| RÉVÉLATION, subst. fém. A. − Action de révéler quelque chose à quelqu'un; résultat de cette action. 1. La révélation de qqc. Action de porter à la connaissance quelque chose de caché, d'inconnu. La révélation d'un secret, d'un complot. Ce terme, dans l'usage n'est point accompagné de l'idée odieuse qu'on attache à ceux de délation et de dénonciation, bien qu'il leur soit synonyme. Il semble que la révélation d'un crime ou d'un délit dangereux pour la société soit un devoir pour le citoyen (St-Edmet. 51828).Les experts ne veulent pas raconter ici leur expertise: ils la monnoyent dans les journaux. On nous cache des documents dont la révélation serait, dit-on, nuisible aux intérêts de la Défense Nationale (Clemenceau,Iniquité, 1899, p. 206). ♦ P. méton. [L'obj. de la révélation désigne une pers.] Révélation des complices (Ac. 1835-1935). − DR. PÉNAL. Révélation ou violation de secret. ,,Manquement à l'obligation du secret professionnel (...) [qui] constitue un délit, hormis les cas où la loi oblige à se porter dénonciateur. (Cod. pén. art. 368)`` (Cap. 1936). 2. En partic. Communication orale ou écrite d'un fait demeuré jusque-là ignoré ou secret; fait, chose révélé(e). Dites bien que, sur Van Gogh, je prépare un ouvrage qui comportera des révélations sensationnelles et des renseignements scientifiques (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p. 52).V. civisme ex. de France: 1. Vous avez jugé bon de livrer au public le journal intime d'une femme, journal que celle-ci n'aurait jamais consenti d'écrire si elle eût pu se douter du sort qui lui serait fait un jour. La mode est aux confessions, aux révélations indiscrètes, sans souci du préjudice matériel ou moral que ces indiscrétions peuvent causer aux survivants...
Gide,Robert, 1930, p. 1314. SYNT. Révélations curieuses, étranges, inattendues; révélations personnelles; faire une, des révélation(s); faire, avoir la révélation que; avoir la révélation de qqc.; avoir, attendre, obtenir, recevoir des révélations de qqn; apporter des révélations sur qqc. − DR. CANON. ,,Déclaration qui se faisait à un prêtre, après la publication d'un monitoire, de ce qui s'était passé de secret dans une affaire`` (Guérin 1892). On publia des monitoires pour avoir révélation de telle chose (Ac.1835, 1878). B. − RELIGION 1. Dans les relig. positives.Acte pouvant s'exercer suivant divers modes, par lequel Dieu ou la divinité, se manifeste à l'homme et lui communique la connaissance de vérités partiellement ou totalement inaccessibles à la raison; ensemble de vérités ainsi portées à la connaissance de l'homme et constituant le fondement de la religion en question. Être frappé, saisi, touché par la révélation. Ne peut-il pas sembler qu'il y ait eu, dans tous les cultes intelligents, une certaine part de révélation divine? Le christianisme primitif a invoqué la parole des Sibylles et n'a point repoussé le témoignage des derniers oracles de Delphes (Nerval,Filles feu, Isis, 1854, p. 658): 2. ... Dieu doit leur avoir dit de ce que nous ne savons pas, de ce que nous ignorons nous autres. Dieu doit leur avoir fait des révélations particulières. Hauviette: Il n'y a point de révélations particulières. Il n'y a qu'une révélation pour tout le monde; et c'est la révélation de Dieu et de Notre-Seigneur-Jésus-Christ. De Dieu par lui-même et par Notre-Seigneur-Jésus-Christ. C'est une révélation pour tous les bons chrétiens, pour tous les chrétiens, même pour les mauvais, et pour les pécheurs, pour tous les bons paroissiens.
Péguy,Myst. charité, 1910, p. 26. SYNT. Révélation orale, écrite; la révélation égyptienne, judéo-chrétienne, juive, chrétienne; la révélation biblique, mosaïque, prophétique, évangélique; la révélation des Écritures, de l'Ancien, du Nouveau Testament, de l'Évangile, du Coran; le dépôt, le contenu, les données, les enseignements de la révélation. − En partic., dans la relig. judéo-chrét. ♦ Révélation naturelle. Manifestation de Dieu qui se fait connaître par la création et par la conscience de l'homme. Là où l'Apôtre [saint Paul] invoquait contre les païens, une révélation naturelle qui les condamne, saint Justin admet en leur faveur une révélation naturelle qui les sauve (Gilson,Espr. philos. médiév., 1931, p. 29).V. infra ex. de Dheilly. ♦ Révélation surnaturelle. Manifestation de Dieu communiquant à l'homme par la parole adressée à ses messagers, la connaissance de son être, de sa volonté, de son plan tel qu'il se développe dans l'histoire. La révélation surnaturelle, d'abord destinée à un petit groupe, se manifeste ensuite comme adressée à l'humanité entière. Elle se présente sous forme partielle et progressive; sa continuité est assurée par la personne du Christ qui en est le centre et en qui elle s'achève. Tandis que la révélation naturelle commence avec l'homme et s'achèvera avec lui, la révélation surnaturelle commence avec Abraham pour se terminer avec la mort du dernier apôtre ou mieux avec la fin du Nouveau Testament (Dheilly1964, p. 1027). ♦ Révélation directe. Communication que Dieu établit directement avec l'un de ses élus, notamment par vision ou par audition. Les auteurs sacrés ne donnent pas d'explications sur la manière dont se sont produites ces révélations directes. On sait seulement que Moïse entendait la voix de Jéhovah mais ne pouvait voir sa face (...). Sur le chemin de Damas, saint Paul entendit et vit Jésus (...). Il y a certainement dans ces révélations directes une action divine qui s'exerce sur l'intelligence de l'homme et se fait reconnaître elle-même (Bible1912, p. 1082). ♦ Révélation transmise. Révélation transmise aux autres hommes par les médiateurs de Dieu; en partic. ,,celle que Moïse a transmise à ses frères`` (Guérin 1892). ♦ Révélation primitive. Révélation faite à Adam et aux patriarches. V. infra ex. de Marcel 1938. ♦ Révélation mosaïque. Révélation faite à Moïse et aux prophètes. Dieu a instruit l'homme en le créant: c'est la révélation primitive, puis Il a renouvelé et développé celle-ci par l'organe de Moïse et des Prophètes: c'est la révélation mosaïque (Marcel1938). ♦ Révélation chrétienne. Révélation de Dieu en Jésus-Christ. Laissée à ses seules forces, l'intelligence humaine ne peut donc pénétrer le mystère divin; elle arrive seulement à comprendre vraiment un point, à savoir que Dieu reste pour elle incompréhensible. La révélation chrétienne change cet état de choses, non pas complètement, car notre connaissance de Dieu n'est jamais ici-bas compréhensible, même au sens vulgaire du mot; mais elle le change partiellement, dans les limites où le Verbe divin, fait homme, nous a parlé de son père (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1044). ♦ La révélation de Saint Jean. L'Apocalypse (v. ce mot A 2). Plusieurs théologiens, même catholiques, ont cru que des faits du premier ordre et peu éloignés étoient annoncés dans la révélation de saint Jean (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 308). − Empl. abs. Les trois révélations. Les religions juive, chrétienne et musulmane. (Ds Littré, Rob.). Les deux révélations. La religion juive et la religion chrétienne (d'apr. Guérin 1892). La révélation. La révélation chrétienne, le christianisme. Dans le péril où le pousse sa philosophie [Locke], il abandonne sa philosophie et toute philosophie, et il en appelle au christianisme, à la révélation, à la foi (Cousin,Hist. philos. XVIIIes., t. 2, 1829, p. 350). 2. Dans le vocab. mystique. Connaissance relative aux choses surnaturelles, conçue comme donnée à l'individu par inspiration divine. Révélations intérieures; révélations particulières (supra ex. 2); recevoir des révélations. Tu n'as pas su cela, jeune homme, parce que tu n'étais pas prêtre, parce que tu n'avais ni révélations, ni visions, ni pressentiments (Sand,Lélia, 1833, p. 81).Causes d'erreurs au sujet des révélations privées: ceux qui les reçoivent les interprètent mal à cause de leur obscurité ou parce que Dieu n'en donne qu'une demi-intelligence (...) on les interprète trop à la lettre, on n'en voit pas le véritable esprit (...) les visions peuvent ne représenter tel événement que de façon approximative, ou n'ont qu'une valeur symbolique (Marcel1938). C. − Phénomène par lequel une réalité cachée ou ignorée se manifeste, s'impose soudainement à la conscience ou à la connaissance; prise de conscience immédiate, découverte par voie d'intuition, d'inspiration, d'illumination. Cette espèce d'instinct, plus sûr que le raisonnement, qui, par une révélation intime, soudaine, profonde, donne à chacun comme la vive intuition de ce qui est au fond de toutes les âmes (Lamennaisds L'Avenir, 1831, p. 351).[Une impression] si particulière, si spontanée, qui n'avait été ni tracée par mon intelligence, ni atténuée par ma pusillanimité, mais que la mort elle-même, la brusque révélation de la mort, avait, comme la foudre, creusée en moi, selon un graphique surnaturel, inhumain, comme un double et mystérieux sillon (Proust,Sodome, 1922, p. 759). SYNT. Révélation brusque, brutale, subite, inattendue, spontanée; révélation progressive; avoir, attendre, recevoir la révélation de qqc.; avoir des révélations (relativement à qqc.); la révélation de l'amour, du plaisir; la révélation de soi-même. − P. méton. ♦ [Désigne une chose] Fait, réalité que l'on découvre inopinément et qui, souvent, s'avère riche d'enseignement ou de grande conséquence. [La Zambinella] jeta sur Sarrasine un des coups d'œil éloquents qui disent souvent beaucoup plus de choses que les femmes ne le veulent. Ce regard fut toute une révélation. Sarrasine était aimé! (Balzac,Sarrasine, 1831, p. 416).La course de taureaux fut pour l'enfant la seconde des trois grandes révélations... faut-il dire « de sa jeunesse », ou bien « de sa vie »? (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 385).[Suivi d'un compl. déterminatif] Ce qui révèle, ce qui est l'expression, la manifestation de quelque chose. Le pays qu'un grand homme a habité et préféré, pendant son passage sur la terre, m'a toujours paru la plus sûre et la plus parlante relique de lui-même; une sorte de manifestation matérielle de son génie, une révélation muette d'une partie de son âme, un commentaire vivant et sensible de sa vie, de ses actions et de ses pensées (Lamart.,Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 329).Dès que l'homme se sert du langage pour établir une relation vivante avec lui-même ou avec ses semblables, le langage n'est plus un instrument, n'est plus un moyen, il est une manifestation, une révélation de l'être intime et du lien psychique qui nous unit au monde et à nos semblables (Goldstein ds Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 229). ♦ Personne qui s'impose (principalement dans le domaine du sport, des arts, du spectacle) en manifestant sa valeur, son talent, ses qualités. La révélation de l'année. Il paraît que Hindenburg c'est une révélation, lui dis-je. − Une vieille révélation, me répondit-il du tac au tac, ou une future révolution (Proust,Temps retr., 1922, p. 761).Ce jeune cinéaste de 26 ans [Humberto Solas] s'impose comme l'une des révélations les plus fracassantes et les plus sûres du cinéma cubain et mondial (Les Lettres fr., 6 août 1969, p. 20, col. 3). D. − OPT., PHOT. Apparition de l'image donnée par un système optique. Révélation de l'image latente (Rob.). L'optique classique ne considérait que les images définies comme lieu des sommets des cônes issus du système optique (...). Tous les raisonnements portaient sur la structure de ces lieux géométriques, en considérant la révélation de l'image comme un simple procédé destiné à confirmer les prévisions du calcul arithmétique ou de la construction géométrique (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 204). Prononc. et Orth.: [ʀevelasjɔ
̃]. Ac. 1694, 1718: reve-; dep. 1740 révé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1190 relig. « inspiration par laquelle Dieu fait connaître surnaturellement certaines choses » (Marie de France, Es-purgatoire, 65 ds T.-L.); 2. a) Fin xiiies.-déb. xives. [ms.] revelaciun « action de révéler (un secret, un crime,...) » (Ms. Londres, B.L., Egerton 613, f o16 r o); b) 1835 « information qui explique des événements obscurs ou fait connaître des éléments nouveaux » (Ac.); c) 1902 « personne qui manifeste brusquement de grandes qualités, un grand talent » (L'Auto-vélo, 13 janv. ds Petiot); 3. 1831 « tout ce qui apparaît brusquement comme une connaissance nouvelle, de sensations ou de sentiments jamais éprouvés » (Lamennais, loc. cit.); 4. 1941 phot. (Duhamel, Inv. abîme, p. 70). Empr. au b. lat. eccl.revelatio « action de laisser voir, de découvrir (en parlant de choses divines) » (v. Blaise Lat. chrét.), du lat. de l'époque impériale revelatio « action de laisser voir, de découvrir », dér. de revelatum, v. révélateur. Fréq. abs. littér.: 1 959. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 197, b) 2 349; xxes.: a) 3 032, b) 3 373. Bbg. Gall. 1955, p. 117, 118, 378. − Quem. DDL t. 17. |