| PRÊTER, verbe I. − Empl. trans. dir. Prêter qqc. à qqn, à qqc. A. − 1. [Le compl. d'obj. désigne un objet, de l'argent] Mettre une chose à la disposition de quelqu'un à condition qu'il la rendra. Anton. emprunter.Le premier gredin venu (...) devient notre seigneur et maître le jour où nous lui empruntons cent sous, qu'il nous prête après nous avoir fait dépenser pour cent écus de ruses ou d'humilité (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.286).Le bon Glatigny (...) désespérant de posséder jamais cet ouvrage en volume, l'apprit par coeur dans je ne sais quel vieux journal (...) qu'on lui avait prêté pour quelques heures (France, Vie littér., 1891, p.363). −(...) Mais où mets-tu tes livres? −Je n'en ai pas. Quand j'ai lu un livre je le prête à des amis qui ne me le rendent pas (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.290). − Absol. Prêter de l'argent. Prêter à intérêts, sans intérêts; prêter sur gage, sur nantissement, sur titre; prêter à fonds* perdu; prêter au jour le jour. Il prêtait à des personnes pouvant offrir de bonnes garanties hypothécaires (Flaub.,Éduc. sent., t.2, 1869, p.53).Je lui dois de l'argent, à mon portier: mille livres. Il prête à quatre cents pour cent (Farrère,Homme qui assass., 1907, p.131).Aux cultivateurs de la région, il prêtait sur hypothèques, comme pour leur rendre service et avec une bonhomie qui faisait oublier, sur le moment, ses taux usuraires (Aymé,Jument, 1933, p.16). ♦ Prêter à la petite semaine. Prêter pour un temps très court et à fort intérêt. Son père (...) lui servait une pension de cent francs par mois, bien qu'il eût gagné des sommes fort rondes en prêtant à la petite semaine (Zola,E. Rougon, 1876, p.37). ♦ Expressions Qui donne aux pauvres/à l'Église, prête à Dieu. «Faites l'aumône! Qui donne à l'église, prête à Dieu» (About,Roi mont., 1857, p.133).On ne prête qu'aux riches. Nous voulons un gouvernement qui intervienne dans l'industrie, parce que là où l'on ne prête qu'aux riches, il faut un banquier social qui prête aux pauvres (L. Blanc,Organ. trav., 1845, p.xxv).Le gaz de Lacq s'en va maintenant vers les régions déjà industrialisées (on ne prête qu'aux riches) (Encyclop. éduc., 1960, p.40).Infra B 3. − Empl. pronom. réciproque. Les mitrailleuses (...) il y en a une pour trois compagnies. En cas d'attaque, elles se la prêtent (Malraux,Espoir, 1937, p.578). 2. P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Mettre momentanément quelqu'un (sur qui on a autorité) à la disposition de quelqu'un. La duchesse, les barons et les états de Bretagne envoyèrent une ambassade au roi d'Angleterre, et le requirent de leur prêter M. de Richemont pour commander les Bretons et délivrer son frère, s'obligeant à le rendre après, mort ou vif (Barante,Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.393).Le maître de la police avait résolu de prier le journal L'Époque de lui prêter son jeune reporter (G. Leroux,Parfum, 1908, p.74). − Empl. pronom. réciproque. Des hommes faits [à Sparte], afin d'être de meilleurs amis, se prêtent leurs femmes (Taine,Philos. art, t.2, 1865, p.185). B. − [Le compl. d'obj. désigne gén. une chose abstr.] 1. Accorder, offrir quelque chose à quelqu'un (généralement pour un temps limité). Clément [VII] qui voulait l'avoir à Florence [Michel-Ange], lui prêtait toute sa faveur (Stendhal,Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.251).Je vous félicite de prêter les lumières de votre conscience à un tribunal plus sûr et moins faillible peut-être que tout autre (A. France,Dieux ont soif, 1912, p.106).J'ai perdu mes sept meilleurs amis. Autant dire que Dieu, sept fois, m'a fait des grâces sans que j'y prisse garde. Il me prêtait une amitié, me l'ôtait, m'en envoyait une autre et ainsi de suite (Cocteau,Poés. crit.II, 1960, p.30): 1. Vous saviez bien que cette vie terrestre devait finir (...). Vous vous insurgez comme si vous alliez être dépouillé d'un bien qui vous était acquis! Mais vous saviez que notre vie nous est seulement prêtée par le bon Dieu.
Martin du G.,Thib., Mort père, 1929, p.1258. ♦ Expr. Si Dieu me/te... prête vie. Si je/tu... vis assez longtemps. Une explication en vaudevilles, que j'aurai l'honneur de leur chanter au dessert, si Dieu me prête vie jusque là; car on m'a prédit que je mourrais avant la fin d'un dîner (Jouy,Hermite, t.4, 1813, p.231). ♦ [Le suj. désigne une chose] Si vous voulez attendre encore une heure, la lune sera assez haut dans le ciel pour nous prêter sa lumière (Sand,Indiana, 1832, p.300).Le beau jardin qui vous prête ses abris d'ombre (Verhaeren,Mult. splendeur, 1906, p.66). − Absol. Riche, épargne le pauvre, et toi, pauvre, pardonne Au riche, car le sort prête et jamais ne donne (Hugo,Pape, 1878, p.69). − Empl. pronom. ♦ réfl., rare. Se donner. Le visiteur (...) pour se prêter une contenance, souffla sur les verres de son lorgnon (Huysmans,En mén., 1881, p.279). ♦ réciproque. Se donner mutuellement, échanger. Ses deux communions, le protestantisme et le catholicisme, s'entre aident l'une l'autre à mieux périr. Elles se prêtent l'une à l'autre leurs doutes, leur foi, leurs églises, leurs berceaux, leurs tombeaux (Quinet,All. et Ital., 1836, p.65).L'abri que les branches et les troncs se prêtent mutuellement (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p.21). a) [Dans des loc. indiquant que l'on accorde son aide à qqn, que l'on soutient qqc.] − Prêter (son) aide, assistance, son appui, son concours, son office. Un professeur dans un des lycées de Paris, nous prête son concours éclairé, toutes les fois qu'il s'agit de recommander un ouvrage nouveau d'éducation (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p.777).Au nom des Français Libres, je m'engage (...) à prêter à l'U.R.S.S. aide et assistance dans cette lutte par tous moyens dont je dispose (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p.546).V. aide ex. 7.Empl. pronom. réciproque. [Le suj. peut désigner une chose] Les progrès de la philosophie et des sciences ont étendu, ont favorisé ceux des lettres, et celles-ci ont servi à rendre l'étude des sciences plus facile, et la philosophie plus populaire. Elles se sont prêté un mutuel appui (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p.197). ♦ En partic. Prêter son concours à (un spectacle). Y participer en qualité d'interprète. Celles qui prêtaient leur concours à toutes les matinées et soirées recevaient des roses peintes par la marquise (Proust,Guermantes 2, 1921, p.375). − Prêter l'appui, le secours de + subst. Aider, soutenir par tel moyen, grâce à telle chose. Prêter l'appui de ses épaules (v. appui ex. 4), l'appui de son amitié. J'aurais, faute de confiance dans mes lumières, prêté le secours de ma voix à la majorité du conseil, n'eût un obstacle achevé de me retenir (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.237).Empl. pronom. réciproque. La société des femmes ne nuit qu'aux laiderons; les autres se prêtent pour leur triomphe l'appui mutuel de leur éclat (Arnoux,Roi, 1956, p.162). − Prêter + subst. indiquant le moyen de l'action. Le même, qui, dans l'assemblée constituante, prêta sa voix à la cabale dominante (Robesp.,Discours, Guerre, t.8, 1792, p.196).Les historiens sont des menteurs privilégiés qui prêtent leurs plumes aux croyances populaires (Balzac, Cath. de Médicis, Introd., 1843, p.5). 1815-1848 (...) La chambre vote à plusieurs reprises une réduction d'impôts. D'illustres orateurs prêtent leur talent à cette cause (Stocker,Sel, 1949, p.109). ♦ [Au propre et au fig., le subst. désigne une partie du corps] Prêter la/les main(s)*, prêter main-forte*. Nous lui prêtions volontiers nos épaules pour s'y appuyer jusqu'à sa porte (Vallès,Réfract., 1865, p.117).Le roi Berlu, menacé d'excommunication s'il ne prêtait pas son bras à l'Église pour la recherche des Edéniques, envoya (...) des gens d'armes (A. France,Barbe-Bleue, Mir. Gd St Nic., 1909, p.120).Empl. pronom. réciproque. Les Gobseck, les Palma, les Werbrust, les Gigonnet se prêtaient mutuellement la main; mais du Tillet n'était pas assez intime avec eux pour leur demander leur aide (Balzac,C. Birotteau, 1837, p.85). − Empl. pronom. réfl. [Équivaut à prêter la main, prêter son aide] Serviable comme pas un, toujours sur le point de se prêter pour un foin qui pressait ou pour veiller un mort (Giono,Baumugnes, 1929, p.82). b) [Dans des loc. indiquant que l'on accorde de l'attention, de l'intérêt à qqn, à qqc.] − Prêter attention/attention + déterm. Un enfant qui rit intérieurement de son professeur tout en paraissant lui prêter la plus grande attention (Balzac,E. Grandet, 1834, p.134).Marat mangeait rapidement, sans prêter grande attention à ce qu'il avalait (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.38). − Prêter l'oreille/oreille + déterm. Écouter attentivement ou favorablement; au fig., prendre en considération (v. oreille). Je me trouve le plus heureux des hommes d'avoir prêté l'oreille à ses propositions (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p.64).L'art grec (...) a prêté une oreille complaisante à la doctrine de l'illusion totale de Gorgias (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p.125). − Rare. Prêter les yeu., les regards. Regarder avec attention. Le peintre a prêté un instant au spectacle vénitien ses regards amusés et surpris (Nolhac,Fragonard, 1931, p.90).Elle lui prêtait tantôt son regard dérobé, tantôt sa sensible oreille (Colette,Duo, 1934, p.173). − Littér. Prêter coeur/un coeur + adj. ou part. Prendre de l'intérêt. Dans ses heures de musique, de lecture ou de promenade, elle ne prêtait plus qu'un coeur possédé par un chagrin jaloux et qui ne le quittait pas un instant (Proust,Plais. et jours, 1896, p.122). c) Prêter foi. Croire. Mes affaires vont fort bien. Ne prête aucune foi à tous les mauvais bruits que l'on pourrait faire courir (Napoléon Ier, Lettres Joseph., 1807, p.138). d) Domaine jur.Prêter serment. Attester solennellement l'existence ou la non-existence d'un fait ou d'un acte juridique; s'engager solennellement devant l'autorité qualifiée à dire la vérité ou à remplir sa mission selon les règles y afférant (d'apr. Roland-Boyer 1983). Prêter serment au roi; délier qqn du serment prêté. Nous avons tous prêté serment entre les mains de M. le duc. Ils ont juré foi de gentilhomme, moi, foi de procureur (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic. 2, 1820, p.65).Quoiqu'il [Turenne] eût prêté serment de fidélité, il corrompit son armée, se déclara pour la Fronde, et marcha sur Paris (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.246).C'était le vice-consul (...) qui présidait [le mariage] et a fait prêter serment aux témoins (Larbaud,Journal, 1931, p.255). 2. Attribuer, donner à quelque chose, à quelqu'un certains caractères, certaines qualités. Aucune honte à la suite des voluptés faciles (...). L'important c'est de ne pas y prêter d'importance (Gide,Journal, 1948, p.323): 2. Qui nomme-t-on gens pratiques, sinon ceux qui, ne sachant point prêter une âme aux choses, s'en prennent à cette dure écorce de vérité à laquelle seule s'attachent les esprits sans imagination et sans sympathie?
Blondel,Action, 1893, p.161. ♦ Dans le domaine littér. ou artist.Ne pouvant prêter de la flamme à ces tristes sires, (...) [Velasquez] leur donnait la majesté froide (...), le geste et la pose d'étiquette (Gautier,Guide Louvre, 1872, p.279).[MlleBréval] prête à la princesse captive un caractère et une âme (P. Lalo,Mus., 1899, p.93).P. ext. Donner en modèle. Michel Chrestien, un des jeunes gens du Cénacle, avait prêté pour le sénateur sa tête républicaine (Balzac,Rabouill., 1842, p.318).C'est cette vallée que j'ai peinte et c'est notre maison, dans l'Immoraliste. Le pays ne m'a pas seulement prêté son décor; à travers tout le livre j'ai poursuivi profondément sa ressemblance (Gide,Si le grain, 1924, p.392). − [Le suj. désigne une circonstance, un fait, un trait partic.] Donner par sa présence, son existence tel caractère. Marguerite a de beaux yeux meurtris auxquels les larmes prêtent un éclat bien émouvant et comme enfantin (Duhamel,Confess. min., 1920, p.171).C'était la première fois qu'Henri ne songeait pas à sourire des airs importants de Scriassine; cette grande silhouette sombre à ses côtés prêtait à la scène une inquiétante solennité (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.296).La colère prête à ce génie si bizarrement divers [Bossuet] un don fort inattendu pour la comédie, car il fait rire de MmeGuyon (Green,Journal, 1956, p.197). 3. Attribuer à quelqu'un, sans raison fondée et souvent à tort, un caractère, un trait, un acte, une pensée. Prêter à qqn des aventures, de l'esprit, de la perfidie, de la niaiserie, ses propres sentiments, le dessein, l'intention, la pensée de (faire telle chose). Les gens doubles prêtent toujours aux autres leur duplicité (Balzac,U. Mirouët, 1841, p.16).Elle (...) contemplait la salle avec un port de tête et un sourire comme on en prête aux impératrices de légende (Chardonne,Bonheur Barbezieux, 1938, p.58): 3. ... il admirait les beaux corps et les belles figures, à quelque sexe qu'ils appartinssent. Cette dernière particularité lui faisait prêter de mauvaises moeurs; car les mauvaises moeurs sont la seule chose que les gens prêtent sans réfléchir.
Cocteau,Gd écart, 1923, p.7. ♦ Absol. Cette manière d'envisager Pascal n'est pas fausse (...). En le voyant ainsi, nous y mettons involontairement du nôtre, nous lui prêtons (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t.5, 1844, p.212).Expr. On (ne) prête (qu')aux riches. On n'attribue un caractère, des actes (qu')à ceux qui se sont déjà fait remarquer dans des domaines analogues. Tous ceux-là dont aucun chroniqueur jamais ne recueillit les paroles, qui n'écrivent pas, qui ne parlent pas, à qui les clercs, les maîtres, les gens en place, comme on prête aux riches, attribuent les pensées qu'il leur plaît (Guéhenno,Journal «Révol.», 1938, p.81).On lui prêtait à peu près tous les mots piquants qui se pouvaient faire, parce qu'on aime prêter aux riches (L. Madelin,Hist. du Consulat et de l'Empire, t.3, 1937-54ds Rob. 1985). ♦ Empl. pronom. réfl. Il mettait de l'étrange dans les choses les plus banales. Il se prêtait une vie intérieure, un coeur ravagé, des ambitions (Aragon,Beaux quart., 1936, p.312). − [Le compl. second. désigne une chose] Les hommes ne reçoivent d'ordinaire qu'avec difficultés ce qui n'est point selon les règles qu'ils prêtent à l'univers et pensent ensuite y avoir découvertes (Toulet,Mariage Don Quichotte, 1902, p.36).Un écrivain proteste contre le sens erroné que l'on prête à son ouvrage. Il souffre d'éveiller dans le lecteur d'autres sentiments que ceux qu'il voulut lui inspirer (Mauriac,Journal 2, 1937, p.123). C. − [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps ou d'une chose] Présenter, offrir pour laisser faire quelque chose. Je suis défiguré par la cautérisation du docteur Stroehlin (...). Je me mords les doigts d'avoir prêté ma joue à une pareille expérience (Amiel,Journal, 1866, p.304).Le major Gresloup arracha une poignée d'herbes et bouchonna son rouan, qui prêta les flancs à l'opération, satisfait (Adam,Enf. Aust., 1902, p.274).Démétrios, suppliant, tendit la tête... Elle força vivement son regard et prêta ses luxurieuses lèvres (Louys,Aphrodite, 1896, p.57). − En partic. ♦ Prêter (le) flanc*. Prêter le flanc à la critique, aux calomnies, aux sarcasmes. ♦ Vieilli. Prêter le collet à qqn. Se présenter pour lutter, combattre contre quelqu'un; au fig., être prêt à résister à quelqu'un, à disputer contre lui. (Ds Littré). Ne m'avez-vous pas dit que vous aviez autrefois pratiqué l'escrime? −(...) Je renonçai à cet exercice l'an dernier. −Nous le reprendons, répliqua don Jose, et je vous prêterai le collet tant qu'il vous plaira (Feuillet,Onesta, 1848, p.283). − MAR. Prêter le côté. Présenter le travers. Un bâtiment à la cape prête le côté au vent et à la mer (Will.1831). II. − Empl. trans. indir. Prêter à qqc. A. − Donner lieu, donner matière à. 1. + subst. − [Le suj. désigne une pers.] C'était un homme sans conséquence, qui ne prêtait ni à la médisance, ni même à la calomnie (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.215).Enfin, il prêtait à la plaisanterie par une figure si poupine, que le père Guerbet prétendait qu'il avait fini par prendre le visage de ses pratiques (Balzac,Paysans, 1850, p.285).Supra II C prêter le flanc à. − [Le suj. désigne une chose] Terme qui prête à obscurité, à double entente; fait qui prête à discussion, aux commentaires; prêter à l'erreur, à la critique, à confusion, à controverse, à (l')équivoque. On louait tout ce qui prêtait à la louange, on excusait tout ce qui prêtait au blâme (Duras,Ourika, 1824, p.29).[Socrate] propose une sorte d'idéal quasi paradoxal, qui prête à la fois à l'admiration et au sourire (Gide,Journal, 1948, p.329). 2. + inf. [Le suj. désigne une chose ou une pers.]Je ne me fais pas encore à l'idée de prêter à rire, par ma seule présence (Amiel,Journal, 1866, p.307). ♦ Prêter à + inf. à qqn.Tigrane demeure pour moi un peu énigmatique (...). Il me prête indéfiniment à réfléchir (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p.130).Des événements qui nous avaient paru néfastes, fâcheux, revenaient pêle-mêle avec les autres et nous prêtaient à rire (Duhamel,Confess. min., 1920, p.69). B. − Littér. Se prêter à (infra III). Les situations de ce genre prêtent bien plus à la pantomime qu'à la parole, et les mots ne sont là que pour achever les gestes (Staël,Allemagne, t.3, 1810, p.170).[Décor des Puritains] La détrempe prête admirablement à cette simplicité d'effets, les teintes ne se mêlant pas comme dans l'huile (Delacroix,Journal, 1847, p.199).Le premier Dauphin prêtait moins sans doute à l'éducation; il avait une douceur poussée jusqu'à l'apathie (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.2, 1850, p.8). − Absol. L'homme d'esprit inventif a souvent une infinité de manières possibles de se produire et de faire: l'occasion décide; à moins d'une volonté très-haute, on se jette du premier côté qui prête (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t.3, 1840, p.119).Il nous faut du pittoresque, des architectures à effet, des rues bizarres avec des clairs de lune, des montagnes et des forêts, il nous faut des sujets de descriptions qui prêtent! (Huysmans,En mén., 1881, p.113). III. − Empl. pronom. Se prêter à qqc. A. − [Le suj. désigne une chose] 1. Être approprié, convenir particulièrement pour une action, un usage. − + subst.Se prêter à un emploi, une étude, une expérience, une opération, une théorie; se prêter bien, mal, facilement, particulièrement à qqc. La préconception vraiment un peu enfantine que seul le mode de penser allemand se prête à une philosophie véritable (Du Bos,Journal, 1927, p.165).La machine à dérouler (...) le bois (...) permet d'obtenir des panneaux (...) se prêtant bien au cintrage et au pliage (Guillemin,Constr., calcul et essais avions, 1929, p.7).V. étalement A ex. de Huyghe et hôtel ex. 4. ♦ Rare. [Le compl. désigne une chose concr.] Il y avait au premier rang un tout petit, de quatre ou cinq ans; sa tunique trop grande, trop lourde, trop cuirassée surtout, ne se prêtait pas à ses membres débiles et souples (Barrès,Déracinés, 1897, p.495). − + inf.La mer se prêtait si bien à faire la fonction de voie de communication (Proust,Fugit., 1922, p.627).Je suis en désaccord absolu avec Théophile Gautier, qui prétend que la danse se prête peu à rendre des idées métaphysiques (Lifar,Traité chorégr., 1952, p.44).Certains hôtels, devenus trop importants pour leur activité actuelle, se prêtent parfaitement à être modernisés et transformés au moins partiellement en établissements de cure (Jocard,Tour. et action État, 1966, p.160). 2. S'adapter, se soumettre à. Dans la recherche des causes, nous avons écarté tout ce qui se prête trop aux jugements personnels et aux appréciations subjectives (Durkheim,Divis. trav., 1893, p.xlii).L'erreur et le mensonge sont généralement plus croyables (...) que l'intransigeante vérité; malléables, ils se prêtent et se plient mieux aux circonstances (Arnoux,Solde, 1958, p.242). 3. Absol. Prêter (infra IV). Le cuir a la propriété de se prêter quand il est humide et de conserver une fois sec, la forme demandée (J. Coulon,Technol. gén. modiste, 1951, p.53). B. − [Le suj. désigne une pers.] 1. Ne pas s'abandonner totalement à quelque chose, ne pas se livrer complètement à quelqu'un, ne pas s'adonner entièrement (à une activité). La duchesse (...) avait jugé que l'instant était venu de faire sentir à ce soldat impérial que les duchesses pouvaient bien se prêter à l'amour, mais ne s'y donnaient pas (Balzac,Langeais, 1834, p.288).On se prête, malgré soi, à ce jeu coquet ou passionné de la possession, mais on ne se donne jamais (Maupass.,Sur l'eau, 1888, p.326).Si tu me vis, sous l'oeil des barbares, me prêter à vingt groupes bruyants et divers, c'était pour qu'on me laissât le répit de me construire une vision personnelle de l'univers (Barrès,Homme libre, 1889, pp.12-13). − Absol. Quand par hasard Melchior se force à écouter, il tombe dans un autre défaut, il ne fait que se prêter, il ne se donne pas (Balzac,Modeste Mignon, 1844, p.220).Devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû (...) maintenez votre indépendance et votre humble dignité; prêtez-vous pour un temps, s'il le faut, mais ne vous aliénez pas (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.11, 1864, p.402). 2. Consentir, se soumettre à quelque chose. Synon. céder, se plier à.Se prêter de bonne, de mauvaise grâce aux avances, au caprice, aux desseins, aux extravagances, aux manies de qqn. − + subst.Andermatt ne se fâchait jamais et se prêtait à toutes ses plaisanteries, en homme supérieur, sûr de lui (Maupass.,Mt-Oriol, 1887, p.50).Un fonctionnaire peut se prêter librement à une interview portant sur des questions étrangères au service auquel il appartient (Encyclop. éduc., 1960, p.288): 4. Chaque fois que le jeune Ernest sortait de chez son père, il subissait son interrogatoire inquisitorial sur tout ce que le comte avait fait et dit. L'enfant se prêtait complaisamment aux désirs de sa mère (...) et il allait au-devant de toutes les questions.
Balzac,Gobseck, 1830, p.427. − + inf.Accepter de (faire quelque chose). Avec quelle joie Henriette se prêtait à me laisser jouer le rôle de son mari, à me faire occuper sa place à table (Balzac,Lys, 1836, p.213).J'ai voulu voir ces bambins qui dormaient par là... Elle s'est prêtée en riant à me les montrer (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.245). 3. Consentir à quelque chose en y prenant part, permettre que quelque chose ait lieu. Se prêter à une conjuration, à un trafic. Cet homme (...) par cupidité, s'était prêté, pendant tout l'hiver, aux entrevues des deux amants (Sand,Indiana, 1832, p.98).Elle se prêtait sans enthousiasme à la manoeuvre qui devait pousser à la mairie le protégé de Valtier (Aymé,Jument, 1933, p.125): 5. Certes, il demeurait coupable, ainsi que Georges et Phiphi, de s'être prêté à un jeu cruel mais il ne s'y serait pas prêté, affirmait-il, s'il avait cru que l'arme était chargée.
Gide,Faux-monn., 1925, p.1245. IV. − Empl. intrans. [Le suj. désigne une matière] S'allonger sous un effort de traction et conserver au moins partiellement cet allongement (d'apr. Rama 1973). Supra III A 3. Pour qu'elles arrivent [les toiles employées dans l'enveloppe d'un pneu] à épouser (...) sans plis la forme du moule, il faut qu'elles prêtent suffisamment (Graffigny, Industr. caoutch., 1928, p.159). REM. Prêter, subst. masc.Action de prêter. Proverbe. Ami au prêter, ennemi au rendre. Celui à qui on a prêté de l'argent devient soudain l'ennemi du prêteur quand il faut le rendre. (Ds M. Maloux, Dict. des proverbes, sentences et maximes, Paris, Larousse, 1960, p.23). V. ange II B 5. Prononc. et Orth.: [pʀ
εte], [pʀe-], (il) prête [pʀ
εt]. Ac. 1694, 1718: prester; dep. 1740: prêter. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1140 «mettre à la disposition de quelqu'un» (G. Gaimar, Hist. des Anglais, éd. Bell, 6449); 1538 prêter secours, aide (Est.); ca 1562 prêter la main à qqn «l'aider à réussir» (Bonivard, Advis et devis de la source de l'idolatrie, 70); 1611 prêter l'épaule à (Cotgr.); 1636 prêter main-forte (Monet); prêter les mains (Molière, Misanthrope, IV, 3); 1914 prêter son concours (Jaurès, Paix menacée, p.35); 2. a) 1180 «fournir une chose à condition qu'elle soit rendue» (Marie de France, Fables, 4, 6, 8 ds T.-L.); 1668 p.plaisant. je vous prête le bonjour (Molière, L'Avare, II, 5); b) 1585 prêter sur gage (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 32); 1845-46 prêter à la petite semaine (Besch.); c) 1639 subst. c'est un preter à jamais rendre (Chapelain ds Kuhn, p.120); 1808 c'est un prêté pour un rendu (Hautel t.2); 1813 un prêté-donné (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., p.111); 1835 c'est un prêté-rendu (Ac.); 3. ca 1225 «conférer, accorder, procurer» fig. (Reclus de Molliens, Miserere, 4, 3 ds T.-L.); 1269 prester l'oreille (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 14541); 1538 prêter serment (Est.); 1548 prêter attention (N. Du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, 152); 1567 prêter silence (Amyot, Ciceron, 27 ds Littré); av. 1615 prêter sa voix (Pasquier, Recherches, 879); 1601 prêter les yeux (Montchrestien, Ep. Déd., éd. Petit de Julleville, 5); 4. 1580 «donner matière à» (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier p.122); 1820 prêter à l'équivoque (C. Delavigne, Les Comédiens, III, 2 ds Littré); 1832 prêter à la plaisanterie (Raymond); 1834 prêter à rire (Land.); 1859 prêter au ridicule (Augier, Beau mariage, p.232); 5. 1587 prêter le collet à qqn «s'offrir pour se battre» (F. de La Noue, Discours politiques et militaires ds Littré); 1740 prêter le flanc «donner prise à une accusation» (Ac.); 6. 1588 «attribuer ou proposer d'attribuer tel ou tel caractère» (Montaigne, op. cit., p.127); 1845-46 on ne prête qu'aux riches (Besch.). B. 1. 1580 verbe pronom. «consentir à quelque chose, supporter, accepter de bonne grâce» (Montaigne, op. cit., p.505); 1683 «se laisser aller momentanément» (Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche ds Littré); 1759 «être propre à, pouvoir s'adapter à» (Diderot, Lettre à MlleVoland, 14 août, ibid.); av. 1784 «s'accommoder» (Id., Neveu de Rameau, éd. Piazza, 100); 2. 1680 verbe intrans. «pouvoir s'étirer, s'étendre (d'un tissu, d'une peau)» (Rich.). Du lat. praestare «mettre à la disposition, procurer, fournir» l'expr. prêter serment est un calque du lat. jusjurandum praestare. Fréq. abs. littér.: 5173. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7993, b) 6311; xxes.: a) 6672, b) 7785. |