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RENVOYER, verbe
I. − Empl. trans.
A. − Qqn renvoie qqn
1.
a) Faire retourner au point de départ. Un article du traité disait que les soldats campés à Paris seraient désarmés et renvoyés chez eux (Zola, Débâcle, 1892, p. 580).Il a déjà subi trois condamnations pour vol; il n'avait que quatorze ans la première fois; il est rendu à ses parents; il recommence; de nouveau on le renvoie à sa famille (Gide, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 659).
Arg., vx. Renvoyer qqn chez son grand-père. Congédier brusquement. (Ds Hautel 1808).
b) Envoyer de nouveau. La consigne pour ces gardiens était de faire durement le service pour n'être pas renvoyés au front (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 239).
2.
a) Faire repartir une personne dont la présence n'est plus nécessaire ou n'est plus désirée. Synon. congédier.Nous causions (...) avec Duteil et Planet, qui aimaient à babiller et qu'il nous fallait renvoyer pour les empêcher de me prendre ma veillée (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 386).
Renvoyer qqn à + poss. + subst.Emma, lui prouvant d'un mot qu'il se trompait, le renvoyait à ses malades (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 48).Toute tremblante, il la fit comparaître, la tança vertement, et la renvoya à ses dossiers (Arland, Ordre, 1929, p. 266).
Vieilli, fam. Renvoyer qqn bien loin. Refuser sèchement. Elle m'a demandé ta place (...) pour (...) le neveu de son cordonnier (...). Comme je te suis attaché, je l'ai renvoyée bien loin (Mérimée, Théâtre Cl. Gazul, 1825, p. 384).
b) Donner son congé à quelqu'un, en faisant cesser une fonction; mettre à la porte. Synon. chasser, destituer, expulser (fam.), vider (fam.), virer (fam).C'était écrit du 1erdécembre 1788: Brienne avait été renvoyé avec une pension de huit cent mille livres; les États généraux étaient convoqués pour le 1ermai 1789 (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 114).Une élève avait été renvoyée du cours pour avoir tenu de « vilaines conversations » (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 85).
En partic.
Synon. de congédier, licencier, mettre à la porte.Renvoyer un domestique. Marie: (...) travailler. Hélas! ne le peut pas qui veut! La vendeuse: Ah! Mademoiselle a malheureusement raison. Nous avons encore renvoyé cinquante ouvrières cette année chez M. Lapérouse! (Anouilh, Sauv., 1938, iii, p. 223).
Synon. de répudier.L'Empire ne parut jamais si grand, l'avenir si sûr qu'en 1810, lorsque Napoléon eut divorcé, renvoyé Joséphine qui ne lui avait pas donné d'enfant (Bainville,Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 128).
3. Qqn renvoie qqn ou [p. méton.] qqc.
a) Adresser à un organisme plus approprié, à une personne plus compétente. Un député à l'Assemblée nationale (...) proposa de décréter l'égalité des poids et mesures pour tout le royaume. La proposition fut accueillie et renvoyée à l'Académie des sciences, pour déterminer les moyens d'exécution (Marat, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p. 295):
1. Il confondit l'avant-scène avec les galeries, le parquet avec les loges, demanda des explications, ne les comprit pas, fut renvoyé du contôleur au directeur... Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 63.
Empl. pronom. réciproque. On fait un véritable travail, pour se mettre hors de l'influence de la personne dont on redoute la puissance. On se la renvoie mutuellement pour lui échapper (Constant, Journaux, 1804, p. 78).
b) DR. [Le compl. d'obj. désigne un prévenu, une affaire, un procès] Adresser à la juridiction compétente. Notre demande était renvoyée au ministère de la justice avec une recommandation spéciale (Clemenceau, Iniquité, 1899, p. 488).
Renvoyer les plaideurs dos à dos. V. dos I B 1 c.
Renvoyer à mieux se pourvoir. ,,Pour un tribunal, se déclarer incompétent et inviter les plaideurs à rechercher la juridiction qualifiée`` (Roland-Boyer 1983).
Renvoyer des fins de la poursuite. ,,Décharger de l'inculpation, déclarer non coupable et en conséquence non sujet à la peine, objet de la poursuite`` (Roland-Boyer 1983). V. poursuite I A 3 ex. de Courteline.
Renvoyer en jugement. ,,Faire passer en jugement devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel`` (Roland-Boyer 1983).
Renvoyer en l'état. ,,Transmettre à la juridiction qualifiée le dossier d'une prétention sans l'examiner davantage`` (Roland-Boyer 1983).
Renvoyer qqn de sa demande. Rejeter la demande de quelqu'un. (Dict. xxes.). L'acquéreur peut exiger que tous les covendeurs ou tous les cohéritiers soient mis en cause, afin de se concilier entre eux pour la reprise de l'héritage entier; et, s'ils ne se concilient pas, il sera renvoyé de la demande (Code civil, 1804, art. 1670, p. 306).
Renvoyer d'accusation. Décharger quelqu'un d'une accusation. (Dict. xxes.).
Renvoyer (un accusé, un prévenu). Faire bénéficier d'un non-lieu. Le président lut, d'une voix émue, le verdict qui renvoyait le prévenu; la salle éclata en applaudissements (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 153).
Loc. fig., vieilli. Renvoyer de Caïphe à Pilate. [S'emploie ,,lorsque les personnes de qui dépend une affaire, une grâce, se renvoient l'une à l'autre celui qui la sollicite`` (Ac.)] .
c) [Dans un écrit, un ouvrage] Inviter à se reporter à. Synon. conférer.Suivent plusieurs considérations qui développent tout au long la différence qui sépare les corps et l'espace, considérations qui remplissent plus de dix paragraphes auxquels je renvoie pour ne pas trop multiplier les citations (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 1, 1829, p. 148).Il y a la même différence entre la prose et l'éloquence qu'entre le raisonnement et le jugement (...). Si le lecteur veut s'éclairer spécialement là-dessus, je le renvoie à Descartes et à Montaigne (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 312).
B. − Qqn renvoie qqc.
1.
a) Faire retourner au point de départ. Un coupé bas, traîné par un cheval bai brun, s'arrêta à la grille. Mmede Saint-Alphonse en descendit. Baccarat courut à sa rencontre et lui dit: − Renvoie donc ta voiture! (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 470).
b) Envoyer de nouveau. Du Camp m'a répondu une lettre bonhomme et affligée. Je lui en ai renvoyé une autre du même tonneau (de vinaigre) (Flaub., Corresp., 1852, p. 455).MelleFavel, suppliée de venir en aide à Vivier, a tout d'abord dit non, puis de nouvelles instances lui ont arraché un oui bien faible, et quelques heures après elle a renvoyé un énorme non bien formel (Berlioz, Grotesques, 1859, p. 161).
2. Faire retourner à son propriétaire ou à l'expéditeur un objet envoyé, égaré, perdu, oublié ou non accepté. L'on m'apprend que mes papiers saisis dans la Tamise m'ont été renvoyés sur-le-champ (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 619):
2. ... M. Herriot, Président de la Chambre (...) ayant renvoyé sa croix de la Légion d'honneur, pour marquer sa réprobation de voir décorer des « volontaires » combattant les Russes, était arrêté peu après... De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 37.
3. Envoyer, lancer en sens contraire. Renvoyer la balle, le ballon, le volant. V. chistéra ex.
Empl. pronom. réciproque indir. Se renvoyer la réplique. C'est une manière de tennis. On se renvoie un cœur de raquette en raquette (Achard, Voulez-vous jouer, 1924, ii, 3, p. 149).
Loc. fig., fam. Renvoyer la balle à qqn. V. balle1I A 1.Renvoyer l'ascenseur. V. ascenseur II.Impossible de ne pas dire du bien de ce guide de 392 pages (...) l'ascenseur doit donc être renvoyé à l'équipe de Pascal Bordes et Michel Burton, qui ont réalisé un travail de haute précision et rédigé un texte très simple (Le Monde loisirs, 4 févr. 1984, p. v).
4. JEUX DE CARTES. Après avoir fait une levée, jouer une couleur déjà jouée. Renvoyer cœur. Tu prendras de ton manillon, et tu renverras petit pique (Courteline, Boubouroche, 1893, i, 1, p. 19).
5. Réfléchir, répercuter. Lumière renvoyée par une glace, par un miroir; son renvoyé par l'écho. La moustache, mordorée aux lumières, encadre joliment le demi-sourire peiné de la bouche; la glace lui renvoie l'éclat du regard, où l'émoi semble avoir enchâssé des gouttes d'eau (Martin du G., Devenir, 1909, p. 153).P. métaph. Danglars observa Fernand, dont la nature impressionnable absorbait et renvoyait chaque émotion (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 49).
6. Remettre à une date ultérieure. Synon. ajourner, différer2, remettre, reporter1, repousser1.Renvoyer à huitaine, au lendemain, sine die. En renvoyant ce qu'on a à faire, on court le danger de ne jamais pouvoir le faire (Baudel., Cœur nu, 1867, p. 669).Après quelques conciliabules, le président a déclaré que l'audience était levée et renvoyée à l'après-midi pour l'audition des témoins (Camus, Étranger, 1942, p. 1186).
Proverbe. Il ne faut pas renvoyer au lendemain* ce qu'on peut faire le jour même.
Expr. Renvoyer aux calendes* (grecques).
Vieilli. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Je lui demandai un rendez-vous, sous prétexte d'obtenir un passeport: il tint conseil et me renvoya au lendemain matin (Marat, Pamphlets, À MePétion, 1792, p. 343).On lui demande jour [au chancelier] pour l'examen [la licence], et l'on va devant un jury qui interroge et avec lequel on discute. Après quoi on est admis ou renvoyé à un an (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 106).
DR. Renvoyer l'affaire. ,,Reporter à une date ultérieure, ajourner l'examen du procès ou sa solution`` (Roland-Boyer 1983).
II. − Empl. intrans., MAR. Renvoyer de bord. Virer de bord vent devant (d'apr. Bonn.-Paris 1859). [Le suj. désigne un navire échoué] Rouler sur sa quille (d'apr. Merrien 1958). ,,Se coucher à l'échouage`` (Merrien 1958). Au lieu d'échouer debout contre ce quai, ce bateau a renvoyé au large (Merrien1958).
REM.
Renvoyeur, -euse, subst.a) Rare. Personne qui renvoie quelque chose à quelqu'un (v. renvoyer I A 3 b). Le nommé Pointel, directeur chrétien d'un journal illustré, le renvoyeur de Sainte-Beuve au Temps (Goncourt, Journal, 1869, p. 484).b) Tennis. Renvoyeur, renvoyeuse (de balle). ,,Personne qui renvoie la balle sans attaquer, sans chercher à faire le point`` (Petiot 1982). La masse des renvoyeurs de balle que nous voyons évoluer sur les courts (Cochet,Le Tennis,1964 ,Petiot 1982).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɑ ̃vwaje], (il) renvoie [-vwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. v. aboyer. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 « faire retourner (quelqu'un) là où il était précédemment » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6250: mort li renveoit Eneas); b) ca 1200 « démobiliser, licencier, congédier » (Jean Bodel, Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, 284: il departi ses oz, s'en ranvoia sa gent); 1480 (Lettre de Marguerite de Bourgogne, 14 sept. ds Mém. de Ph. de Comines, Preuves, éd. Lenglet du Fresnoy, t. 3, 1747, pp. 606-607: avez fait casser et renvoyer par-deça trois ou quatre cens Archers); c) 1569 « faire repartir, éconduire (quelqu'un) » (Ronsard, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 15, p. 171, 85: le debteur r'envoye); d) 1665 dr. « déclarer non coupable, acquitter » (La Fontaine, Imitation des Arrêts d'Amours ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 424: la cour [...] la renvoya); 2. ca 1175 « faire reporter (quelque chose à quelqu'un) » (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 12957: les li renveia arriere); 3. a) 1356 « adresser à une destination plus appropriée » (Lettre, 29 août ds G. Espinas, La Vie urbaine de Douai au Moy. Âge, t. 4, p. 369: que renvoiiet ne devoient estre [les prisonniers] et que à nous en devoit demourer la cognoissance); 1396 (Mandement de Charles VI, 16 déc. ds G. Saige, H. Lacaille, Trésor des Chartes du Comté de Rethel, t. 2, p. 432: renvoyer en nostredit Parlement les causes qui sont pendans par devant vous); 1402 fig. (J. Gerson, Sermons et discours, 370 ds Œuvres compl., éd. P. Glorieux, t. 7, p. 830: je renvoye chascune personne a sa conscience); 1640 renvoyer de Caïphe à Pilate (Oudin Curiositez); b) 1548 « faire se reporter, obliger à se reporter » (Th. Sébillet, Art poét. fr., éd. F. Gaiffe, p. 203); 4. a) 1396 « remettre à une date ultérieure » (Mandement de Charles VI, ibid., p. 433: renvoyez [les causes] [...] à certain et competent jour ordinaire ou extraordinaire de nostre present Parlement); 1588 (Montaigne, Essais, III, 13, éd. Villey-Saulnier, p. 1085); b) 1668 renvoyer aux calendes (La Fontaine, Fables, VI, 10, 15: il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes); 1690 renvoyer aux Calendes Grecques (Fur.); 5. a) 1593 renvoyer l'estœuf [la balle] fig. « riposter » (Charron, Trois veritez, l. III, préf. ds Hug.); 1798 renvoyer la balle (Ac., s.v. balle); b) 1611 fig. se renvoyer le esteuf l'un à l'autre « se décharger d'une responsabilité l'un sur l'autre » (Cotgr.); c) 1893 jeu (Courteline, loc. cit.); d) 1909 fig. renvoyer l'ascenseur (Renard, Journal, p. 1259); 6. 1637 « réfléchir, répercuter (lumière, son, chaleur, etc.) » (Descartes, Dioptrique, Disc. premier ds Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 1, p. 655: les diverses façons dont ces corps la reçoivent [la lumière] et la renvoient contre nos yeux). Dér. de envoyer*; préf. r- (re-*). Fréq. abs. littér: 3 682. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 572, b) 6 206; xxes.: a) 4 656, b) 3 921.