| PRÉFÉRER, verbe trans. A. − Considérer une personne ou une chose comme plus importante, supérieure ou meilleure; se déterminer en faveur d'une personne ou d'une chose plutôt que d'une autre. 1. Qqn préfère qqn ou qqc. ♦ Qqn préfère qqn (à qqn).Qui, lequel, laquelle préférez-vous?, préférer son père à sa mère, tel enfant à tel autre. Autant que je puis en juger d'ici, ces garçons ne sont pas si mal. Voyons, lequel préfères-tu? (Musset, Chandelier, 1840, I, 2, p.31).Choisir, c'est préférer un être à tous les autres; se dévouer, c'est le préférer à soi-même (Lacord., Conf. N.-D., 1848, p.171).Je connais une jeune fille qui a eu à traiter (et à l'écrit encore): «D'Alceste ou de Philinte, qui préféreriez-vous avoir comme ami?» (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.889). ♦ Qqn préfère qqc. (à qqc.).Que préférez-vous?, préférer la gloire à l'argent, la mer à la montagne, la mort à l'esclavage, la paix à la guerre, la pensée à l'action, la solitude au monde. Il eut (...) le scorbut, qui épouvantait Avicenne, et le mal de mer, auquel Cicéron préféra la mort (Hugo, Rhin, 1842, p.202).Ah! Quand croyez-vous que cette damnée guerre sera finie? Je suis un homme si paisible! Je préfère le son des cloches à celui du canon et le piano à la mitrailleuse (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p.75): . [Gracian] oppose volontiers l'homme «substantiel» à l'«homme d'ostentation». Il dit qu'il faut préférer le solide de la substance au vide de l'ostentation, la vraie royauté à la vanité, le réel au luxe des cérémonies.
Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.3. Préférer de beaucoup. Je préfère de beaucoup à sa manière [celle de Quinault] celle de notre inimitable La Fontaine (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.116).Préférer mille morts. Estimer qu'il vaut mieux traverser mille fois l'épreuve de la mort. Pour une femme timide et tendre rien ne doit être au-dessus du supplice de s'être permis, en présence d'un homme, quelque chose dont elle croit devoir rougir; je suis convaincu qu'une femme, un peu fière, préférerait mille morts (Stendhal, Amour, 1822, p.66).2. Qqc. ou un animal préfère qqc.Plante qui préfère les sols calcaires. Aux grands arbres feuillus qui font le tamisage De l'air en feu stagnant sur tant de points divers, Ils préfèrent [les lézards] les houx chétifs et de travers (Rollinat, Névroses, 1883, p.198).Je racontai à Robert que lorsque mon beau-père jouait, il faisait intervenir dans son choix les considérations les plus diverses; non seulement les origines lointaines du cheval, mais la nature du terrain qu'il préférait (Mauriac, Noeud vip., 1932, p.204). B. − Préférer + inf.Aimer mieux. Préférer s'abstenir, attendre, garder le silence, mourir. Hier après-midi, je me suis mis en colère. Cela ne m'était pas arrivé depuis 1918. J'ai frappé la table du poing et j'ai crié: «Préférez-vous sortir par la fenêtre ou par la porte?» (Green, Journal, 1947, p.112). ♦ Préférer de + inf. (vieilli).Si je savais la perdre, et n'avoir plus de consolation, je préférerais de mourir la première (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p.118). ♦ Préférer de + inf. ... plutôt que.[Avec une prop. corrélative où l'inf. n'est pas répété] Quoi qu'il en soit, enfin, je préfère de confier mes intérêts au roi votre maître plutôt qu'à tout autre (Le Moniteur, t.2, 1789, p.365). − Préférer + inf. ... plutôt que de + inf.Fanny accourut derrière son dos dire qu'ils préféraient y être de leur poche, plutôt que d'avoir des procès (Zola, Terre, 1887, p.383).Une France en révolution préfère toujours gagner la guerre avec le général Hoche plutôt que de la perdre avec le maréchal de Soubise (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.533). ♦ Préférer croire que... plutôt que.Saint Bonaventure préférait croire qu'un boeuf pût voler plutôt que son frère mentir (Proust, Guermantes 2, 1921, p.557). − Préférer + inf. ... que de + inf.J'aime mieux m'étourdir... crever pour crever, je préfère crever de passion que de crever d'ennui! (Zola, Bonh. dames, 1883, p.697).Il y a des hommes qui préfèrent mourir de faim que de trahir leurs amis (Ricoeur, Philos. volonté, 1949, p.89). − Préférer + inf. ... que + inf.Je préfère mourir que livrer mon secret pour rien (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.471). Rem. La constr. sans plutôt est condamnée par les puristes (v. Grev. 1986, § 1076, rem. 2). − Fam. Préférer être + attribut + que + attribut.Tout grelottant il se déshabilla, préférant encore être nu que vêtu d'habits mouillés (Ponson du Terr., Rocambole, t.1, 1859, p.620). − Préférer + inf. à + inf. (vx).On préfère souffrir mille avanies à prendre une détermination ennuyeuse (Amiel, Journal, 1866, p.137). − Préférer + inf. à l'idée de.Je préférerais souffrir mille maux à l'idée de te savoir tombé dans quelques bourbiers de Paris où j'en ai tant vu (Balzac, Illus. perdues, 1839, p.244). − Empl. pronom. Avoir une très haute opinion de soi-même. Une sorte d'esprit de confraternité fait que les nobles se préfèrent entre eux, et pour tout, au reste de la nation (Sieyès, Tiers état, 1789, p.35).La faute de chacun fut de ne penser qu'à lui-même et de se préférer au front populaire, à la France (Guéhenno, Journal «Révol.», 1937, p.37). − En incise, en empl. adv. à valeur concess. Comme tu préfères/vous préférez, si tu préfères/vous préférez. Au moment où Eugénie Garin, ou, si vous le préférez, la Turquoise quittait, vêtue en ouvrière, son petit hôtel pour aller rue de Charonne, un coupé de remise qui montait la rue de Clichy vint s'arrêter devant la grille du jardin (Ponson du Terr., Rocambole, t.2, 1859, p.383).Si je lui en veux, c'est surtout pour ça, c'est parce qu'il nous empêche de faire quoi que ce soit pour lui, pour eux, si tu préfères (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p.76). Prononc. et Orth.: [pʀefeʀe], (il) préfère [-fε:ʀ]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.I. 1. Ca 1355 «aimer mieux» (Bersuire, Tite-Live, ms. B.N. fr. 20312ter, fo20 rods Gdf. Compl.); 2. 1875 fig. (Lar. 19e: préférer se dit des choses qui se trouvent plutôt dans certains lieux ou certaines circonstances, qui prennent dans ces lieux ou ces circonstances un développement plus complet ou s'y présentent plus avantageusement). II. Part. passé subst. 1711 [éd.] (Dancourt, Céphale et Procris, III, 2, Paris, P. Ritou, p.91). Empr. au lat. praeferre «porter en avant» (de prae, v. pré- et ferre «porter»). Fréq. abs. littér.: 4875. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4853, b) 5541; xxes.: a) 7279, b) 9244. Bbg. Risop (A.). Miszellen zur neufranzösischen Syntax. In: [Mél. Tobler (A.)]. Braunschweig, 1905, pp.303-310. |