| PUIS, adv. A. − [Adv. signifiant qu'un procès (ou une phase d'un procès) s'enchaîne avec un procès antérieur (ou avec une phase antérieure)] 1. [Porte sur une phrase] Elle soupire, cambre les reins et bâille. Puis elle va mettre le verrou, et commence sa toilette (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p. 1018). − Et puis. Elle fouille dans son sac et puis elle se tourne vers Garcin (Sartre, Huis clos, 1944, 5, p. 135). − Et puis après. [Les hôtes du maître] jouent des proverbes, des charades en action; ils mettent tout sens dessus dessous... Et puis après il faut que nous rangions, que nous frottions, que nous essuyions (Leclercq, Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 4, p. 214). 2. [Dans une énumération, porte sur un constituant de la phrase, suj., attribut ou compl.] Il se soutint de la manière suivante: d'abord de l'eau, puis des aliments légers, puis du vin, puis des consommés, enfin de l'opium (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 214).Alors, le but, puis l'ensemble, puis les détails m'apparaissent, et je vois et je retiens pour toujours (Vigny, Journal poète, 1825, p. 882).À la fin, la porte de la maison s'ouvrit; le prisonnier parut le premier, le directeur suivit, puis les deux commissaires (Nizan, Conspir., 1938, p. 169). B. − [Adv. d'énonciation] 1. Et puis (rarement puis). [Dans une argumentation, marque l'ajout d'un argument, d'une raison ou d'une explication supplémentaires] Synon. de en outre (v. outre2), de plus.Entre nous, je puis bien dire ce qui en est. Et puis, ne le sait-on pas dans toute la ville? (Leclercq, Prov. dram., Mariage manqué, 1835, 1, p. 55).Nous sommes tous mortels, d'ailleurs; et puis, après tout, c'est un bien pour un mal (Murger, Scènes vie jeun., 1851, p. 51).Il lui fallait cent francs. D'abord il crevait de faim. Puis Georgina, sa maîtresse, avait besoin d'argent (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 169): − Tiens! Et qu'est-ce qu'il a eu? − Je ne sais pas, la fièvre. Et puis, il n'était pas fort. Il a eu des abcès sous le bras. Il n'a pas résisté.
Camus, Peste, 1947, p. 1234. − Et puis c'est tout. [Signifie que le locuteur estime qu'il n'y a pas lieu d'avancer aucun autre argument ou aucune autre justification] Parlons-en de toi! T'es un anarchiste et puis voilà tout! (Céline, Voyage, 1932, p. 13). 2. Et puis? [Signifie que le locuteur met au défi un interlocuteur (réel ou fictif) de pouvoir le contredire ou simplement de pouvoir réagir] Une espèce de sourire lui vint. À son tour il les défiait, les provoquait du regard. « Et puis? Je sais bien que vous n'irez pas chercher le commissaire de police » (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 49). − Et puis après? L'Espoir [un journal], oui, on l'aurait peut-être sauvé: et puis après? Résister aux deux blocs, rester indépendant, c'est ce que j'essaie aussi dans Vigilance: mais je ne vois pas bien à quoi ça avance (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 485). Rem. 1. Dans la plupart de ses empl., puis est commutable avec ensuite. Mais là où ensuite situe dans un intervalle, puis se borne à délimiter l'espace même du procès. Aussi puis est-il combinable avec après (et puis après), mais non ensuite (et ensuite après). Inversement, seul ensuite peut se postposer (elle se tait d'abord, s'endort ensuite). 2. Sur le pléonasme (et) puis ensuite, v. ensuite A 1. REM. Pis, adv.,var. pop. ou région. (notamment au Canada). À leux y parler! Bonjour, bonsoir, et pis v'là tout (Leclercq, Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 5, p. 221).− Bossé? T'as bossé? Eh! tu ne sais même pas ce que c'est, que de bosser! Puis, gravement, le doigt piqué sur le thorax: − Moi, j'sais c'que c'est! Et pis, c'est cor pas toi, mon vieux, qui vas m'en remontrer là-dessus! (Courteline, Train 8 h 47, 1888, épil., p. 250).− Tu l'connais, toi, çui-là? − Ah, vieux, ça c'est un bath! − Et pis un rigolo! − Et pis un qui s'en fout!... C'est pas comme l'aut', là-bas! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 17). Prononc. et Orth.: [pɥi]. Martinet-Walter 1973, quant à la liaison dans puis a pleuré [pɥi], [pɥiz] (13/3). Rouss.-Lacl. 1927, p. 155: ,,Aux environs de Liège, on dit [pwi]``. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) Ca 1050 « par la suite, plus tard » (Alexis, éd. Chr. Storey, 21); b) ca 1200 et puis..., et puis dans une énumération (Escoufle, 2873 ds T.-L.); c) 1464 (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 424: « Et puis », fais-je, « saincte Marie! »); d) ca 1485 (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 19110: Et puis, Gallans? Que faictes vous?). Du lat. pop. *postius, réfection de post et postea « après, ensuite », d'apr. melius, comme *antius, compar. de ante « avant » a donné l'a. fr. ainz (v. aîné), v. A. Thomas ds Romania t. 14, p. 574, et G. Straka ds Mél. Bœdia 2, 1985, 1 pp. 11-13 éd. Chr. Storey, v. aussi FEW t. 9, p. 244; parallèlement puis a vécu en a. fr. comme prép. au sens de « depuis » (ca 1050, Alexis, 11, xvies., v. Gdf.), v. puisque et Imbs Prop. 1956, p. 47 et 361 sqq. Fréq. abs. littér.: 53 203. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 50 576, b) 87 165; xxes.: a) 100 259, b) 76 101. Bbg. Blumenthal (P.) Zur kommunikativen Funktion von Adverbien und Umstandsbestimmungen im Frz. Rom. Forsch. 1975, t. 87, p. 324. − Chevalier (J.-Cl.), Molho (M.). De l'implication: esp. pues, fr. puis: Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 24, n o1, pp. 23-34. − Laurendeau (P.). Sur la syst. et la combin. du joncteur pi en québécois. Trav. de ling. québécoise. 1983, pp. 13-57. − Nicholson (G. G.). Adv. rom. issus de conj. R. Ling. rom. 1930, t. 6, p. 189. − Skok (P.) Notes de ling. rom. Archivum romanicum. 1925, t. 9, pp. 171-176. |