| * Dans l'article "PRENDRE,, verbe trans." PRENDRE, verbe trans. 1reSection. Empl. trans. I. − Mettre avec soi. A. − Saisir quelque chose (ou quelqu'un), généralement avec une partie du corps ou avec un instrument, à des fins diverses. Anton. lâcher. 1. [Avec un compl. indiquant ce qui prend] a) [Le compl. est introd. par avec] Il retirait le boudin de la marmite. Pour ne point crever ni nouer les bouts ensemble, il les prenait avec un bâton, les enroulait, les portait dans la cour, où ils devaient sécher rapidement sur des claies (Zola, Ventre Paris, 1873, p.693).Il se contenta d'une inclinaison de tout le corps (...) sans prendre avec sa main gantée de suède la main que le docteur lui avait tendue (Proust, Sodome, 1922, p.1039). − Locutions ♦ Prendre avec des pincettes, ne pas être à prendre avec des pincettes. V. pincette A 1 b. ♦ Au fig. Vouloir prendre la lune avec les dents. V. lune D 4. b) [Le compl. est introd. par à] Prendre à bras(-)le(-) corps, à pleines mains. La Malabaraise prit une large éponge à la main, et la passa dans les doux cheveux d'or de Chrysis (Louys, Aphrodite, 1896, p.19). ♦ Prendre son courage* à deux mains. ♦ Prendre ses jambes à son cou*. ♦ Prendre le mors* aux dents. c) [Le compl. est introd. par dans ou en] Il prend dans ses mains les lapins essouflés (Giono, Colline, 1929, p.116).Elle sortait de ses draps, toute chaude dans sa chemise mousseuse. Il la prit dans ses bras: −Tu as l'air d'un petit faune (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.277). − Loc. fig. Prendre une affaire en main. S'occuper de quelque chose de manière sérieuse et suivie. Dudule vous dira que quand je prends une affaire en main, on peut être tranquille (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.288). d) [Le compl. est introd. par entre] Prendre un objet entre les doigts, entre le pouce et l'index. J'ai pris l'arbre de vie entre mes poings puissants (Hugo, Légende, t.5, 1877, p.1225). 2. [Sans compl. indiquant ce qui prend] a) Qqn prend qqc.Supposons qu'après avoir pris de l'air à la pression atmosphérique ordinaire, on soumette successivement la masse d'air enfermée dans un vase clos à des pressions de deux, de trois, de quatre,... de dix atmosphères (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.63).Il se pencha, prit une bûche et la posa dans le foyer (Duhamel, Suzanne, 1941, p.109).Je pris une cigarette dans le paquet de mon père, l'allumai (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p.178). − Locutions ♦ Prendre la plume. Se mettre à écrire. Mais je dépends beaucoup de la veine d'observations dans laquelle je suis placé, au moment où je prends la plume pour vous écrire (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1856, p.258). ♦ Prendre le bras (de qqn). Se mettre bras dessus, bras dessous avec quelqu'un. Hélène prit le bras du jeune homme, et tous quatre passèrent dans la salle à manger (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.153). ♦ Domaine milit., vx.Prendre les armes. Présenter les armes, rendre les honneurs (infra 1reSection III A 2). La garde prenait les armes et sortait; le roi passait, tout était fini (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.52). − Prendre la clef des champs. V. champ1.Prendre ses cliques et ses claques. V. claque2.Prendre son pied*. Prendre la balle au bond. V. balle1. − [P. ell. du compl. d'obj. dir.] Quand j'ai besoin de régler une facture pour toi, eh bien, je prends dans ma caisse! (Tr. Bernard, M. Codomat, 1907, ii, 5, p.165). b) Qqn prend qqn/qqc. + compl. indiquant la partie saisie.
α) Prendre qqn/qqc. à + subst.Elle s'était assise près d'elle, et d'un bras caressant l'avait prise à la taille (Zola, Rêve, 1888, p.137).Il l'a prise à la gorge, on a bien reconnu sa main, rapport au doigt qui lui manque (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1502). − Empl. pronom. Ils étaient là quatre ou cinq auteurs de la table ronde (...) presque ivres (...) et ayant déjà vingt fois failli se prendre aux cheveux pour un mot vif jugé blessant (Pergaud, De Goupil, 1910, p.248). − Loc. Prendre qqn au mot*, à la lettre*, au pied de la lettre*.
β) Prendre qqn/qqc. par + subst.Prendre par le cou, par la taille. Il y descendit, paya le cocher, prit Cosette par la main, et tous deux (...) se dirigèrent vers le boulevard de l'Hôpital (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.514). − Loc. Prendre le taureau par les cornes. V. corne. B. − [Avec déplacement dans l'espace de celui qui prend et/ou de l'objet pris] Anton. laisser. 1. Prendre qqc. a) Saisir quelque chose et l'emporter avec soi ou le mettre sur soi. Prendre un parapluie, une lanterne (Ac.). Vous viendrez m'ouvrir, vous savez où est la clé vous la prendrez sous son oreiller (Jouve, Paulina, 1925, p.60).J'ai profité d'une nouvelle visite à l'usine pour rester seul dans le bureau de mon père et y prendre les plans et les graphiques (Nizan, Conspir., 1938, p.159).Moi je prends ma casquette (...) et je m'en vais (Prévert, Paroles, 1946, p.83). − Locutions ♦ Prendre au vol. Saisir furtivement quelque chose. Que d'innocentes infidélités, d'ailleurs, n'avons-nous pas dû involontairement commettre en essayant de répéter de pures conversations prises au vol! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.238). ♦ Prendre (au vol) un baiser. Évoquant des souvenirs lointains (...), des visions entr'aperçues de baisers pris au vol sur les lèvres des belles! (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 1repart., 7, p.87).Le touchant portrait d'une jeune fille vraiment vraie; elle avait permis une fois à un homme de lui prendre un baiser, et plutôt que d'avouer cette vilenie à son fiancé, elle renonçait à lui (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p.166). ♦ Au fig. Prendre la balle* au bond. ♦ Au fig. (En) prendre de la graine*. b) Aller chercher, passer chercher quelque chose ou/et l'emporter avec soi. Prendre le pain. Vous avez tous vos documents... bulletins, reçus! (...) Très-bien, j'aurai l'honneur d'aller les prendre à votre domicile! (Sardou, Rabagas, 1872, ii, 11, p.81). 2. Prendre qqn a) Emmener quelqu'un avec soi (souvent dans un moyen de transport). Je vous prendrai en passant (Ac. 1935). J'ai envie de le prendre [le dromadaire] à mon bord... En arrivant à Marseille, j'en ferai hommage au jardin zoologique (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p.132).Je me suis sauvée et je n'en puis plus. Voulez-vous bien me prendre dans votre voiture, monsieur et madame? (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.241).Jos-Mari aurait mieux fait de prendre Wolf avec lui, quitte à le laisser au «belvédère» pendant la course (Peyré, Matterhorn, 1939, p.223). ♦ Prendre qqn à part. Éloigner quelqu'un d'un groupe où il se trouvait généralement afin de lui faire part de quelque chose (v. infra 1reSection C). L'abbé Volland (...) avait pris à part la blonde espiègle aux groseilles (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p.38). b) Emmener quelqu'un chez soi et l'y garder. Synon. héberger, loger.Prendre qqn en pension. L'oncle, un peu honteux, sentant qu'il devait faire quelque chose pour ce pauvre garçon, lui offrit de le prendre avec lui (Zola, Ventre Paris, 1873, p.645).C'était un éléphant. Notre maison étant tout proche, On le prit avec nous (Toulet, Contrerimes, 1920, p.32). c) Faire venir près de soi. Puis il m'a prise près de lui sur le canapé où il était assis (Gide, École femmes, 1929, p.1300). 3. Prendre qqc./qqn pour + subst.Infra 1reSection III B 2. C. − P. ext. 1. Appréhender, saisir quelque chose en tant qu'il s'agit d'une possibilité parmi d'autres. a) [La possibilité appréhendée est d'ordre conceptuel ou cognitif] Synon. choisir, considérer, envisager.Prendre une comparaison, un exemple. Il est temps de revenir à la vérité des moeurs antiques. Prenez Platon, Socrate, Alcibiade, Aspasie; imaginez-les vivant, agissant d'après les ravissants tableaux que nous en a laissés l'antiquité (Renan, Avenir sc., 1890, p.462).Il prit la thèse la plus extrême: la grève générale (Barrès, Cahiers, t.5, 1907, p.92): 1. Prenez une tribu quelconque de nègres ou de polynésiens. Dès les premières heures de votre contact avec elle, un phénomène vous transporte d'enthousiasme ou d'indignation.
Faure, Espr. formes, 1927, p.64. − Loc. À tout prendre. Synon. somme toute.Le sort des écoliers d'aujourd'hui n'est, à tout prendre, ni meilleur ni pire que celui du petit Pierre (A. France, Pt Pierre, 1918, p.248). b) [La possibilité est d'ordre pratique] Synon. choisir.Parmi les épisodes touchants qui abondent dans les romans de J. Paul (...) j'en vais citer trois, pris au hasard (Staël, Allemagne, t.3, 1810, p.282).Le langage a été donné à l'homme pour qu'il en fasse un usage surréaliste (...) il arrive tant bien que mal à s'exprimer et à assurer par là l'accomplissement de quelques fonctions prises parmi les plus grossières (Breton, Manif. Surréal., 1erManif., 1924, p.56).Beethoven n'a pas recours, comme on s'y attendrait, à une de ces tonalités que lui-même désigne comme «noires», ou, simplement, à une tonalité mineure. Il prend le ré majeur (Rolland, Beethoven, t.1, 1937, p.190). − En partic. Acheter, acquérir. Je prendrai tout à six francs pièce. Si vous me donnez ce drap à tel prix, j'en prendrai six pièces. Je ne veux point de cette étoffe, je prends celle-ci (Ac.1935).Il faut que j'aie l'air d'un sage, et je prends dans ma poche un journal que je tiens derrière mon dos, mais j'ai pris Le Matin et non L'Humanité. Pourquoi? (Renard, Journal, 1907, p.1132). ♦ [P. ell. du compl. dir.] On entendit tout le bruit de l'enchère voisine, des soles de la Marie-Rose que M. Lengagne tenait à quatre cent soixante francs, au jugé: quatre francs le kilo. Après deux surenchères de Marie Legagneux, il prit à cinq cents francs (Hamp, Marée, 1908, p.24). c)
α) Prendre langue*.
β) (C'est) à prendre ou à laisser*. d) JEUX DE CARTES. Prendre (à pique, à coeur, etc.). Faire le jeu. (Dict. xxes.): 2. Avant de jouer les levées, la tradition a prescrit pour les enchères des conventions très nombreuses et éminemment variables, entre lesquelles on distingue (par importance décroissante):
1oJouer sans écart (sans toucher au talon, qui ne sera vu qu'après la dernière levée);
2oPousser (faire aller le jeu sans achat);
3oPrendre (faire aller le jeu avec achat);
4oPasser (refuser de faire aller le jeu).
Cl. Aveline, Le Code des jeux, Paris, Hachette, 1961, p.173. 2. [Avec un compl. précisant la manière dont s'opère l'appréhension] Synon. considérer. a) Prendre qqc. dans/sous un sens (ou mot du même parad.).La famille est l'unité sociale fondée sur le mariage. Elle se compose des parents et des enfants. Toutefois ces termes doivent être pris dans une acception sociologique et non biologique (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.270).Il faut donc prendre le terme de coopération dans son sens étymologique précis de co-opérations (Traité sociol., 1968, p.234). b) Prendre qqc. à + syntagme nom. indiquant
α) [la disposition du référent du suj.] Prendre en plaisanterie, en badinage, en bonne part, en mauvaise part, à la rigolade. Il en aimait mieux Georges de ne pas prendre la vie au tragique, comme lui (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1564).Les mythes méritent d'être pris au sérieux (Béguin, Âme romant., 1939, p.15).L'amour qu'il me portait ne pouvait être pris à la légère ni considéré comme une simple habitude de père (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p.162). − Prendre bien/mal qqc. Supporter avec flegme ou résignation quelque chose ou manifester du dépit, de l'abattement. (Dict. xxes.). ♦ En partic. Prendre mal un propos. Interpréter un propos comme une attaque contre sa personne. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Expr. Il/elle l'a mal/l'a bien pris. Il ou elle considère quelque chose comme un affront, une atteinte ne la considère pas comme un affront, une atteinte. Le petit avait pris ça très mal, ne voulant rien entendre de son père et de sa mère (Aragon, Beaux quart., 1936, p.381). − Prendre une chose du bon, du mauvais côté. ,,Considérer favorablement ou défavorablement quelque chose`` (Ac. 1935). − Prendre fait et cause pour qqn. Défendre quelqu'un de manière résolue. Il prenait fait et cause pour lui et s'indignait contre Schmoûle (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.135). − Prendre parti* (pour qqn, qqc.).
β) [le point de vue sous lequel le référent du compl. est envisagé] Prendre à témoin. Voilà. Réfléchissez. Je vous prends à l'essai (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.243).Ces «jeux de mots» (...) où la rime est prise à son comble, ne se borne plus aux bouts-rimés, mais pénètre le vers entier (Aragon, Crève-coeur, 1941, p.72). − Locutions ♦ Prendre (qqc.) à la lettre*. ♦ Prendre le ciel à témoin. Invoquer le témoignage divin. Prenant le ciel à témoin de ses deux bras maigres que la crise de l'âge mûr a couverts d'un duvet satiné: «Ça voudrait être conseiller général, et ça ne se respecte même pas soi-même!» (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1395). ♦ Prendre les choses comme elles sont/viennent; prendre qqc./qqn tel qu'il est. Voilà! Il faut me prendre comme je suis (Zola, Nana, 1880, p.1362).Le secret du bonheur est peut-être de prendre les choses comme elles viennent, et de savoir employer son temps (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.350). ♦ DR. Prendre qqn à partie. V. partie II A 2 b. − Expr. Si tu le prends comme ça! Si vous le prenez comme ça! [S'emploie pour manifester à l'interlocuteur qu'il a mal interprété les propos du locuteur et que celui-ci va y mettre fin ou va changer de sujet] −(...) C'est fini. N'en parlons plus. Je retirai mes mains. −Oh! Si tu le prends comme ça, Vial... −Oui, madame, je le prends comme ça, et, bien plus fort, je vous reproche d'avoir amené le nom de cette jeune fille dans notre conversation (Colette, Naiss. jour, 1928, p.49).
γ) [la manière selon laquelle l'appréhension s'opère] Prendre une chose à contresens; prendre une affaire à rebours, de travers, à rebrousse-poil (fam.), à contre-poil (fam.). Prendre une affaire du bon, du mauvais biais (Ac. 1935). − Prendre bien, prendre mal une affaire. ,,Engager, conduire une affaire bien ou mal. L'affaire n'a pas réussi, parce qu'on ne l'a pas bien prise`` (Ac. 1935). − Prendre à sa charge qqc. Prendre à son compte, assurer le paiement de quelque chose. Alors, Michäel, avec Mariette, s'arrangea pour prendre à sa charge les moindres dépenses de la rue Montmartre (Cocteau, Enfants, 1929, p.124). c) Prendre qqc. avec + syntagme nom. indiquant l'attitude du référent du suj.Il lui était dévoué, et, dans cette affaire-ci, touché du rôle qu'on lui donnait, prit ses intérêts avec la dernière rigueur (Montherl., Célibataires, 1934, p.909). d) Vx. Prendre que + prop.Considérer, supposer. Prenons que les choses se sont passées ainsi. Prenons que je n'ai rien dit (Ac.1878).Vigneron: Où prends-tu que je me moque de toi? (Becque, Corbeaux, 1882, i, 1, p.56). 3. Prendre qqc. sur soi.Se charger de quelque chose, faire quelque chose de sa propre initiative sans y être autorisé. Cela passe un peu mes pouvoirs, mais je le prends sur moi. Je prends sur moi de le faire. Je prends sur moi la faute (Ac.1935).L'exécution [du criminel] fut annoncée. Dans cette extrémité, l'abbé Dutheil prit sur lui de proposer à l'Évêque un dernier parti (Balzac, Curé vill., 1839, p.72).Ninette était furieuse (...) elle disait: «Il me le paiera! il s'en souviendra! (...).» Alors, j'ai tout pris sur moi (...) je lui ai dit (...) que tu m'avais chargé de l'inviter (Labiche, Célimare, 1863, i, 7, p.23). − Absol. Se retenir, se contraindre (d'agir de telle ou telle manière). J'ai pris sur moi pour ne pas lui répondre. Cet homme était d'un caractère emporté, il a compris la nécessité de prendre sur lui (Ac.1935). II. − Agir de façon à (pouvoir) disposer de quelque chose qui était libre ou en possession d'autrui. A. − [Le référent du compl. ne se déplace pas; le suj. désigne l'agent] 1. S'approprier quelque chose pour l'utiliser ou s'en servir à ses propres fins. Anton. donner, céder. a) Prendre qqc.Les paysans veulent prendre les terres. (...) Nous le leur interdisons (Malraux, Cond. hum., 1933, p.271).La terre, elle, vivait toujours. Les Allemands, sans doute, l'avaient prise, mais on parvenait tout de même à en vivre largement (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.36). − En partic. Prendre le/son temps. Se donner le temps de faire quelque chose. Repris aussitôt par le métier, il continue, sans prendre le temps de souffler (Guèvremont, Survenant, 1945, p.219).Aux environs de 1930 les gens commenceraient à s'impatienter, ils se diraient entre eux: «Il prend son temps, celui-là!...» (Sartre, Mots, 1964, p.141). ♦ Vx. Prendre temps. Le pouvoir de durer n'est donc pas ici un caractère accessoire; la solidité nous invite à prendre temps et à revenir (Alain, Beaux-arts, 1920, p.175). − Empl. abs. MmeArrow: Il est généreux. Il a de l'amitié pour toi. Tu n'as qu'à tendre la main... Courpière: Jamais!... Je prends, je ne quémande pas (Hermant, M. de Courpière, 1907, iii, 3, p.23). b) Prendre qqc. à + compl. indiquant l'origine.Puis, après avoir empli son baquet de quatre seaux d'eau froide, pris au robinet, derrière elle, elle plongea le tas du linge blanc (Zola, Assommoir, 1877, p.387).Ils allaient en désordre, autour de longs chariots remplis (...) de tableaux, de vases pris aux palais de Moscou (Adam, Enf. Aust., 1902, p.82): 3. ... ce matin ont reparu les chercheurs de vase et de sable −des ouvriers paludéens qui remplissent leur barque plate de pelletées de limon pris au lit et aux berges basses du fleuve.
Gide, Journal, 1895, p.59. − Au fig. Synon. de emprunter.Vous aurez mal compris, cela tient à sa manière de dire, c'est une façon exagérée de parler qu'il a prise aux Orientaux (Flaub., Tentation, 1849, p.312).Les Persans ont pris aux Russes l'usage des fenêtres, celui des souliers à notre mode (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1856, p.247).Ces thèmes seront cosmiques, universels, interprétés d'après les textes les plus antiques, pris aux vieilles cosmogonies mexicaine, hindoue, judaïque, iranienne, etc. (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p.147). − Prendre qqc. à qqn.Faire sien quelque chose qui était à autrui. Anton. rendre.Et c'est pour cela que j'ai pris sa place! (Sardou, Rabagas, 1872, v, 4, p.230).Orso: Alors est-ce que je vais lui prendre la femme qu'il aime? (Claudel, Père humil., 1920, ii, 2, p.520). c) En partic. Prendre + compl. indiquant une valeur ou un prix.Requérir telle ou telle somme, telle ou telle quantité de quelque chose en échange de quelque chose d'autre. Synon. demander.On m'a pris mille francs pour cette maçonnerie. Il n'a rien voulu prendre pour sa peine. On prend tant de droit d'entrée sur cette denrée (Ac.). 2. Prendre qqc. sur qqc.Prélever quelque chose ou une partie dans un ensemble, un tout sur quelque chose. On prendra cette somme, cette dépense sur tel fonds. Il a pris mille francs d'avance sur son traitement (Ac.1935). − Au part. passé. L'intérieur de la barricade, cette espèce de petite cour prise sur la rue, était noyé de ténèbres (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.418).Celle-ci a utilisé (...) dans les deux séries d'épreuves, du sang pris sur des cadavres de moutons morts charbonneux (Pasteur, Corresp., 1882, p.343).Payés d'abord au moyen du butin pris sur l'ennemi, ces travaux le furent ensuite, à partir de l'an -111, par les propriétaires des terrains desservis (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.47). − [P. ell. du compl. d'obj. dir.] Prendre sur qqc.Retrancher sur telle ou telle chose. Prendre sur sa nourriture, sur sa dépense, sur son nécessaire. Il prend sur son nécessaire pour donner aux pauvres. Prendre sur son sommeil pour travailler (Ac.1935). 3. En partic. a) Se rendre maître de quelque chose par la force. Synon. conquérir, investir; anton. abandonner.Prendre une place-forte. Une frégate anglaise le découvrit, lui donna la chasse et le prit à l'abordage (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.34).La mitrailleuse est prise par la septième! crie-t-on (Barbusse, Feu, 1916, p.279). − Au part. passé. Nelson avait été le meilleur ami de son père et lui avait même légué (...) cinq des pièces de canon en cuivre prises à Copenhague (Michelet, Journal, 1834, p.147). ♦ Expr. [S'emploie pour indiquer qu'on a pu tirer quelque avantage d'une affaire médiocre] C'est autant de pris sur l'ennemi. C'est toujours autant de pris (Ac.1935). − Prendre (un lieu) d'assaut. Investir un lieu de force vive. Nous venons d'avoir ici une forte alerte dans l'insurrection de Lyon, la ville a été prise d'assaut par 40000 ouvriers qui une fois vainqueurs se sont conduits comme des séminaristes (Lamart., Corresp., 1831, p.229). ♦ P. anal. Synon. de assaillir.Les pâtisseries étaient prises d'assaut (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.707). b) Posséder sexuellement quelqu'un. Et il la prit aussi facilement que s'il cueillait un fruit mûr (Maupass., Mt-Oriol, 1887, p.110).Ce jour-là, dont l'aube se levait, verrait l'amant de la déesse aux pieds de sa nouvelle idole. «Prends-moi! prends-moi!» s'écria-t-elle. Elle l'adorait maintenant (Louys, Aphrodite, 1896, p.162). c) JEUX (notamment jeux de cartes). Faire la levée; acquérir une pièce de l'adversaire. Je prends votre dame sur mon roi (Ac.1935).Potasse prend de son as. Boubouroche joue pique! (Courteline, Boubouroche, 1893, i, 1, p.20). − Absol. Je prends et je joue (Ac.1935). d) SPORTS. Prendre un + subst. exprimant une mesure.S'assurer l'avantage mesuré. Prendre un pneu, un demi-tour, un bassin, une demi-longueur (d'avance) (d'apr. Petiot 1982). ♦ Loc. Prendre le meilleur* sur qqn. e) Loc. fig. Prendre le dessus. V. dessus2. B. − [Le référent du compl. peut se déplacer, se dérober; le suj. désigne l'agent] 1. Capturer. Synon. attraper; anton. libérer. a) Prendre qqn/qqc.Prendre un sanglier; pas vu, pas pris. Nous avons chassé tout le jour sans rien prendre (Ac.1935).Ah! Si j'avais eu des canons et mon brave Simon, tu ne m'aurais pas pris comme un congre dans son trou (Sue, Atar-Gull, 1831, p.12).On a connu des printemps où des chasseurs prenaient jusqu'à des sept cents rats (Guèvremont, Survenant, 1945, p.168): 4. ... d'un coup sec, Pencroff «ferra» son engin, et des battements d'aile lui indiquèrent que les oiseaux étaient pris.
Verne, Île myst., 1874, p.51. − P. plaisant. Le soir, les Charles Edmond me prennent de force pour dîner (Goncourt, Journal, 1861, p.981). b) [Avec un compl. indiquant ce qui sert à capturer]
α) Prendre qqc. à + syntagme nom.Prendre un poisson à la ligne, à l'hameçon (Ac. 1935). Il vient d'être pris au piège et écarquille des regards quelque peu apeurés dans les cercles nouveaux où on le lâche (Du Bos, Journal, 1927, p.161): 5. C'est une chose bien connue,
Sidonie a plus d'un amant.
Elle en prend à ses cheveux blonds
Comme, à sa toile, l'araignée
Prend les mouches et les frelons.
Cros, Coffret santal, 1873, p.48. − Empl. pronom. Aucun être humain ne franchirait ce barrage (...) et, quand on retiendrait jusqu'au jour tous ceux qui viendraient se prendre au filet, ce ne serait pas un grand mal (Alain, Propos, 1921, p.272). − P. métaph. La nature s'est prise aux filets de ta vie (Éluard, Capitale douleur, 1926, p.85). − Au fig. Se laisser prendre à qqc. Se laisser tromper. Ne vous laissez pas prendre à ses paroles, à sa feinte douceur (Ac.1935).Elle pensait à ces derniers mois. Saquet... puis les autres. Elle s'était laissée prendre à toutes les promesses, on avait profité de sa nonchalance (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.86).
β) On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. V. mouche I C 3.
γ) Au fig. − Se prendre à qqc. (infra 3eSection IV).Se laisser séduire, captiver par quelque chose. À peine ai-je aujourd'hui envie −phénomène assez rare chez moi −de me prendre à la dictée de ce journal (Du Bos, Journal, 1924, p.54).Elle s'exaltait, se prenait à la plaidoirie (Cocteau, Enfants, 1929, p.154). ♦ Se prendre au jeu. Synon. de se piquer au jeu*. − Se prendre à qqn.S'attacher à quelqu'un. Est-ce vous qui m'empêchez de fuir, ou bien est-ce moi au contraire qui me suis prise à vous d'une manière si gentille que vous ne savez plus comment vous dépêtrer? (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 9, p.975). c) Se laisser/faire prendre dans + syntagme nom. exprimant un événement ou un état.Se retrouver dans une situation qui vous prive de vos moyens ou présente un danger. Westermann, le plus brave général de cavalerie, mais aussi le plus imprudent, s'était laissé prendre dans une embuscade, à deux lieues de Laval (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.230).Or, à deux milles de là, il y a de ces hasards! La goélette se fait prendre dans un cyclone je ne vous dis que cela (Audiberti, Quoat, 1946, 2etabl., p.68). − Au part. passé. MmeX... (...) a l'air ahuri d'une bourgeoise prise dans une émeute (Green, Journal, 1928, p.6).Ceux qui proclament la parole de l'éternel ne se présentent pas, pour l'essentiel, comme des individus privilégiés, mais comme des témoins pris dans l'événement (Philos., Relig., 1957, p.38-7). − Empl. pronom. En les regardant longuement, si l'on y pense, elles se changent; et si l'on n'y pense pas, on se prend dans une torpeur qui tient et consiste comme un rêve tranquille (Valéry, Variété[I], 1924, p.243). d) Se prendre dans + syntagme nom. indiquant le lieu.Synon. s'emmêler dans, s'accrocher dans; anton. s'échapper de.La lune s'est prise dans des feuilles qui remuent d'aise (Renard, Journal, 1901, p.678).C'est sous ce ciel jaune, ce ciel bas et jaune, parmi les mouches qui se prennent dans sa barbe (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p.225). e) Au fig. Prendre qqn par + syntagme nom. indiquant où s'effectue le moyen, la manière.Gagner quelqu'un en s'emparant de son esprit, son coeur, etc. Il le prit par les sentiments. Elle le prit par les yeux. Il le prit par son propre intérêt (Ac.1935). − Prendre quelqu'un par son faible (Ac. 1935). Flatter l'inclination favorite de quelqu'un. − [P. ell. du compl. second.] Savoir prendre quelqu'un. Quand on sait le prendre, on en fait tout ce que l'on en veut (Ac.1935). 2. Appréhender, surprendre quelqu'un en tant qu'il était dans telle ou telle situation. a) Prendre qqn à + inf. indiquant ce que faisait la personne.Je l'ai pris à voler des fruits dans votre jardin; on vous y prend (Ac.1935).Ah c'est bien ça!... Je vous y prends!... de piller tous ces malheureux? Allons signez-moi ça là-bas (Céline, Mort à crédit, 1936, p.502).À quatre ans, l'on m'a pris à saler la confiture: par amour de la science, je suppose, plus que par malignité (Sartre, Mots, 1964, p.18). b) Prendre qqn + expr. indiquant une attitude physique, morale ou intellectuelle.Prendre qqn la main* dans le sac, en flagrant* délit, en faute. C'était celui d'un chef de voleurs sous le Directoire, David de La Bazoque, pris en trahison et tué immédiatement (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.107).Tu ne sortiras plus d'ici, tu m'entends? Fini l'atelier. Tu vas te mettre à la confection, comme moi... que je ne te prenne jamais dans la boutique (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.168).Si des règles précises intervenaient dans des cas précis, il serait tout de suite pris en défaut (Jouve, Scène capit., 1935, p.34). − Locutions ♦ Prendre qqn sur le fait. Surprendre quelqu'un au moment même où il accomplissait quelque chose de répréhensible. C'était par honte de se trouver coupable et par rancune d'avoir été prise sur le fait (Bosco, Mas Théot., 1945, p.94). ♦ Prendre qqn au pied levé*. ♦ Prendre qqn au saut du lit (Ac. 1935). Aller trouver quelqu'un très tôt, afin de ne pas le manquer. − Proverbe. Tel est pris qui croyait prendre. [P. allus. à la fable de La Fontaine, Le Rat et l'huître] Nous descendons d'auto pour contempler ce cortège fantastique et Gidal prend, à la clarté du magnésium, quelques photos de certains de ces véhicules: ce sont des «paniers à salade» allemands. Est pris celui qui croyait prendre (Gide, Journal, 1943, p.239). c) Prendre qqn + syntagme prép. exprimant la manière.Prendre qqn en traître, au dépourvu. Il traversa les Vosges couvertes de neige, avec le reste de son armée, et se réunit à Pichegru pour agir ensemble, prendre les Autrichiens à revers sur la Moder, dégager les lignes de Wissembourg et débloquer Landau (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.280).Pris à l'improviste, le brave homme était hagard. Ce qu'il entendait passait son intelligence (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.254): 6. ... attaquer du sud au nord les forces allemandes du Luxembourg, et ultérieurement prendre en flanc le groupe ennemi du nord.
Joffre, Mém., t.1, 1931, p.283. − Loc. Prendre qqn de court. Ne pas donner à quelqu'un le temps de se ressaisir. Mon Dieu... murmura l'abbé Menou-Segrais, pris de court... j'avoue que quelques semaines de réflexion... (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.129). d) Au part. passé. Être pris par la nuit. Être surpris par la tombée de la nuit. La mission, maintenant, c'est d'arriver là-haut avant d'être «pris par la nuit» (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.181). III. − Instaurer une relation d'utilisation avec quelque chose ou avec quelqu'un. A. − S'approprier quelque chose par le fait de l'utiliser. 1. [Le compl. désigne une entité concr.] Choisir, adopter quelque chose et le faire sien en s'en servant selon l'usage normal. a) [Le compl. désigne un lieu d'habitation, de travail, de production] Prendre une chambre. Wil (...) prit ce logement, parce que ce fut le premier qu'il vit (Sue, Atar-Gull, 1831, p.35).L'année précédente, il avait pris une concession à deux milles de là avec son frère (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p.35). ♦ Prendre pension*. − DR. Prendre (une ferme, un commerce, etc.) à bail*. Prendre (une habitation, etc.) à loyer*. b) [Le compl. désigne un vêtement] Supra 1reSection I B 1 a. Prendre son chapeau, ses souliers, ses habits neufs.Quand il s'agissait de ces grandes courses, elle prenait une blouse bleue et des habits d'homme, disant avec gaieté que son costume habituel n'était pas fait pour les broussailles (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.252). c) [Le compl. désigne une pièce de mobilier] V. supra 1reSection I B 1 a.Prendre un siège (Ac. 1935). L'adjudant prit une chaise, s'assit, et amena à lui le cahier de punitions (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 1repart., iii, p.30).Laurency: Prends la chaise longue (Lenormand, Simoun, 1921, 13etabl., p.157). − Prendre le lit. S'aliter. Notre pauvre malade a pris le lit voilà six jours (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1366). d) [Le compl. désigne un instrument, un outil] Mon vieux Jean, tu es le simple et le solide... Va, va! Prends la pioche, prends la truelle! et retourne le champ, et rebâtis la maison!... (Zola, Débâcle, 1892, p.630).Vous commencez tout de suite, hein? Je monte avec vous dans les chambres... Prenez le balai, et le seau. Pour aujourd'hui, je vous prêterai un vieux tablier (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.36). − RELIG. Prendre la discipline. Se donner la discipline. Ces religieuses prenaient la discipline deux fois la semaine (Ac.1935). e) [Le compl. désigne un moy. de transp.] Prendre l'avion, le bateau, le bac, le chemin de fer, le train; prendre un cabriolet, un fiacre, un taxi. Fabrice prit la poste, passa le Saint-Gothard (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.29).Non, on ne va pas prendre un taxi. On va prendre le métro. Nous ne sommes pas assez riches, nous, pour prendre des taxis! (Bourdet, Sexe faible, 1931, i, p.254). − [P. méton. du compl.] Il prit le 8, et descendit rue Réaumur (Aragon, Beaux quart., 1936, p.326). f) MAR. Prendre un ris. ,,Diminuer la voile de la largeur d'une bande de ris`` (Le Clère 1960). Le Commandant: Amenez le grand foc, prenez un ris aux huniers! (Jarry, Ubu, 1895, v, 4, p.91). g) Loc. Prendre le vent. Planer en s'aidant des courants ascendants. Ils s'élevaient en bruissant, avec leur longue queue terminée d'un énorme pompon de papier tricolore, et prenaient le vent comme des aigles (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.72). 2. [Le compl. désigne une entité concr. en tant qu'objet symbolique ou conventionnel] a) [Le compl. désigne un objet symboliquement ou fonctionnellement associé à une fonction, une situation ou un état social] Se mettre à exercer telle ou telle fonction, prendre tel ou tel état. Ils voyaient toujours notre armée prenant la cocarde tricolore (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.115).
α) Prendre les armes. Entrer en guerre, s'insurger contre quelqu'un, quelque chose. Supra 1reSection I A 2 a.
β) Prendre l'épée*.
γ) Prendre l'habit*.
δ) Prendre le voile. V. voile2.
ε) Prendre le froc*.
ζ) Prendre les rênes (au fig.). Prendre la direction de quelque chose. Il a voulu prendre les rênes du commandement, mais il ne sait pas régner! (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p.300).
η) En partic. Prendre le deuil. Adopter les signes extérieurs liés à la mort d'un proche. Quand dans l'Isle-en-Rigault, une jeune fille meurt, pendant quinze jours, les jeunes filles prennent le deuil, ne dansent pas. Il en est de même pour les jeunes garçons (Goncourt, Journal, 1894, p.639). b) [Le compl. désigne qqc. en tant qu'il confère le droit d'exercer certaines activités ou la capacité de jouir de certains avantages ou services] Prendre un ticket, un abonnement. Il te faudra d'ailleurs prendre un brevet d'invention... Tout cela voudra du temps et voudra de l'argent (Balzac, Illus. perdues, 1843, p.600).Je sais bien que je porte un nom encombrant et ridicule... Je compte prendre un pseudonyme, si j'écris (Gide, Faux-monn., 1925, p.1171).Il entra dans la gare et prit un billet de troisième classe pour Paris (Aragon, Beaux quart., 1936, p.304). − Loc. pop. Prendre un billet de parterre. ,,Tomber`` (Carabelli, [Lang. fam.], s.d.). B. − [Le compl. désigne un rôle ou qqc. (qqn) en tant qu'il assume une fonction socialement définie] Choisir, sélectionner. 1. Prendre un + subst.Prendre un confesseur, un directeur, un employé, un guide, un locataire, un passager, un témoin. Deux ou trois ans après cette grande époque de sa vie, cette jeune fille prenait un cavalier servant (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.3).Prenez une maîtresse. Vous l'appellerez mon trésor (Audiberti, Quoat, 1946, 1ertabl., p.18): 7. Puis elle prit un amant, un peu au hasard, s'en lassa aussitôt, retomba dans sa vie de divan et de sucreries...
Triolet, Prem. accroc, 1945, p.162. − Prendre (pour) femme*. 2. Prendre qqn/qqc. pour + subst.Prendre qqn pour juge; prendre qqc. pour exemple. Célestine prit pour fille de cuisine une grosse normande d'Isigny, à taille courte, à bons bras rouges, munie d'un visage commun (Balzac, Cous. Bette, 1846, p.418).Dans les moindres auberges, vous entendez les accords d'une harpe. La plupart des hôtelleries l'ont prise pour enseigne (Michelet, Chemins Europe, 1874, p.76). 3. Loc. Prendre à témoin*. C. − [Le compl. fournit une indication spatiale] 1. [Le compl. désigne une direction] Partir dans cette direction. Prendre à gauche, à droite, au plus court, à travers champs. Olivier s'assura de la direction que prenaient les attelages (Fromentin, Dominique, 1863, p.132).Tu prends la direction Étoile, tu changes à Trocadéro, tu reprends la direction Porte-d'Auteuil, tu descends à Michel-Ange-Auteuil... mais pas à Michel-Ange-Molitor, fais attention! (H. Bazin, Vipère, 1948, p.206). − Prendre par + (loc.) adv.Quand l'homme se fut assuré que personne ne les suivait, il prit par là. Il s'engagea ensuite dans la rue Brisemiche (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.244).Supposé qu'un type ait fait le coup, remarqua le garde champêtre, sûr qu'il aurait filé du côté de Dombasle. En tout cas, il n'aurait pas pris par ici, vers le village (Bernanos, Crime, 1935, p.744). − Spécialement ♦ VÉN. Prendre les devants. Faire le tour de l'enceinte pour retrouver la voie d'un animal (d'apr. Burn. 1970, Duchartre 1973). Prendre les grands devants. Rechercher avec les chiens la voie perdue très en devant de l'endroit du défaut (d'apr. Burn. 1970). ♦ MAR. Prendre les amures à bâbord, à tribord. ,,Orienter et mettre le cap de façon à amurer les voiles à bâbord, à tribord`` (Gruss 1978). − Loc. Prendre le(s) devant(s). V. devant2.Au fig. Prendre le(s) devant(s). ,,Devancer quelqu'un dans une affaire`` (Ac. 1935). Et, prenant le devant, elle lui crie, du fond de la Pologne où elle travaille pour lui. «Que rien de précipité ne t'engage!» (Massis, Jugements, 1923, p.44).En août 1788, les Turcs, depuis longtemps irrités, prirent les devants (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.221). 2. [Le compl. indique une voie, un passage] Synon. de suivre, longer.Prendre une allée, les boulevards, un chemin, un détour, le trottoir d'en face. C'est en remontant du chantier que j'ai pris l'allée du milieu, au bord du ruisseau (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.56).À Hersfeld, noeud de communications ferroviaires où nous devions changer pour prendre la ligne de Francfort, il nous avait fallu espérer jusqu'à 9 heures du soir un train prévu pour 11 heures du matin (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.356): 8. Le coeur battant d'orgueil, de vie et d'amour, Étienne Lureux prenait la traverse, descendait la colline (...) et entrait dans la forêt, pour arriver plus vite au Pas-du-Loup.
R. Bazin, Blé, 1907, p.87. − Au fig. [Le suj. désigne un inanimé] Se développer de telle ou telle manière, suivre telle ou telle voie. Peu à peu sa rêverie prit un autre cours (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.148). − Locutions ♦ Prendre la porte. Quitter un lieu. Synon. sortir.Vous savez, mon vieux, ajouta-t-elle, si vous venez pour godailler, vous pouvez prendre la porte... C'est fini, la vie d'autrefois (Zola, Pot-Bouille, 1882, p.309). ♦ Prendre la route. Partir, s'en aller. Un facteur enfourcha sa bicyclette et prit la route (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.85).Nous avions pris la route à l'aube (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.44). ♦ Prendre la tangente*. − VÉN. Prendre le change*. 3. [Le compl. désigne un espace où l'on se déplace] Entrer dans un espace et s'y déplacer (supra 1reSection V A 2 et B 1). Un avion qui prend l'air. La vue d'un blanc ou d'une chéchia de tourougou, et il prenait la brousse, tant, à force de craindre les coups, il avait acquis d'intelligence (Maran, Batouala, 1921, p.26). − Loc. Prendre le maquis*. − MAR. Prendre le large*. Prendre la mer. ,,Sortir du port`` (Soé-Dup. 1906). 4. [Le compl. désigne un espace en tant qu'on s'y tient] Se mettre, se placer à tel ou tel endroit. Prendre la queue; prendre son tour. La voiture attendait à la porte, pleine de confetti et de bouquets. On prit la file (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.510).Je courus prendre ma place car tout le monde était impatient de débarquer (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.48). − Prendre place. S'installer. Madame Heilman, au grand étonnement de Gilbert, se signa en prenant place à table, puis elle servit la soupe (R. Bazin, Blé, 1907, p.281).Avant de monter dans la voiture, où déjà Antoine avait pris place, il acheta plusieurs feuilles du soir à une vendeuse de journaux (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p.809). − MARINE ♦ Prendre terre. Toucher terre. Tout à coup j'ai été saisi d'une émotion profonde. Le bateau a pris terre (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.27).Eh bien, la mer se retire, dit Harbert, courons à l'endroit où nous avons pris terre (Verne, Île myst., 1874, p.37). ♦ Prendre le mouillage. Mouiller. Il joindra à chaque plan une instruction qui présentera (...) la manière de prendre le mouillage et d'y affourcher, et le meilleur endroit pour faire de l'eau (Voy. La Pérouse, t.1, 1797, p.46). 5. [Le compl. désigne une portion d'espace en tant qu'elle se trouve impliquée dans un événement] Aborder. Il avait l'adresse d'un cheval qui prend l'obstacle sans l'accrocher (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.49).Les chariots branlants (...) dépourvus d'avant-train tournant, exigeaient une manoeuvre délicate pour prendre les virages (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.91). D. − [Le compl. désigne (le résultat d')une action réglée dont le référent du suj. est le bénéficiaire] 1. [Le compl. désigne le résultat d'une action] Recueillir, enregistrer. Anton. donner.Prendre les informations, des nouvelles, des renseignements, les ordres de qqn. Allez le voir et prenez ses conseils (Flaub., Corresp., 1865, p.34).Ne me forcez pas à en dire davantage. Je prends vos offres telles que vous nous les donnez (Becque, Corbeaux, 1882, ii, 9, p.139).Le patron prend les commandes, la patronne est à la caisse (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.229). − Loc. Prendre conseil de/auprès de qqn; prendre exemple* sur qqn. Il ne voulut pas abandonner la partie avant d'avoir (...) pris conseil des trois anges qui lui restaient (Balzac, Illus. perdues, 1839, p.538). − En partic. ♦ Prendre des inscriptions, ses inscriptions en médecine, en droit, en faculté, etc. ,,S'inscrire pour faire des études de médecine, de droit, etc.`` (Ac. 1935). Il m'avertit qu'il me fallait prendre mes inscriptions sans tarder et qu'il m'accompagnerait, le jour même, au secrétariat de l'école où il était connu (A. France, Vie fleur, 1922, p.437). ♦ Vieilli. Prendre sa licence, son doctorat. S'inscrire à la licence, au doctorat. Nous allons chez Mmede Presbourg et chez M. Georges. Je lui conseille de prendre le doctorat à Toulouse et de ne pas quitter sa femme, si malade (Michelet, Journal, 1858, p.409). 2. [Le compl. désigne une action impliquant le référent du suj.] Synon. de jouir de, bénéficier de.Prendre un congé, une leçon; prendre sa retraite. Du reste, ayant toujours eu soin de prendre un exercice modéré, Fritz se portait de mieux en mieux (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.3).J'hésite toujours à prendre une permission (R. Bazin, Blé, 1907, p.26).Madame Garabis m'emmena dans le parc où les élèves prenaient la récréation du goûter (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p.83). − Locutions ♦ Prendre ses aises. V. aise1. ♦ Région. (Canada). Prendre une marche. V. marche2. E. − [Le compl. désigne qqc. en tant qu'objet de connaissance] 1. Acquérir la connaissance (d'un aspect) de quelque chose. Perrault reniflait, prenait le vent avec le pouce mouillé, braconnait pour le patron (H. Bazin, Vipère, 1948, p.65).La violence n'arrangera rien: il faut prendre une vue réaliste de la situation (Sartre, Mains sales, 1948, 4etabl., 4, p.156). 2. En partic. [Le compl. désigne qqc. de mesurable] Mesurer. Prendre la tension, les mesures de qqn. On observe des changemens semblables, quoique moins grands, dans la mâchoire supérieure, en prenant sa hauteur depuis l'épine nasale antérieure (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.132).M. Parpalaid aura un lit, vous pouvez être tranquille. Faudra-t-il prendre sa température? (Romains, Knock, 1923, iii, 8, p.20).Il crut que je me préparais à prendre son pouls (Le Monde, 20 mai 1981, p.XVIII, col. 1). − Au fig. Évaluer. Maintenant qu'ils étaient deux hommes face à face à longueur de journée, Didace prenait la juste mesure de son fils (Guèvremont, Survenant, 1945, p.24). ♦ Vieilli. Prendre mesure. Tous les ans, il se faisait prendre mesure d'un habillement complet, par le tailleur Herculès Schneider, de Landau (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.164).Par ces mâtures métalliques recueillant les nouvelles du monde, il prenait mesure de toute la terre (Psichari, Voy. centur., 1914, p.138). ♦ Prendre le tour de taille/la taille (de qqn). Mesurer son tour de taille. IV. − [Sert à former des expr. verb. plus ou moins figées qui qualifient l'action que fait le référent du suj. ou l'état dans lequel il se trouve] A. − [Les référents du compl. et du suj. sont dans une relation exprimant un état permanent qui ne s'inscrit pas dans une temporalité] 1. [La relation est d'ordre spatial] Avoir (quelque chose) comme constituant, comme partie. Le pluriel prend un s. Le Général: −Comment, «manoi... re» ? Ça prend donc un e, manoir e ? Je l'ai toujours écrit sans (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 1, p.30). − En partic. [Le compl. désigne une borne (en général initiale ou finale)] Prendre sa fin. La Mobile prend sa source dans les montagnes des Apalaches [sic] (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.25).Dieu est toujours notre base, la base où tous les êtres viennent prendre leur point d'appui (P. Leroux, Humanité, 1840, p.xvii): 9. Un enseignement qui donnera une trop grande confiance dans les théories fera des expérimentateurs systématiques qui, prenant leur point de départ comme rigoureux, raisonneront logiquement et voudront critiquer l'expérience avec la théorie au lieu de critiquer la théorie avec l'expérience.
Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.218. ♦ Loc. Prendre racine (dans qqc.). S'enraciner dans (quelque chose). En s'accrochant aux entaillures du ciseau et aux mousses qui y ont pris racine, il monta sur ce piédestal (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.184).Cette disposition familière a pris racine dans les habitudes (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p.177). ♦ Prendre naissance dans qqc. L'une des deux prétendait, forte de ce que lui avait dit sa mère, qu'elle avait pris naissance dans une bouteille d'eau de Cologne, la seconde était sortie d'un bouton de rose (Gide, Journal, 1943, p.230). 2. [Le compl. indique une disposition ou une attitude du référent du suj.] Prendre la peine*. Hé bien! mon cher ami, dit madame la marquise d'Aubrion en entrant sans faire attention à Cruchot, ne prenez nul souci de ce que vient de vous dire ce pauvre Monsieur d'Aubrion (Balzac, E. Grandet, 1834, p.252).Je le couvre de vieux chiffons ridicules, je ne prends nul soin de lui, mon plaisir est de l'humilier (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1424). Rem. Dans cet empl., prendre sert d'inchoatif à avoir. − Locutions ♦ Prendre part (à qqc.). Participer (à quelque chose). Ce n'est plus la femme jolie par elle-même; c'est une beauté à laquelle prennent part de nombreux ouvriers (Renard, Journal, 1901, p.693).Il prenait part à l'entretien, ou se taisait pour écouter (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1584). ♦ Prendre garde (de/à). V. garde1I A 1 a. B. − [Le suj. désigne un procès; la relation concerne sa durée] Consommer du temps, demander une certaine durée pour être réalisé, mené à bien. Sainte Geneviève. Le mandement sur le denier de Saint-Pierre me prend tout mon temps (Dupanloup, Journal, 1868, p.294).J'ai réfléchi qu'après tout ce préceptorat me rendrait le travail impossible, en me prenant 4 heures par jour (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.293).Il expliqua que la machine venait de Gand, qu'il faudrait y mener le cylindre, que ce travail prendrait des mois (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.128): 10. Pour bien saisir ce qui se passe, et ce qui a le plus de chance de se passer dans l'avenir, il faut sans doute bien comprendre que la musique concrète va se manifester au travers d'une série de transformations brutales dont le seul parallèle possible se trouve dans la peinture (...). Tandis qu'en peinture, cette évolution a pris cinquante ans...
Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.192. − Empl. impers., fam. Ça (me, te, etc.) prend + indication de durée.Cela demande (tel laps de temps). Synon. il faut.Ça m'a pris cinq minutes pour faire le trajet. Région. (Canada). [P. ext.; l'obj. désigne un inanimé ou une pers.] Il faut. Pour faire ce gâteau, ça prend trois pommes; pour faire ce travail, ça prend dix personnes. C. − [Le référent du suj. et celui du compl. sont dans une relation qui s'inscrit dans une temporalité; prendre indique que la relation s'établit grâce à une participation du référent du suj.] 1. [Ce qu'exprime la relation est envisagé du point de vue de son début] a) [Ce qu'exprime la relation est un procès]
α) [Le procès est une action] − Prendre + art. + subst.Prendre le commandement, le contrôle, la direction, la relève, la suite de qqc. En prenant la conduite des affaires, elle commença par dresser un inventaire exact de toutes les valeurs (Balzac, Illus. perdues, 1843, p.556).Le but vers lequel il faut tendre est de prendre l'offensive avec une grande supériorité (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.225).C'est tout de même drôle que ce soit moi aujourd'hui qui prenne la défense d'Alain... Tu ne trouves pas? (Mauriac, Mal Aimés, 1945, iii, 1, p.224). ♦ En partic. Prendre la parole. Se mettre à parler (en public). La jeune femme prit la parole la première et dit: «Je trouve que c'est un peu trop, tout de même, ce que vous avez fait à B...» (Jouve, Scène capit., 1935, p.30).Prendre le pouvoir. Accéder à la direction (d'un pays, d'une société, etc.). Les conditions dans lesquelles Vichy a pris le pouvoir en France, la nature des pouvoirs qu'il s'est attribués (...) sont contradictoires avec la souveraineté de la nation française (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.481). ♦ Prendre + subst. (vx).Prendre lecture. Prendre connaissance du contenu d'un écrit par sa lecture. Les lumières du simple bon sens suffisent pour qu'un juré sache et puisse déclarer, si, après avoir entendu les témoins, pris lecture des pièces, comparé les indices, il est convaincu ou non (Constant, Princ. pol., 1815, p.157). − [L'action est un processus] Il est vrai que dans quelques contrées de l'Europe, la raison a commencé de prendre un premier essor (Volney, Ruines, 1791, p.114).Il n'y a plus de doute possible sur la tournure que va prendre la collaboration avec les Allemands, ni sur les gens qui vont la faire (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.375). − Au part. passé. Pour répondre à l'énorme développement pris par la botanique et par l'exploration, développement qui s'est traduit par l'accroissement ininterrompu des collections et des publications (...) il fallait une transformation profonde (Hist. gén. sc., t.3, vol. 1, 1961, p.441).
β) En partic. [L'action est un mouvement, une manière de se mouvoir dans l'espace] Se mettre à. Prendre le trot, le départ*, le pas de gymnastique; prendre son vol. La mêlée commençait à devenir sanglante, lorsque soudainement une partie des gens du duc prit la fuite (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.342).L'escorte prit le galop (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.42).Le premier rang prit le pas de course, arriva sur le fusil-mitrailleur du Négus (Malraux, Espoir, 1937, p.449). − MAR. Prendre chasse. ,,Fuir devant un bâtiment qui vous donne la chasse`` (Bonn.-Paris 1859, Gruss 1952).
γ) [L'action est instantanée ou conçue dans sa totalité] − Prendre + art. + subst.Il est temps pour la peinture de prendre un petit élan vers les beautés qui ne tombent pas absolument dans la chambre noire (Goncourt, Journal, 1860, p.744). − Prendre + subst.Ces paisibles citoyens de Dorchester prenaient contact avec la vie sociale (Blanche, Modèles, 1928, p.83).La lune s'était levée avant que le dîner prît fin (Gracq, Syrtes, 1951, p.140). − Prendre en + subst.Prendre en compte. Il croyoit que ses frères les humains ne s'étoient point aperçus jusqu'à lui que, dans l'estimation des vitesses, l'espace doit être pris en considération (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.463).Les changements de valeur intervenus depuis les dates de référence ne peuvent être pris en compte lorsqu'ils sont provoqués soit par l'annonce de travaux ou opérations d'utilité publique (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.231). b) [Ce qu'exprime la relation est une durée, un état permanent]
α) [Le compl. corresp. à un verbe indiquant une durée, un état permanent] − Prendre + art. + subst.Les socialistes allemands ont pris un extrême intérêt aux aventures de la princesse de Cobourg (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.75).C'est ce qui me fait fuir ceux de la société (...) malgré l'amusement, parfois très vif, que je prends dans la fréquentation de mes semblables (Gide, Journal, 1944, p.261).Il y a cinq sens parce qu'il y a cinq modalités des réactions destinées à prendre une connaissance plus parfaite d'un objet ou d'un événement intéressant (Piéron, Sensation, 1945, p.40). ♦ Domaine milit.Prendre la garde. Commencer son tour de garde. −Où allez-vous? −Prendre la garde à la poterne (G. Leroux, Parfum, 1908, p.87). − Prendre + subst.Sa belle-soeur (...) avait pris un peu légèrement possession du château (Goncourt, Journal, 1894, p.640). − Prendre en + subst.Il aima la musique, que, pendant sa période de tortures, il avait prise en haine (Gobineau, Pléiades, 1874, p.321). − DR. [Le suj. désigne une hypothèque] Prendre rang. ,,Se mettre à sa place dans la suite chronologique des hypothèques qui grèvent un immeuble`` (Roland-Boyer 1983).
β) [Le compl. corresp. à une prédication adj. en être] − Prendre + art. + subst.Je prends l'entière responsabilité de cette opération (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.494). − Prendre + subst.Telles furent les clairières, les espaces aérés et découverts (...) où (...) les premiers rassemblements européens (...) commencèrent à prendre cohésion et force (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p.40).
γ) [Le compl. corresp. à une prédication en avoir] − Prendre + art. + subst.Il souffla un instant. Et je vis alors qu'il prenait un plaisir amer et désespéré à aggraver la situation (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.272).Les faits évoluent trop vite pour que l'homme puisse en prendre une conscience nette (Fourastié, Gd espoir du XXes., 1969, p.333). ♦ En partic., rare. Atteindre (tel âge). Le jour même où Nana prenait ses trois ans, Coupeau, en rentrant le soir, trouva Gervaise bouleversée (Zola, Assommoir, 1877, p.477). − Prendre + subst.Prendre patience; prendre connaissance. Il avait toujours pris plaisir à aller sur le terrain quand il s'agissait de croiser le fer ou d'échanger des balles avec un adversaire (Proust, Sodome, 1922, p.1071).Jos-Mari en arrivait à prendre goût à sa maçonnerie (Peyré, Matterhorn, 1939, p.39).Belsenza avait pris peur (Gracq, Syrtes, 1951, p.149). − Prendre en + subst. exprimant un sentiment.Prendre en affection, en amitié, en haine. L'innocence de ses yeux me confond à un tel point que, prenant mon trouble en pitié, elle passe ses bras autour de mon cou (Éluard, Donner, 1939, p.12). ♦ Empl. pronom. Christophe se prenait en pitié: −Animal! se disait-il, tu es vidé (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1590). − Prendre en + subst. exprimant un état.Elle crut que Paul l'avait prise en grippe et la fuyait (Cocteau, Enfants, 1929, p.144).En outre, l'enfant pris en charge par les crèches, garderies, maternelles, écoles, études, échappe de plus en plus à sa famille (Gds ensembles habit., 1963, p.24).
δ) [Le compl. exprime un statut administratif ou social] Indigné d'être oisif et peu estimable, j'ai pris l'état militaire (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.64).Il devait ou restreindre sa dépense, ou prendre un état, ou faire un beau mariage (Flaub., Éduc. sent., t.2, 1869, p.52).Affaibli depuis son typhus de Leipzig, le général Lyrisse ne pouvait même pas songer à prendre sa retraite (Adam, Enf. Aust., 1902, p.226). − Loc. Prendre du service. Entrer en fonction dans un poste. Tout après, j'irai à Bangui prendre du service (Maran, Batouala, 1921, p.124). 2. [Ce qu'exprime la relation est envisagé du point de vue de son achèvement] a) [Ce qu'exprime la relation est un événement]
α) [Le compl. exprime une action] − Prendre + art. + subst.Je pris la résolution de changer complètement ma manière d'être (Delécluze, Journal, 1827, p.375).Pendant une heure, j'eus confiance en moi; je pris des engagements solennels, j'assumai des responsabilités, je fis des sacrifices (Duhamel, Confess. min., 1920, p.172). ♦ Prendre sa revanche. Se venger. Bravo, prends ta revanche, et casse-lui une aile (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p.233).Erreur qui permet à l'idéalisme de prendre une facile revanche en projetant la lumière sur le rôle actif de la conscience (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p.30).
β) [Le compl. exprime une situation ou une localisation] − Prendre + art. + subst.Il rentra au palais de la résidence, prit les arrêts comme un bon enfant qu'il était (Gobineau, Pléiades, 1874, p.113).Nous ne pouvons et ne devons entreprendre une action armée de ce genre que si les conditions sont favorables, c'est-à-dire: 1. que nous ayons le consentement des Britanniques du moment que nous prenons notre base de départ chez eux (De Gaulle, op. cit, p.429). ♦ Prendre la tête (de qqc.). Se placer à l'avant (d'un cortège, d'un défilé). Sarcelotte avait pris la tête, Berlaisier à sa gauche, et presque à sa hauteur (Genevoix, Raboliot, 1925, p.250).La sage-femme, ou à défaut une femme ayant assisté l'accouchée, prend la tête du cortège en portant l'enfant (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p.80).Au fig. Avoir un rôle dirigeant (dans quelque chose). Protonotaire apostolique en 1895, il prit la tête de l'oeuvre nationale de Vaucouleurs, que Mgr Jépasse s'était révélé incapable de diriger (Billy, Introïbo, 1939, p.51).Les États-Unis ont pris manifestement la tête et déploient dans ce domaine une activité que les autres nations ont peine à égaler (Bariéty, Coury,Hist. méd., 1963, p.794). ♦ Prendre ses quartiers (quelque part). S'installer pour résider quelque part. Il revient à Vienne prendre ses quartiers d'hiver (Rolland, Beethoven, t.1, 1937, p.220): 11. Elle était chez Lillas Pastia (...) chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit, surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers.
Mérimée, Carmen, 1845, p.41. − Prendre + subst.Six années passèrent ainsi, après lesquelles M. de Meximieu, ayant pris garnison à Cambrai, elle obtint (...) ce qu'elle appelait «une prolongation de congé» (R. Bazin, Blé, 1907, p.35).L'aubergiste l'avait prétendu indisponible pour (...) le pousser à prendre pension chez lui (Montherl., Célibataires, 1934, p.886). ♦ Loc. Prendre pied (quelque part). V. pied 1reSection I B c.
γ) [Le compl. exprime le résultat évalué d'un processus] Prendre de la distance. J'avais laissé la diligence prendre une certaine avance, précaution que j'estimais nécessaire, et j'arrivais moi-même à Castillon peut-être dix minutes après Brignolles (G. Leroux, Parfum, 1908, p.67).Isabelle: T'es-tu pesé? Jimmy: Oui. Isabelle: Eh bien? Jimmy: J'ai pris 500 grammes (Bourdet, Sexe faible, 1931, i, p.274). − Loc. Prendre du champ. S'éloigner. Tout de suite elle se releva, mais le garçon avait pris du champ (Montherl., Bestiaires, 1926, p.420).
δ) [Le compl. désigne ce qui résulte au terme de l'action] − [Le référent du compl. est d'ordre concr.] ♦ Prendre + art. + subst.Prendre un croquis, un cliché, une photo, des notes; prendre un témoignage; prendre les déclarations de qqn. Il y aurait un croquis amusant à prendre, ces trois péniches, l'écluse, la passerelle (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.704).Trop souffrant pour travailler vraiment, je voudrais transcrire les notes prises dimanche soir et hier soir (Du Bos, Journal, 1924, p.36).En partic. Prendre le nom (de qqn). Inscrire, noter le nom de quelqu'un. Et les sergents disaient (...): −Allez-vous vous placer, qu'on prenne vos noms, bon dieu! (Benjamin, Gaspard, 1915, p.17). ♦ Prendre + subst.Prendre note*. M. E. (...) pour nous dédommager de cette privation, nous lut le morceau suivant, dont il me permit de prendre copie (Crèvecoeur, Voyage, t.2, 1801, p.159). − [Le référent du compl. est d'ordre abstr.] Prendre + subst.Prendre modèle sur qqn. Mon esprit disposé à prendre ombrage des actes qu'il n'a pas prévus (J. Bousquet, Trad. du sil., 1935, p.14).Le misérable Scapini osa pourtant prendre prétexte d'une «générosité» si visiblement calculée pour tenter sur nous le plus répugnant chantage (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.270). − [Le compl. sert à catégoriser une (suite d')action(s)] Prendre des dispositions, des décisions, l'initiative. Il avait pris ses précautions pour arriver près de Magdeleine peu de temps après son messager (Karr, Sous tilleuls, 1832, p.298).On prend des dispositions aujourd'hui pour samedi (Barrès, Cahiers, t.11, 1918, p.348): 12. [Castel] fit remarquer qu'il savait très bien que c'était la peste, mais que, bien entendu, le reconnaître officiellement obligerait à prendre des mesures impitoyables.
Camus, Peste, 1947, p.1255. − [Le compl. désigne un acte jur. ou son résultat; gén. au part. passé] Une décision de l'assemblée intervenant à la suite d'un vote spécial (...) pris à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés (Cons. S.D.N., 1938, p.100).Ce sont des textes législatifs pris sous la troisième république qui régissent l'ensemble de la matière (Vedel, Dr. constit., 1949, p.398).Le classement des communes ou parties de communes intéressées sera fixé par voie de décret en Conseil d'État pris après enquête publique (Amén. terr., 1964, p.73). b) [Ce qu'exprime la relation est un état] Infra 1reSection IV C 4. 3. [Ce qu'exprime la relation est envisagé dans sa totalité] a) Prendre un/une + subst.Prendre une douche, un bain de soleil. Puis, Nana passait dans son cabinet de toilette, où elle prenait un bain (Zola, Nana, 1880, p.1358).J'apprendrai à votre peuple (...) à prendre des bains de sueur avec des pierres dans un four (Audiberti, Mal court, 1947, ii, p.176). b) Prendre le/la + subst.Je me lève et je prends la pose: le corps appuyé sur la jambe droite, l'ombrelle verte du père Sallé me servant de mandoline (Colette, Cl. école, 1900, p.230). c) Prendre son/sa + subst.Si elle se fût amusée à prendre ses ébats entre l'Angleterre et nous (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p.171).Marcelino entr'ouvrit la trappe, prit sa visée, passa, ne lâcha aucune bombe, contrôla: au calcul, la visée était bonne (Malraux, Espoir, 1937, p.556). − En partic. Prendre son pied (pop.). V. pied 2eSection I B 2. d) Locutions ♦ Prendre date*. ♦ DR. Prendre acte. ,,Constater solennellement un fait ou un dire et le consigner par écrit selon les formes requises, variables selon les espèces`` (Rolland-Boyer 1983). 4. En partic. [Le compl., qui a un rôle catégorisant, désigne un aspect, une capacité, une propriété] a) [Le suj. n'est pas agent de l'action] Se mettre à avoir telle ou telle capacité, à présenter tel ou tel état. Synon. acquérir; anton. perdre.
α) [Le compl. désigne un aspect physique] − [Couleur] Prendre + art. + subst.Et le soleil pâlit, et la terre prit une teinte funèbre, comme celle du linceul qui enveloppe les morts (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p.94).Les pierres tendres, si elles sont humides, prennent une patine verdâtre (Arts et litt., 1935, p.20-16): 13. Il dévorait des yeux cette face, ce museau de rat pointu et livide, tragiquement éclairé par la flamme rouge de la chandelle, et qui prenait graduellement une couleur terreuse.
Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.182. − [Forme] ♦ Prendre + art. + subst.Prendre la forme d'un colimaçon. Si ton corps a pris une heureuse conformation dans le sein de ta mère, tu peux en recueillir les fruits pendant toute la vie de ta matiere (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.148).La circulation devenant plus fréquente sur le joint que sur le milieu du pavé, celui-ci prend une forme sphérique, détestable pour une bonne circulation (Bourde, Trav. publ., 1929, p.65).Loc., au fig. Prendre le pli. V. pli B 3 a. ♦ Prendre + subst.Prendre figure; prendre tournure. Depuis vingt ans que s'y appliquent nos trésors, une partie des territoires coloniaux est renouvelée. Ils ont pris figure française (Maurras, Kiel et Tanger, 1914, p.130).Juliette sursauta, sentant le danger; du côté de l'écran arrivaient des sons en désordre, puis cela prit forme, devint de la musique (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.70). − [Apparence] ♦ Prendre + art. + subst.Prendre une drôle de tête, un air triste, une apparence volcanique, le genre croquemort; prendre un aspect, un caractère, une consistance. Certaines ramifications de la première branche, en prenant une texture et des dispositions particulières, en s'adaptant à des organes d'une structure toute spéciale, acquièrent aussi des fonctions spéciales (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.135).Les mots les plus vulgaires, les idées les plus simples prennent une physionomie bizarre et nouvelle (Baudel., Paradis artif., 1860, p.336): 14. Les revêtements minces, en épaisseur de 2 à 4 cm, s'exécutent soit en marbre, soit en «pierre froide», sorte de calcaire dur prenant le poli du marbre.
Arts et litt., 1935, p.20-5. Loc., arg. Prendre de la gueule. Prendre de l'assurance. (Dict. xxes.). ♦ Prendre + subst.Prendre corps. On s'accorda à dire dans les milieux occultistes de Vienne qu'il s'agissait d'esprits élémentaires, de larves, ayant pris passagèrement apparence humaine sous l'empire de certains maléfices (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.143). − [Goût, saveur] Prendre + art. + subst.On venait de supprimer les confitures du petit déjeuner, tout commençait à prendre un goût de peu et de sucre de raisin (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.153). − [Ton] Prendre + art. + subst.Sa voix, dans la nuit, dans ce bois muet, prenait une force, une résonance étranges (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.204). − [Poids] Prendre + art. + subst.Au fig. C'est là que la conclusion qui se dégage de la tragédie de M. de Montherlant prend un poids et un sens terribles (G. Marcel, Heure théâtr., 1959, p.49).
β) [Le compl. désigne une qualité, une propriété, un attribut spécifique] Synon. acquérir; anton. perdre. − [Qualité ou propriété intrinsèque] Prendre de l'âge, du poids; prendre une grâce touchante, une valeur lyrique. Au fond des ténèbres, ce râle prenait une telle abomination, que les autres hommes couchés à côté, voulant dormir, se fâchaient (Zola, Débâcle, 1892, p.464).Ces mots (...) devaient plus tard prendre dans mon souvenir la valeur d'un avertissement prophétique (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.563).Toutes ces petites gens, nos semblables, avaient pris de la majesté (Sartre, Mots, 1964, p.35). ♦ Expr. pop. Ça prend de la gueule. Ça devient bien, présentable. V. gueule B 3. − [Attribut intrinsèque] Il est autrement audacieux de se hisser jusqu'aux dernières branches d'un platane et cela, simplement, pour contrôler si la nichée d'oiseaux prend bien ses plumes (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p.183). − [Attribut ou qualité extrinsèque] Prendre une acception, une signification générale. Cette portion du Poitou (...) a pris le nom de Vendée (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.308).Je n'ai pas besoin de vocabulaire plus précis... Tant pis, si je prends l'accent de Québec (Giraudoux, Siegfried, 1928, i, 8, p.53).Après cinq ans d'exercice, les maîtres de cours complémentaire peuvent (...) prendre le titre de professeur de cours complémentaire (Encyclop. éduc., 1960, p.312). ♦ Prendre (un/du/tout son) sens. Acquérir une rationalité. Ce nom expliquait tout à coup cent coïncidences à peine remarquées, oubliées à mesure, et qui soudain prenaient un sens (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p.604).La notion de service public appliquée à l'hôpital prend alors tout son sens (Organ. hospit. Fr., 1957, p.31).
γ) [Le compl. désigne une dimension, un aspect mesurable] Prendre une importance majeure, une grande extension, de l'extension. Toutes les fois qu'il n'y a point de racine, on peut dire qu'une dent n'a pas pris son entier accroissement (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.119).Mais le battement de coeur prenait une ampleur énorme. Un mouvement de tourbillon obscurcissait le rivage et l'enlevait à ses yeux (Jouve, Scène capit., 1935, p.59): 15. ... les vitesses auront tout d'abord une tendance à se répartir selon la loi de Maxwell, les projectiles les plus gros prenant une vitesse moindre que les plus petits.
H. Poincaré, Hyp. cosmogon., 1911, p.113. − Loc., pop., région. Prendre de la gueule. [En parlant du vent] Siffler. La nuit vient; le vent prend de la gueule (Giono, Colline, 1929, p.29).
δ) [Le compl. désigne une disposition psychol.] Prendre l'habitude. La mère de Henriette prit peu à peu l'habitude de venir travailler auprès d'elle (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.230).Il avait pris la manie de me conter des histoires où ceux de sa race étaient tournés en dérision (Lacretelle, Silbermann, 1922, p.116): 16. La vérité, c'est que j'ai pris un goût passionné pour la vie que je mène à la campagne, mélange d'activité intellectuelle et de mouvement en plein air.
Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1858, p.293. b) [Le suj. est un agent] Se donner tel aspect extérieur, telle ou telle apparence. Synon. exhiber, montrer; anton. cacher, se départir de.Prendre un air arrogant, contrit, une mine de condoléances, une voix gentille. [Vos ministres] ont pris des airs de hauteur avec moi (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.269).Il entoura son cou d'un large pectoral, saisit son sceptre et prit une pause de superbe indifférence (Gautier, Rom. momie, 1858, p.321).Il était (...) de ces hommes (...) qui, après avoir pris une figure de circonstance et dit: «Ce sont des instants très pénibles» (Proust, Guermantes 2, 1921, p.338).Georges crut devoir prendre un air goguenard (Gide, Faux-monn., 1925, p.1220). 5. Empl. pronom. Se prendre à + inf.Se mettre à (faire telle ou telle chose). Il hésita, et Baccarat se prit à trembler (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.566).Le comte fort embarrassé, se prit à enfiler des protestations (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.65).Il se prit à bégayer, étranglé par l'émotion: − Vous reviendrez? Vous reviendrez? (Duhamel, Suzanne, 1941, p.260). V. − [Indique un échange de l'extérieur vers l'intérieur de qqc.] A. − [Le suj. est un agent] 1. [Le compl. désigne un solide ou un liquide] Absorber, ingérer (quelque chose). Synon. avaler, boire, consommer, manger, priser.Prendre les eaux, un café, l'apéritif, le champagne, une glace, un verre; prendre de la nourriture, du chocolat; prendre un cachet, un médicament, la pilule. Avait-il pris une dose un peu trop forte, ou le haschisch avait-il produit (...) des effets beaucoup plus vigoureux? (Baudel., Paradis artif., 1860, p.359).Nous daignons prendre un bock (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.211): 17. ... j'imaginais comme le comble du bonheur de prendre le petit déjeuner sur la terrasse d'un grand café, au soleil, en compagnie d'une femme avec laquelle j'aurais passé la nuit...
Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.83. ♦ Prendre un clystère, un lavement (Ac.). Prendre médecine (vieilli). V. médecine B 2. − FR.-MAÇONN. Prendre le vin. ,,Trinquer rituellement au cours de l'agape`` (Faucher 1981). − En partic. [Le compl. est un pron. interr. ou indéf.] Boire (quelque chose). M. de Charlus, lui lâchant la main et voulant être aimable jusqu'au bout: «Vous allez prendre quelque chose avec nous (...)» (Proust, Sodome, 1922, p.1072).Qu'est-ce qu'on prend, mon capitaine? −Champagne (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.99). 2. [Le compl. ne désigne ni un solide ni un liquide] a) Jouir de (quelque chose). Prendre le frais*. Je voudrais, continuait Rocambole, m'en aller prendre un peu le soleil à la barrière, avec une blouse et un brûle-gueule (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.310).Ronsin prit «la fraîche» dans le sable, auprès de Mondrot qui buvait de l'eau froide (Hamp, Champagne, 1909, p.99). b) En partic. Prendre l'air. Respirer l'air frais de l'extérieur (v. aussi infra B). Le souper achevé, avant de se livrer au sommeil, Cyrus Smith et ses compagnons vinrent prendre l'air sur la grève (Verne, Île myst., 1874, p.121). c) Loc. Prendre haleine, souffle (rare). Inspirer profondément. Pour prendre souffle, il enflait son torse en poche de biniou (Hamp, Marée, 1908, p.23).Il y a bien eu un petit soupir, d'abord, comme un qui prend haleine avant de lever la masse, et les hommes ne se sont pas méfiés (Giono, Colline, 1929, p.39). B. − [Le suj. n'est pas agent de l'action] 1. a) S'imprégner de quelque chose, se laisser pénétrer de quelque chose. Prendre la teinture. La viande prend mieux le sel quand elle est fraîche (Ac.1935).Certainement les eaux thermales prennent leur iode et brome dans des couches métamorphiques de l'écorce (Vernadsky, Géochim., 1924, p.40). − Au fig. Comment rire de ceux qui prennent force dans le Christ, alors qu'ils croient en lui, puisque moi je prends force, par exemple, dans le mythe d'Adonis, auquel je dois bien avouer qu'au fond je ne crois pas? (Montherl., Malatesta, 1946, ii, 5, p.472). ♦ Empl. pronom. L'indifférence se prend du voisin, comme la peur elle-même (Alain, Propos, 1921, p.275). − Loc. Prendre (l')eau*. Prendre l'air. S'aérer. Les draps prennent l'air. Prendre feu*. − En partic., vx. Prendre somme. S'endormir. Le laboureur, l'artisan, qui chaque soir prend somme, et répare la nuit les fatigues du jour, voilà de vrais paresseux (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.33). b) [Le suj. désigne un espace] Recevoir (le jour, la lumière). La salle en rotonde (...) prenait jour par une fenêtre, sur la place de l'Arc de Triomphe (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.316).La porte de fer prenait le jour par en haut (Jacob, Cornet dés, 1923, p.233).La chambre particulière du comte Humbert de Sannis prenait vue sur tout le pays (Jouve, Scène capit., 1935, p.190). 2. [Le compl. désigne qqc. de dommageable ou de nocif] Subir l'effet de quelque chose. a) Contracter, attraper. Synon. choper (fam.).Prendre froid, chaud; prendre du mal, un virus, une crise de nerfs; prendre peur*; prendre mal (vieilli) (v. mal3I A 1). Pécuchet prit une courbature à l'élagage de la charmille, et vomit après son dîner, ce qui l'effraya beaucoup (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.75).Lapins, cobayes, poules, singes, prennent la rage (Pasteurds Travaux, 1884, p.388): 18. ... il avait inventé, comme vengeance, de se déshabiller et de se coucher nu sur le carreau, afin de prendre un gros rhume.
Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1522. − Au part. passé. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux (...) venait de lui remonter au visage et l'avait pourri (Zola, Nana, 1880, p.1485). − Empl. pronom. passif. Se contracter. La grippe se prend très facilement en cette saison (Ac.1935). − Loc., fam., fig. Prendre la mouche*, la chèvre. ,,S'irriter tout à coup, pour un léger sujet, mal à propos`` (Ac. 1935). b) Fam. Recevoir. Synon. attraper, encaisser, ramasser; anton. éviter.Prendre un but; prendre une averse, la pluie; prendre une bûche (v. bûche2), une culotte (v. culotte2), un gadin*, une pelle*; prendre un coup de poing, une fessée, une volée. Vengez-nous, les gars!... On a pris la pilule! (Benjamin, Gaspard, 1915, p.53).Le 164?... Je crois qu'il tient toujours le front entre le bois de Ville et Ornes... Il doit prendre une pipe en ce moment, lui aussi, à en juger par le bruit qui vient de par là... (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.19).Tous les ans l'un d'entre eux prenait un coup de couteau avec son meilleur camarade (Queffélec, Recteur, 1944, p.79). − P. ext., pop. Prendre une cuite*. − Locutions ♦ Fam. En prendre pour son grade*. ♦ Pop., fam. Sortir d'en prendre. Avoir subi, dans un passé récent, des ennuis du même genre. Et vous, bourgeois, une fois le coup fait, quand je vous demanderai les huit cents francs, vous pouvez me répondre. Merci, je sors d'en prendre! (Sue, Myst. Paris, t.6, 1843, p.54).[L'épicière auvergnate:] Ah! ah! ah! ah! une comtesse! merci, j'chors d'en prendre! c'hest une drôle de comtesse celle-là (Vidocq, Vrais myst. Paris, t.7, 1844, p.233). ♦ Fam. Prendre un coup de vieux. Vieillir beaucoup d'un seul coup. Le Monde avait pris un coup de vieux. Il avait donc besoin d'un coup de jeune. Il s'est allégé, modernisé −et ce n'est qu'un premier pas −dans sa forme (Le Monde aujourd'hui, 1-2 déc. 1985, p.v, col. 5-6). VI. − Investir quelque chose, disposer de quelque chose d'une manière qui en affecte l'intégrité. A. − [Le suj. désigne qqc. de l'ordre du sentiment, de l'état psychol., de l'impulsion] Disposer, s'emparer de quelqu'un d'une manière qui l'affecte physiquement ou moralement, ou qui le prive (d'une partie de) ses capacités intellectuelles. Synon. gagner, envahir, posséder; anton. quitter, abandonner. 1. Qqc. prend qqn.La fièvre les prend. Je n'ai pas été loin de me tuer. J'ai senti la folie qui me prenait, et j'ai eu les premiers symptômes, les premières atteintes d'un cancer (Flaub., Corresp., 1871, p.233).Un doute lui prend le coeur: sait-il, vraiment? (Giono, Colline, 1929, p.108): 19. ... vous savez ce que vous savez et que la tour de Pise est penchée et que le vertige vous prend quand vous vous penchez vous aussi à la terrasse des cafés.
Prévert, Paroles, 1946, p.14. ♦ Loc. pop. Prendre comme une envie de pisser*. − Au part. passé. Être pris de/par qqc.Être subitement affecté (de, par quelque chose). Synon. saisi, possédé.Dans les sociétés où (...) cette place est prise par l'argent, il n'y a plus de recrutement pour les carrières de gloire (Goncourt, Journal, 1873, p.952).Elle était prise de la petite vérole (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p.171). SYNT. Être pris d'un accès de fou rire, d'antipathie, de colère, de coliques, d'un crachement de sang, de dégoût, d'épouvante, d'hilarité, de honte, d'une idée fixe, d'une migraine, de nausées, d'une grande pitié, de rougeurs, de sommeil, de suffocation, de syncopes, d'une terreur, d'une toquade. ♦ Loc. Être pris de vin. Être ivre. Le duc regagna le salon des glaces, mais il ne s'y trouva qu'un heiduque pris de vin (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.25). 2. a) Qqc. prend qqn à + subst. désignant la partie saisie.Prendre à la gorge. David voyait, à chaque fois qu'elle poussait en se penchant la manivelle, s'étirer les muscles pauvres de ses bras, saillir les os de l'échine maigre, sous la robe mouillée et collante. De telles choses le prenaient au ventre (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.158).Oui, dis-je, Raymond va se marier. Une brusque envie de rire me prenait à la gorge (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p.94). − Au part. passé. (Être) pris à qqc. par qqc.Garcia voyait toujours le cimetière, pris au ventre par ce qu'il y avait de trouble et d'éternel dans ces cyprès et dans ces pierres (Malraux, Espoir, 1937, p.541). − Loc. fig. Prendre aux tripes. Avoir un effet très fort. Mélo ou non, c'était du théâtre (...) qui vous prenait aux tripes. Dans la salle, il y avait des gens qui se mouchaient (Vialar, Risques et périls, 1948, p.266). b) Qqc. prend qqc.Il y a, mon adorable, que le Borysthènes a pris la fantaisie de déborder. J'ai des lettres qui racontent la catastrophe (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.197). 3. Empl. impers. ou lié à l'impers. a) Il prend qqc. à qqn.Il lui prit une fantaisie, un dégoût (Ac. 1935). Quand il nous prit la fantaisie D'aller voir, en leur valaisie, Ces messieurs crétins du Valais (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p.275).On peut dire que le docteur est responsable. Si, par exemple, il vous prenait l'envie de recommencer (Camus, Peste, 1947, p.1230). b) Qqc. prend à qqn.La fièvre, la goutte lui a pris (Ac. 1935). L'envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.200).V. précieusement ex. de Mérimée. − Qu'est-ce qui me/te/le, etc. prend. [S'emploie pour marquer son étonnement devant la conduite de qqn] «Qu'est-ce qui te prend?» m'a-t-elle demandé en riant, exactement comme je l'avais prévu (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.90). − Loc. Bien/mal lui a pris de + verbe inf. Cela a eu de bonnes/fâcheuses conséquences de faire telle ou telle chose. Bien lui a pris d'avoir été averti promptement. Il lui prendra mal un jour de songer si peu à ses affaires (Ac.1935).Mon compagnon préférait rester à découvert, avoir du large, voir de loin et sentir l'air ouvert devant lui. Bien nous en prit, car les chasseurs arrivaient sous le bois (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p.292).Bien lui en prit d'être encore ingambe, et de pouvoir s'enfuir au plus vite (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.200). B. − [Le verbe décrit un état] Saisir, investir d'une manière qui affecte l'aspect, la nature physique ou diminue la mobilité de quelque chose. 1. Qqc. prend qqc.Synon. enserrer, envelopper.Ce gilet prend la taille. (Dict. xixes.). 2. Au part. passé. Synon. enserré, enveloppé, bloqué.Le dos pris par une douleur. Je me voyais avec admiration traversant la cour du quartier (...) la taille prise dans un élégant dolman (A. France, Vie fleur, 1922, p.436).Il lui décrivait (...) les patates prises dans le sucre (Green, Journal, 1934, p.287): 20. ... comme le port suédois de Lulea sur la Baltique est pendant six mois pris dans les glaces, on a équipé sur l'Ofotenfjord en Norvège, le port de Narvik.
Brunhes, Géogr. hum., 1942, p.210. 3. Empl. pronom. Se prendre de qqc.La mer par places s'est prise de varechs, et bientôt nous avons navigué entre deux traînées de sargasses (Gide, Voy. Urien, 1893, p.41). VII. − Prendre pour.Supra 1reSection III A. A. − [Le compl. a un référent identifiable] Confondre quelque chose ou quelqu'un avec quelque chose ou quelqu'un d'autre. C'est bien des idées de clérical d'aller prendre une mésange pour une alouette (Aymé, Jument, 1933, p.101).Moi, dit Paradis, un des plus mauvais jours de la vie, c'est qu'une fois j'ai salué un gendarme, le prenant pour un sous-lieutenant (Barbusse, Feu, 1916, p.129).Il ne faut pas que vous me preniez pour un apache. Je n'ai jamais été chipé (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.232). − Loc. Prendre des vessies pour des lanternes. V. lanterne II.J'ai quelque honte (...) à m'avouer que j'ai souvent pris des vessies pour des lanternes, mais le monde m'en paraît d'autant plus illuminé! (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1896, p.274). B. − [Le compl. a une valeur de prédicat] Attribuer à quelque chose ou à quelqu'un la qualité de quelque chose ou de quelqu'un d'autre. Synon. considérer.Il la prie de sécher ses larmes, qui pourraient être prises pour un augure sinistre par ses guerriers (Dupuis, Orig. cultes, 1796, p.241). − Empl. pronom. Toujours la hauteur qui se prend pour de la fierté (H. Bazin, Vipère, 1948, p.209).Vanité des vanités, tous les photographes sont ainsi qui se prennent pour des créateurs, comme le droguiste pour un savant (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.121). − Locutions ♦ Prendre le Pirée pour un homme (vx). Se montrer très ignorant. (Ds Ac.). ♦ Prendre ses désirs pour des réalités. Croire qu'il suffit de vouloir une chose pour qu'elle se réalise. Je pense que vous avez pris vos désirs pour des réalités sans vous inquiéter de mes intérêts à moi, dit Henri d'une voix contenue (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.239). ♦ Prendre pour acquis qqc. Considérer quelque chose comme acquis. Il y a une conception objective du mouvement qui le définit par des relations intramondaines, en prenant pour acquise l'expérience du monde (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.309). ♦ Prendre (qqc.) pour argent comptant. Croire quelque chose très facilement. Il a pris ce qu'on lui a dit pour argent comptant (Ac.1878, 1935). ♦ Prendre pour bon (vieilli). Croire. Il prend pour bon tout ce qu'on lui débite, tous les contes qu'on vient lui faire (Ac.1878, 1935). ♦ Prendre son cul* pour ses chausses (vieilli). Prendre l'ombre pour le corps. V. ombre1II C 2. − Expressions ♦ Pour qui me prenez-vous? [S'emploie pour signaler à qqn qu'il se méprend sur votre compte] Loin de me satisfaire, cette explication me blessa; je fis de vains efforts pour me contenir: −Pour qui me prenez-vous? lui dis-je; moi, Paturot, de l'opposition! (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.371). ♦ Vous me prenez pour une autre. [Formule par laquelle une femme proteste devant le comportement hardi d'un homme] . (Ds Rob. 1985). 2eSection. Empl. intrans. et trans. indir. I. − Empl. intrans. [Exprime une modification d'état] Perdre sa consistance liquide pour devenir plus épais et plus dur. Le mortier, le plâtre commence à prendre; mettre de la présure dans ce lait, pour qu'il prenne; faire prendre la mayonnaise. Cette gelée ne prendra pas (Ac.1935).Mais il [le ciment] ne «prend» pas facilement et, en général, les efforts de la larve restent infructueux (Coupin, Animaux de nos pays, 1909, p.246). − Au fig. [Certains étudiants] s'étaient connus sur les bancs de Sciences-Po ou au hasard de piges dans différents journaux. Mais, comme dans une classe de lycée, après quelques jours, la mayonnaise prend. Une «promo» est née (Le Monde aujourd'hui, 1-2 juin 1986, p.vii, col. 2). − En partic. [Le suj. désigne de l'eau] Geler. La rivière a pris cette nuit. Ces glaces n'ont pas bien pris (Ac.1935).Dès qu'il eut quitté la cadole, Philibert sentit sa colère se muer en une immense tristesse. Ce qui se passait en lui ressemblait à ce qui se passe lorsqu'une rivière commence à prendre (B. Clavel, Seigneur du fleuve, Paris, Laffont, 1972, p.201). II. − [Exprime ce qui arrive à qqc. dans son rapport à un lieu, à un support] A. − [Le lieu ou le support peut être exprimé] 1. Rester accroché à quelque chose, adhérer à quelque chose ou imprégner quelque chose. a) Prendre à/sur qqc.L'encre ne prend pas sur le papier huilé. Le feu a pris à cette maison (Ac.1935). b) Empl. abs. Cette couleur ne prend pas. Les sangsues n'ont pas pris. Le feu commence à prendre (Ac.1935). − [P. méton.] S'enflammer, flamber. Les allumettes étaient longues à prendre (A. Daudet, Jack, t.2, 1876, p.19). 2. [Le suj. désigne un organisme] Se mettre à croître après transplantation ou greffage. a) Prendre en/dans qqc.La vigne ne prend pas dans cette région. Il y a des plantes qui prennent également en toutes sortes de pays; il y en a d'autres qui ne prennent qu'en certaines terres (Ac.1935). b) Empl. abs. Cette bouture a pris. (Dict.xxes.). V. greffe2ex. 2. − P. métaph. Dépourvue de racines, sur un sol neuf où elle n'avait ni passé, ni héros, la République ne prenait pas (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p.77).[Dans un cont. métaph.] Les communistes ont participé au gouvernement du pays pendant trois ans. Mais la greffe n'a jamais vraiment pris. Entre l'action ministérielle de la «bande des quatre» et l'activité de leur parti, la communion ne s'est pas produite (Libération, 8-9 sept. 1984, p.3). B. − [Le lieu n'est gén. pas exprimé] Au fig. 1. [Le suj. désigne un processus ou qqc. soumis à un développement] Produire l'effet recherché, atteindre un état irréversible. Synon. marcher (fam.), réussir.Ce livre, cette pièce de théâtre n'a pas pris. Votre proposition a pris. Cette mode n'a pas pris (Ac.1935).Le nouvel emprunt prend à merveille. Il y a queue partout où l'on souscrit (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t.2, 1855, p.24).Je considère la révolution russe comme le seul résultat significatif de la guerre, le seul point d'Europe où le vaccin ait pris. Je refuse absolument de critiquer un peuple qui change de peau (Cocteau, Poés. crit. II, 1960, p.47). 2. Réussir, obtenir le succès désiré (v. supra 2eSection B 1). Synon. marcher (fam.).Ils n'avaient pas fait quatre pas que, derrière eux, une voix s'élevait: −Psitt! Eh là-bas! −Ça prend! murmura le brigadier (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 1repart., vii, p.84). − En partic. Être cru, être accepté. J'ai manqué lui rire au nez: «Je vous fais confiance! Je fais confiance à tout le monde. Que ça vous apprenne à faire confiance...» Qu'est-ce qu'il s'imagine? Le coup de la confiance, c'est avec les hommes que ça prend (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 5, p.116). 3eSection. [Empl. pronom. n'ayant pas d'empl. trans. corresp.] I. − S'en prendre à qqc., à qqn.S'attaquer à quelque chose ou à quelqu'un en le rendant responsable de ce qui arrive. Ne s'en prendre qu'à soi-même. Son impatience fiévreuse s'en prenait au cocher qui ne marchait pas, aux chevaux, deux vraies rosses de fiacre, à un encombrement inexplicable de voitures, d'omnibus (A. Daudet, Nabab, 1877, p.101).[Les paysagistes] luttent contre la solidité ou la fluidité même des choses; certains s'en prennent à la lumière, veulent saisir l'heure, l'instant; substituer aux formes finies une enveloppe de reflets, d'éléments du spectre subtilement dosés (Valéry, Degas, 1936, p.130): 21. La lecture du Journal d'un prêtre m'a assombri (...). Il s'en prend au christianisme d'abord, et ce qui est plus grave, au Christ lui-même.
Green, Journal, 1956, p.186. II. − Se prendre de + subst. exprimant un sentiment ou un état psychol.Se mettre à avoir. Synon. concevoir; anton. se déprendre de.Elle lui donnait sur les nerfs, il se prenait d'une haine féroce, au point de ne plus tenir compte de ses intérêts (Zola, Nana, 1880, p.1318).Elle s'est prise d'amour pour un organiste de la localité (Goncourt, Journal, 1894, p.600).Il se prit d'une affection particulière pour sa petite-fille Juliette (Aymé, Jument, 1933, p.33). III. − S'y prendre.Agir d'une certaine manière en vue d'obtenir un résultat déterminé. Synon. s'arranger, procéder, se débrouiller.S'y prendre bien, mal. Je lui racontai que son argent l'avait échappé belle, et elle daigna sourire en apprenant comme je m'y étais pris pour voler nos voleurs (About, Roi mont., 1857, p.184).Comment m'y prendre pour chanter de telle manière? (Barrès, Cahiers, t.5, 1906, p.292).Il savait comment s'y prendre pour l'amener à se rendre (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p.15). IV. − Se prendre à (qqc.).S'accrocher, s'attacher à quelque chose. Un homme qui se noie se prend à tout ce qu'il peut. Il s'est pris à un clou et sa manche a été déchirée (Ac.1935).Se prendre aux cheveux. V. cheveu I C. − Au fig. M. de Chateaubriand, plus fort [que madame de Staël], plus grand homme, et sachant mieux à quoi se prendre, frappa bien davantage (Sainte-Beuve, Prem. lundis, t.1, 1830, p.399). V. − Se prendre A. − [Le suj. désigne des substances initialement liquides] 1. Coaguler, devenir dur. L'huile se prend quand on la tient dans un endroit froid. Le sirop se prendra bientôt (Ac.1935). − En partic. Geler. La mer de Norvège se prit (Rob.1985). 2. Se couvrir. Le ciel se prend (Rob.1985). B. − Au fig. Atteindre un état de maturation. On prend un livre, on s'y enfonce, on s'y oublie (...) insensiblement la pensée se prend, une idée sourit, on veut l'étendre, l'achever; déjà la plume court (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t.3, 1843, p.413). Rem. gén. Empl. subst. masc. de l'inf. dans la loc. adv. au fait et au prendre (vieilli). Au moment de l'exécution, quand il est question d'agir. Quand ce fut au fait et au prendre. On le disait plein d'intelligence; mais, au fait et au prendre, il n'est bon à rien (Ac. 1935). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɑ
̃:dʀ
̭], (il) prend [pʀ
ɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. Ind. prés.: je prends, tu prends, il prend, nous prenons, vous prenez, ils prennent; imp.: je prenais, etc.; passé simple: je pris; fut.: je prendrai; impér.: prends, prenons, prenez; subj. prés.: que je prenne; subj. imp.: que je prisse; part. prés.: prenant; part. passé: pris, prise. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) 842 fig. prendre plait «conclure un accord avec quelqu'un» (Serments de Strasbourg, éd. A.Henry, Chrest., p.2, ligne 7); fin xes. «saisir avec la main» (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 37); 1160-74 prendre en mains (Wace, Rou, éd. A.J.Holden, III, 5337); 1658 prendre une affaire en mains (Pascal, Lettres aux curés de Paris, éd. Brunschvicg, VII, 298); 1690 prendre la balle au bond (Fur.); 1765 «entourer, envelopper le corps en parlant d'un vêtement» (Diderot, Salons, éd. J. Seznec et J. Adhémar, vol. II, p.215); 1898 prendre le taureau par les cornes (DG); b) ca 1100 «saisir vivement» (Roland, éd. J. Bédier, 2552); 1188 «serrer une proie en parlant d'un animal» (Aimon de Varennes, Florimont, éd. A. Hilka, 777); id. prendre par la main (Id., ibid., 1025); 1690 «saisir en se servant d'un instrument, d'un outil» (Fur.); 1892 n'être pas à prendre avec des pincettes «être sale» (Guérin); c) ca 1050 «amener avec soi» (Alexis, éd. C. Storey, 506); 1667 «joindre quelqu'un pour l'emmener avec soi» (Racine, Andromaque, III, 7); 1690 prendre ses jambes à son cou «commencer un voyage à pied» (Fur.); 1895-96 id. «s'enfuir» (F.Champsaur, Le Mandarin ds France); av. 1784 «accepter de recevoir quelqu'un» (Diderot, Mémoires, t.IV, p.224 ds Littré); d) déb. xiies. «comprendre, interpréter quelque chose d'une certaine manière» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1789); 1269-78 prendre à la lettre (Jean de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 7153); 1540 je ne sais comment vous le prendrez (Nicolas Herberay des Essars, Amadis, éd. H. Vaganay, 369); 1608 à tout prendre (M. Régnier, Satires, V, éd. G. Raibaud, p.49); 1155 prendre de travers «entendre de travers» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 1746); ca 1500 prendre a mal (Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, t.3, p.128); 1535-74 prendre mal (St Gelays, OEuvres, éd. P. Blanchemain, I, 208); 1657-62 prendre littéralement (Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, X, 648); 1694 prendre les choses du mauvais côté (Regnard, La Sérénade, sc. 13 ds OEuvres, t.2, p.223 [éd. Paris, 1830]); 1745 prendre au tragique «trop sérieusement» (Voisenon, Themidore, I, 264 ds Brunot t.6, 2, 1, p.1403); 1582 le prendre haut (Garnier, Bradamante, éd. W. Foerster, IV, p.23); 1459-60 Je prens le temps ainsi qu'il peut venir (Charles d'Orléans, Rondeaux, éd. P. Champion, t.II, p.598); 1666 prendre les hommes comme ils sont (Molière, Misanthrope, I, 1); 1174 prendre en haür (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 739); 1225-30 prendre en gré (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2698); e) 1176 prendre sor soi «rapporter à soi» (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4426); ca 1220 prendre (qqc.) sur soi «en répondre» (H. de Valenciennes, Continuation conquête de Constantinople, 594 ds T.-L.); 1606 prendre à sa charge (Nicot); 1688 prendre tout sur (son courage) «se donner beaucoup de peine» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.8, p.285); 2. a) 1283 «percevoir un droit sur» (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A.Salmon, 1594, p.309); av. 1544 à prendre ou à laisser (Des Périers, Nouvelles récréations, éd. K. Kasprzyk, 50, p.202); 1700 il faut prendre ou laisser (Regnard, Democrite, I, 1 ds OEuvres, t.4, p.8 [éd. Paris, 1830]); 1869 c'est à prendre ou à laisser (Littré); b) ca 1100 «recevoir de l'argent» (Roland, éd. J. Bédier, 1148); 1585 «recevoir comme rémunération» (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, p.381); c) ca 1100 «recevoir un coup» un col avez pris fort (Roland, éd. J.Bédier, 1948); 1934 «encaisser un but au football» (L'Auto ds Petiot 1982); d) ca 1100 «s'emparer d'une ville» (Roland, éd. J. Bédier, 1566); 1690 jeux «se rendre maître d'un pion» (Fur.); 1478-80 prendre d'assault (Coquillart, Les nouveaulx droitz ds OEuvres, éd. M.J.Freeman, p.181); ca 1480 prendre dame a force (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 41783); 1718 prendre par force (Ac.); 1812 prendre de force (Mozin-Biber); e) ca 1050 «prélever (de l'or et de l'argent de son trésor)» (Alexis, éd. C. Storey, 526); ca 1480 prendre un enfant (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 34437); av. 1648 prendre un baiser (Voiture, Poésies, OEuvres, t.II, p.90 ds Littré); f) ca 1140 «capturer des animaux» (G. Gaimar, Histoire des anglais, éd. A.Bell, 2722); 1536 prendre au piège (un animal) (Roger de Collerye, OEuvres, éd. C. D'Héricault, 214); g) 2emoit. xes. «arrêter, capturer quelqu'un» (St Léger, éd. J. Linskill, 150); 1636 prendre en traître (Corneille, Cid, V, 5); 1668 on ne l'y prendrait plus (La Fontaine, Fables, I, 2: Le Corbeau et le Renard); 1678 tel est pris qui croyait prendre (Id., ibid., VIII, 9: Le Rat et l'Huître); 1690 se laisser prendre au piège (Fur.); 1697 savoir prendre qqn (J. B. Rousseau, Le Flatteur, I, 1 ds Littré); h) α) 1450-55 prendre qqn sur le fait (Farce de Maistre Pathelin, éd. R. T. Holbroock, v. 1113); ca 1480 pris a depourveu (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 7984); 1674 prendre au dépourvu (Hauteroche, Crispin musicien ds Littré); 1760 Je vous y prends (Voltaire, L'Écossaise, IV, 4, ibid.); 1798 prendre qqn en faute (J. J. Rousseau, Confessions, XII, ibid.); 1808 prendre la main dans le sac (Hautel t.2);
β) ca 1280 «en parlant des choses extérieures, s'abattre brusquement» (ici, la nuit) (Adenet Le Roi, Cleomades, éd. A. Henry, 12311); ca 1050 pietét ne t'en prist (Alexis, éd. C. Storey, 440); ca 1150 somoil li prist (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 775); 1678 la faim le prit (La Fontaine, Fables, VII, 4: Le Héron);
γ) 1160-74 «advenir à quelqu'un» (Wace, Rou, éd. A.J.Holden, III, 2629); déb. xiies. impers. «venir à l'esprit de quelqu'un, lui advenir» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 48); ca 1480 mal vous en prendra (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 15433); 1962 ça l'a pris comme une envie de pisser (Rob.); i) α) 2emoit. xes. «faire venir» (St Léger, éd. J. Linskill, 86); 1585 «acheter» (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 66); 1677 prendre une maison «la louer» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.5, p.314);
β) ca 1165 prendre conseiz (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 24705); 1405-49 prendre la foy chretienne (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. Tuetey, 219); ca 1535-74 prendre avis sur (St Gelais, OEuvres, éd. P.Blanchemain, II, 2); 1568 prendre le nom d'un roi (en parlant d'une ville) (Garnier, Porcie, éd. W. Foerster, I, p.6); 1697 prendre l'accent (Regnard, Le Distrait, III, 3 ds OEuvres, t.3, p.173 [éd. Paris, 1830]); 1748 prendre les moeurs des Perses (Montesquieu, De l'esprit des lois, éd. G.Truc, chap. 14, p.157);
γ) ca 1160 prendre jour (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 10010); 1740 prendre date (Ac.);
δ) ca 1180 prendre essample de qqn «un exemple» (Marie de France, Fables, éd. Warnke, 14, 34); 1269-78 prendre exanple a «prendre exemple sur» (Jean de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 5196); 1428 or prenons que (A. Chartier, Le Curial, éd. F. Heuckenkamp, p.7, l. 12-13); 1611 prenons le cas que (P. de Larivey, Fidelle, éd. Viollet le Duc, IV, 10);
ε) 1606 prendre le double de quelqu'une écriture (Nicot); 1690 prendre les dimensions (Fur., s.v. dimension); 1876 id. fig. (Littré); 1907 «filmer» (Méliès, V. cin., A.G.I.P., p.383 ds Giraud 1956); 1954 «photographier» (P. Guth, Le Naïf sous les drapeaux, part.1, ch.3, p.43 ds Quem. DDL t.18);
ζ) ca 1050 «s'adjoindre quelqu'un» (Alexis, éd. C. Storey, 111); 1835 prendre des passagers (Ac.); ca 1050 prendre moyler «prendre femme» (Alexis, éd. C. Storey, 39); ca 1145 «épouser quelqu'un» (Wace, Conception N.D., éd. W.R.Ashford, 980); 1690 prendre pour femme (Fur.); 1174 prendre a avoé (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E.Walberg, 476); 1269 prendre a testamenteur (Archives du Nord, B 446, no1592 ds IGLF); 1460-63 prendre comme mercenaires (Coquillart, Trad. de l'hist. de la guerre des juifs ds OEuvres, éd. C.D'Héricault, II, 320); 1536 prendre pour serviteur (R. de Collerye, OEuvres, éd. C. D'Héricault, p.158); 1538 prendre à temoin (Est.);
η) 1370 prendre qqc. pour qqc. d'autre «en juger autrement qu'il ne faut» (Oresme, Ethiques, éd. A.D.Menut, 74); 1450-65 pour qui c'est que vous me prenez? (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 1506); ca 1480 prendre pour «confondre» (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 3727); 1585 prendre Paris pour Corbeil (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 112); 1690 prendre qqc. pour argent comptant (Fur.); 1743 prendre son cul pour ses chausses (Trév.); 1875 prendre le Pirée pour un homme (Lar. 19e, s.v. Pirée);
θ) ca 1350 «avaler, absorber une boisson» (Gilles Li Muisis, Poésies, I, 85 ds T.-L.); 1903 prendre un verre (J. Lorrain, D.Fabrice, Clair de lune, I, iv ds Quem. DDL t.6); 1450-65 prendre des pilulles (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 645); 1478-80 prendre medicine (Coquillart, Le plaidoié ds OEuvres, éd. M.J.Freeman, p.11); 1645 prendre l'air (Corneille, Suite du menteur, II, 7); apr. 1661 prendre les eaux (Retz, Mémoires, éd. A. Feuillet, J. Gourdault, R. Chantelauze, II, 125); 1668 prendre le frais (Molière, Georges Dandin, III, 8); 1673 prendre un bain (Id., Malade imaginaire, III, 4); 1694 prendre un lavement (Ac.);
ι) ca 1150 prendre à qqn «atteindre quelqu'un en parlant d'une maladie» (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1492); 1155 prendre une maladie «être atteint de» (Id., Brut, éd. I.Arnold, 11318); 1188 prendre mal «tomber malade» (Aimon de Varennes, Florimont, éd. A.Hilka, 8919); 1613 prendre l'eau (d'un bateau) (M. Regnier, Satires, XVI, éd. G. Raibaud, p.212); 1669 prendre feu (Widerhold); 1690 prendre du froid (Fur.); 1875 prendre froid (Lar. 19e); 3. a) ca 1050 prendre congét (Alexis, éd. C.Storey, 598); 1119 prendre fin (Philippe de Thaon, Comput, 2171 ds T.-L.); ca 1480 prendre du bon temps (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 39281); 1538 prendre le temps «attendre le moment favorable» (Est.); 1645 prendre son temps pour (Corneille, Suite du menteur, V, 4); 1869 prendre du temps «être long à réaliser» (Littré); b) 1536 prendre la plume (R. de Collerye, OEuvres, éd. C.D'Héricault, 166); 1561 prendre (un vêtement) (J. Grevin, L'Olympe, éd. L.Pinvert, 263); 1611 prendre le deuil (Cotgr.); 1869 prendre le voile (Littré); c) 1450-65 prendre place (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 1218); ca 1480 prendre les armes (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 41992); 1606 prendre le vent (Nicot); 1671 prendre la mer (Pomey); 1690 «faire usage d'un véhicule» (Fur.); 1476 prendre le chemin (Archives du Nord, B 1698, fo65 ds IGLF); 1540 prendre la route (Nicolas Herberay des Essars, Amadis, éd. H. Vaganay, 3); 1690 prendre un tournant (Fur., s.v. tournant); 1798 prendre la porte (Ac.); 1869 prendre le large «s'enfuir» (Littré); 1907 prendre la tangente (France); d) déb. xiies. prendre fuite (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1166); ca 1225 prendre son vol (Reclus de Molliens, Carité, 36, 10 ds T.-L.); 1585 prendre les devants (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 68); 1955 prendre ses distances (Rob., s.v. distance); 1962 prendre du recul (ibid.); e) 1160-74 prendre garde de «s'occuper de» (Wace, Rou, éd. A.J.Holden, III, 358); 1174-80 prendre garde (à qqc.) «faire attention à» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W.Roach, 8952); déb. xiies. prendre cure de (Voyage St Brendan, éd. E.G.R.Waters, 162); 1538 prendre soin de (Est.); 1188 prendre courage (Aimon de Varennes, Florimont, éd. A.Hilka, 7725); 1370 prendre plaisir (Froissart, Espinette amoureuse, éd. A.Fourrier, 785); 1656 prendre plaisir à (Molière, Dépit amoureux, II, 5); ca 1480 prendre en pascience (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 31229); f) ca 1480 prendre (une charge) (ibid., 47339); 1585 prendre parti (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 238); 1599 prendre à partie (Coustumes du pays et duché de Normandie, fol. 34 ro); 1604 prendre connaissance (Montchrestien, Les Lacenes, éd. Petit de Julleville, 192); av. 1615 prendre le fait et cause (Pasquier, Recherches de la France, 827); 1740 prendre fait et cause pour (Ac.); 1656-57 prendre part (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, X, V, p.320); 1870 prendre sa retraite (Littré, s.v. retraite); g) 1538 prendre racine (Est.); 1540 prendre naissance (d'un homme) (Nicolas Herberay des Essars, Amadis, éd. H.Vaganay, 298); 1549 prendre chair (Est.); 1869 prendre de l'âge (Littré); 1585 prendre sa source (de la pauvreté) (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, p.318); 1694 id. (d'une rivière) (Ac.); ca 1590 prendre son pli (Montaigne, Essais, éd. P.Villey et V.L.Saulnier, p.110); 1798 prendre forme (Ac.). B. Verbe intrans. 1. ca 1140 part. passé li plons iert toz pris «durci (en parlant d'un métal)» (Pèlerinage Charlemagne, éd. G.Favati, 572); ca 1393 faire prendre (la gelée) (Le Ménagier, II, 219 ds T.-L.); 2. 1176-84 être pris «occupé par un sentiment» (Gautier d'Arras, Eracle, 2714); 3. 1559 «s'enraciner» (Amyot, Rom., 32 ds Littré); 4. 1176-81 el covertor est li feus pris (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrete, éd. M.Roques, 522); 5. 1538 «avoir de l'effet» (Est.); 1727 «réussir, s'implanter» (Moncrif, Les chats ds Brunot t.6, 2, 1, p.1364); av. 1784 cela ne prend pas toujours (Diderot, Neveu de Rameau, éd. Piazza, 116); 6. 1606 prendre à droite, à gauche (Crespin, p.319); 1616 «suivre une direction, un chemin» (D'Aubigné, Hist., I, 339 ds Littré); 1690 prendre par le plus court (Fur., s.v. court); 1828 prendre par (Hugo, Odes, L.5, ode 24, Pluie d'été ds OEuvres poétiques, éd. de la Pléiade, t.1, p.488); 7. ca 1500 «commencer en parlant de ce qui suit une direction» (Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J.Calmette, t.3, p.131). C. Verbe pronom. 1. 1671 «être employé d'une certaine façon dans le langage» (Pomey); 1730 «être interprété, compris dans un autre sens en parlant d'un mot» (Dumarsais, Traité des Tropes, La métonymie, p.63); 2. 1666 «être attrapé, coincé» (Furetière, Roman Bourgeois, éd. Colombey, 107); 1675 «être captivé, séduit» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.4, p.200); 3. 1135 «s'attacher à quelque chose (en parlant de personnes)» (Wace, Vie Ste Marguerite, éd. E.A.Francis, 53); 4. ca 1150 (Id., Vie St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 694); 1739 ne s'en prendre qu'à soi-même (Marivaux, Marianne, éd. J.Janin, 484); 5. 1640 se prendre de vin «s'enivrer» (Oudin Curiositez); 6. ca 1150 se prendre a «se mettre à» (Wace, St Nicolas, éd. E.Ronsjö, 1455); 7. 1611 se prendre à qqc. «s'y mettre avec adresse, de la manière qui convient» (Cotgr.); 1580 s'y prendre de bon'heure (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P.Villey et V.L.Saulnier, p.166); 1656-57 s'y prendre pour (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, XII, p.274); 8. av. 1615 se prendre pour (Pasquier, Recherches de la France, 87); 9. 1376 «s'attacher à, coller à (en parlant d'une substance)» (Modus et Ratio, éd. G.Tilander, 139, 9); 1623 «geler» (Sorel, Francion, éd. E.Roy, 246); 10. 1554 «s'unir» (C. Marot, Metam. d'Ovide, II, p.98 ds Gdf. Compl.); 1754 «s'unir en mariage» (Ac.); 11. 1666 «se saisir l'un l'autre par les cheveux» (Boileau, Satire, III ds OEuvres complètes, éd. de la Pléiade, p.25). Du lat. prendere, contraction de prehendere «saisir, prendre», «surprendre, prendre sur le fait», «se saisir de quelqu'un, arrêter», «occuper, prendre possession d'un lieu», «atteindre». Fréq. abs. littér.: 68704. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 87737, b) 106558; xxes.: a) 95220, b) 102963. DÉR. Prenable, adj.a)
α) Dont on peut s'emparer, qui peut être investi. Anton. imprenable, inexpugnable.Cette place forte est prenable. Cette ville n'est prenable que par tel côté (Ac.1935).
β) Qu'on peut attraper, qu'on peut priver de liberté de mouvement. Il est explicitement entendu que des types comme nous ne sont jamais pris, ne sont pas prenables. Le métallurgiste risque (...) sa liberté, son travail et sa croûte (Nizan, Conspir., 1938, p.68).b) Vx. Prenable à qqc. Sensible à quelque chose. Il faut songer que cette couche doit recevoir un oeuf infiniment prenable au froid, dont tout point refroidi serait pour le petit un membre mort (Michelet, Oiseau, 1856, p.210).Au fig. Race de chair, combien prenable aux grossiers fanatiseurs, aux dévotions sensuelles et corruptrices (Michelet, Journal, 1843, p.532).c) Au fig. Je l'attendis dans son cabinet, et je vis son portrait, à lui-même, placé sur son propre bureau; cela me fit espérer que du moins il était un peu prenable par la vanité (Staël, Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.394).M. de Lérac est très prenable par les yeux, le premier coup d'oeil est beaucoup pour lui (Labiche, Cigale chez fourmis, 1876, VI, p.221).− [pʀ
ənabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. a) ca 1155 «qui peut être pris» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 8624), b) 1375-79 [éd. de 1541] «qui peut être séduit, manoeuvré» (Jehan de Brie, Bon Berger, éd. Lacroix, 15), c) 1869 «qui peut être absorbé» (Littré); de prendre, suff. -able*. BBG. −Dauzat Ling. fr. 1946, p.180. _ Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.258-261. _ Lepelley (R.). Emplois de ça prend exprimant le besoin, en France et au Canada. Français de France _ Français du Canada. Tubingen, Niemeyer, 1987, pp.177-187. _ Pinchon (J.). Les Pron. adv. en et y. Genève, 1972, p.258, 265, 270, 272, 286. _ Quem. DDL t.2, 3, 6, 7, 9, 10, 11, 14, 18, 20, 21, 23, 27. _ Välikangas (O.). Analyse du verbe prendre... Neuphilol. Mitt. 1970, t.71, no3, pp.388-450. _ Vivès (R.). Avoir, prendre, perdre. Constr. à verbe support et extensions aspectuelles. Thèse. Paris, 1983; L'Aspect ds les constr. nom. prédicatives: avoir, prendre. Ling. Investig. 1984, t.8, pp.161-185. |