| PRUDERIE, subst. fém. A.− Le plus souvent péj. 1. Manifestation outrée de réserve, d'innocence, de pudeur à l'égard de tout ce qui touche aux sentiments, à l'amour, à la sexualité. Synon. pudibonderie, puritanisme.Toute femme tendre et fière, et ces deux choses, étant cause et effet, vont difficilement l'une sans l'autre, doit contracter des habitudes de froideur que les gens qu'elles déconcertent appellent de la pruderie (Stendhal, Amour,1822, p. 66).Il y a dans les journaux anglais d'aujourd'hui un article fabuleux sur la constitution physique de la reine et les chances de postérité qu'elle peut ou ne peut avoir. Je ne comprends pas que, dans un pays de pruderie comme l'Angleterre, on ose imprimer de pareilles choses (Mérimée, Lettres ctessede Montijo,1846, p. 188).[Mon père] a vu ma puberté avec une espèce de répugnance, avec une espèce de pruderie, lui qui, de toute sa vie, n'a jamais connu la pudeur (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 80).V. bigotisme ex. 1. − [Avec adj. déterminatif] La pruderie judiciaire d'un magistrat du tribunal de commerce (Balzac, Illus. perdues,1839, p. 509). 2. P. méton., au plur. [Avec un indéf.] Acte, manifestation prude. Après (...) quelques pruderies qui semblèrent de bon augure à Samuel, Madame de Cosmelly (...) lui fit ses confidences (Baudel., Fanfarlo,1847, p. 539): 1. Cette façade levantine n'est point artistique; et j'ai bien peur qu'elle ne cache un dessous moins élégant encore, un dessous d'autres singeries occidentales, plus viles : petits snobismes, petits potins, petites pruderies, petites lâchetés, petits cocuages et petits profits.
Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 22. B.− P. anal. ou au fig., dans le domaine de l'expr. artist., littér., poét. Attitude quelquefois excessive de retenue, de mesure, de décence, de respect de la morale. Nos langues modernes, si peu colorées et d'une pruderie si inconciliable avec l'expression vraie de certains sentiments (Berlioz, À travers chants,1862, p. 135).[La romancière M. Dombrowska] fait vivre devant nous avec un singulier relief tout ce prolétariat rural qui obéit aux instincts les plus primitifs (...). L'observation a quelque chose de très personnel. L'attitude devant les réalités de la vie est d'une étonnante franchise, à égale distance de la crudité et de la pruderie (Arts et litt.,1936, p. 52-2): 2. ... le latin dans les mots brave l'honnêteté; mais le lecteur français veut être respecté. Et par quelle raison? le sage législateur du Parnasse aurait dû l'expliquer. Cette grande pruderie de l'œil et de l'oreille, qui, sous la périphrase hypocrite, n'en apporte pas moins à l'esprit la pensée toute nue, sera peut-être un jour expliquée.
Mussetds Le Temps,1831, p. 69. REM. Prudoterie, subst. fém.,péj., rare. Pruderie mesquine, désagréable. Je ne sais quoi me pousse à la mutinerie Contre le bégueulisme et la prudoterie (Pommier, Crâneries,1842, p. 51). Prononc. et Orth. : [pʀydʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1666 « affectation de réserve et de bienséance (de la part d'une femme) » (Molière, Misanthrope, III, 5), qualifié de ,,terme assez nouveau`` par Bouhours en 1671 et de ,,mot barbare`` par Sorel, v. Livet Molière, s.v. prude; b) 1671 « acte de prude » (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t. 2, p. 267). Dér. de prude*; suff. -erie*. Fréq. abs. littér. : 81. Bbg. Boysen (A. L.). Über den Begriff preu im Frz. Munster, 1941, pp. 77-81. |