| PRÉFÉRENCE, subst. fém. I. A. − Jugement d'estime ou sentiment de prédilection par lequel on donne à une personne ou à une chose la prééminence sur une autre. L'abstention est un choix. Une préférence. Elle comporte un jugement général, rarement explicité sans doute, et la sélection d'une attitude définie (Nizan, Chiens garde, 1932, p.81).La préférence, voilà. Mon père ne m'a pas préférée, et il n'a pas préféré Yves. Oh! il nous a aimés à sa façon. Mais ce qu'il a préféré, c'est Rose (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p.345): 1. Et comme celui qui n'est heureux qu'en gros et à condition d'effleurer devient soucieux dès qu'il approfondit son bonheur, celui qui croit choisir «sans raison» découvre des motifs à sa préférence pour peu qu'il l'analyse...
Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.200. 1. [Préférence de qqn pour qqn] Préférence passionnée, sentimentale; avoir, avouer, témoigner une préférence marquée pour qqn. Mes quatre soeurs vivaient auprès de ma mère. Toutes les affections de celle-ci s'étaient concentrées dans son fils aîné (...) elle témoignait une préférence aveugle au jeune comte de Combourg (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.32).Toutes mes préférences étaient nettement pour Foch, qui m'apparaissait comme le cerveau le meilleur et le mieux préparé aux études de tactique et de stratégie (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.13): 2. ... je me disais comme autrefois certain de mes camarades de collège: «C'est vraiment la Berma que je mets en premier», tout en sentant confusément que le génie de la Berma n'était peut-être pas traduit très exactement par cette affirmation de ma préférence et de cette place de «première» décernée...
Proust, Guermantes 1, 1920, p.52. ♦ [En tour nég.] Mon père était donc professeur de septième (...). J'étais dans sa classe (...). Il fallait qu'il prouvât qu'il ne favorisait pas son fils, qu'il n'avait pas de préférence (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p.110). − P. méton., au plur. ♦ Marques particulières d'attention, d'affection ou d'honneur données à une personne. Vous ambitionnez toujours les préférences (Ac.).J'aurois pu me croire la divinité de la maison. Tous les égards marqués, toutes les préférences délicates étoient pour moi; c'étoit à qui auroit le bonheur de me servir, à qui pourroit fixer mon attention (Fiévée, Dot Suzette, 1798, p.131): 3. ... il n'a plus rien à faire (...) qu'à fomenter, dans toutes les classes de la société, le penchant à la vanité individuelle et le désir de briller. Pour cela, il lui suffit de multiplier les rangs, les titres, les préférences, les distinctions...
Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p.37. ♦ Personne que l'on préfère. Quelles seraient vos préférences? M. Mirevault? −Celui-là ou un autre, peu importe. Ils se valent tous (Vogüé, Morts, 1899, p.165). 2. [Préférence (de qqn) pour qqc.] Préférence artistique, littéraire, politique; les préférences de qqn pour une couleur, un tissu, un modèle de voiture. En tant qu'homme, je suis libre penseur, et, si j'avais une préférence dogmatique, permettez-moi de vous dire, monsieur l'abbé, qu'elle serait en faveur de la réforme (A. France, Orme, 1897, p.81).Des ajustements qui impliquent la précellence reconnue à la vie contre l'enrichissement et la préférence accordée à l'être contre l'avoir (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.342): 4. Nous devons donc, avant tout, nous établir dans une complète indifférence à l'égard de toutes les choses créées (...) ne donnant pas (...) la préférence à la santé sur la maladie, aux richesses sur la pauvreté, à l'honneur sur l'humiliation, à une vie longue sur une vie courte.
Estaunié, Empreinte, 1896, p.142. ♦ Donner la préférence à qqc. sur qqc. En pensant à la préférence que Platon donna toujours à l'intelligence sur nos autres facultés (Leroux, Humanité, 1840, p.337).C'est à ce dernier, je crois, que je donne la préférence, sur tous les romans de Hardy (Gide, Journal, 1943, p.202). − Expressions ♦ Chacun sa préférence. J'ai deux cents francs dans ma poche, je t'ai dit, de quoi payer assez long de filet. Chacun sa préférence; et la mienne, c'est le filet (Genevoix, Raboliot, 1925, p.204). ♦ Par ordre de préférence. Je rêvais l'autre jour où j'aimerais passer le mois d'août. Par ordre de préférence. Je me disais: 1. Dans la ferme où est mariée et travaille Marie Aufils. 2. Chez Rivière, etc... (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p.30). − Loc. adv. ♦ Par préférence (vieilli). Le plus souvent, de manière privilégiée, en premier lieu. Claude Lorrain a choisi par préférence la lumière du soleil couchant pour éclairer ses paysages (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.113): 5. Depuis long-temps je vais moins souvent à New-York; (...) je reçois, par préférence, ceux de mes amis qui ont des inclinations analogues aux goûts que cet honnête hollandais m'a inspirés.
Crèvecoeur, Voyage, t.3, 1801, p.309. ♦ De préférence. Plutôt, préférablement. Puis elle faisait son choix. Elle prenait de préférence les hommes d'allure calme, comme elle, mais elle les voulait beaux (Maupass., Contes et nouv., t.1, Chambre, 1884, p.987).J'ai décidé de constituer au Tchad un groupe saharien motorisé (...): 100 camions de 3 tonnes, de préférence «Chevrolet» (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.384). − Loc. prép. De préférence à. Plutôt que. Elle obtint d'abord (...) que Julien serait nommé garde d'honneur de préférence à cinq ou six jeunes gens (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.99). B. − P. ext. Avantage consenti à une personne plutôt qu'aux autres. Accorder, obtenir la préférence. La Porte-Saint-Martin est venue me faire offre de jouer ma pièce (...). J'en ai prévenu Taylor (...); je lui ai déclaré que je donnerais la préférence au Théâtre-Français aux mêmes conditions (Hugo, Corresp., 1831, p.489).−Quelles que soient les offres que l'on vous fasse, monsieur, je vous demande la préférence. J'y ai quelques droits (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.421): 6. J'ai, près du château, une petite coupe de bois que je n'ai pas vendue au marchand. C'est ma provision pour l'hiver prochain. Veux-tu l'entreprendre? Je te donne la préférence, parce que tu es un vieil ami de la maison.
R. Bazin, Blé, 1907, p.11. C. − Spécialement 1. DR. Droit de préférence. ,,Droit pour le créancier hypothécaire d'être payé, par préférence aux autres créanciers, sur le prix de vente de l'immeuble qui lui a été donné en garantie`` (Nouv. rép. de dr., Paris, Dalloz, 1963, p.846). P. ext. Les conventions faites entre l'Odéon, un capitaliste et moi, ne me laissent que le droit de préférence à prix égal (Balzac, Corresp., 1842, p.421).Ce qui caractérise les droits réels, c'est que, seuls, ils donnent naissance à un droit de préférence et de suite. Dans ce cas, le droit que j'ai sur la chose est exclusif de tout autre qui viendrait à l'établir après le mien (Durkheim, Divis. trav., 1893, p.84). 2. ÉCONOMIE ♦ Préférence communautaire. ,,Principe de base des mécanismes de l'organisation des marchés des produits agricoles à l'intérieur de la C.E.E., les prix des produits devant être tels qu'ils soient suffisamment rémunérateurs pour les agriculteurs de la C.E.E. et qu'ils incitent les acheteurs à préférer ceux-ci à des vendeurs de pays tiers`` (Agric. 1977) ♦ Préférence impériale. Accords économiques et commerciaux privilégiés qui ont été établis respectivement entre le Royaume-Uni et les pays ayant subi, à travers la colonisation, l'influence de la civilisation britannique. La moitié du commerce du Commonwealth (le tiers du commerce du monde libre) se fait «en famille». En outre, par la préférence douanière du Commonwealth (ex-préférence impériale), les pays membres s'accordent mutuellement diverses concessions dans leurs droits d'entrée. Cette préférence n'est pourtant pas uniforme (Encyclop. univ.t.31969, p.616). ♦ Préférences douanières. ,,Faveurs tarifaires accordées à certaines marchandises d'un pays déterminé, par dérogation à la clause de la nation favorisée`` (cida 1973). ♦ Préférences tarifaires généralisées. ,,Réductions ou exemptions de droits de douane assorties de contingents, portant sur les produits agricoles et industriels transformés, accordées en faveur des exportations de certains pays (notamment les pays en voie de développement)`` (GDEL). ♦ Principe des préférences. ,,Principe consistant à admettre que, dans les relations commerciales entre les pays développés et les pays en voie de développement, les premiers doivent consentir aux seconds plus d'avantages que ceux-ci ne leur en accordent`` (Jur. 1981). ♦ Préférence pour la liquidité. ,,Préférence que les individus sont censés avoir pour la monnaie`` (Cotta 1972). ♦ Échelle de préférence. ,,Classement d'un ensemble de biens ou des besoins établi en fonction des goûts d'un individu`` (Cotta 1972). ♦ Clause de préférence. ,,Clause d'un contrat d'édition selon laquelle l'auteur s'engage à confier ses prochains manuscrits (quatre au maximum après le premier) à l'éditeur de son premier ouvrage`` (Le Nouvel Observateur, 3 mai 1976, p.91, col. 1). II. − Jeu de cartes ressemblant au piquet. Ces écrivains n'admettaient pas le caractère russe, qui est essentiellement asiatique (...) ils ressemblent à des joueurs de whist, qui ne concevant que le whist, se livreraient à des déclarations furibondes sur des gens qui joueraient la préférence, (jeu russe) ou le reversi (Balzac, OEuvres div., t.3, 1847, p.654). REM. Préféremment, adv.De préférence. J'ai du flair. D'abord, patron, je repère mes types. Les types à poules, préféremment (Bernanos, Imposture, 1927, p.477). Prononc. et Orth.: [pʀefeʀ
ɑ
̃:s]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1458 preferance «supériorité» (Arnoul Greban, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 2067); b) 1469 ordre de preferance «liste de préséance» (Institution et Statuts de l'ordre de S. Michel, 1eraoût ds Ordonnances des rois de France, t.17, p.243); 2. a) 1559 [éd.] «avantage consenti à une personne plutôt qu'aux autres» (Amyot, Vies des hommes illustres Grecs et Romains, Paris, M. de Vascosan, fol. 336 ro); b) α) 1624 terme de coutume «droit d'acheter ou de racheter un héritage accordé aux seigneurs ou aux héritiers directs» (Coutumes de Rousselare ds Nouv. Coutumier gén., éd. Ch. A. Bourdot de Richebourg, t.1, p.914);
β) 1671 dr. (Pomey: J'useray de mon droit, qui est de donner la preference à celuy qui me paye le premier); 3. a) α) 1611 «jugement ou sentiment par lequel on place une personne (ou une chose) au-dessus des autres`` (Cotgr.);
β) 1648 par préférence à (La Rochefoucault, Lettre du 7 déc. ds OEuvres, éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t.3, 1repartie, p.34); b) 1644 obtenir la préférence (Corneille, Rodogune, I, 5 ds OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.4, p.445, 363). Dér. de préférer*; suff. -ence, v. -ance. Fréq. abs. littér.: 1500. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2451, b) 1413; xxes.: a) 1682, b) 2518. |