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RÉGION, subst. fém.
A. − Portion de territoire ou d'espace géographique.
1. Portion de territoire plus ou moins étendue et délimitée, formant une unité constituée soit par sa situation, son climat ou son paysage naturel, soit par son économie, soit par son histoire et ses caractères humains ou ethnologiques. Synon. pays, territoire, contrée, zone:
... Paris, toute la région environnante, toutes les plaines, tous les villages, des bois, des étangs, des villes même, et (...) ce fleuve adorable et doux qui passe au cœur de la France: la Seine. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 316.
a) [Envisagée plutôt du point de vue de la géogr. physique] Ce sont [les zones intérieures de Tahiti] des régions sauvages, coupées par des remparts d'inaccessibles montagnes et où règne un éternel silence (Loti, Mariage, 1882, p. 139).La Syrie est un ensemble de régions très distinctes les unes des autres (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 522).V. abstraitement ex. 3.
Région naturelle. Région dont l'unité est définie par des caractères physiques (constitution géologique, relief, climat, végétation, etc.). Située en plein cœur de la France, la Sologne est une région naturelle, limitée par la vallée de la Loire (...) et par celle du Cher qui la borde au sud (Forêt fr., 1955, p. 34).
Région géographique. Région dont l'unité est définie par des caractères physiques et les résultats de l'activité humaine (économie, système de production). Flores spéciales de chaque région géographique (Ad. Brongniart, Graines foss., 1876, p. 11).La France (...) divisée en régions géographiques (la plaine du Nord, le littoral méditerranéen, etc.) (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 194).
En partic. Zone étagée de la montagne caractérisée par sa végétation ou l'absence de végétation. Région des pâturages, des bois, des neiges éternelles. Massif (...) dont les flancs étaient (...) revêtus jusqu'à la moyenne région, de forêts, d'arbustes, de gazons (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 92).
SYNT. Région basse, centrale, élevée, éloignée, étendue, inaccessible; région chaude, froide, glacée, humide, sèche; région boréale, équatoriale, polaire, tempérée, tropicale; région aride, boisée, désertique, dénudée, plissée, volcanique; région de forêts, de marais, de montagne, de neiges; région de l'Équateur, du Pôle; aspect, relief, structure d'une région; parcourir, traverser des régions.
b) [Envisagée du point de vue écon.] Synon. de zone.Région agricole, forestière, industrielle, minière, rurale, touristique; région défavorisée, riche, pauvre; région de production; évolution, développement d'une région. Les grandes régions agricoles: Nord, Beauce, Île-de-France, Alsace (Industr. fr. brass., 1955, p. 11).La production des plants fruitiers (...) est intensive dans les diverses régions productrices de fruits (vallées du Rhône et de la Garonne, Midi méditerranéen, Val de Loire et Région parisienne) (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 82).
c) [Envisagée du point de vue humain, hist.] Région arriérée, dépeuplée, dévastée, libérée, occupée; région frontière. De notre région d'origine, nous devions lui dire tout ce que nous savions, pêle-mêle. Il entendait tout, retenait tout: curés, maires, paroisses, communes et environs, types curieux, sites et monuments remarquables (Billy, Introïbo, 1939, p. 62).La région kurde d'Irak (George1970).
P. méton. L'élan de la région fut tel que l'on recueillit huit cent trente-deux francs (Romains, Copains, 1913, p. 249).
[En France, correspondant au territoire des anciennes provinces] On put dès lors le distinguer [le royaume de Bourgogne] en trois régions différentes, dont les limites ont varié souvent : le royaume de Provence, la Bourgogne transjurane (...) et le duché proprement dit, devenu par la suite province du royaume de France, sous le nom de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 92).
d) [En constr.]
[avec l'art. déf. ou le poss.] Le pays qui est environnant, que l'on habite. Les châteaux, la noblesse, les propriétaires, les sites de la région; visiter, sillonner la région. Le plus beau garçon de la région! Toutes les filles à marier sont folles de lui (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 191).Ma mère avait accepté de bonne grâce que je rencontre à Bordeaux Pradelle qui passait ses vacances dans la région (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 273).
Au plur. Synon. parages.Je suis très heureux de vous savoir dans nos régions; et j'aurai de mon côté beaucoup de plaisir à passer quelques heures avec vous (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 228).
Région + adj. tiré d'un nom propre.Région alpine, méditerranéenne, rhénane; région lyonnaise. Les vallées des rivières sont en effet pénétrantes et conduisent à la région parisienne, telles l'Oise et l'Aisne, plus à l'est, la Meuse (Foch, Mém., t. 1, 1929, p. 78).
Région de + topon.Espace organisé par et autour d'une ville, d'un point géographique; pays s'étendant autour de ce lieu. Synon. les environs, les alentours.Région de l'Etna. Les filatures belges de la région de la Lys ont pour la plupart en France, dans le Nord, la Somme, et jusque dans la région de Paris, de vastes exploitations agricoles (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 28).
2. Unité territoriale.
a) HIST. ROMAINE. Quartier de la ville de Rome. Région palatine. Rome, qui avait eu jadis cinquante milles d'enceinte, n'en avait plus que seize; ses portes, divisées autrefois en quatorze régions, étaient réduites à treize (Hugo, Rhin, 1842, p. 433).Rome fut divisée en régions par Servius Tullius et par Auguste (Lavedan1964).Circonscription territoriale en Italie. Auguste divisa aussi l'Italie en onze régions, peut-être pour faciliter le recensement (Pell.1972).
b) Subdivision administrative d'un pays. La République était partagée en trois régions. La première région comprenait les treize cantons et avait la souveraineté. La deuxième région contenait l'Abbé et la ville de Saint-Gall (Hugo, Rhin, 1842, p. 469).
α) ADMIN. [En France] Territoire formant une unité administrative regroupant plusieurs départements. Le nombre et l'étendue territoriale de la région ne sont pas uniformes; chaque grand service de l'État a ses régions propres (cida1973).
Région administrative ou région (mod.). Établissement public, créé par la loi du 5 juillet 1972, remplaçant la circonscription d'action régionale et la région de programme, et dont la mission est de promouvoir le développement économique et social de la région (on en compte 22). L'administration de la Région est confiée à un organisme délibérant: le Conseil Régional et un organisme consultatif le Comité Économique et social (Barr.1974).Loi 83-663 du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État (District Informations, Nancy, Impr. Bialec, oct. 1983, n o13, p. 2).
Région de programme. Organisme d'administration régionale créé en 1955 pour ,,servir de cadre à l'élaboration et à l'exécution des plans régionaux de développement économique et social et d'aménagement du territoire`` (Constit. 1980). Depuis le renforcement en 1960 des régions économiques ou régions de programme, cette politique [d'aménagement du territoire] a été menée à différents niveaux (Amén. terr., 1964, p. 33).
Préfet* de région.
β) DÉFENSE
Région militaire. Circonscription territoriale militaire associant armée de terre, aviation, marine et regroupant plusieurs départements sous l'autorité d'un commandant de région (on en compte 7 depuis 1967, subdivisées en 21 divisions militaires correspondant aux régions économiques). Nancy, puis Metz, (...) sont à la fois des préfectures et des chefs-lieux de régions militaires françaises (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 493).
Région maritime. Le littoral de la France est divisé en trois régions maritimes ayant chacune son chef-lieu (Brest, Cherbourg, Toulon), port militaire siège d'un arsenal principal (Gruss1978).
Région aérienne. Chacune des quatre divisions territoriales, placées sous l'autorité d'un général. Sous l'autorité du commandant de la division aérienne (ou du commandant de la région aérienne (...)), le commandant de la brigade a sous son autorité des formations et des éléments de toute nature stationnés d'une manière permanente dans la base aérienne (J.O., Décret organ. arm. air, 1938, p. 439).
γ) CH. DE FER. Division territoriale de la Société nationale des chemins de fer Français, instaurée en 1971. Reims est le siège d'une des 25 régions SNCF, celle-ci s'étendant de Givet, au nord, à Langres, au sud, et de Dormans, à l'ouest, à Sermaize, à l'est (La Vie du Rail, 14 févr. 1985, p. 11, col. 1).
δ) ÉCON. Région économique. Avant 1965, groupement régional de chambres de commerce. Clémentel et Hauser (...) sont à l'origine de ces groupements régionaux de chambres de commerce que sont les régions économiques (Romeuft. 11956).
ε) MÉTÉOR. Régions météorologiques. Le territoire métropolitain est divisé en six régions météorologiques dont chaque directeur dirige et contrôle le fonctionnement des éléments météorologiques de son district (Météor. fr., 1963, p. 11).
B. − P. anal.
1. Portion d'espace. Un grand rond lumineux [du feu] se dessina au milieu de l'appartement, par terre, sur le tapis, sur les pieds des chaises, dans ces régions basses qui étaient précisément les miennes (Loti, Rom. enf., 1890, p. 5).Explorer du pied les régions reculées de sa couche (Romains, Copains, 1913, p. 70).
2. Spécialement
a) ANAT. ,,Partie du corps humain envisagée d'un point de vue topographique, et définie par des limites assez précises, à l'intérieur desquelles les organes qui s'y trouvent forment un ensemble qui prend toute sa valeur dans un contexte médico-chirurgical`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Région abdominale, cardiaque, cervicale, crânienne, dorsale, gastrique, lombaire, ombilicale, palmaire; région du foie, du pelvis. La nourrice, atteinte dans la région du cœur, était morte sans pousser un cri (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 253).La plupart des gens se ratent, avait dit Lartois, parce qu'ils ne savent pas que les régions mortelles sont de dimensions restreintes. Et puis ils s'affolent en tirant (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 100).V. pelvien ex. de G. Gérard.
Au fig. Région de l'âme, de l'esprit, de l'intelligence. La préoccupation constante de l'œuvre aimée le retenait, quoi qu'il fît, dans les plus pures régions de la pensée et du sentiment (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 116).Cet amour-là atteint les régions les plus profondes de l'être, celle où se déroulent les cataclysmes physiologiques, le royaume souterrain des grandes maladies et des profondes extases (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 108).
b) ASTRONOMIE
α) Partie de l'espace céleste. Régions célestes; région des pôles, du zodiaque. L'augure décrit avec le lituus ou bâton recourbé, une ligne (...) qui, passant sur sa tête du Nord au Midi, coupe le ciel en deux régions, la région favorable de l'Est, et la région sinistre de l'Occident (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 51).Il arrive parfois que plusieurs planètes se rencontrent dans la même région du ciel, ce qui double l'intérêt de leur observation (Flammarion, Astron. pop., 1880, p. 420).
Portion du ciel. La nuit était presque tout à fait tombée. En arrière, du côté de l'hôtel de ville, il restait au ciel une région bleuâtre (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 216).
β) Partie d'un corps céleste. Région de la lune. La région centrale [d'Andromède] tourne avec une grande vitesse angulaire, sensiblement constante. Les régions périphériques tournent plus lentement (Schatzman, Astrophys., 1963, p. 138).
c) MATH. Partie du plan limitée par des droites ou par des courbes; partie de l'espace limitée par des plans ou par des surfaces. On a examiné le déplacement du point M en regardant la région du plan balayée par la sécante mobile BC (Roux, Miellou, Géom., 1946, p. 262).
d) MÉTÉOR., vieilli. Couche de l'atmosphère. Région de l'éther, des nuages. La basse, la moyenne, la haute région (Ac. 1798-1935). Les vents de la région supérieure de l'air (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 162).Retenu par son poids, il [le gaz acide carbonique] reste dans les basses régions atmosphériques (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 42).
P. anal. La voix d'en haut s'y arrache, par bonds d'arpèges essoufflés, et elle cherche à s'évader en notes staccato, vers les régions les plus élevées (Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p. 444).
3. Au fig., littér.
a) Lieu (élevé) où se situe une influence, une idée; domaine où s'exerce une activité, un art, une science. Synon. sphère, domaine.Les régions de l'art; les hautes régions de la philosophie. La mort qui attire et qui enlève l'âme au sentiment des angoisses humaines, et qui l'emporte dans les régions de la lumière et de l'amour sous les rayons de l'heureuse et éternelle vie (Lamart., Raphaël, 1849, p. 142).[L'action] n'est pas non plus une conciliation abstraite des contraires dans la région des possibles (Blondel, Action, 1893, p. 194).V. démoniaque ex. 1.
b) Place que l'on occupe dans une société. [Les journalistes] qui, de la presse, ont passé, comme Claude Vignon, dans les hautes régions du pouvoir (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 310).Il y a une autre étiquette pour ces histoires-là dans les régions plus simples de l'étudiant et de l'employé (Bourget, Physiol. amour mod., 1890, p. 39).
Prononc. et Orth.: [ʀeʒjɔ ̃]. Ac. 1694, 1718: region; dep. 1740: ré-. Étymol. et Hist. 1. a) 1119 « pays » (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 2637); xiiies. p. métaph. el regiun de mort (Evangile de Nicomède, A, 1433, éd. G. Paris et A. Bos); b) ca 1380 « ensemble de territoires qui tous présentent un certain caractère commun » (Roques t. 2, n o13032, 10368); c) 1559 « zone délimitée artificiellement » (Amyot, Pompee, 11 ds Littré); 2. a) p. anal. α) fin xives. « espace du ciel correspondant à chacun des signes du zodiaque » (Eustache Deschamps, VII, 239, 20 ds T.-L.); 1675, 23 oct. « chacune des différentes parties du ciel » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, II, 140); β) 1636 « chacune des couches différentes de l'atmosphère » (Monet); γ) 1690 philos. anc. région du feu (Fur.); 1694 région éthérée (Corneille); b) fig. α) 1654 « champ où s'exerce une autorité » (Guez de Balzac, De la cour, 5ediscours ds Littré: la haute région du ministère); β) 1672 (Molière, Femmes savantes, I, 1: les hautes régions de la philosophie); 3. 1478 « partie du corps plus ou moins délimitée » (N. Panis, trad. de la Chirurgie de Gui de Chauliac d'apr. Sigurs, p. 292). Empr. au lat.regio « direction (en ligne droite); ligne droite », « lignes droites tracées dans le ciel par les augures pour en délimiter les parties » d'où « limites, frontières » et par suite « portion délimitée, quartier ». L'a. fr. a possédé parallèlement la forme pop. reiun (1119, Philippe de Thaon, op. cit., 2795); rëon (fin xiies., Orson de Beauvais, 1932 ds T.-L.). Fréq. abs. littér.: 4 131. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 370, b) 2 445; xxes.: a) 3 378, b) 10 499. Bbg. Quem. DDL t. 13, 21.