| QUELQUE, adj. indéf. et adv. indéf. I. − Adj. indéf. et adv. indéf. A. − Adj. indéf. 1. Au sing. [Non précédé d'art.] a) [Marque l'ignorance réelle ou feinte sur l'identité de la pers. ou de la chose désignée par le subst.; sert à indiquer une indéterm. plus grande que un, une] Un ... quelconque, un certain (que l'on ne veut ou ne peut nommer, parmi un plus grand nombre).
α) [Suivi d'un subst. ou d'un adj. subst. désignant une pers.] La vie simple et remplie de quelque homme de bien, d'un vieux prêtre, par exemple (A. France, Vie littér., 1890, p. 239): 1. Le chroniqueur, évidemment inspiré par quelque parent ou quelque ami des Jussat, flétrissait la philosophie moderne et ses doctrines...
Bourget, Disciple, 1889, p. 222. ♦ Vx. Quelque sot! [P. ell. de le dirait, le ferait] Je ne suis pas assez sot pour dire, pour faire cela. Fallait-il donc repousser la fortune pour braver le péril? Quelque sot! Saint Thomas de Cantorbéry n'accepta-t-il pas les châteaux de Henri II? (Mérimée, Abbé Aubain, 1847, p. 170). − Vieilli. Quelque autre. Une autre personne. Synon. un autre.Ah! tu fais là une étrange erreur, et tu me prends pour quelque autre! (Dumas père, Lorenzino, 1842, iii, 5, p. 257).
β) [Suivi d'un subst. désignant une chose nombrable] Synon. un certain.Ils avaient bien quelque bout de champ, une maigre vigne (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 28). − [Dans un pron. indéf. ou des loc. adv. indéf.] Quelque chose. V. chose2C.Quelque part. V. part1II B 1 a.En quelque sorte*. Par quelque endroit (au fig.). V. endroit B 1. b) [Devant un subst. abstr.; sert à indiquer une quantité indéterminée, faible, mais non négligeable] Un peu de. Synon. du, de l', de la, de2(art. partitif).Comme elle se remettait en marche, il lui laissa quelque avance, et la suivit de loin (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 770). − En partic. [Sert à atténuer la qualité] Quelque retard; quelque obstacle; quelque difficulté; non sans quelque...; n'être pas sans quelque... Synon. un(e) certain(e).Le roi (...) suppose, avec quelque raison, que les meurtriers se réunissent à la tour de Nesle (Dumas père, Tour Nesle, 1832, iv, tabl. 7, 10, p. 81).Ce n'est pas sans quelque dessein que j'appelle du nom de science ce que d'ordinaire on appelle philosophie (Renan, Avenir sc., 1890, p. 91). 2. Au plur. a) [Non précédé d'art.; sert à marquer l'indéterm. de l'objet (plus grande qu'avec des) et l'indéterm. du nombre (dont on dit seulement qu'il est faible)] Synon. un petit nombre* de, certains (v. certain1), plusieurs, maint(s), divers, différents, plus d'un1*.
α) [Suivi d'un subst. désignant des pers.] On aurait dû inviter quelques voisins (Renard, Poil Carotte, 1894, p. 16). − [Devant un adj. subst.] Quelques autres. Enfin, il se risqua quelques audacieux, qui furent suivis de beaucoup d'autres (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 20).
β) [Suivi d'un subst. désignant des choses nombrables, concr. ou abstr.] Faire quelques pas; dire quelques mots; quelques jours plus tard. Mon oncle se flattait justement de quelques accointances au ministère (Frapié, Maternelle, 1904, p. 2).Sylvain Kohn l'avait introduit dans quelques salons israélites, où il avait été reçu avec l'intelligence habituelle de cette race (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 726).
γ) [Suivi de centaines ou milliers] Quelques centaines de francs. Cette légèreté qui permettait à quelques centaines de milliers d'êtres humains de ne rien prendre au tragique (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 174). − Vx. [Suivi de cents ou mille, au sens de « centaines de » ou « milliers de »] Son oncle l'avait emmené à Paris pour lui apprendre le commerce. À sa majorité, on lui versa quelques mille francs (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 8).La propriété, l'Ermitage, se trouvait à quelques cents pas (Zola, Débâcle, 1892, p. 418).
δ) Adj. cardinal + et + quelques + subst.[Pour marquer un nombre indéterminé d'unités excédant un nombre donné, exprimé en dizaines, centaines, milliers] Vingt et quelques pages. Il n'y avait bien que six mille huit cents et quelques francs (Zola, Nana, 1880, p. 1305). − Adj. cardinal + et + quelques + mille + subst.Le 7ecorps entier, trente et quelques mille hommes (Zola, Débâcle, 1892, p. 123). − Fam. Et quelque(s). [Après un nom de nombre pour marquer l'addition d'un petit nombre d'unités] Et un peu plus (que le nombre désigné). Synon. fam. et des poussières (v. poussière).Dans un mois et quelque. Nous étions à cette réunion quarante et quelques (Ac.).Nous franchissons l'escalier avec un bruit d'escadron, soixante et quelques que nous sommes (Colette, Cl. école, 1900, p. 192). b) [Précédé de l'art. déf. les ou d'un déterminatif (ces, ses...); sert à indiquer un nombre indéterminé mais faible] Les quelques... qui/que... Je vous écris ces quelques mots (...) pour vous faire savoir que je me suis marié hier (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 166): 2. André a convié les quelques voisins − une dizaine − auxquels la distance permet d'arriver vers neuf heures aux Braîllons.
Martin du G., Devenir, 1909, p. 192. B. − Adv. indéf. 1. Littér. [Précédant un adj. numéral cardinal; sert à marquer l'approximation] À peu près. Synon. environ, dans* les, quelque chose comme (v. chose2), autour de (v. autour2), près* de.Cette belle dinde aux truffes, sortie de vos domaines, il y a quelque huit mois (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, pp. 278-279).À quelque cent mètres, la nappe bleu-de-paon d'une rivière, entraînait avec paresse le mirage des aulnes (Jammes, Rom. lièvre, 1903, p. 11). 2. Quelque peu, loc. adv. Avec une certaine intensité, de faible importance mais non négligeable, assez appréciable. Synon. un peu*, légèrement, dans une certaine mesure*.Wurm: Je ne le sais pas. Louise: Non; mais tu le devines bien quelque peu (Dumas père, Intrigue et amour, 1847, iii, tabl. 6, 3, p. 261).L'empereur Julien dont j'ai naguère quelque peu pratiqué les ouvrages (A. France, Mannequin, 1897, p. 319).J'étais quelque peu gêné (...) de laisser cette maison (...) à la seule garde de cette voisine (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 878). − Vx. Quelque peu de. Un peu de. [À la Renaissance] un enfant à l'école apprenait à lire, à écrire, et quelque peu d'orthographe (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 212). II. − Quelque ... que, loc. exprimant la concession ou l'opposition, suivie du subj. A. − [Portant sur un subst. (avec lequel il s'accorde en nombre)] Synon. quel* que soit le ... qui/que ..., n'importe* quel.À quelque prix que ce soit. Quelques efforts que je fasse pour parler, pour écrire avec calme, tout ce que j'ai de sang me remonte au cœur, quand je ressens en un moment l'affreuse année qui vient de s'écouler (Staël, Lettres L. de Narbonne, 1794, p. 245).Tous les quinze jours, le vendredi, quelque temps qu'il fît, il partait d'Angoulême vers trois heures (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 22). ♦ Vx. Quelque part que. V. part1II B 1 a. ♦ Quelque chose qui/que. [Au fém., différent de quelque chose (v. chose2II C 2 b)] Quelle que soit la chose qui. Il faut que tu te taises, quelque bruit que tu entendes, quelque chose qui se passe devant toi (Dumas père, Fille du régent, 1846, ii, 7, p. 191). − Rare. [Portant sur un groupe nom. avec une épithète, modifiant tout le groupe et s'accordant avec le subst.] Mais il faut bien vivre, et vivre cette vie, quelques grands yeux qu'elle vous fasse ouvrir (Laforgue, Moral. légend., 1887, p. 256). B. − Littér., inv. au plur. [Portant sur un adj., la sub. comportant un verbe attributif] Synon. pour* ... que (lang. soutenue), aussi ... que (v. aussi1), si ... que (v. si1), quoique, bien que (v. bien1).Ce fait est vrai, quelque extraordinaire qu'il puisse paraître (Balzac, Langeais, 1834, p. 193): 3. Quelque méritantes que puissent être, au point de vue du patriotisme, les œuvres dont je viens de passer la revue, elles ne témoignent cependant d'aucun effort artistique sérieux...
Huysmans, Art mod., 1883, p. 192. Rem. Le tour quelque + adj. ou subst. + verbe au subj. avec inversion du suj., sans que, est exceptionnel: Le héros se prodigue, en quelque état de misère soit-il jeté (A. Suarès, Sur la vie, t. 2, 1925, p. 340 ds Grev. 1975, § 1031 rem. 3). Prononc. et Orth.: [kεlk]. Sous l'effet de la mollesse articulatoire [kεk], [kεkε
̃] (quelqu'un), [kεkfwa] (quelquefois). Au xviiies. cette prononc. est gén. admise même dans les milieux cultivés. Mais dès la fin du xviiies. les grammairiens réclament le rétablissement de l considérant la prononc. sans l comme négligée (v. Buben 1935, § 114 et G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 n o1 1981, p. 192). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Rel. indéf. introduisant une rel. indéterminée au subj., à valeur concessive Quel ... que, quel que, quel que ... que a) ca 1100 quel [+ subst.] que, v. quel I B 1 a; b) 1erquart xiies. avec anticipation de que: quel que [+ subst.] = quel [+ subst.] ... que (Lapidaire de Marbode, 1reversion, éd. P. Studer et J. Evans, 367: Quel ke jagunce um ait sur sei...); ca 1150 (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4429: Ne li chaut quel que pes i face); ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 4448); c) quelque ... que α) déb. xiies. quelque [+ subst.] ... que (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 360: Quelque peril que vus veiez);
β) ca 1223 quez que [+ adj.] ... que (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, I Mir 31, 48: Quez que chaitiz que j'aie esté...); quelque, dans cet empl., s'accorde encore avec l'adj.; il tend à devenir adv. inv. au xviies.: cf. 1647 Vaug., p. 359; 2. adj. indéf. sans introd. d'une sub. [empl. issu de 1 c] a) au sing.
α) 1135 a quelque paine valeur adversative par rapport au verbe « non sans peine, avec beaucoup de peine », v. Ph. Ménard, Synt. a. fr., 1976, § 30 (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 544 [ms. A]); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3036);
β) 1225-30 valeur d'indétermination « un, une » (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 510: Qu'en si biau verger n'eüst huis Ou eschiele ou quelque pertuis); 1269-78 quelque chose (Jean de Meun, Rose, 16362); xiiies. (Isopet de Lyon, éd. J. Bastin, XXVIII, 20: Doit demorer quelque memoire); 1655 spéc. p. ell. quelque sot [le ferait] (Molière, L'Estourdy, II, 6, éd. R. Bray, p. 80); b) au plur.
α) 1269-78 (Jean de Meun, op. cit., 11635: quex ques homes);
β) mil. xves. devant un nombre, marquant l'approximation (J. d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, § 29, p. 20: quelques trente mille personnes); 1493 (Martial de Paris, Vig. de Charles VII, fol. 7b ds Gdf. Compl.: quelque quatre cens mors), tend, dans cet empl., à devenir adv. inv.,( cf. 1647 Vaug., p. 4). Comp. de quel* et de que3*. Fréq. abs. littér.: 119 745. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 190 513, b) 170 741; xxes.: a) 150 661, b) 164 603. Bbg. Culioli (A.) À propos de quelque. Ling., énonciation par S. Fischer et J.-J. Franckel, éd. Paris, 1983, pp. 21-29. − Gondret (P.). Les Pron. et déterminatifs indéf. ds les phrases nég. en fr. du 12eau 16es. Thèse, Paris, 1980, pp. 25-32, 472-483, 551-650; Quelques, etc. Fr. mod. 1976, t. 44, pp. 143-152. − Hasselrot (B.). La Constr. si grand qu'il soit et ses concurrents ds le fr. contemp. R. Ling. rom. 1970, t. 34, pp. 39-47. − Heriau (M.). Le Verbe impersonnel en fr. mod. Lille-Paris, 1980, t. 2, pp. 874-875. − Kupferman (L.). L'Art. partitif existe-t-il? Fr. mod. 1979, t. 47, pp. 8-9. − Mahmoudian (M.). Les Modalités nom. en fr. littér. contemp. Linguistique. Paris. 1971, t. 7, n o2, pp. 107-109. − Martin. Rien 1966, pp. 223-225. − Morel (M.−A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concess. en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, pp. 343-421, 433-454, 876-877. − Muller (Ch.). Quelque chose-rien. Praxis. 1969, t. 16, pp. 117-118. − Ohlhoff (K.). Die Syntax der unbestimmten Fürwörter: rien, néant, quelque, chose, und quelque chose. Diss., Göttingen, 1912, 138. − Pott (H.). Der Ausdruck der Konzessivität im Frz. Bern-Frankfurt-München, 1976, pp. 189-191. − Sandfeld (Kr.). Synt. du fr. contemp. 1. Les Pron. Paris, 1965, pp. 343-346. − Wilmet (M.). Note sur le m. fr. quelque. Mél. Naïs (H.). Verbum. 1985, n ospécial, pp. 187-198. |