| PROTECTEUR, -TRICE, adj. et subst. I.− Adjectif A.− [Le subst. qualifié désigne l'agent] 1. Qui soustrait, par son action, quelque chose ou quelqu'un à certains dangers, à des agressions ou à des risques qui pourraient lui nuire. Synon. défenseur, gardien; anton. agresseur, oppresseur, persécuteur.Mais ces insectes protecteurs de l'agriculture auraient péri, dévorés par les oiseaux, en 1844 (Michelet, Insecte,1857, p. 141).L'appel vers le parent protecteur ou nourricier est le plus simple de tous et peut-être le premier en date (Arts et litt.,1935, p. 50-9). − Société protectrice des animaux (abrév. S.P.A.). Association dont le but est de protéger les animaux. La Société protectrice des animaux vient de m'adresser un chien loulou (Renard, Journal,1900, p. 565). − RELIGION ♦ [Religions païennes] Divinité protectrice, Dieu protecteur. Divinité, Dieu réputé(e) veiller sur un lieu et ses habitants. Synon. tutélaire.À travers eux [les rêves], le destin, ou bien quelque divinité protectrice, faisant connaître aux humains ses volontés (Béguin, Âme romant.,1939, p. 264): 1. ... la religion [grecque] prescrivait qu'il y eût chaque jour un repas sacré. À cet effet, quelques hommes choisis par la cité devaient manger ensemble, en son nom, dans l'enceinte du prytanée, en présence du foyer et des dieux protecteurs.
Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 195. ♦ [Religion chrétienne] Saint protecteur. Saint réputé veiller sur un lieu et ses habitants ou sur les membres de certains groupes de fidèles. Chaque village de France est placé sous l'invocation d'un saint protecteur, modifié à l'image des habitants (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Lég. Mt St-Michel, 1882, p. 1253).Chaque fois qu'il passait sous la colline de Sion, il ne manquait pas d'y monter pour solliciter les inspirations de la Vierge protectrice de la Lorraine (Barrès, Colline insp.,1913, p. 94). 2. [P. méton.] Souvent péj. Qui témoigne de la supériorité qu'une personne prétend avoir sur d'autres, du fait qu'elle les favorise, les protège ou prétend les favoriser, les protéger. Synon. condescendant, hautain, supérieur.Ton protecteur. Il faut voir, parmi ces foules charmantes, les airs à la fois conquérants et protecteurs de quelques imbéciles en veston et en chapeau (Loti, Galilée,1896, p. 141).Il jetait un regard protecteur sur ces manants qui s'effaçaient devant lui (Huysmans, Oblat,t. 1, 1903, p. 252). B.− [Le subst. qualifié désigne le moyen] 1. Qui constitue une défense, un obstacle empêchant que quelque chose ne soit soumis à une agression, à un risque quelconque. Coiffe, couche, enveloppe, substance protectrice; autorité protectrice; bourrelet, casque, étui, écran, filet, pont, vernis protecteur. L'avion est maintenant au-delà de toute action du phare, − perdu de nouveau dans la nuit protectrice (Malraux, Espoir,1937, p. 664). − [Avec un compl. indiquant ce dont on est protégé] Protecteur contre qqc.Un rideau de forêt protecteur contre les avalanches et les éboulis (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 74).La pensée sert ainsi de système protecteur contre l'expérience immédiate (Mounier, Traité caract.,1946, p. 668). − [Avec un compl. indiquant ce qui est protégé] Protecteur de qqc.Toute la vie sociale est lourde de l'idéologie protectrice des intérêts de la classe dominante (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 224). 2. ÉCON. POL. Qui est destiné à protéger les produits nationaux contre la concurrence de produits étrangers. Mesures protectrices; régime, système protecteur. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Droits protecteurs. Droits perçus sur les produits importés afin qu'ils ne fassent pas concurrence aux produits nationaux équivalents. Diverses provinces [de Hollande] devenant manufacturières, depuis la séparation, obtiennent des douanes des droits protecteurs contre l'industrie étrangère (Michelet, Journal,1837, p. 229). II.− Substantif A.− 1. Celui, celle qui, par son action, protège quelqu'un ou quelque chose contre les agressions, les risques quelconques qui pourraient lui nuire. Synon. défenseur, gardien; anton. agresseur, attaquant.Protecteur de la veuve et de l'orphelin. Les enfants n'ont point ici tous le même âge, et (...) l'aîné trouve naturellement un grand renfort de raison et de courage dans son rôle de protecteur (Alain, Propos,1925, p. 664).Elle y expliquait qu'elle avait tout nié jusqu'au bout, et qu'elle avait été remise en liberté sur l'intervention d'un protecteur nazi (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 205). − Protecteur de qqc./de qqn.Une vieille dame, très vertueuse et protectrice de la vertu (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Rosier MmeHusson, 1887, p. 686).Le gouvernement russe (...) a laissé dire par ses ambassadeurs qu'il se poserait résolument en protecteur de la Serbie (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 91). − Protecteur contre qqc.Le roi de Jérusalem pouvait (...) se constituer son protecteur contre les convoitises de Saladin (Grousset, Croisades,1939, p. 206). − En partic. ♦ Domaine relig.Saint, dieu qui veille sur la destinée de quelqu'un, ou sur un lieu et ses habitants (supra I A 1). Synon. patron.Le saint protecteur de la famille. Voué à la Vierge, je connaissais et j'aimais ma protectrice que je confondais avec mon ange gardien (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 49).À ce moment, les portes du Parthénon pouvaient s'ouvrir et montrer (...) la colossale effigie, la protectrice, la vierge, la victorieuse [Pallas-Athéné de Phidias] (Taine, Philos. art,t. 2, 1865, p. 219). ♦ Cardinal chargé autrefois du soin des affaires consistoriales de certains états ou des intérêts de certains ordres religieux; aujourd'hui, qui assure de son appui certains instituts religieux. Ce cardinal est protecteur des affaires de France, protecteur des affaires d'Espagne (Ac.1835-1935).Ce cardinal est protecteur des dominicains (Ac.). − HIST. [Titre porté par un personnage exerçant une souveraineté de fait] Cromwell a gouverné l'Angleterre sous le titre de Protecteur (Ac.1835-1935). 2. a) Personne socialement influente qui prend soin des intérêts de quelqu'un et en favorise les ambitions. Synon. appui.Ne m'appelez plus votre protecteur, titre qui ne va pas à mon rôle et à mes sentiments pour vous, mais appelez-moi votre ami (Lamart., Corresp.,1831, p. 228): 2. Madame Gilet, grosse de Max en 1788, avait pendant longtemps désiré cette bénédiction du ciel, qu'on eut la méchanceté d'attribuer à la galanterie des deux amis (...). Pour procurer des protecteurs à son fils, la Gilet se garda bien d'éclairer les pères postiches.
Balzac, Rabouill.,1842, p. 367. b) P. euphém., au masc. − Homme qui entretient une femme galante. Synon. amant.Celle-là trouve un protecteur à son goût et n'ose le dire : elle craint la vengeance d'un conseiller référendaire qui a promis de la tuer et de se suicider ensuite si elle aimait un autre que lui (About, Nez notaire,1862, p. 22): 3. ... voyagé à côté d'une petite grue à binocle, qui a tenu tout le compartiment éveillé jusqu'à une heure et demie du matin (...). Trop exaspéré contre elle pour pouvoir ensuite m'endormir; et surtout de n'avoir rien osé lui dire de cinglant à cause du corpulent protecteur qui roupillait en face d'elle.
Gide, Journal,1911, p. 337. − Protecteur (d'une prostituée). Souteneur. Synon. maquereau (pop.). (Dict. xxes.). 3. Celui, celle qui favorise l'établissement et le développement de quelque chose, qui intercède en faveur d'une activité, d'une institution, d'un courant et qui le défend. Ce fut donc à ce protecteur des arts, selon la phrase consacrée, que le Théâtre dut ce jeune talent (Balzac, Début vie,1842, p. 451).Le cardinal du Perron, protecteur des Estienne, avait à Bagnolet ses imprimeries, où, vers 1600, il éditait pour des amis ses œuvres littéraires (Civilis. écr.,1939, p. 16-13). B.− 1. TECHNOL. Chemisage, enveloppe entourant les organes de certaines machines (engrenage, courroie, scie, mèche) qui présentent un danger pour l'utilisateur. Synon. carter.Les machines dangereuses telles que scies et meules doivent être munies de protecteurs appropriés (Champly, Nouv. encyclop. prat.,t. 20, 1927, p. 147).La lame et les tambours [d'une scie à grumes] sont entourés de protecteurs et pourvus d'appareils automatiques de nettoyage et de graissage (Gorgeu, Machines-outils,1928, p. 131). 2. a) Appareil destiné à protéger un organe sous-jacent ou certaines parties du corps lors d'une intervention chirurgicale. Protecteur ventriculaire de Cushing, facial. Oto-rhino-laryngologie (...) Protecteur de la dure-mère, de Poirier (Catal. instrum. chir.[Collin], 1935, p. 147). b) Protecteur d'oreille. Dispositif permettant de réduire le bruit au niveau de l'oreille (d'apr. Piéron 1973). 3. PÉTROL. Protecteur à boue. Dispositif qu'on place à la hauteur de joints autour des tiges de forage qu'on dévisse afin d'éviter les projections de boue (d'apr. Pétrol. 1964). Protecteur de tubage. Cylindre creux en caoutchouc épais placé à l'intérieur des tubages afin d'en protéger la surface interne contre l'usure due au frottement des tiges de forage (d'apr. Pétrol. 1964). 4. CHIM. ,,Substance que l'on ajoute aux catalyseurs dans le but d'inhiber ou de ralentir l'action de certains produits qui sont un poison de la catalyse`` (Grand. 1962). REM. Protectif, -ive, adj.,hapax. Qui protège. Synon. protecteur.Il ne faudrait pas confondre le nuage protectif que madame Colette entretenait autour de sa personne (...) avec une indifférence de spectatrice que le spectacle fatigue et qui s'y endort (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 124). Prononc. et Orth. : [pʀ
ɔtεktœ:ʀ], fém. [-tʀis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Subst. A. 1. a) 1234 « celui qui protège » (Charte ds A. Thierry, Rec. des monuments inéd. de l'hist. du Tiers État, t. 4, p. 710 ds Gdf. Compl. : deffenseurs et protecteurs des eglises); b) 1547 spéc. comme titre (Corresp. polit. d'Odet de Selve, éd. G. Lefèvre-Pontalis, p. 99 ds Fonds Barbier : le conte de Harfort [...] qui a tiltre de protecteur et deffenseur du roy et du royaulme); 1657 spéc. titre de Cromwell ([Ph. de Villers], J. du voyage de deux jeunes Hollandais à Paris en 1656-1658, éd. A. P. Faugère, p. 97 ds Boulan, p. 117 : milord Protecteur); 2. 1505 « celui qui protège, favorise une chose, une activité » (Gringore, Folles entreprises ds
Œuvres compl., éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 94 : Tremblez [...] Meneurs, ducteurs, de vices protecteurs); 1694 (Ac. : la Protectrice des beaux arts); 3. 1678 « celui qui protège, favorise les intérêts, la carrière de quelqu'un » (La Fontaine, Fables, VIII, 18, 5); 4. 1832 « homme qui entretient une femme » (Balzac, Bourse, p. 423). B. 1. 1869 mar. « feuille métallique appliquée à la surface extérieure d'un navire » (Littré); 2. 1904 techn. protecteur de niveau d'eau (Nouv. Lar. ill.); 3. 1930 technol. « carter ou enveloppe entourant les organes d'une machine » (Champly, loc. cit.). II. Adj. 1. a) 1717 « qui défend, protège » (Crébillon, Sémiramis, p. 129 : un héros protecteur des forfaits); b) 1789 écon. pol. lois protectrices (Proc.-Verb. Cons. Agric. et Comm., Const., I, p. 28 ds Brunot t. 6, p. 314); 1846 système protecteur (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 2, p. 48); c) 1857 société protectrice des animaux (Michelet, Insecte, p. 400); d) 1859 pol. état protecteur (Bonn.-Paris); e) 1932 chim. colloïde protecteur (Lar. 20e); 1958 action protectrice (d'un colloïde) (Plais.-Caill.); 2. 1726 un air de protecteur « un air condescendant, hautain » (Lesage, Le Diable boiteux, p. 322); 1811 un air protecteur (Jouy, Hermite, t. 1, p. 210); 1772 ton protecteur (Arnaud, Épreuves du sentiment, t. 3, p. 33). Empr. au b. lat. protector « garde du corps, satellite; protecteur, défenseur », dér. de protegere (protéger*). Fréq. abs. littér. : 1386. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 815, b) 2 262; xxes. : a) 1 406, b) 1 433. |