| PRUNELLE, subst. fém. A.− Fruit du prunellier, petit, globuleux, de couleur bleu-noir, acerbe, utilisé surtout dans la préparation de boissons alcoolisées (eau-de-vie, liqueur en particulier). Prunelles sauvages; prunelles des haies. Une haie où il n'y a plus d'oiseaux, mais où les premières gelées ont molli les prunelles (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 301): 1. Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui frémit solennelle,
Portant près des blés lourds, dans les sentiers ocreux,
Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle.
Rimbaud, Poés.,1871, p. 121. − P. méton. Eau-de-vie, liqueur obtenue à partir de ce fruit. Je n'ai jamais bu de si bonne prunelle (Barrès, Colline insp.,1913, p. 272). − [P. réf. à ce fruit] Couleur de prunelle, p. ell. prunelle. Bleu foncé, presque noir. Madame Brignolin était charmante : un peu décolletée, avec une écharpe à raies bleues, des bottines prunelle (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 192).Toute la ville fond dans une étuve d'or; les toits sont couleur de prunelle (Gide, Journal,1895, p. 58). B.− P. anal. 1. de forme et de couleur a) Vieilli ou littér. Pupille de l'œil. Prunelles dilatées. Ses yeux semblent sortir de leurs orbites, la prunelle se dilate, la cornée s'affaisse (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 507). − [P. réf. à l'importance de cette partie de l'œil] ♦ [Avec des verbes exprimant l'attachement à qqn, à qqc. ou le soin qu'on prend de qqn, de qqc., pour indiquer l'importance de cet attachement, de ce soin] Vieilli. Comme la prunelle de l'œil. La Providence (...) te conserve comme la prunelle de l'œil! (E. de Guérin, Journal,1838, p. 175).Comme la prunelle des yeux. Aimer, soigner qqn, qqc. comme la prunelle de ses yeux. Bien que l'Angleterre tout entière tînt à Winston Churchill comme à la prunelle de ses yeux (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 200): 2. ... elle m'a recommandé : − Ma fille, vous savez que cette lampe coûte très cher, et qu'on ne peut la réparer qu'en Angleterre. Ayez-en soin, comme de la prunelle de vos yeux...
Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 24. ♦ Rare [Le suj. désigne une pers.] Être la prunelle des yeux de qqn. Avoir une très grande importance, être précieux pour quelqu'un. L'être qui nous donne cela, on ne peut se séparer de lui. Il est la prunelle de nos yeux (Bourget, Sens mort,1915, p. 281).[Dans un empl. hypocor., pour désigner qqn] Adieu, prunelle de ma vie (Montherl., Bestiaires,1926, p. 477). b) P. méton. − Yeux, regard. En promenant distraitement ses prunelles sur la salle (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 200).M. Lacarelle relevait ses longues moustaches gauloises et roulait ses prunelles de faïence bleue (A. France, Orme,1897, p. 110): 3. ... Béelzébuth commençait à vieillir, (...) et les ressources que lui offrait jadis la chasse aux oiseaux et aux souris diminuaient sensiblement; aussi ne quittait-il pas de la prunelle ce ragoût dont il espérait avoir sa part...
Gautier, Fracasse,1863, p. 11. SYNT. Prunelle étincelante, hagarde, noire; prunelle(s) agrandie(s), ardente(s), effarée(s), enflammée(s), éteinte(s), vague(s); prunelle(s) fixe(s), mobile(s); prunelle(s) bleue(s), fauve(s), grise(s); prunelles claires, flamboyantes, humides, limpides, pâles, sombres; prunelle(s) d'azur, d'émeraude, de feu, de jais, d'un bleu pâle, d'un bleu sombre; l'éclair, l'éclat, le feu des prunelles de qqn; au fond de la prunelle, des prunelles de qqn; qqc. s'allume, brille, passe dans les prunelles de qqn. ♦ Jouer de la prunelle/des prunelles. V. jouer I F 2.Elle était coquette, elle jouait des prunelles (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 467). − Plus partic. et plus rare. Iris de l'œil. Son œil, à prunelle verte mélangée de points noirs (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 124). 2. de couleur. Étoffe de laine (éventuellement de coton), parfois mêlée de soie, d'une grande solidité, de couleur généralement noire et utilisée autrefois, tout particulièrement dans la confection de chaussures de femme. Le petit soulier de prunelle noire dont elle était chaussée (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 226).Redingote en prunelle de coton, brodequins pareils (Obs. modes,5 juill. 1821, t. 7, p. 144). Prononc. et Orth. : [pʀynεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 bot. ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 434); b) 1410-20 vin de pruneles « boisson que font les paysans avec des prunelles » (Miracle Sainte Geneviève, éd. C. Sennewaldt, 2360); 1690 « vin fort mauvais » (Fur.); 1694 jus de prunelle « vin fort mauvais » (Ac.); 1904 prunelle « liqueur faite avec des prunelles » (Nouv. Lar. ill.); c) 1779 « étoffe légère de laine ou de soie, qui se fait en noir » (Journal général de France, 10 janv. ds Havard); 2. a) p. anal. [fin xies. prunele « pupille de l'œil » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, no861)]; 1remoit. xiies. prunele (Lapidaires anglo-norm., éd. P. Studer et J. Evans, I, 809, p. 61); loc. fig. 1remoit. xiies. sicume la purnele de sun oil « se dit à propos d'une personne à laquelle on tient par-dessus tout, qu'on entoure de soins vigilants » (Psautier Oxford, p. 243, 14 ds T.-L.); 1535 comme la prunelle de ses yeux (Olivetan, trad. Bible, Proverbes Salomon, VII, fo177 ro); b) p. ext. 1609 poét. prunelles plur. « les yeux » (Malherbe, Poésies ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 1, p. 154, 64); 1633 faire jouer la prunelle « lancer des regards amoureux » (Corneille, Veuve, I, 3). Dimin. de prune*; suff. -elle*. Fréq. abs. littér. : 1 269. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 817, b) 3 103; xxes. : a) 2 388, b) 1 599. Bbg. Cronenberg (A.). Die Bezeichnung des Schlehdorns im Galloromanischen. Jena und Leipzig, 1937, pp. 60-69. − Quem. DDL t. 16. |