| PROUESSE, subst. fém. A.− Au sing., vx. Caractère d'un preux (v. ce mot I A), bravoure; vaillance. Les Français ne sont pas assez déchus de leur antique prouesse, pour qu'il soit nécessaire de les contraindre, par une loi rigoureuse, à servir leur patrie (Le Moniteur, 2, 1789, p. 399).L'honnête homme (...) professera courtoisement que la prouesse est la « fleur de tout honneur » (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 125). B.− Le plus souvent au plur. 1. P. méton. Acte de bravoure, d'héroïsme, action d'éclat. Accomplir, faire de grandes prouesses; être capable de prouesses. Les travaux d'Hercule et les prouesses des douze pairs de la Table Ronde (Gautier, Fracasse,1863, p. 261).Les prouesses de l'armée Leclerc réhabilitent l'armée française (Gide, Journal,1943, p. 224).V. chevalerie ex. 2. 2. P. ext. Exploit (v. ce mot A 2). Prouesse athlétique, intellectuelle. L'aviation et les prouesses de ceux qui s'y livrent (Barrès, Cahiers,t. 9, 1912, p. 309).Vos prouesses, ô ballets russes de Diaghilew qui créâtes une époque de griserie (Colette, Jumelle,1938, p. 189). − P. iron. [Pour désigner une action condamnable, dangereuse et/ou ridicule] Voilà une belle prouesse (Ac.).Il voulut faire l'épreuve (...), comment l'on tombe du haut d'un arbre que les bûcherons abattent; (...) ce fut sa dernière prouesse (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 164).Le chauffeur menait comme un fou (...). Germaine et Jacques s'amusaient (...). À chaque nouvelle prouesse, le chauffeur se retournait et leur clignait de l'œil (Cocteau, Gd écart,1923, p. 48): Au beau milieu de la traversée, (...) [un] voyageur (...) extermine je ne sais combien de femmes et d'enfants, tout un lot de passagers, et, cette prouesse accomplie, (...) gagne dans un canot la terre la plus proche.
Bloy, Journal,1900, p. 404. − En partic., fam., souvent au plur. Exploit sexuel. Étaler, vanter ses prouesses; faire le récit de ses prouesses. Une putain dont les prouesses Empliraient cent bidets de futurs fœtus froids (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 2, Parall., 1889, p. 162).Le sourire amusé et gourmand d'un ancien coureur de femmes, rajeuni au récit d'une de ses prouesses d'autrefois (Lorrain, Heures Corse,1905, p. 93).Les fanfaronnades des jeunes gens qui couraient le guilledou l'amusaient. Ces gosses! Il ne jalousait pas leurs prouesses (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 55). Prononc. et Orth. : [pʀuεs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « valeur, vaillance d'un preux » (Roland, éd. J. Bédier, 1731); 2. id. « acte d'un preux, acte de vaillance » faire tantes proecces (ibid., 1607); 3. a) 1647 « action d'éclat » empl. iron. (Vaug., p. 403 : Ce mot est vieux et n'entre plus dans le beau stile, qu'en raillerie comme [...] si je dis, sa vanité est insupportable, il ne cesse de parler de ses proüesses [...] mais si j'escrivois [...] plusieurs grands hommes ont celebré les proüesses d'Alexandre, je me servirois mal à propos de ce mot); b) 1651 « exploit ridicule » (Scarron, Roman comique, I, 3, éd. H. Bénac, S. Les Belles-Lettres, 1951, p. 100 : Le Comédien Destin fit des prouesses à coups de poing, dont on parle encore); c) av. 1660 (Id., Précaution inutile ds Dernières œuvres, Paris, David-Durand, 1752, t. 1, p. 15 : toutes sortes de galanteries et de prouesses d'un Amant bien rafiné); cf. 1718 (Ac. : il se dit [...] en plaisanterie en parlant de certains excès de débauche); d) 1733 p. antiphr. « action blâmable, faute » (B. C. Fagan, Rendez-vous, scène 15 ds Théâtre, Paris, N.B. Duchesne, 1760, t. 1, p. 52 : Nous avons fait, Lisette, une belle prouesse). Dér. de preux*; suff. -esse1*. Fréq. abs. littér. : 155. Bbg. Boysen (A.L.). Über den Begriff preu im Frz. Münster, 1941, pp. 81-83. |