| RESPECTER, verbe trans. A. − [Corresp. à respect B] 1. Considérer quelqu'un avec respect, porter une profonde estime à quelqu'un, le traiter avec égards en raison de son âge, sa position sociale, sa valeur morale ou intellectuelle. Synon. honorer, révérer.Respecter ses parents, ses professeurs. Il l'appelait: « Bon ami » et le respectait infiniment, n'ayant jamais reçu de lui que des enseignements sages et des exemples de droiture, d'honneur et de probité (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Attente, 1883, p. 408).Un mariage, c'était un accord que les parents réglaient: il était du devoir des filles de se tenir prêtes à respecter et aimer leur époux tel qu'on le leur donnait un beau jour (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 57). − [Avec un compl. plur. ou sing. coll. désignant un groupe humain] Avoir pour principe de considérer, d'estimer les personnes appartenant à ce groupe. Respecter les hommes, la personne humaine, les faibles. Un peuple qui, à notre époque, après le vertige dont l'Europe a été saisie récemment, a le courage de n'avoir qu'une armée absolument inutile, est un peuple sage, sérieux, et qu'il faut respecter (Du Camp, Hollande, 1859, p. 115).Il me répéta que notre société ne respecte que les femmes mariées (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 324). − En partic. S'abstenir de privautés, de relations charnelles avec une femme. Il écrivait à Harriet de longues lettres où il lui jurait en même temps de la respecter et de l'adorer éternellement (Maurois, Ariel, 1923, p. 99).Il lui paie des leçons de chorégraphie, des robes, des bijoux. Mais il la respecte (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 77). − Se faire respecter.Imposer une attitude de respect à autrui par son autorité. M. Lebrun faisait du zèle. Dans les études des petits, il avait attendu qu'on le provoquât; ici, il pensait se faire respecter en prenant l'offensive (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 65).Si tu as des brebis, ne fais pas le fou, mange ton sel doucement. Maintenant, tu es de cette maison. Obéis bien aux femmes et fais-toi respecter (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 38). 2. P. ext. Avoir de la considération pour une valeur intellectuelle, un idéal. Respecter le passé, la science, l'art, l'amour. On respecte la religion, mais on se tient en garde contre ses envahissements; on lui fait sa part, à elle qui n'est quelque chose qu'à condition d'être tout (Renan, Avenir sc., 1890, p. 472).Il était le fils de grands commerçants nantais qui élevaient admirablement leurs enfants, mais qui avaient fini par ne plus respecter que l'esprit (Nizan, Conspir., 1938, p. 75). − Empl. abs. Je respecte très bien, quand il faut; quand je veux, quand je sais qu'il faut, quand je suis averti, quand je me méfie (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 679). 3. Ne respecter rien. Avoir un comportement anticonformiste, iconoclaste ou destructeur. Mais vous devenez fou, monsieur! Il est riche, il gagne ce qu'il veut dans la commission, et il a promis de doter Berthe... Vous ne respectez donc rien? (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 31): 1. Le 25 et le 26 commencèrent d'affluer à Paris ceux qui fuyaient les villages incendiés. Un vieillard arrivait presque fou (...) qui répandait autour de lui l'épouvante. « Nous ne sommes pas de force! répétait-il. Nous ne sommes pas de force! Ces gens-là ne respectent rien ».
Gide, Journal, 1914, p. 477. B. − 1. [Corresp. à respect D] Ne pas porter atteinte à une chose établie, un droit, une loi, ne pas déroger à une règle, à ce qu'il convient de faire. Respecter les prérogatives, les (dernières) volontés de qqn; respecter les libertés, les droits des peuples; respecter un code, une norme, un règlement; respecter les apparences, les convenances, les délais; respecter les consignes de sécurité; ne pas respecter un stop. Cependant il importe que mes décisions soient respectées dans ma famille, et que la folie d'un vieillard et le caprice d'une enfant ne renversent pas un projet arrêté dans mon esprit depuis de longues années (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 23).La concurrence est un combat, mais qui respecte les règles du jeu social, c'est-à-dire qui se déroule dans des conditions telles que la collectivité doit être servie, en fin de compte (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 402). − Tenir compte, suivre scrupuleusement un plan, un ordre. Respecter la mesure d'une partition, la rime, la chronologie; respecter les proportions d'une recette. Il faut donc respecter ces divisions [dans le chant grégorien] autant que possible, par la composition de trois périodes musicales, subdivisées par deux (Potiron, Mus. église, 1945, p. 115).Les méthodes d'élevage sont imposées, des schémas d'alimentation précis doivent être respectés (Wolkowitsch, Élév., 1966, p. 157). 2. [Avec un compl. d'obj. concr.] Ne pas détruire ou modifier quelque chose. Synon. épargner, ménager1.Le port a été partiellement respecté par la guerre, et sa puissance de manutention et de stockage était établie dès la fin de 1947 (Nav. intér. Fr., 1952, p. 63). 3. En partic. Ne pas troubler, ne pas déranger, avoir des égards pour quelque chose. Respecter le chagrin, la discrétion, la douleur, l'intimité, la vie privée, la rêverie, les fantaisies, les secrets de qqn. Quand les pauvres diables se furent retirés, Vallombreuse se jeta sur une pile de carreaux, et garda un silence que Vidalinc respecta (Gautier, Fracasse, 1863, p. 218).L'ingénieur fit un léger signe affirmatif, et parut s'endormir. On respecta ce sommeil, et le reporter prit immédiatement ses dispositions pour que l'ingénieur fût transporté dans les meilleures conditions (Verne, Île myst., 1874, p. 67). C. − Empl. pronom. 1. réciproque. Avoir une considération mutuelle. L'élément ludique est d'autant plus apparent que les deux champions se respectent et s'estiment. Le combat d'Olivier et de Roland, tel que le décrit Victor Hugo, est à la fois un jeu et une ordalie (Jeux et sports, 1967, p. 774). 2. réfl. Avoir un comportement conforme à sa dignité, à l'estime qu'on a de soi: 2. Mais, tête à tête avec moi, elle fait si bon marché de sa dignité que j'en souffre pour elle, et que chaque fois qu'elle s'abaisse devant moi pour me plaire, je voudrais me jeter à ses genoux et la supplier de se respecter davantage, de se respecter comme je la respecte moi-même.
Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 147. − Fam. Subst. + qui se respecte. [Le suj. désigne une pers.]Personne dont le comportement est conforme à ce qu'on attend de sa fonction, de sa compétence, de sa position morale ou sociale et/ou à l'idée qu'elle s'en fait. Elle entrevoyait bien qu'il n'eût pas été décidément impossible de l'amener à une façon raisonnable, et philosophique, et politique, de voir les choses, mais c'est toujours une discussion terrible, pour une femme qui se respecte (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 306).On était chez soi, et les mots exquis, délicieux, adorable, que tout Français qui se respecte doit prononcer vingt fois par jour, crépitaient comme les étincelles de l'enfer (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 46). ♦ P. anal. [Le suj. désigne une chose] Un journal, grand ou petit, qui se respecte, défend sans doute des opinions qui ne sont pas toujours celles de ses lecteurs (...) mais il ne se livre jamais aux chantages surprenants que M. Mouthon prêtait à ses anciens patrons (Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 146). REM. Respecté, -ée, part. passé en empl. adj.
α) [En parlant d'une pers.] Qui est digne de respect, d'estime, de considération, que l'on respecte. Ce costume, devenu avec le temps le signe d'un ordre à part, était celui que portaient autrefois toutes les femmes respectées (Renan, Drames philos., Abbesse Jouarre, 1886, II, 1, p. 632).Il épouse Marthe, fille de Charles Le Pesant, conseiller du roi et maître ordinaire de ses comptes en Normandie. C'est un homme respecté, riche, il possède plusieurs maisons (Brasillach, Corneille, 1938, p. 19).[Dans une formule de politesse] Monsieur et respecté confrère, on me remet la carte que vous m'avez fait l'honneur de déposer chez moi (Barrès, Cahiers, t. 4, 1905, p. 80).
β) [En parlant d'une chose abstr. ou concr.] Qui mérite le respect, à qui l'on doit le respect, qui est digne d'intérêt. La conception astronomique de Copernic, de Képler, de Galilée a dû, pour s'imposer, triompher d'une résistance opiniâtre: des théories anciennes et respectées, des croyances religieuses, des habitudes d'esprit et des sentiments invétérés se trouvaient coalisés contre cet ennemi commun (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 205). Prononc. et Orth.: [ʀ
εspεkte], [-spe-], (il) respecte [-spεkt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1554 « considérer comme une chose dont on doit tenir compte » (Papiers d'Etat du card. Granvelle, éd. Ch. Weiss, t. 4, p. 327: respectant l'estat de ce royaulme); 2. 1566 « porter respect, honorer » (Rivaudeau, Complaintes, 3 ds Hug.: Il me chaut point... qu'on m'honore et respecte); 3. 1573 « ne pas porter atteinte, préserver » (Baif, Poèmes, l. V, II, 244, ibid.: puis que si fort respectes Nostre amitié); 4. ca 1590 « suivre scrupuleusement ce qui est indiqué, conseillé » (Montaigne, Essais, I, 39, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 242: Qu'il se régente, respectant et craignant sa raison et sa conscience). Empr. au lat.respectare, propr. « regarder en arrière », de là « avoir en vue; prendre en considération, se préoccuper de ». Cf. la forme pop. a. fr. respitier (ca 1135 « épargner » Couronnement de Louis, éd. Y.-G. Lepage, réd. AB, 1310), respoitier (1160-74 « ajourner » Wace, Rou, éd. A.-J. Holden, II, 1839). Fréq. abs. littér.: 3 792. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 747, b) 5 246; xxes.: a) 4 769, b) 4 687. |