| PROU, adv. A.− Vx. Beaucoup. Il s'agit donc de me jeter cela [le Champi] dehors, et plus tôt que plus tard, car j'en ai prou et déjà trop (Sand, Fr. le Champi,1848, p. 76).Nous tuons le temps en buvant moult et en fumant prou (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 5, Quinze jours en Holl., 1893, p. 264). B.− Loc., littér. Peu ou prou. Plus ou moins. Que je me couche tard ou tôt, que je mange à dîner peu ou prou, boive du vin, de la bière ou de l'eau, c'est tout de même (Gide, Journal,1932, p. 1108).Il faut (...) que je trouve au moins quelques fleurs des champs inutiles pour calmer, peu ou prou, ce besoin d'aimer (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 28). ♦ Vieilli. Ni peu ni prou. Ni peu ni beaucoup, en aucune manière. Vous contractez donc la charmante habitude d'aller chez votre flirt le cœur tranquille, vous croyant bien sûr que vous n'en serez jamais amoureux, ni peu ni prou (Bourget, Physiol. amour mod.,1890, p. 138). Prononc. et Orth. : [pʀu]. Homon. proue. Att. ds Ac. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 adv. « beaucoup, bien » (Roland, éd. J. Bédier, 2098 : Ki tant ne set ne l'ad prod entendut); 1547 (éd. 1559) ne peu ne prou (Amyot, Theag.[enes] et Car.[iclea], ch. XXI ds Gdf.); 1600 peu ou prou (Olivier de Serres, Theatre d'agriculture, Paris, Jamet-Métayet, 1600, p. 755); 2. ca 1165 empl. comme pron. indéf. pro de « beaucoup de » (Benoît de Ste-Maure, Troie, 25136 ds T.-L. : Pro i a d'omes...); ca 1190 preu de la gent (Maurice de Sully, Homélies, éd. C. A. Robson, 25, 20, p. 139). Empl. adv. du subst. a. fr. pro, ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 3 : S'i ert creance, dunt or n'i a nul prut [sens « abondance, profit », cf. éd. G. Paris et L. Pannier, p. 178, note 1c ou « avantage, intérêt », cf. la trad. « qu'on n'estime pas beaucoup », ainsi que le gloss. de l'éd. Storey]); ca 1100 « profit » (Roland, 3459), sens encore relevé au xviies. (1665 La Fontaine, Contes, Paysan qui avait offensé son seigneur ds
Œuvres, éd. R. Gross, t. 1, p. 380 : Bon prou vous fasse!). Pro est issu du lat. vulg. prode « profit », subst. de l'adj. inv. signifiant « utile, profitable », tiré de prodest (prodesse) sur le modèle du class. pote est? potest : Itala Matth. XVI, 26 et Luc IX, 25 : quid enim prode est homini... [cf. Vulgate Luc, IX, 45 : quid enim proficit homo]; prode est le plus souvent empl. avec tmèse : fin ives. Peregr. Aether., 8, 3 : prode illis est, Blaise Lat. chrét. De là, les formes de type prode fuit, fuerunt servant de parfait à prodesse (Martyrium Matthaei, 21 d'apr. E. Löfstedt, Syntactica, t. 2, 1933, p. 402, note 2) et les empl. de prode avec facere (prode facitis, Jean XII, 19, cod. Cantabr.; prode faciat, 654-681 Lex Wisigoth., lib. 6, tit. 4, § 3, v. Löfstedt, p. 184 et Nierm.). À rapprocher du m. fr. ne peu ne prou, fr. peu ou prou, l'a. prov. petit o pro 1130-48, Marcabru,
Œuvres, éd. J.M.L. Dejeanne, XV, 12, p. 61. Fréq. abs. littér. : 30. Bbg. Thomas (A.) Nouv. Essais 1904, p. 324. |