| PROFIT, subst. masc. A. − Avantage d'ordre matériel, intellectuel ou moral qu'une personne ou une collectivité peut tirer de quelque chose. Profit énorme, quelconque; le plus clair profit; avec profit; sans utilité ni profit; part d'un profit; recherche du, source de profit; trouver plaisir et profit (à qqc.); retenir ni profit ni dommage. Nous méditerons le matin, au moment de notre réveil, les plans qu'il nous faudra suivre, pour que le travail du jour nous rende des profits considérables (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.361).Ma grand'mère, à qui j'avais raconté mon entrevue avec Elstir et qui se réjouissait de tout le profit intellectuel que je pouvais tirer de son amitié (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.830): 1. Indifférent aux théories, étranger à toute philosophie, ce qui ne sert pas ses projets lui est indifférent. Même dans la mécanique, où il est sur son terrain, il rejette ce qu'il ne juge pas d'un profit immédiat, comme les bateaux et les voitures à vapeur.
A. France, Vie fleur, 1922, p.342. − Petits profits. Amasser de petits profits. Fini pour lui de sonner les cloches et de creuser les tombes, finis les petits profits qui s'attachaient à ces emplois (Queffelec, Recteur, 1944, p.78). − Expressions ♦ Il y a (du) profit à (telle chose, faire telle chose); avoir profit à; avoir le profit de (qqc.); être de profit à qqn (vieilli); c'est tout profit. Vous auriez profit de temps et de fatigue à revenir prendre à Clermont le chemin de fer pour Châteauroux (Sand, Corresp., t.5, 1866, p.118).Voici venir le médecin (...) C'est un vieux voisin à qui j'ai été de peu de profit, mais que j'aime beaucoup (A. France, Bonnard, 1881, p.464): 2. Ce sont des désirs naturels, et, lorsque l'âme jeune y aura résisté assez longtemps pour y prendre des droits de fierté, son soin doit être de les faire taire, ou d'en profiter, car il y a profit aux désirs, et profit au rassasiement des désirs...
Gide, Journal, 1894, p.53. ♦ Faire du profit. Être d'un usage économique, de bon rendement, avantageux. Cette sorte de bois à brûler fait beaucoup de profit (Ac.1935). ♦ Faire (son) profit de qqc. Tirer avantage, bénéfice de quelque chose. Ce qui existait pour lui [Flaubert], c'était cet ensemble de prétentions, de tics, de manies, c'était cette attitude qui, chez un homme d'abord, nous frappe et dont un La Bruyère fait son profit (Mauriac, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p.150). ♦ Mettre (qqc.) à profit. Utiliser (quelque chose) de façon à en tirer le meilleur avantage. L'abbé Dubignon (...) voulut mettre à profit pour son salut le peu de moments qui lui restaient encore (Mérimée, A. Guillot, 1847, p.145).Aussi, mettant à profit l'instant favorable, elle conta (...) la détresse de la mère et du fils (A. France, Dieux ont soif, 1912, p.94). ♦ Tirer profit de (qqc.). Exploiter le plus avantageusement possible (quelque chose). Synon. profiter.Tirer profit du malheur d'autrui; d'une leçon. On souhaiterait parfois qu'un auteur, qu'un artiste puisse revenir sur terre, pour reconnaître et tirer profit de ses erreurs (Gide, Journal, 1929, p.905): 3. Même si la guerre ne visait pas la conquête d'abord, c'est à une conquête qu'elle aboutit, tant le vainqueur juge commode de s'approprier les terres du vaincu, et même les populations, pour tirer profit de leur travail.
Bergson, Deux sources, 1932, p.294. ♦ Au profit de. Au bénéfice de. Ajouter, commettre, déshériter, diminuer, exploiter, gagner, liquider, organiser, prélever, prononcer, ruiner, sacrifier, tourner, utiliser, vendre au profit de. [La rente viagère] peut être constituée au profit d'un tiers, quoique le prix en soit fourni par une autre personne (Code civil, 1804, art. 1973, p.355).La pitié est rabaissée ici, non point au profit de l'inhumanité, mais au profit de l'humanité guidée par la raison, parce que la raison seule «nous permet de porter secours à autrui avec certitude» (Benda, Trahis. clercs, 1927, p.175).Quoique les médecins, les éducateurs et les hygiénistes appliquent avec désintéressement leurs efforts au profit des êtres humains, ils n'atteignent pas leur but, car ils visent des schémas qui ne contiennent qu'une partie de la réalité (Carrel, L'Homme, 1935, p.30). ♦ DR. Adjuger le profit du défaut. ,,Statuer par suite du défaut en faveur du demandeur`` (Rob., s.v. défaut). − Loc. proverbiale. Plus de profit et moins d'honneur. ,,Mieux vaut chercher des avantages réels que des satisfactions d'amour-propre ou l'approbation des autres`` (Rey-Chantr. Expr. 1979). B. − 1. Lang. cour. Gain en argent que l'on retire d'une chose ou d'une activité. Profit additionnel, foncier, illicite, industriel, usuraire; gros profits; argent et profit; procurer un profit. L'aubaine connue sous les noms de fermage, rente, intérêt, se paye tous les ans; les loyers courent à la semaine, au mois, à l'année; les profits et bénéfices ont lieu autant de fois que l'échange (Proudhon, Propriété, 1840, p.247).Il y but [au café] (...) une franche bouteille de ce précieux vin français que le noble poète avait tant aimé et, dit-on, un peu vendu non sans profit (Verlaine, OEuvres compl., t.4, Mes hôp., 1891, p.337).Une petite courtisane (...) au sourire d'une grâce angélique sauf quand elle (...) supputait le profit, guettait l'argent et poussait l'enchère (Arnoux, Seigneur, 1955, p.20). 2. Spécialement a) COMPTAB. Ce qui reste des recettes tous frais déduits. Profit brut, net. La vente des chiots est un profit presque net (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p.1029). − Compte de profits et pertes. ,,Le Compte Profits et Pertes relatif à une période donnée récapitule toutes les recettes et toutes les dépenses faites pendant cette période`` (Lemeunier 1969). ♦ Au fig. Mettre, passer au compte des profits et pertes; passer par profits et pertes. Considérer comme définitivement perdu: 4. Elle ajouta cependant: −Et... l'enfant? −Quel enfant? −Le... le nôtre. −Ah! c'est vrai. Eh! mais tu le passeras aux profits et pertes. Je suis même sûr que le cheikh Admed trouvera qu'il lui ressemble. −Tu as toujours le mot pour rire, −fit-elle, souriant et pleurant à demi.
Benoit, Atlant., 1919, p.219. − Être à profit. [En parlant d'une chose] Rapporter un bénéfice. Pourtant, la comptabilité seule établissait la situation, indiquant ceux des produits qui étaient à profit, ceux qui étaient à perte; en outre, elle donnait le prix de revient et par conséquent de vente (Zola, Terre, 1887, p.156). b) ÉCON. POL. Revenu résiduel résultant de la différence existant entre les dépenses occasionnées par la production ou la vente de biens et services et les recettes obtenues par l'entreprise. Définition, théorie du profit; profit global, social; profits de conjoncture, de croissance, de structure, de transfert. Je m'étais demandé quels étaient les ressorts qui, dans l'économie communiste, pouvaient (...) remplacer le désir du profit, grand moteur de l'économie capitaliste (Maurois, Mes songes, 1933, p.56).Vous avez appelé les peuples au Profit comme vous les appelez maintenant aux armes (Bernanos, Enf. humil., 1948, p.253): 5. Le capitalisme des monopoles contrôlé par les programmes publics laisse voir, au milieu d'une confusion extrême, quelques signes d'un profit fonctionnellement discuté. La part des profits de monopole et de puissance demeure considérable. Toutefois, plusieurs circonstances modèlent le profit tout autrement qu'il ne l'était dans la seconde moitié du XIXesiècle.
Perroux, Écon. XXes., 1964, p.461. 3. Au plur. Gratifications en argent ou en nature accordées aux domestiques. J'ai été bien saisi en tirant de là [d'un grand sac] des becs de pie, des têtes de vipères (...) des queues d'écureuils (...) des queues de mulots. Ce sont les petits profits des gardes forestières; on leur donne tant par tête ou par queue de bête malfaisante (A. Daudet, R. Helmont, 1874, p.92). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔfi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1remoit. xiies. prufit «avantage» (Psautier Cambridge, 29, 10 ds T.-L.); xiiies. «avantage d'ordre intellectuel ou moral» (Isopet de Lyon, 2, ibid.); b) 1316 au profit de (Runk.); c) av. 1492 à prouffit «utilement» (Jean Molinet, Chroniques, éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t.1, p.448); d) 1509-10 de tout faut faire son prouffit (Gringore, La Chasse du cerf des cerfs, éd. C. d'Héricault et A. de Montaiglon, I, p.163); 1678 faire son profit de «disposer librement de» (La Fontaine, Fables, VIII, 7, 24); e) 1606 tourner à son profit (Nicot); f) 1640 mettre tout à profit (Oudin, Curiositez, 457); g) 1690 faire du profit et profit du défaut (Fur.); 2. a) 1160-74 profiet «revenu, avantage pécuniaire» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 4255); 1617 subst. masc. plur. «petites gratifications données aux domestiques» (Crespin); b) 1694 profit aventureux (Corneille); c) 1832 profits et pertes (Raymond); 1933 profit net (Martin du G., loc. cit.); 1936 profit brut (Cap.); 3. 1926 écon. pol. (Perroux, Le Problème du profit ds Romeuf 1958). Du lat. profectus «avancement, progrès», «succès, profit», «amélioration», on trouvait en a. fr. la forme pourfit (v. Gdf., T.-L.) refaite en proufit, profit d'apr. le lat. Fréq. abs. littér.: 3321. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5671, b) 3175; xxes.: a) 3675, b) 5373. Bbg. Gohin 1903, p.346. _Wind 1928, p.40. |