| REJOINDRE, verbe trans. A. − Qqn/qqc. rejoint qqn/qqc.Joindre à nouveau ce qui a été séparé. 1. [Le compl. d'obj. désigne deux ou plusieurs choses séparées] Réunir ce qui a été séparé. Rejoindre les deux lèvres d'une plaie (Ac.). C'est chose étroite qu'un couteau et le fruit qu'il tranche, on n'en rejoindra pas les parts (Claudel,Part. midi, 1906, II, p. 1023).Le premier jour où j'étais allé voir la Berma, l'ayant écoutée de toutes mes oreilles, j'avais eu quelque peine à rejoindre mes idées de « noblesse d'interprétation », d'« originalité » et n'avais éclaté en applaudissements qu'après un moment de vide (Proust,Guermantes 1, 1920, p. 50). − Empl. pronom. réciproque. Les deux parties de l'os se sont rejointes (Ac.).Il s'agit de cobaeas, de tendre à frais communs une ficelle d'une fenêtre à l'autre pour qu'ils se rejoignent et fassent un arceau (Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 192). 2. [Le compl. d'obj. désigne deux ou plusieurs pers.] Réunir des personnes séparées. Le même tombeau le rejoignit à sa femme et à son fils (Ac.1878, 1935).Empl. pronom. réciproque. Rien, en eux, n'évoquait la séparation; c'était, plutôt qu'un départ, un clan pour se rejoindre au bout d'un détour où l'amour se fortifierait dans l'absence, se tremperait à toute épreuve (Arnoux,Roy. ombres, 1954, p. 156). B. − Qqn rejoint qqn/qqc. (un groupe, un endroit défini, un objet situé en un point).Aller retrouver quelqu'un/quelque chose; regagner, rallier un endroit. 1. Qqn rejoint qqn/qqc. a) [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un groupe de pers.] Aller retrouver. Rejoindre son amant, sa fiancée, sa fille, sa mère, ses camarades, un compagnon. Mon père a l'idée d'aller à Rouen aujourd'hui. S'il la suivait, je partirais pour rejoindre mon époux, puisque, après mon père, il a mes premiers soins et mes premiers vœux (Staël,Lettres jeun., 1789, p. 321).Maxime, sur le trottoir du boulevard Malesherbes, se consulta un moment, pour savoir s'il rejoindrait la bande joyeuse du café Anglais (Zola,Curée, 1872, p. 460). ♦ Rejoindre qqn à/dans.Mon père, instruit de tout ce qui se passait par la Margrave, m'ordonna de le rejoindre à Bruxelles, et nous partîmes ensemble pour Édimbourg (Constant,« Cahier rouge », 1830, p. 11).Quand il n'entendait plus sur le palier du premier étage que le petit râle nocturne de son père (...), il allait rejoindre Catherine dans sa chambre (Nizan,Conspir., 1938, p. 143). ♦ Empl. pronom. réciproque. Les amis se rejoignaient derrière l'église (Pourrat,Gaspard, 1930, p. 57). − Au fig. Encore Pascal n'a-t-il pas suffisamment vécu pour (...) rejoindre (...) Baudelaire sur les sommets du monde imaginaire (Faure,Espr. formes, 1927, p. 142). b) En partic. − Regagner son affectation. Il ne devait rejoindre son poste que dans les premiers jours de juin (A. France,Balth., Fille Lil., 1889, p. 86). − Rallier un corps de troupe auquel on est affecté; être volontaire dans une unité combattante clandestine. Rejoindre sa compagnie, sa division, sa section; rejoindre son bataillon, son régiment; rejoindre le maquis, la Résistance. N'écoutant que son devoir, il s'embarqua aussitôt, le cœur plein de sinistres pressentiments, pour rejoindre l'armée (Grousset,Croisades, 1939, p. 301). ♦ Absol. Il a reçu l'ordre de rejoindre (Ac.1835-1935). 2. Qqn/qqc. rejoint qqc. a) Qqn rejoint qqc.Rallier un point, un endroit. − [Le compl. d'obj. désigne un lieu] Rejoindre l'Angleterre, la France; rejoindre le camp, l'hôtel, la maison. Il était environ trois heures quand je rejoignis l'avenue tranquille où Rarahu m'attendait (Loti,Mariage, 1882, p. 197).Il aurait fallu, pour souhaiter un autre rendez-vous, revenir de trop loin pour rejoindre la grande route et prendre un autre sentier (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 383). − [Le compl. d'obj. désigne un moyen de transp.] Rejoindre un bateau, une voiture. Bien avant d'avoir rejoint l'auto qui nous attendait à Schleissheim et nous débarqua à Nymphenburg (...), j'avais déjà l'impression d'une race qui surpassait de loin toutes les autres (Giraudoux,Siegfried et Lim., 1922, p. 77).Gardet prit une pelle dans un coin, d'une seule main, à la fois pour dégager Saïdi lorsqu'il aurait rejoint l'avion et pour aider sa marche (Malraux,Espoir, 1937, p. 829). b) Qqc. rejoint qqc.Retrouver en un point; venir en contact. Un désert de terre nue, coupé de grandes lagunes, incroyablement plat et rejoignant la mer (Fromentin,Voy. Égypte, 1869, p. 46).Empl. pronom. réciproque. Ces points mathématiques ont une tendance à se développer en lignes à mesure que notre attention se détache d'eux, comme s'ils cherchaient à se rejoindre les uns les autres (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p. 72). − Au fig. Il y a une laideur qui rejoint la beauté (Green,Journal, 1944, p. 175). C. − Qqn rejoint qqn/qqc.Parvenir au niveau de quelqu'un qui a de l'avance. Synon. atteindre, rattraper.Rejoindre le gros de la troupe; coureur rejoint par le peloton. Il fut impossible de rejoindre les voleurs, qui durent rester étonnés de n'avoir pu lasser notre patience (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 92).Ils se hâtaient tous deux pour rejoindre leur caravane déjà éloignée (Du Camp,Nil, 1854, p. 275). − Au fig. Énumérant ce que pourraient faire des ministres radicaux: transformation de notre système fiscal, retraites ouvrières « pour rejoindre au moins la législation allemande qui ne consacre pas moins de 400 millions par an aux indemnités pour accidents et aux retraites », Jaurès ajoute... (Clemenceau,Iniquité, 1899, p. 416). Prononc. et Orth.: [ʀ
ə
ʒwε
̃:dʀ
̥], (il) rejoint [-wε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1718. Conjug. v. joindre. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. xiiies. [ms.] réfl. « se ressouder » (Lancelot, éd. A. Micha, 58a, 16, t. 8, p. 207); fin xiiie-déb. xives. [ms. B] trans. rajoindre « faire joindre de nouveau » (un objet disloqué, abîmé) (La Fille du comte de Ponthieu, éd. Cl. Brunel, 1926, p. 16 II); 2. ca 1274 « réunir, rassembler » (des objets) ici, les mains (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 758); 3. ca 1280 réfl. soi rejoindre vers (une personne) « aller retrouver » (quelqu'un) ici, pour le combattre (Girart d'Amiens, Escanor, 21257 ds T.-L.); 1664 se rejoindre « se réunir » (Corneille, Othon, II, 4 ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 6, p. 600); 4. 1552 trans. « aller retrouver » (une personne) (Ronsard, Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 97); 5. a) 1690 « regagner » (un poste, un lieu) (Fur.); 1789 abs. « se rendre à son corps d'armée » (Louvet de Coudray, Les Amours, éd. 1821, t. 2, p. 425 d'apr. B. Henschel ds Fr. mod. t. 37, pp. 129-130); b) 1797 « aboutir à » (Voy. La Pérouse, t. 3, p. 10: une grande terre qui allait rejoindre la Tartarie vers l'ouest). Dér. de joindre*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 5 291. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 504, b) 6 270; xxes.: a) 7 385, b) 10 855. |