| REPROCHE, subst. masc. A. − 1. Parole, écrit ou mimique par lesquels on signifie à quelqu'un sa désapprobation ou son mécontentement à l'encontre de ce qu'il a fait ou dit. Synon. admonestation, remontrance.La réserve digne où elle s'enveloppait (...) dissimulait mal, pourtant, les reproches muets de son regard (Vogüé, Morts, 1899, p. 403).Les clercs de sa chapelle se plaignirent seulement de sa dévotion excessive, de ses interminables stations à l'église après lesquelles ils trouvaient le repas froid, ou trop cuit. Dans la bouche des chapelains du duc le reproche était évidemment fort grave (Grousset, Croisades, 1939, p. 47). − En partic. a) [Constr. avec différents compl. prép.] ♦ Reproche de qqn (désignant celui qui reproche).Tout reproche de ma mère, le moindre de ses froncements de sourcils, mettait en jeu ma sécurité: privée de son approbation, je ne me sentais plus le droit d'exister (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 42).Au fig. Un regret sourd qui serait assez voisin d'un reproche de conscience, j'allais dire d'un remords (Amiel, Journal, 1866, p. 413). ♦ Reproche de qqc., de + inf. (désignant ce que l'on reproche).Nul ne vouloit laisser ternir sa gloire par le reproche honteux d'avoir fui ou quitté la croix (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 78).Pour les deux sous de satisfaction vaniteuse que lui procurera cette élection, quels reproches de manque de caractère ça lui vaudra-t-il un jour et quelle diminution de l'homme lui amènera ce petit grandissement! (Goncourt, Journal, 1896, p. 960).Rare. Reproche que + prop.Monsieur, lui dit Julien, croyez-vous qu'avec tout autre précepteur, vos enfants eussent fait les mêmes progrès qu'avec moi? (...) comment osez-vous m'adresser le reproche que je les néglige? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 60). ♦ Reproche sur qqc., (plus rarement) au sujet de, à propos de qqc. (désignant ce qui motive le reproche).Toutes ses cajoleries, dont je n'étais pas tout-à-fait dupe, ne m'empêchèrent pas de lui adresser quelques reproches sur sa conduite (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 95).Non! non! je n'accepte aucun reproche au sujet de cette situation que je viens de perdre (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 31). ♦ Rare. Reproche contre qqn.Un reproche subsiste contre lui: c'est l'opiniâtreté avec laquelle il poursuit de ses invectives la cour romaine et les souverains pontifes (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 277). b) [Combiné avec faire] Faire reproche à qqn de qqc., de + inf., de ce que + prop.; faire un, des reproches à qqn (de qqc., sur qqc., de ce que + prop.).Il s'oublia jusqu'à lui faire des reproches de ce qu'elle laissait son père seul beaucoup trop longtemps (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 262).Elle demanda: « Est-ce une scène? Avez-vous l'intention de me faire des reproches? (...) » (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bord du lit, 1883, p. 895).Au fig. Ma conscience ne me fait aucun reproche, protesta le curé de Mégère, avec un pauvre sourire. Vous ne pouvez d'ailleurs comprendre ce que je sens (Bernanos, Crime, 1935, p. 792). ♦ Se faire un, des reproches (de qqc., sur qqc., de ce que + prop.).Se faire de grands reproches. Où est-il l'homme qui n'ait aucun reproche à se faire? Où est-il l'homme qui puisse regarder en arrière de sa vie sans éprouver un seul remords ou sans connaître aucun regret? (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 296).Il se faisait un reproche de sacrifier à de vaines considérations du monde quelques heures d'un plaisir qu'il supposait devoir être très-piquant (Soulié, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 319). c) Loc. adv. [Empl. dans le dialogue, pour demander à l'interlocuteur de ne pas interpréter ou prendre comme un reproche ce qui est dit] Sans reproche; soit dit sans reproche. Je suis venu cinq fois à Besançon, sans reproche, pour te voir. Toujours visage de bois. J'ai aposté quelqu'un à la porte du séminaire; pourquoi diable est-ce que tu ne sors jamais? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 178).Sans reproche, vous autres, vous ne m'avez jamais donné que du tourment (Bernanos, Mouchette, 1937, p. 1314). SYNT. Adresser un reproche à qqn; accabler qqn de reproches; s'exposer à un reproche; encourir un reproche; subir des reproches; être blessé par un reproche; parole, regard plein(e), chargé(e) de reproche(s); s'adresser à qqn, regarder qqn avec reproche; reproche amical, amer, dur, fondé, juste, mérité, sec, sévère, violent. d) Loc. adj. Accent, paroles, regard, ton de reproche. [Pour exprimer une attitude, un geste, un acte qui est une manifestation de reproche] Elle ne put s'empêcher de murmurer: « Quel caractère! » sur un ton de déception et de reproche qu'elle-même en fut tout émue (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 260). 2. Critique portant sur tel aspect d'une œuvre d'art ou de l'esprit, d'une situation. Ils ont prétendu que la doctrine du philosophe allemand [Kant] n'étoit qu'un ancien système dans un langage nouveau. Ce reproche n'est pas fondé (Staël, Allemagne, t. 4, 1810, p. 145): 1. Musicien accompli, savant plus qu'aucun autre, il [Saint-Saëns] a été (...) capable d'écrire (...) n'importe quel genre de musique. On en a conclu qu'il manquait de personnalité, comme on a dit aussi qu'il était sec et dur. La réponse à ces reproches est dans son œuvre, dans quelques scènes de Samson, dans le rôle de Catherine d'Henry VIII.
Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 154. − En partic. a) Reproche de qqc. (désignant ce que l'on critique).Pour répondre au reproche de la non-conservation des bois exposés aux intempéries, on a préconisé de développer l'emploi de bois « préservés » par divers procédés (Industr. fr. bois, 1955, p. 7). b) [Combiné avec faire] Je ne fais qu'un reproche à la prostitution, c'est que c'est un mythe (Flaub., Corresp., 1853, p. 217).Personne n'attribue plus à la société une origine accidentelle ou contractuelle. S'il y avait un reproche à faire à la sociologie, ce serait plutôt d'appuyer trop dans l'autre sens (Bergson, Deux sources, 1932, p. 108). B. − P. méton. 1. Objet, personne qui apparaît comme le signe d'une faute. Être un reproche vivant. Étais-je donc l'enfant du devoir, celui dont la naissance est fortuite, ou celui dont la vie est un reproche? (Balzac, Lys, 1836, p. 5): 2. ... quand elles apercevaient venir de loin les acquéreurs des biens de leur famille (...) elles rentraient (...). C'était moins pour s'épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus.
Renan, Souv. enf., 1883, p. 23. 2. Loc. adj. Sans reproche(s). Qui ne mérite aucun reproche. Synon. irréprochable, parfait.Des hommes graves (...) dont la vieillesse respectable couronne une vie sans reproche (Marat, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p. 13).Longue lettre d'un éditeur me démontrant qu'il n'a rien à se reprocher. Je le savais. Tous les éditeurs sont sans reproches. C'est un privilège qu'ils ont en commun avec les femmes et les domestiques (Bloy, Journal, 1898, p. 273). ♦ Loc. adj. Sans peur* ni reproche. C. − DR. (avant 1958). Reproche de témoin. ,,Moyen invoqué par une partie pour faire écarter du débat la déposition d'un témoin, en invoquant une cause déterminée par la loi`` (Cap. 1936). Synon. récusation.V. reprochable dér. 1 s.v. reprocher ex. de Roland-Boyer 1983. Prononc. et Orth.: [ʀ
əpʀ
ɔ
ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1100 reproce « honte, opprobre » (Roland, éd. J. Bédier, 2263); 2. ca 1165 « action de reprocher quelque chose à quelqu'un » (Benoît de Ste-Maure, Roman de Troie, 3657 ds T.-L.); 3. a) 1339 reproce « contestation (d'un compte) » (Tabul. S. Joan Laudun. ds Du Cange, s.v. reprochare); b) 1402, juin « récusation en justice » (Compte de l'hôpital St-Jacques, Arch. Tournai ds Gdf.); 1549 reproches « raisons qu'on produit pour récuser les témoins » (Est.); 4. fin xves. le chevalier sans reproche (Olivier de La Marche, éd. H. Beaune et J. D'Arbaumont, I, 90). Déverbal de reprocher*. Fréq. abs. littér.: 3 385. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 676, b) 3 921; xxes.: a) 4 707, b) 4 615. |