| ![]() ![]() ![]() ![]() PROPRE2, adj. [L'adj. est toujours post-posé] A. − Qui est bien lavé, bien tenu. 1. [En parlant d'une pers.] Qui a fait une toilette minutieuse, dont l'aspect extérieur est soigné, net. Synon. convenable; anton. sale, négligé.Son salaire (...) lui permettait (...) de tenir ses petits frères plus propres et mieux vêtus et de les envoyer à l'école (Lamart., Confid., Graziella, 1849, p.222).Il se négligeait, lui qui était toujours propre sur soi comme un marin (Pourrat, Gaspard, 1930, p.228): 1. De partout, on voyait sortir les matelots, bien propres dans leur tenue des dimanches, s'époussetant d'une main empressée, s'arrangeant les uns aux autres leur grand col bleu, et vite, d'un pas alerte, gagnant les portes, s'élançant dans Brest.
Loti, Mon frère Yves, 1883, p.261. − [En parlant d'une pers. ou d'un animal] Qui a des habitudes de propreté naturelles ou instinctives; en partic., qui tient sa maison avec beaucoup de soin. Une bête si propre [la chatte], délicate au point de ne pas sortir par un temps humide, et qui se vautrait quatre fois l'an dans la boue de tous les ruisseaux (Zola, Joie de vivre, 1884, p.1119).Êtes-vous très propre?... Moi, je suis exigeante sur la propreté... Je passe sur bien des choses... Mais sur la propreté, je suis intraitable (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.28). − [En parlant d'une partie du corps] Qui est bien lavé, bien entretenu. Avoir les mains (les pieds) (bien, très) propres. Le visage brun et ridé, sous des cheveux blancs très propres (Camus, Peste, 1947, p.1383). − En partic. [En parlant d'un jeune enfant] Qui a acquis le contrôle de ses fonctions naturelles. Un enfant propre avant ce stade [la marche] ne l'est que par réflexe conditionné (Lar. Méd.t.31972). 2. [En parlant d'un vêtement, d'une pièce de linge ou de vaisselle] Qui a subi un nettoyage rigoureux, qui ne présente aucune tache ou trace de poussière. Assiette, mouchoir, pyjama, veste, vêtement propre. Il la respira toute, elle et son parfum de beurre frais, de petite très bien lavée, en linge propre et tiède encore du repassage (Adam, Enf. Aust., 1902, p.282).Sa chemise était propre, mais pas repassée, avec un col qui, n'étant pas un «col tenant», ne tenait pas (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.187): 2. Un interne disait que dans les hôpitaux, pour les malades misérables, le bain, la chemise blanche, les draps propres, le seul passage de la saleté à la propreté amenait une amélioration médicalement constatée.
Goncourt, Journal, 1872, p.864. − P. ext. Convenable, correct. Une paire de gants: cinq francs. Une cravate: cinq francs (et qu'est-ce que je trouverai de propre pour ce prix-là?) (Gide, Caves, 1914, p.725). − Empl. subst. (p.ell. du subst.). Le propre. Ce qui est propre. Séparer le propre du sale. 3. [En parlant d'un lieu] Qui est bien tenu, rangé, nettoyé rigoureusement. Synon. soigné, entretenu.Pièce, rue propre. [Valladolid] est une ville propre, calme, élégante, et se ressentant déjà des approches de l'Orient (Gautier, Tra los montes, 1843, p.62).Le jardin très propre, avec ses petites allées, ses carrés de fleurs et de légumes entourés de buis, se reflétait dans une grosse boule de verre étamé (Zola, L'OEuvre, 1886, p.348): 3. La blonde du 36 m'a encore fichu des cochonneries dans le trou, grogne-t-elle. Jamais, elle n'aura le courage de descendre ses ordures aux poubelles, celle-là! Tant qu'on aura des ménages au troisième, on ne tiendra jamais la maison propre.
Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.118. − Empl. subst. à valeur de coll. La propreté, tout ce qui est propre. Comment la vieille s'y était-elle prise pour avoir tout remis en ordre, tout lavé, après les allées et venues de ces messieurs? La maison sentait le propre, le savon (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.128). 4. P. anal. a) Ciel propre. Ciel clair, net, débarrassé de tout nuage. Il y avait du bel air dans cette matinée: un air jaune tout doré, à moitié chaud, à moitié froid (...) le ciel était bien propre (Giono, Gd troupeau, 1931, p.127). b) Travail propre − Travail fait correctement. Synon. soigné. (Dict. xixeet xxes.). − P. méton. Travail qui permet de rester propre (Dict. xixeet xxes.). − Au fig. Travail net, sans bavure, qui ne laisse pas de traces ou de preuves compromettantes. Assassin perfide et tenace! Oh! Rien à dire, c'est du travail très propre. Pas de sang versé, rien de compromettant (Montherl., J. filles, 1936, p.1024). 5. Locutions a) Propre comme un sou (neuf) − [En parlant d'une pers. ou de sa toilette] Bravida (...) un tout petit homme, propre comme un sou (A. Daudet, Tartarin Alpes, 1885, p.133). − [En parlant d'un lieu] Ni dans le laboratoire, ni dans le vestibule qu'étaient propres comme un sou neuf, on n'a retrouvé ses pas (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p.31). − Var. Propre comme un louis neuf (About, Nez notaire, 1862, p.9).Propre comme un ducat neuf (Balzac, Gobseck, 1830, p.396). b) Empl. subst. Mettre, recopier au propre. Recopier d'une manière soignée un texte dans sa version définitive. Je prépare longuement le discours où j'intercale à propos quelques citations latines. Sans fausse modestie, j'en suis satisfait. Je le recopie au propre sur une grande feuille de papier (Renard, Poil Carotte, 1894, p.166). 6. Empl. techn. mod. a) PHYS. NUCL. Énergie propre; bombe propre. Dont les retombées radio-actives sont faibles. On trouvera bientôt une source d'énergie «propre» (au sens nucléaire du mot, c'est-à-dire ne laissant pas traîner de résidus radioactifs (...)) (J.-M. Pérès, Vie océan, 1966, p.183). b) TECHNOL. Non polluant. Automobile, industrie, moteur propre. L'usine propre analyse ses procédés de fabrication, traque le gaspillage, observe son environnement (Le Monde, 20 déc. 1975ds Gilb. 1980). B. − Au fig. 1. [En parlant d'une chose] Convenable, conforme aux règles de la morale ou de la bienséance. C'est drôle, murmura-t-elle enfin, j'ai certainement vu cette tête-là quelque part. Où? je ne sais plus. Mais ça ne devait pas être dans un endroit propre (Zola, Nana, 1880, p.1299). 2. [En parlant d'une pers.] Qui jouit d'une bonne réputation, dont la conduite est irréprochable. Synon. intègre, honnête, probe.Agir en homme propre. Ah! que les gens nés légitimement, les gens à la vie pure, au passé sans tache, les gens propres, respectables, dont il n'y a rien à dire depuis la naissance, ne rencontrent jamais cette fortune! (Goncourt, Journal, 1874, p.965).L'homme marié était tabou, une femme propre ne couche pas avec un homme marié (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.163). − [En parlant d'un acte ou de paroles] Comme il avait une si drôle de tête et qu'on me rapportait des choses pas propres, je mettais davantage mon nez dans ses registres, j'épluchais ses écritures (Zola, Cap. Burle, 1883, p.12). − Loc. Avoir, garder les mains propres. Rester pur et honnête en toutes circonstances ou dans une circonstance particulière. Ils n'étaient pas [les nobles], en principe, hostiles aux bourgeois, fussent-ils républicains, pourvu qu'ils eussent les mains propres et allassent à la messe (Proust, Guermantes 1, 1920, p.100). C. − P. antiphr. et iron. 1. [P. antiphr. du sens propre, en parlant d'une pers., d'un animal, d'une tenue, d'un intérieur, d'un objet, pour exprimer le contraire] Synon. sale, malpropre, mal tenu.En le voyant si minable, si fini, elle éprouva un dernier apitoiement. −Eh bien! Tu es propre, mon pauvre chien! (Zola, Nana, 1880, p.1283). 2. [P. antiphr. du sens fig.] Le premier goujat venu pouvait les insulter? Merci, il était propre, lui aussi; c'était complet (Zola, Nana, 1880, p.1252). 3. Expr. fam. a) Me (te, nous...) voilà propre(s), on est propre(s). Être dans une situation difficile et embarrassante. Synon. être frais, dans de beaux draps.Va te faire fiche, on est propre! Si les hommes savaient, on serait perdue avant qu'ils ne croient que c'est possible! (Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p.156): 4. Ne t'ai-je pas assez prévenue? Qu'elles nous foutront sur la paille! Toutes tes ouvrières!... Ah! Suppose que moi, tiens, je fasse seulement le quart d'une erreur à la «coccinelle»!... Ah! Je me vois propre au bureau! L'hypothèse était si horrible qu'il se sentait déjà perdu!...
Céline, Mort à crédit, 1936, p.155. − Arg. Être bon pour la prison. Si on m'entoile, y a pas d'erreur, je suis propre (Bruant1901, p.131). b) Empl. subst. C'est du propre ! − [P. antiphr. du sens propre] De fameux galopins! Tenez, regardez Giraudat. Il a mis les oisillons dans sa chemise. Ils ont fait là-dedans ce qu'ils ont voulu. C'est du propre! (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.189). − [P. antiphr. du sens fig.] C'est une chose inadmissible, qui mérite réprobation. Synon. c'est du beau, c'est du joli!Ah! c'est du joli! c'est du propre! Toi, la fille d'un roi! Donnez-vous du mal, donnez-vous du mal pour les élever! Elles sont toutes les mêmes (Anouilh, Antig., 1946, p.140). Prononc. et Orth. V. propre1. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) 1130 «qui appartient à quelqu'un» (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 17: en soun propre chastel); b) 1155 (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 79: Silvius fu si propre nuns); c) 1549 nom propre (Est.); 2. ca 1265 «qui convient» (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, III, 44, p.355: mos propres, biaus et acoustumés); 3. a) ca 1280 «net, soigné» (Clef d'amour, 322 ds T.-L.), att. seulement épisodiquement jusqu'au xviies.; b) 1640 «bien lavé, bien entretenu» (Oudin: propre comme une escuelle à chat); 4. ca 1280 marque expressément qu'il s'agit bien de la chose en question (Clef d'amour, 867); 5. a) 1370 «qui est apte à, capable de» (Oresme, Ethiques, I, 3, note 5, éd. A. D. Menut, t.1, p.107: propre auditeur de politiques); b) ca 1485 propre à, propre pour (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 48486, 11892). B. Subst. 1. a) 1213 «bien propre» (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 728, 27); b) ca 1350 vivre sans propre «vivre sans rien posséder» (Gilles Le Muisit, Poésies, I, 143 ds T.-L.); 2. 1534 «caractère essentiel de (quelqu'un, quelque chose)» (Rabelais, Gargantua, Aux lecteurs, éd. M.-A. Screech, p.7: Pource que rire est le propre de l'homme); 3. 1718 relig. Propre des Saints (Ac.); 4. 1791 p.antiphr. ce sera du propre! (Le Véritable P. Duchesne, Conseil pacifique du Père Duchesne, p.4 ds Quem. DDL t.19). Empr. au lat. proprius «qui appartient en propre» et «spécial, caractéristique»; le sens 3 est une ext. du fr., prob. à partir du sens de «qui convient bien, convenable», et se répand au xviies. parallèlement à malpropre* (v. FEW t.9, p.458 et p.461, note 7). STAT. −Propre1 et 2. Fréq. abs. littér.: 20570. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 30657, b) 22537; xxes.: a) 21642, b) 36234. BBG. −Chautard Vie étrange Argot 1931, p.583. _ Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p.228, 236. _ Lalande (J.-N.). Ét. lexico-sém. du mot propriété ds les principaux dict. ... Grammatica. 1979, no7, pp.19-20; p.27. _ Quem. DDL t.18, 19. |