| REQUÉRIR, verbe trans. I. − Vx. Requérir qqn.Synon. de chercher, quérir.La malheureuse femme surprise envoie requérir son mari à la Chambre (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 520). II. A. − [Le suj. désigne une pers.] 1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] a) Requérir qqn (de qqc.) − Vieilli, littér. Solliciter quelqu'un, prier quelqu'un (de quelque chose); demander respectueusement (quelque chose) à quelqu'un. Je suis bien content de te connaître, et si tu as jamais besoin de moi, tu peux me requérir (Sand, Maîtres sonneurs, 1853, p. 80).Marquis, je viens vous requérir d'un service qu'un gentilhomme ne refuse point à un autre (Gautier, Fracasse, 1863, p. 221). − Requérir qqn de + inf.Demander solennellement quelque chose à quelqu'un; prier fermement quelqu'un de (faire) quelque chose en vertu d'un droit. Berthramn, l'évêque de Bordeaux (...) exposa les faits de la cause, et interpellant Grégoire, il le requit de déclarer s'il était vrai qu'il eût proféré de telles imputations contre lui et contre la reine (Thierry, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 278). b) DR. Réclamer par voie de réquisition au nom de la loi, de l'autorité publique. Veuillez excuser la rigueur de notre ministère, monsieur le baron! dit le commissaire, nous sommes requis par un plaignant (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 263).[Les généraux] avaient requis les milices de la province de prendre les armes (Mérimée, Cosaques d'autrefois, 1865, p. 29). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] a) Demander, réclamer quelque chose dont on a besoin. Il requérait donc l'aide et la bienveillance des bonnes villes pour accomplir cette entreprise et affermir la paix du royaume, qui est son seul désir (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 395). − HIST. Requérir un bénéfice. ,,S'est dit De celui qui se présentait au collateur pour être pourvu d'un bénéfice vacant, sur lequel il avait droit en vertu de ses grades, ou d'un indult, ou du serment de fidélité`` (Ac. 1835, 1878). b) Demander (instamment) quelque chose de concret ou d'abstrait. La belle danseuse Bastienne, nymphe superbe et paisible, requérait aussi de son couturier une triple mousseline sur sa gorge pour une robe de dîner (Colette, Entrave, 1913, p. 11).La première condition que Pierre Corneille requiert pour la tragédie, contrairement à l'opinion des commentateurs d'Aristote, c'est en effet l'invraisemblance (Brasillach, Corneille, 1938, p. 370). c) Réclamer, exiger quelque chose. − DR. [Le compl. d'obj. dir. est une complét. ou un subst.] En vertu d'un titre, d'un droit. Les arbres qui se trouvent dans la haie mitoyenne, sont mitoyens comme la haie; et chacun des deux propriétaires a droit de requérir qu'ils soient abattus (Code civil, 1804, art. 673, p. 123).Nous avons le droit, comme héritiers, de requérir l'apposition des scellés, les scellés seront mis, et je veux veiller à ce que cet acte conservatoire soit exercé avec la dernière rigueur, et il le sera (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 305). − En vertu d'un ordre de réquisition de l'autorité (civile ou militaire). Requérir la force armée, la force publique. Les chevaux de selle seront requis pour compléter les corps de cavalerie (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 169).Plus d'écoles. Les Allemands les avaient requises pour en faire des hôpitaux (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 324). − (Réclamer) en justice. En 1813, il jugea nécessaire de constater son âge et de se donner un état-civil, en requérant au tribunal des Andelys un jugement qui fît passer son acte de baptême des registres du presbytère sur ceux de la mairie (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 57). 3. DR. [Le suj. désigne le ministère public] Demander quelque chose oralement ou par écrit. Requérir l'application de la loi. Vous m'entendez! dit Villefort; je vais là-bas requérir la peine de mort contre un assassin... Si je vous retrouve vivante, vous coucherez ce soir à la Conciergerie (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 661).Le greffier du juge de paix, faisant l'office de ministère public, requit toute la sévérité du tribunal, je veux dire du juge, contre l'accusé (About, Grèce, 1854, p. 237).Requérir (contre qqn).Prononcer le réquisitoire à l'audience. La voix basse de Letnitsky accompagnait le discours de l'avocat général, en train de requérir contre Sitnikoff (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 100). B. − [Le suj. désigne une chose] 1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Solliciter, avoir besoin de quelqu'un. Il m'eût été doux de la dérober [la bague], car j'ai facilement des instincts de voleur dans les musées; et les objets qui ont un passé historique (...) m'ont toujours singulièrement requis (Lorrain, Phocas, 1901, p. 141).Au passif. Sorti; aurais dû marcher; suis de nouveau requis par le jardin où je m'occupe à transplanter les boutures de rosiers de l'hiver (Gide, Journal, 1906, p. 219). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Nécessiter, réclamer en vertu d'une nécessité pratique ou logique. Cette « culture des tissus », réalisée par Harrison (1907), par Burrows et Carrel (1910), ne laisse pas d'être extrêmement délicate (...). Elle requiert une rigoureuse asepsie, une température favorable (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 58).Je suis à la disposition de la ville dans ces circonstances sérieuses (...). La situation requiert courage, sang-froid, pondération... et expérience. Et audace! lança-t-il après un temps (Gracq, Syrtes, 1951, p. 309). REM. Requéreur, subst. masc.,rare. Celui qui requiert. Synon. demandeur, requérant.Quand le ci-devant requéreur de la force publique vociférait dans sa maison tel ou tel axiome indiscutable (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 245). Prononc. et Orth.: [ʀ
əkeʀi:ʀ], (il) requiert [ʀ
əkjε:ʀ]. Barbeau-Rodhe 1930 [ʒ
ə
ʀ
əkjε:ʀ], [ʒ
ə
ʀkjε:ʀ] je requiers. Ac. 1694, 1718: requerir, dep. 1740: -qué-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 requis part. passé adj. « recherché, désiré » tornei [...] trop requis « tournoi trop acharné − car voulu des deux côtés − » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 19279); cf. mil. xiiies. [ms.] hom mut requiz « homme très recherché, c'est-à-dire capable » (Thomas de Kent, Alexandre, éd. B. Foster, 7838, var. ms. C); d'où 1532 en parlant d'une chose « recherché, demandé » grace requise (Cl. Marot, Chanson, XII, 15 ds
Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 184); 1534 « nécessaire pour, convenable » munitions requises (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, XXVI, lignes 16-17, p. 176); 2. 1269-78 « prier quelqu'un, adresser une prière » ici requerant part. prés. subst. « solliciteur, soupirant » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 9901); déb. xives. trans. (Vie de Ste Dieudonnee, éd. H. Dirickx-Van der Straeten, 24); en partic. 3. a) 1342 dr. requerant part. prés. subst. « celui qui requiert en justice » (Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. IV, p. 467); 1538 requerir en jugement « porter plainte contre » (Est.); b) 1690 « (d'un magistrat) présenter son réquisitoire » (Fur.); 4. 1538 « (avec un nom de chose comme sujet) impliquer le recours à » la necessité le requiert (Est.); 5. a) 1538 « réclamer une mesure en vertu d'un droit, d'une loi » (ibid.); en partic. 1789 « faire la réquisition de personnes en vertu d'un autorité conférée par la loi » (Le Moniteur, t. 2, p. 335: les officiers municipaux ayant le droit de requérir les milices nationales); en partic. 1946 requis part. passé subst. « civil mobilisé pour un travail » (Ambrière, Gdes vac., p. 372: le couple franco-belge de requis civils); b) 1538 « sommer quelqu'un d'exécuter un acte en vertu d'une autorité, d'un droit » (Est.); 6. 1588 requérir qqn d'une chose « la lui demander en termes respectueux » (Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, II, XIII, p. 521). Réfection d'apr. quérir* de l'a. fr. requerre « prier quelqu'un, adresser une demande à », fin xes. (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 404), encore utilisé p. arch. en 1729 [éd.] (La Fontaine, Ballade sur le refus que firent les Augustins..., 6 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 9, p. 5), issu d'un lat. pop. *requaerere altér. d'apr. quaerere du class. requirere « chercher, réclamer ». Fréq. abs. littér.: 323. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 483, b) 230; xxes.: a) 353, b) 625. DÉR. Requérable, adj.,dr., vieilli. Qui doit être requis par le créancier qui doit l'aller chercher lui-même, p. oppos. à portable (qui doit lui être porté dans un certain lieu sans demande de sa part). Dans la plupart des coutumes, le cens était requérable. Rente, redevance requérable (Ac.1835-1935).− [ʀ
əkeʀabl]. Martinet-Walter 1973: [-ke-], [-kε-]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1reattest. 1275 « qui doit être réclamé par le créancier » seix deniers ... requerables (Hôtel-Dieu d'Angers, Van Munet, n o1, pièce 9, A. Marne-et-Loire ds Gdf. Compl.); de requérir, suff. -able*. BBG. − Landin (E.). Ét. sur les constr. de certains verbes exprimant la prière... Thèse, Uppsala, 1938, pp. 77-93. − Ludi (G.). Die Alternanz zwischen Dativ und Akkusativ bei prier, supplier, requerir au 15. und 16. Jahrhundert. Vox rom. 1978, t. 37, pp. 160-192. − Raymondis (L. M.), Le Guern (M.). Le Lang. de la justice pénale. Paris, 1976, p. 100, 107. − Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t. 32, p. 151. |