| PRESTIGE, subst. masc. A. − Littér., le plus souvent au plur. 1. Vieilli a) Illusion produite par magie ou par un sortilège; artifice diabolique. Un prestige infernal; les prestiges de l'antique magie; inventer des tours et des prestiges; être troublé par des prestiges; les prestiges du mauvais esprit. Méphistophélès dans les longs habits de Faust: Méprise bien la raison et la science, suprême force de l'humanité. Laisse-toi désarmer par les illusions et les prestiges de l'esprit malin, et tu es à moi sans restriction (Nerval, Faust, 1840, p.76).Descartes est ce gentilhomme qui rencontre le malin génie et lui parle calmement face à face, d'égal à égal, sûr, grâce au doute, d'échapper à ses prestiges. Le grand trompeur peut nous empêcher d'atteindre la vérité (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p.82). ♦ Prestige d'optique. Synon. usuel illusion d'optique.Nous nous embarquâmes dans un batelet. (...) je m'avisai de prendre machinalement une pièce d'or dans ma poche, et de la lancer au loin. (...) je ne négligeai aucun prestige d'optique pour faire luire aux yeux du fermier l'étrange caillou qui servait à mon passe-temps (Gozlan, Notaire, 1836, p.38). b) P. ext. Toute illusion en général. Parfois il suffit de prier dix minutes avec ferveur pour sentir que quelque chose se passe, que l'âme essaie de se détacher du monde, mais les prestiges de l'imagination sont terribles (Green, Journal, 1943, p.67). 2. Au fig. Enchantement, charme, attrait exercé sur l'esprit et les sens par des manifestations de l'activité intellectuelle ou artistique. Le prestige du cinéma; les prestiges de la littérature, de l'éloquence. Il n'y a certainement pas de ville italienne (...) où la puissance et les prestiges de l'architecture se présentent d'une manière plus frappante, plus théâtrale (...) qu'à Gênes (Larbaud, Vice impuni, 1941, p.259).Le monde que décrit Colette, si corrompu qu'il soit, ne scandalise personne. Ce n'est pas seulement à cause des prestiges du style: c'est qu'elle peint un univers sans la grâce (Mauriac, Bloc-Notes, 1958, p.120). B. − 1. [En parlant d'une pers.] Fait d'imposer le respect, d'inspirer l'admiration, de séduire, de faire forte impression. Synon. ascendant, auréole, importance.Tenir à son prestige; prestige imposant; perdre, reconquérir son prestige; prestige qui diminue, qui grandit; jouir d'un grand prestige aux yeux de qqn. D'ailleurs, je ne me fais pas d'illusion. Il est probable que c'est vous qu'elle choisira. Vous avez été souvent aimé. Vous avez eu des histoires, des aventures. Ça vous a donné l'allure de la séduction. Moi, je n'ai de prestige auprès de personne (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, I, 13, p.9).V. patiner3ex. de Montherlant: . Ce qui faisait le prestige de Napoléon, c'était l'idée qu'on avait de sa fortune; l'attachement à lui n'était que l'attachement à soi. L'on croyait aux avantages de tout genre qu'on obtiendrait sous ses drapeaux; et, comme il jugeait à merveille le mérite militaire et savait le récompenser, le plus simple soldat de l'armée pouvait nourrir l'espoir de devenir maréchal de France.
Staël, Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.101. 2. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Attrait, charme pouvant impressionner, séduire. Prestige de la beauté, de la gloire, de la jeunesse; prestige de l'uniforme. Ils écoutent. Ils se laissent tenter par le prestige du nouveau, du merveilleux (Barbusse, Feu, 1916, p.46).La médecine, à renier toute particularité d'accoutrement, perd un peu de son prestige et, nécessairement, de son efficacité, erreur que la magistrature n'est pas encore près de commettre (Duhamel, Terre promise, 1934, p.81). − En partic. [En parlant d'une nation, d'une institution, d'une ville] Synon. éclat, importance, renommée.Des universités nouvelles, comme celle de Londres, cherchaient à ébranler le prestige centenaire d'Oxford et de Cambridge (Morand, Londres, 1933, p.51).Montrez que vous n'êtes pas sortis d'une roulotte de tziganes et conservez la tradition de vos foyers. Sauvegardez le prestige de votre pays: ne jetez pas les boîtes de conserves par terre, ni papier gras, ni papier d'emballage, ni restants de repas ou épluchures (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.110). − Subst. + de prestige. Chose accomplie, exécutée dans le but de séduire, d'inspirer l'admiration, d'impressionner.Opération de prestige. La création d'un centre atomique et la possession d'un réacteur représentaient [pour les petits pays en voie de développement], comme la possession d'une compagnie nationale d'aviation, des instruments de prestige aux dépens du relèvement général de leur niveau scientifique (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p.148). ♦ En partic. Politique de prestige. Politique basée sur la recherche de la renommée, de la gloire, et qui se manifeste par des initiatives, des réalisations brillantes. La grosse galette de gauche est toujours pour l'honneur des armes françaises et la politique de prestige national et ses journaux hurlent à la mort, réclamant à grands cris le sang des mauvais patriotes (Aymé, Confort, 1949, p.155).Les dépenses somptuaires d'une politique de prestige (Paris-Match, 30 nov. 1968ds Gilb. 1980). Prononc. et Orth.: [pʀ
εsti:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1372 «illusion attribuée à des sortilèges» (Denis Foulechat, Trad. du Policraticus de J. de Salisbury, éd. Ch. Brucker, I, 8, 44); b) 1688 «illusion produite par des moyens naturels» (La Bruyère, Caractères, De l'image d'un coquin, éd. G. Servois, t.1, p.46); 2. a) ca 1650 «impression faite sur l'âme, sur l'esprit, sur l'imagination par les productions de la littérature» (M. Arnauld ds Fur. 1701); b) ca 1750 «séduction, attrait qui frappe l'imagination et qui inspire la considération, l'admiration» (J.-J. Rousseau ds Lar. 19e). Empr. au lat. praestigium «artifice, illusion». Fréq. abs. littér.: 1422. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1559, b) 698; xxes.: a 1717, b) 3309. Bbg. Schalk (F.). Praestigium-prestige. Rom. Forsch. 1971, t.83, pp.288-305. |