| * Dans l'article "RASSURER,, verbe trans." RASSURER, verbe trans. A. − Vieilli. Redonner de la solidité, de la stabilité à quelque chose. Il faut rassurer cette muraille, elle menace ruine. Les arches de ce pont-là ont besoin d'être rassurées. Rassurer une terrasse avec des arcs-boutants (Ac.).V. cantonnier ex. 1. − P. anal. Redonner de l'assurance à, affermir. Apaise ton cœur, rassure tes genoux qui tremblent, avance, reconnais-nous (Flaub., Tentation, 1849, p. 250).On ne pouvait pas être plus désemparé qu'elle (...). On eût dit qu'elle avait à ranimer ses membres, à les rassembler, à les rassurer l'un après l'autre, avant de se décider à tenter un pas vers quelque nouvelle « heure » promise (Jouhandeau, M. Godeau, 1926, p. 66). − [P. méton. du compl. d'obj.] Peu à peu cependant, l'attitude de Tartarin rassura les courages (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 31). B. − Redonner à quelqu'un la tranquillité d'esprit, la confiance (par des actes, une attitude). Synon. tranquilliser; anton. alarmer, effrayer, inquiéter, menacer. 1. Qqn rassure qqn (ou, p. méton., qqc.) a) [Éventuellement suivi d'un compl. circ., d'un gérondif précisant le moyen, l'acte par lequel on rassure] Rassurer du regard, d'un sourire, par des caresses, en quelques mots. Elle redoutait un nouveau départ. Je la rassurai en l'invitant à tenir le dîner prêt pour six heures (A. France, Bonnard, 1881, p. 326): 1. Il me poussait en avant comme l'enfant poltron à qui l'on dit: Ce n'est rien, ce qui t'effraye; regarde et touche: c'est une ombre, une vaine apparence, un risible épouvantail. Et, en effet, la meilleure manière de fortifier le cœur et de rassurer l'esprit, c'est d'enseigner le mépris du danger et d'en donner l'exemple.
Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 300. ♦ [Le moyen est exprimé par une phrase au discours dir.] Tout à coup, les deux chiens, simultanément, dressèrent la tête, bondirent vers la porte et se mirent à aboyer. Je fis un geste d'effroi... − Ça n'est rien... rassura Joseph (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 187). − P. anal. [L'obj. désigne un animal] Je me réfugie contre ma sévère amie, qui me caresse l'épaule, avec le « Pauvre petit! » dont elle rassurait tout à l'heure la brabançonne malade (Colette, Vagab., 1910, p. 179). − Empl. pronom. Blazius commençait à se rassurer et à rire des terreurs que lui avait inspirées le caractère vindicatif de Vallombreuse (Gautier, Fracasse, 1863, p. 276).Aïcha [une chienne], touchée sans doute avait eu un glapissement étouffé; mais il se rassurait maintenant de l'entendre trotter près de lui (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 39). ♦ Rare. Se rassurer sur.Même les jours où les nouvelles de Vichy étaient mauvaises, le silence ni le recueillement ne duraient. Danièle et Marie se rassuraient sur une neuvaine qu'elles faisaient pour leur grand'mère (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 108). b) [Suivi d'un compl. circ. désignant] − [la pers. ou la chose pour laquelle on craint qqc.] Rassurer pour, quant à, au sujet de, sur.Dans la journée, écrit à Alfred. Je le rassure sur la tendresse de sa mère, trop ferme au départ de son fils (Michelet, Journal, 1841, p. 369).Elle me rassura encore une fois pour Robinson, il allait tout à fait mieux (Céline, Voyage, 1932, p. 476). ♦ Empl. pronom. Dis-lui de se rassurer quant à ses clefs: toutes resteront enfermées soigneusement (Flaub., Corresp., 1863, p. 116). − [ce que l'on redoute] Rassurer contre.Elle avait demandé l'enfant, lasse de solitude, terrifiée par la pensée de mourir seule, dans une crise. Ce bambin qui tournait autour d'elle la rassurait contre la mort (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 135). ♦ Empl. pronom. Je me rassure contre ma sécheresse en me disant: « Je suis elle, elle est moi; si je lui manque, c'est elle qui se manque, et dans mes distractions, nulle impiété, c'est de la vie qui vit sans se regarder vivre » (Barrès, Cahiers, t. 2, 1901, p. 228). c) Empl. abs. Toujours une joie de relire Tauler. Il est si paternel et si bon enfant avec toute sa science. Il rassure. Dieu rassure, Dieu ne fait jamais peur (Green, Journal, 1955, p. 113). d) [P. méton. de l'obj.] La princesse a été très effrayée, ces jours-ci, des paradoxes de Gautier sur Racine: un homme de talent, quoi qu'il fasse, ne rassure jamais l'autorité (Goncourt, Journal, 1865, p. 120).Ce chef ne s'inquiète guère de « rassurer les intérêts », comme on dit dans l'ignoble langage électoral. Aucun clignement d'œil du côté des profiteurs (Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 405). − [Le compl. d'obj. désigne ou évoque une crainte] Rassurer le désarroi. Chaque fois que le mourant, dans son sommeil, faisait entendre un raclement de gorge, les têtes se levaient et la religieuse d'un signe de sa cornette rassurait les inquiétudes. Ce n'était pas encore l'instant (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 49): 2. ... pour rassurer complètement la chasteté effarouchée du lecteur, je dirai que je rangerais dans les sujets amoureux, non seulement tous les tableaux qui traitent spécialement de l'amour, mais encore tout tableau qui respire l'amour, fût-ce un portrait.
Baudel., Salon, 1846, p. 133. 2. Qqc. rassure qqn a) [Le suj. désigne une manifestation de la pers.; il correspond au compl. prép. supra B 1 a] Explication, geste, lettre, présence, voix qui rassure; calme, tranquillité qui rassure. Pierre l'embrassa, la serra longuement dans ses bras. Et cette étreinte robuste avait une loyauté qui rassura Marthe (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 204).Grands efforts pour écrire une page (...). La page d'aujourd'hui ne me rassure pas. Je ne sais où je vais, je n'ai pas de plan (Green, Journal, 1956, p. 179). b) [Le suj. désigne une chose, un fait, une circonstance]
α) [Suivi éventuellement d'un compl. circ. indiquant le moyen, la cause de l'action] Les délices du beau temps rassuraient son ame (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 343).[Sans compl. d'obj.] Le soleil rassurait de bien éclairer, le fleuve de couler, le repas d'être repas, les mariniers d'avoir répondu à l'appel (Saint-Exup., Lettre otage, 1943, p. 397).
β) [Suivi d'un compl. prép. désignant la cause de l'inquiétude] − [Le compl. désigne une pers., une chose pour laquelle on craint qqc.] Les renseignements des banques achevèrent de me rassurer sur mon bonheur. Je tenais la preuve de votre désintéressement (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 48).Un fils prêtre les eût flattés tous, les eût rassurés pour leur vie future (Queffélec, Recteur, 1944, p. 45). − [Le compl. désigne ce que l'on redoute] On ne savait comment tenait la maison. Le vent la remuait (...). L'abondance des araignées rassurait contre l'écroulement immédiat (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 168). − [Le compl. est crainte ou un mot du même parad.] Cette meurtrière, (...) par laquelle un enfant n'aurait certes pas pu passer, était en outre garnie par trois rangs de barreaux de fer qui pouvaient par ce moyen rassurer sur la crainte d'une évasion le geôlier le plus soupçonneux (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 186).Tout y était redoutable [dans cette ville]. Elle n'y trouvait nulle part cette protection des figures et des choses accoutumées qui rassure contre les vagues terreurs (Vogüé, Morts, 1899, p. 402).
γ) Empl. abs. L'art du spectateur (...) est de se garder attentif à tous les signes, à ceux qui rassurent comme à ceux qui effraient (Alain, Propos, 1929, p. 844).
δ) P. euphém. Ne pas rassurer. Inquiéter. Empl. abs. L'endroit (...) était, à une heure du matin, cette nuit-là, quelque peu sinistre. La ruelle noire, surtout, ne rassurait pas (Bloy, Hist. désobl., 1894, p. 115).
ε) [P. méton. de l'obj.] Chez les auteurs, le silence et la brusquerie (...) trahissent la jalousie que cause une belle œuvre, de même que leur admiration annonce le plaisir inspiré par une œuvre médiocre qui rassure leur amour-propre (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 267).Il fut convenu que Lamiel coucherait dans la chambre de MmeAnselme, et cette chambre avait l'honneur de toucher à celle de la duchesse. Cette dernière circonstance (...) rassurait pleinement le scrupule et surtout la vanité de MmeHautemare (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 63). − [Le compl. désigne une crainte] Nous nous apercevons qu'il nous manque la foi, La foi, ce pur flambeau qui rassure l'effroi (Hugo, Voix intér., 1837, p. 338). REM. Rassurement, subst. masc.Action de rassurer; état qui en résulte. Ferri-Pisani m'a raconté que devant Sébastopol, la nuit, quand les obus et les bombes tombaient trop dru dans le rayon de sa tente, le prince se relevait, venait le réveiller, lui demander le pourquoi, chercher un rassurement (Goncourt, Journal, 1872, p. 904).V. rassérènement dér. s.v. rasséréner ex. de Arts et litt. Prononc. et Orth.: [ʀasyʀe], (il se) rassure [-sy:ʀ]. Ac. 1694, 1718: rasseurer; 1740: rassûrer; dep. 1762: rassurer. Étymol. et Hist. 1. 1155 « donner, rendre confiance à quelqu'un » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 10726); 2. 1476 « consolider, refixer » (Compte d'ouvrages, 2esomme de mises, Arch. Tournai ds Gdf.). Dér. de assurer*; préf. r(e)-*. Fréq. abs. littér.: 3 326. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 315, b) 5 040; xxes.: a) 4 530, b) 5 036. |