| PROFITER, verbe A. − Empl. trans. indir. 1. Profiter de a) [Le suj. désigne un être vivant] Tirer avantage, bénéfice de. Profiter de l'absence, du désarroi de qqn; profiter de l'occasion, des avantages, des circonstances, de l'heure, de cet intervalle, de cet instant, des leçons, d'un/du/de ce moment, de ce temps, des travaux, d'un voyage. Suzanne profita de cet incident et en tira tout le parti possible (Karr, Sous tilleuls, 1832, p.130).Si Gilliatt voulait profiter de la marée basse, il importait qu'il se hâtât (Hugo, Travaill. mer, 1866, p.258): 1. ... ma mère disait qu'elle n'avait plus que sa soeur et qu'il fallait se hâter d'aller la voir, de profiter de sa présence sur terre avant sa mort.
Nizan, Conspir., 1938, p.221. − Fam. Profiter de la situation. Abuser des circonstances. Les satyres sont déchaînés. Les femmes se décident à hurler ferme. Les prudents se débinent. Les acharnés veulent profiter de la situation (Queneau, Pierrot, 1942, p.115). ♦ Profiter de qqn.Exploiter abusivement la faiblesse, la gentillesse, la naïveté de quelqu'un. Des négociants aident le petit propriétaire. Ils veulent le conserver pour profiter de lui. Il est capable de se passer de manger pour acheter de quoi fumer ses arpents et d'y travailler quatorze heures par jour (Hamp, Champagne, 1909, p.129). − Profiter de qqc. (pour + inf.).Mettre à profit, prendre prétexte de. Profiter de la vie, de la jeunesse. Profitant d'un intervalle de santé du roi, il lui avait fait signer ce traité (Barante, Hist. ducs Bourg., t.2, 1821-24, p.266).John Mangles résolut de profiter du premier bon vent pour appareiller (Verne, Enf. cap. Grant, t.2, 1868, p.61): 2. ... elle suivait des cours à la Sorbonne et recevait une pension de ses parents. Elle avait voulu profiter de ses vacances pour pénétrer dans l'intimité d'une famille française: elle en était éberluée.
Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p.276. b) [Le suj. désigne un inanimé] Acquérir un accroissement de gain, de crédit, d'importance; tirer le meilleur parti de. Une nation, par conséquent, où les sciences seraient peu cultivées, pourrait néanmoins porter son industrie assez loin en profitant des lumières venues d'ailleurs (Say, Écon. pol., 1832, p.81): 3. Sur un tel visage, la jeunesse ne dut jamais être éclatante. L'oeil marron a de la profondeur, une marge de bistre avantageuse. La bouche profite d'une forte dentition, et du sillon qui divise la lèvre supérieure.
Colette, Naiss. jour, 1928, p.41. Rem. La constr. profiter que (pour profiter de ce que) est incorrecte mais fréq. dans la lang. pop. et fam.: Les copains n'en goûtent pas souvent de ses colis. Il profite qu'on est aux tranchées pour se la taper en Suisse (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.32). C'était pour me semer en réalité ce subterfuge parce qu'elle profita que nous demeurions loin, pour rentrer de plus en plus rarement à la maison (Céline, Voyage, 1932, p.99). Nous devrions profiter qu'ils sont encore là pour nous débarrasser des communistes (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.39). 2. Profiter à qqn.[Le suj. désigne un inanimé] Procurer un bénéfice, un avantage matériel ou moral. L'anarchie profite toujours à quelqu'un, souvent aux grands, jamais aux petits (Bainville, Hist. Fr., t.1, 1924, p.125).Cette guerre, qu'elle serve, au moins à l'évolution sociale! Qu'elle profite à l'humanité! Qu'elle soit la dernière! (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.618).Mais, au lieu de souscrire à la conciliation, le général Dentz s'était lancé dans une lutte à outrance qui ne pouvait profiter qu'à l'ennemi (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.111). − En partic. Produire les meilleurs effets sur la santé, l'appétit de quelqu'un. Nuit, tu es pour l'homme une nourriture plus nourrissante que le pain et le vin. Car celui qui mange et boit, s'il ne dort pas, sa nourriture ne lui profite pas (Péguy, Porche Myst., 1911, p.303).Premier Cavalier, au gros homme: La Flandre vous a profité, Don Gil! Deuxième Cavalier: La Traversée du Panama vous fera fondre (Claudel, Soulier, 1929, 2ejournée, 1, p.713). B. − Empl. intrans. [Souvent suivi d'un adv. de nég. ou de quantité] 1. [Le suj. désigne un être vivant] a) Faire des bénéfices. Il a beaucoup profité sur les marchandises qu'il a vendues. Il profite à ce marché. Il s'est associé à des gens avec lesquels il a beaucoup profité (Ac.1878). b) Retirer un avantage, un bénéfice. Les fréquentes absences de notre maître nous laissaient le temps de faire de longues conversations et je profitais beaucoup (Michelet, Mémor., 1822, p.194).Car, si votre pensée est bonne, on en profite; mauvaise, on la corrige, et l'on profite encore (Courier, Pamphlets pol., Pamphlet des Pamphlets, 1824, p.214). c) Progresser, s'améliorer. On voulut que je fusse d'Église, et l'on me fit étudier, mais je ne profitais guère. J'aimais trop à jouer à la paume, c'est ce qui m'a perdu (Mérimée, Carmen, 1845, p.29): 4. Maman, qui n'était pas forte, se tuait à la besogne... Elle me gâtait, il n'y avait rien de trop beau pour moi, j'avais des professeurs de tout; et je profitais si peu, d'abord j'étais tombée malade, puis je n'écoutais pas, toujours à rire, le sang à la tête...
Zola, L'OEuvre, 1886, p.24. d) Fam. Se développer, grossir, se fortifier. Et Sylvie tournait tout autour, abandonnant son petit corps, les jambes gourdes, une cuiller de bois dans la main. −Elle a bien profité, dit Raboliot (Genevoix, Raboliot, 1925, p.340).L'enfant ne profitait guère, tout petit, tout pâlot; on dut le mettre au lait de chèvre (Pourrat, Gaspard, 1925, p.104). 2. [Le suj. désigne un inanimé] a) Apporter un avantage, un bénéfice, un profit. Ce brigandage ne profita pas. Tous ceux qui avaient touché cette proie funeste finirent misérablement (Michelet, Hist. romaine, t.2, 1831, p.155).Ainsi la propriété ne peut s'établir par la prescription. Tout cela est si solide et si vrai, que c'est précisément sur ces fondements que s'est établie la maxime, qu'en matière de prescription l'erreur du droit ne profite pas (Proudhon, Propriété, 1840, p.201). − Proverbe. Bien mal acquis ne profite jamais. Les hommes de cet âge, Taillemagre, plus austères que nous, avaient un sens profond des choses de la vie. Ils croyaient au proverbe: «Bien mal acquis ne profite jamais» (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.93). b) Fam. [Le suj. désigne de la nourriture] Être avantageux, économique. Synon. être profitant.Un plat, un morceau de viande qui profite (Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔfite], (il) profite [-fit]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1remoit. xiies. verbe intrans. «prospérer, réussir dans ses entreprises» (Psautier Cambridge, 36, 7 ds T.-L.); 1606 «faire des profits, des bénéfices, en parlant de quelqu'un» (Nicot); b) 1213 «procurer un profit (d'une chose)» (Fet des romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 2, 3); c) 1298 «faire des progrès, s'améliorer» (Contrat d'apprentissage, c'est Renier l'orfevre, Piere de Sulli et Jehanet son frere, Chirogr., A. Tournai ds Gdf. Compl.); d) 1532 «se développer, croître» (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, 27); 2. a) ca 1170 «apporter un avantage matériel, moral à quelqu'un» (Livre des Rois, éd. E. R. Curtius, p.22); b) 1563 «servir, être utile, en parlant des choses» (B. Palissy, Recepte, 87); 1668 «être profitables, assimilables, en parlant d'aliments» (La Fontaine, Fables, Le Lièvre et les grenouilles, II, 14); 3. 1307 propheter «faire son profit» (Ch. de 1307, Cart. de S. Valmont, fo117 vo, A. Seine-Inférieure ds Gdf. Compl.); 1909 profiter de qqn (Hamp, loc. cit.); 4.ca 1260 verbe trans. «augmenter, accroître» (Philippe de Novare, Quatre ages, 161 ds T.-L.); ca 1500 «accomplir quelque chose de profitable» (Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, II, 206). Dér. de profit*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 4605. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7075, b) 6834; xxes.: a) 5717, b) 6444. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.384. _Gall. 1955, p.413. |