et en même temps ce ressaisissement immédiat de soi-même, cette légèreté, ce retour à comme si de rien n'était (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 379).Très rares sont encore ceux d'aujourd'hui qui reconnaissent dans ce ressaisissement prétendu et pseudo-redressement de la France, dans ce retour au passé, dans ce « repliement sur ses minima » comme disait Barrès, l'effet le plus tragique de notre défaite, le vrai désastre (Gide,Journal, 1942, p. 126).− [ʀ
əsεzismɑ
̃], [-se-]. − 1resattest. a) 1510 dr. « action de retenir par voie de saisie » (Rec. gén. des anc. lois fr., t. 11, p. 597), attest. isolée, b) 1910 (Péguy, V.-M., comte Hugo, p. 750: une œuvre de ressaisissement du génie sur le talent); de ressaisir, suff. -ment1*. − Fréq. abs. littér.: 11. |