| RESPIRATION, subst. fém. A. − Action de respirer, manière de respirer. Faire des exercices de respiration. Elle sentait contre sa joue le souffle d'une respiration haletante (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 157).Chez un enfant qui dort, le ventre se soulève à chaque respiration (Arts et litt., 1935, p. 36-7): La respiration avait des ratés, des arrêts qui semblaient ne plus devoir finir, et pendant lesquels Jacques, la vie suspendue, se tournait vers son frère sans pouvoir lui-même reprendre souffle.
Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1275. − Au plur. C'est d'ailleurs par de grandes respirations que souvent on calme les palpitations (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 196).Deux oreillers relevaient sa tête; ses respirations étaient courtes, petites doses d'air, minces et sans volume (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 493). − P. méton. Même si la maison n'avait point cette respiration des maisons habitées, où l'on sent les haleines des gens endormis (Zola, Cap. Burle, 1883, p. 134). − Loc. verb. En avoir la respiration coupée; en perdre la respiration. En avoir le souffle coupé; en perdre le souffle. Une façon (...) de gagner du terrain en étirant les bras et les jambes, une fringale telle qu'il en perd la respiration et s'ébroue (Montherl., Olymp., 1924, p. 275).Quelques secondes, sans savoir si l'on va glisser en arrière et s'engloutir (...). J'en avais la respiration coupée (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 100): − P. métaph. (Aller) prendre sa respiration auprès de. (Aller) s'aérer, se changer les idées auprès de. Cette bergerie de Latche, dans les Landes, où François Mitterand s'en va périodiquement prendre sa « respiration » auprès de son couple d'ânes (Le Nouvel Observateur, 19 déc. 1977, p. 70, col. 3). SYNT. Forte respiration; respiration courte, gênée, irrégulière, normale, oppressée, paisible, pénible, précipitée, profonde, rapide, régulière, ronflante; arrêt de la respiration; respiration anormale, brutale, défectueuse, difficile, entrecoupée, essoufflée, rauque, sibilante, striduleuse; faciliter, rythmer la respiration; contrôler, reprendre, retenir sa respiration; respiration d'un air vicié, d'un gaz toxique, de fumées nocives. B. − Spécialement 1. MUSIQUE a) Domaine du chant.Pause où doit respirer le chanteur, ce qui lui permet de prendre certaines notes, certains ports de voix afin de respecter un certain phrasé; endroit marqué par cette respiration; p. méton, cette marque (virgule au-dessus de la portée). (Ne pas abuser des) respirations (trop) fréquentes (et) superflues. Que le compositeur chante lui-même chacune des parties, et place le texte le plus naturellement possible; il doit aussi penser (parfois même les indiquer) aux respirations indispensables (Potiron, Mus. église, 1945, p. 47). b) P. anal., domaine instrumental. Endroit où l'exécutant doit marquer dans la mélodie une pause, la pause elle-même; p. méton., la notation (le plus souvent un tiret ou une virgule). L'archet du violoncelle ne pouvant s'étendre aussi longuement que celui du violon, les phrases mélodiques devront être plus courtes et donner à l'archet des respirations plus nombreuses (E. Guiraud, Busser, Instrument., 1933, p. 27). 2. PHYSIOL. ,,Ensemble des fonctions par lesquelles sont assurés les échanges gazeux de l'organisme (absorption d'oxygène et élimination de gaz carbonique). Ce sont: 1) la respiration externe, accomplie par le poumon, par laquelle le sang veineux se transforme en sang artériel oxygéné; 2) la respiration interne, soit les échanges gazeux entre le sang et les tissus; 3) la respiration cellulaire (au niveau des tissus) qui comprend tous les processus métaboliques par lesquels la cellule s'enrichit en oxygène (...) et se débarrasse du gaz carbonique et des déchets`` (Man.-Man. Méd. 1980). Un homme peut faire la grève de la faim, non de la respiration (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 108).Il est facile [dans un sous-marin atomique] de renouveler par des moyens chimiques l'air nécessaire à la respiration de l'équipage (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 180). ♦ Respiration artificielle. Ensemble des moyens pratiqués pour rétablir les fonctions respiratoires notamment chez les asphyxiés, les noyés, les électrocutés. Synon. ventilation artificielle.Appareil à respiration artificielle du Prof. Léon Binet et du Dr Jean Gosset, se montant sur les tables d'opération (Catal. instrum. chir. (Collin), 1935, p. 100). ♦ Respiration assistée. Ensemble des moyens destinés à suppléer à l'absence de respiration par un appareillage approprié chez les malades dans l'impossibilité de respirer par eux-mêmes (d'apr. Monc. 1971). − PHYSIOL. VÉGÉT. ,,Ensemble des phénomènes d'échanges gazeux entre un végétal et l'atmosphère`` (Bén.-Vaesk. Jard. 1981). Respiration diurne, nocturne. SYNT. a) Mécanisme, phénomène, rythme, organes, hygiène, physiologie, phases de la respiration; effort, réflexe, travail de la respiration; anomalies, gênes, mesure de la respiration; méthodes de respiration, bloquer la respiration. b) Respiration externe ou pulmonaire (mammifères, oiseaux, reptiles); respiration branchiale, cutanée, intestinale par la vessie natatoire, par le labyrinthe (poissons), trachéale (insectes, arachnéides). Rem. Man.-Man. Méd. 1980 ,,En langage courant, la respiration désigne uniquement la fonction des poumons``. C. − Au fig. ou p. métaph. 1. [Avec évocation sonore du souffle de la respiration] a) [À propos d'éléments naturels] Respiration de la mer, de l'espace, de la nuit. On entendait maintenant de façon distincte la sourde respiration des vagues contre la falaise (Camus, Peste, 1947, p. 1425). b) [À propos de machines] Respiration légère et facile des locomotives. Tous les bruits connus de la fabrique, la respiration haletante et sourde des machines étaient en pleine activité (A. Daudet, Fromont jeune, 1874, p. 334). 2. [Avec assimilation du rythme de la respiration à la vie elle-même] a) [Dans le domaine des rapports et des syst. soc.] Rendre la respiration à la liberté de la presse, aux lettres. L'homme ne peut se passer de cette respiration psychique qu'apporte l'art (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 384).La liberté est ainsi à la fois la respiration de la conscience et l'oxygène vital qui aère et ventile cette conscience (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 218). b) Domaine des lettres.Renan, son style à respiration lente et calme (Renard, Journal, 1906, p. 1082).En écoutant les confidences de son Journal intime [d'Eugénie de Guérin], on l'entend respirer et (...) c'est une respiration sublime (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 207). c) Domaine de la mus.Il naît de l'archet une prononciation, si l'on peut dire, une articulation et un accent, que la voix humaine ne suggère point; et il y a une respiration du violon (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 118).Il reste du jazz quelque chose de spasmodique, mais une respiration immense, dramatique, s'y est ajoutée (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 94). Prononc. et Orth.: [ʀ
εspiʀasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1370 « action de respirer » (Guy de Chauliac, Chirurgie, ms. Montpellier d'apr. G. Sigurs, p. 72, v. aussi p. 521); b) fin xves. fig. « fait de revenir à la vie, de reprendre courage » (Ancienn. des Juifs, Ars. 5082, f o45d ds Gdf.); c) 1834 en partic. respiration artificielle (T. de Berneaud, in F.-E. Guérin, Dict. pittoresque d'hist. nat., I, p. 310b ds Quem. DDL t. 8); 2. 1783 respiration (à propos des plantes) (Bulliard Bot.); 3. 1845 mus. (Besch.). Empr. au lat.respiratio « action de respirer », « pause pour reprendre haleine » et « exhalation, évaporation ». Fréq. abs. littér.: 1 421. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 392, b) 1 786; xxes.: a) 1 448, b) 2 173. Bbg. Quem. DDL t. 8 (s.v. respiration artificielle), 21 (s.v. respiration syncopale). |