| PROPRIÉTAIRE, subst. et adj. I. − Subst. Celui, celle qui possède en propriété un bien acquis légalement. A. − [Sans compl.] 1. Possesseur d'un bien, et plus particulièrement d'un bien immeuble ou d'un bien-fonds. Durant notre révolution, les propriétaires ont, il est vrai, concouru avec les non-propriétaires à faire des lois absurdes et spoliatrices (Constant, Princ. pol., 1815, p.56).Il s'écriait en fronçant le sourcil et épanouissant le front, de l'air important d'un gros propriétaire: «Quel beau temps pour les foins!» (Stendhal, L. Leuwen, t.2, 1836, p.14): 1. ... le marquis se présenta avec un bail de trois ans, elle le lui jeta au nez: «Je veux être propriétaire!» Et elle le battit. «Dis merci», fit-elle. Il dit merci. «Et maintenant ne reviens qu'avec l'acte d'achat en mon nom» (...). Quand l'hôtel fut acheté: «Meuble, mon chéri, et vieux style». Il meubla. Enfin, radieux, il lui remit les clefs avec une certaine grâce.
Péladan, Vice supr., 1884, p.148. SYNT. Propriétaire foncier, forestier, légitime, paysan, riverain, rural, terrien; grand, gros, petit, riche propriétaire; devenir propriétaire; changer, changement de propriétaire; la classe des propriétaires; propriétaire et usufruitier. − P. exagér. [L'obj. de la possession est une pers.] De Montègre, un innocent qui accepte l'amour pur, a la bonté de servir de dupe et de restituer la femme à son propriétaire (Taine, Notes Paris, 1867, p.223). − Faire le tour du propriétaire. Visiter sa propriété, sa maison et/ou ses dépendances: 2. ... le chrétien, qui était de joyeuse humeur, frappa sur l'épaule de son hôte et l'obligea, en quelque sorte, de faire ce que nous appellerions le tour du propriétaire. Il le promena d'abord dans la maison principale, puis, à travers les jardins, dans une autre maison...
Barrès, Cahiers, t.4, 1906, p.260. − En partic., MODE. Redingote à la propriétaire. Manteau en usage au xixes. qui consistait en une longue veste croisée à basques tombant jusqu'aux talons. Une figure flasque, de longs cheveux de savant et une cravate blanche sous une redingote à la propriétaire (Goncourt, Journal, 1875, p.1060). − En compos. Co-propriétaire*. Multi-propriétaire. V. multi- I D 1 a. 2. Possesseur d'un immeuble (maison, appartement, local) loué à un locataire. Charges du propriétaire; assemblée, syndicat de(s) propriétaires. Des soucis, Quinette en avait, qui provenaient des difficultés de sa petite industrie, et de la charge d'un loyer déjà trop lourd, que le propriétaire menaçait d'augmenter (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.82). B. − [Suivi d'un compl. déterminant la nature de la possession] 1. [L'obj. de la possession est] a) [un bien corporel, meuble ou bien-fonds] [La mort] de mon père me fit propriétaire d'une fortune considérable (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p.1781).Le père, un employé. Pourtant ils étaient propriétaires de la maison qu'ils habitaient sur le quai au Havre (Barrès, Cahiers, t.10, 1913, p.18).Chaque colon n'est rien que le fermier d'Israël. Le peuple juif demeure le seul propriétaire du sol (Tharaud, An prochain, 1924, p.159). SYNT. Propriétaire d'un appartement, d'un château, d'un champ, d'un domaine, d'une entreprise, d'une ferme, d'un fonds, d'un hôtel, d'un immeuble, d'une maison, du sol, de terres, de vignobles, d'une ville; propriétaire d'un bijou, d'un cheval, d'un animal, de biens, de titres. b) [un bien incorporel] Je suis en effet propriétaire absolu de mes oeuvres, sauf les stipulations nécessaires pour les exploitations que je concède (Balzac, Corresp., 1841, p.280). c) [une pers. ou un groupe de pers., dans le cont. de l'esclavage] Il y a dans les États-Unis du sud des prêtres chrétiens et peut-être de bons prêtres (propriétaires d'esclaves pourtant) qui prêchent en chaire des doctrines qui, sans doute, sont analogues aux vôtres (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1857, p.277). 2. P. ext. ou exagér. a) [L'obj. de la possession est une pers. différente du suj.] Celui qui a loué ses enfants dans une ferme. Il reste le propriétaire de ses enfants. Et c'est le fermier qui en devient le locataire (Péguy, Porche Myst., 1911, p.200).La propriété privée apparaît: maître des esclaves et de la terre, l'homme devient aussi propriétaire de la femme (Beauvoir, Deux. sexe, t.1, 1949, p.97). b) [L'obj. de la possession est identique ou inhérente au suj.] Je suis propriétaire de mon corps, de ma santé, de mon honneur, de ma réputation, au même titre et de la même manière que des choses matérielles qui me sont soumises (Durkheim, Divis. trav., 1893, p.88).Il balance le ventre florissant dont il est propriétaire, et déambulant sur ses jambes arquées comme deux anses, crache tout autour de lui, abondamment, richement (Barbusse, Feu, 1916, p.97). c) Au fig. Être propriétaire du temps. Maîtriser le temps, en disposer à son gré. On est exempts de tout travail jusqu'au soir, on est libres, on est propriétaires de son temps (Barbusse, Feu, 1916, p.323). II. − Adjectif A. − Qui possède des biens en propre. La classe capitaliste et propriétaire, usant de sa puissance, fait payer à la classe prolétarienne une large redevance (Jaurès, Ét. soc., 1901, p.125). B. − Qui est propre aux possesseurs de biens. L'instinct propriétaire. Tout ceci, je le sais bien, n'est qu'un rêve de socialiste, une utopie contredite par la routine propriétaire (Proudhon, Syst. contrad. écon., t.2, 1846, p.67). − THÉOL. CATH., vx. Âme propriétaire. Personne qui vit sa religion d'une manière non désintéressée, mais plutôt dans l'espoir d'une récompense divine. Âmes propriétaires. Cette expression est du Père Surin qui désigne par là les âmes éprises d'elles-mêmes et de leurs vertus (Green, Journal, 1957, p.289). REM. Propriétairement, adv.,peu us. En (qualité de) propriétaire, à la façon d'un propriétaire. Et j'eus, de mon côté, l'intention d'être aimable pour celle de ces demoiselles qui vint prendre mon bras, tout aussi propriétairement que si elle eût été ma femme (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p.84).Qu'est-ce que consommer propriétairement? C'est consommer sans travailler, consommer sans reproduire (Proudhon, Propriété, 1840, p.287). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔpʀijetε:ʀ]. Ac. 1694, 1718: -prie-; dep. 1740: -prié-. Étymol. et Hist.1. Subst. a) 1263 «celui qui possède quelque chose en propre» (Constit. de la maison Dieu de Troyes, LXXV, A. Aube ds Gdf. Compl.); b) 1315 «celui qui possède un immeuble» (A.N. S 1522b, pièce 34, ibid.); c) 1690 «celui qui possède un immeuble occupé par un ou des locataires» (Fur.); d) ca 1538 [éd.] «patrimoine» (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t.2, p.353, var.); 2. adj. a) 1317 «qui concerne la propriété» (Texte cité ds Espinas, Vie urbaine de Douai au M.-A., t.4, p.100) −xvies. (v. Gdf.); b) av. 1704 âme propriétaire (Bossuet, Lett. quiét., 12 ds Littré). Empr. au b. lat. des juristes proprietarius «appartenant à quelqu'un» et subst. «celui qui possède (un bien)», de proprietas «propriété». Fréq. abs. littér.: 3306. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6956, b) 4906; xxes.: a) 4855, b) 2573. Bbg. Dub. Pol. 1962, pp.390-391. _Gohin 1903, p.253 (s.v. propriétairement). _Lalande (J.-N.). Ét. lexico-sém. du mot propriété... Grammatica. 1979, no7, pp.21-23. _ Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp.295-296. |