| POURQUOI, adv. et subst. masc. inv. I.− Adv. interr. [Sert à interroger sur la cause ou sur la finalité d'une action ou d'un fait] A.− [Introd. une phrase interr.] 1. [Dans l'interr. dir.] Pourquoi êtes-vous méchante avec moi? (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 126).Pourquoi t'en vas-tu? (R. Bazin, Blé,1907, p. 66): 1. Pourquoi cet homme stationne-t-il devant ma porte? Pourquoi ma concierge avait-elle un drôle d'air en me disant bonjour? Pourquoi la fenêtre est-elle ouverte? Pourquoi est-elle fermée?
Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 94. − [Suivi d'un verbe à l'inf.] Pourquoi ne pas l'avouer? Il avait peur (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 336).Pourquoi penser : « je suis un homme perdu » ou « je ne cherche rien »? (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 105). Rem. L'orth. hésite entre pourquoi faire et pour quoi faire (v. faire1II A 2 b). ,,Cette dernière orthographe, plus rationnelle, prévaut`` (Grev. 1975, § 575) : Pourquoi faire?... Mais dame!... On se marie généralement (Sardou, Rabagas, 1872, I, 4, p. 11). 2. [Dans l'interr. indir.] Je demandai pourquoi elles ne riaient plus (A. France, Pt Pierre,1918, p. 91).Je sais pourquoi ma raison, ce soir, est enténébrée (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936, p. 187): 2. Comment, trois heures? s'écriait tout à coup ma tante en pâlissant, mais alors les vêpres sont commencées, j'ai oublié ma pepsine! Je comprends maintenant pourquoi mon eau de Vichy me restait sur l'estomac.
Proust, Swann,1913, p. 101. Rem. Pourquoi peut être renforcé par donc, diable : Pourquoi diable l'enfant a-t-il choisi, entre tant, cet imbécile? (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 157), par est-ce que et pop. par que, l'ordre suj.-verbe étant, dans ce cas, rétabli : Pourquoi donc que tu ne te maries pas? (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 7). Pourquoi qu'on reste ici? (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 60). Pourquoi est-ce qu'on t'a appelée la goulue? lui demandai-je (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 202). B.− Empl. ell. 1. [Dans l'interr. dir.] − Pourquoi? À cause de l'heure? − Non, pas à cause de l'heure (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 226): 3. La question la plus profonde que j'aie jamais entendu poser était celle de Grock (...) « Pourquoi? » Elle ouvre des abîmes et si l'on a le courage de la poser devant les plus grandes affirmations de l'humanité, elle fait paraître la face du néant dans la nuit.
Green, Journal,1942, p. 74. − [Par effacement d'un verbe déclaratif ou interr. (affirmer, déclarer, dire) : ] sert à contester la légitimité d'un mot, d'une formulation − (...) le petit dessinateur. − Pourquoi « petit »? Il n'est pas si petit (Duhamel, Suzanne,1941,p. 11).− (...) c'est un type épatant. Hop! hop! − Hop! Pourquoi « hop »? Il me semble que ces jours derniers vous ne disiez pas « hop »! (Duhamel, Suzanne,1941,p. 154). − Pourquoi pas? Tu as déjà joué au baccara? J'adore jouer. On oublie. Pourquoi pas? J'ai envie de jouer (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 384). − Littér. Pourquoi non? Pourquoi non?... Secrétaire est une situation honorable, non? (Bourdet, Sexe faible,1931, iii, p. 421). 2. [Dans l'interr. indir.] a) [Avec ell. de la prop. sub.] Dis pourquoi!... − supplia l'enfant consterné de ce qu'un pareil malheur lui pût échoir (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 31).Si seulement je savais pourquoi! (J. Bousquet, Trad. du sil.,1935, p. 15): 4. Mais cette fois on m'a brisé quelque chose qui ne se remettra pas... Je le sens bien... Au fond, remarque, je ne serais pas fichu de dire pourquoi.
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 206. − [Dans des phrases incidentes] Dieu sait pourquoi; on ne sait pourquoi. Ce temps nouveau (...) me rappelait celui par lequel Albertine était, à Balbec, sous la pluie menaçante (...), allée faire, Dieu sait pourquoi, de grandes promenades, dans le maillot collant de son caoutchouc! (Proust, Fugit.,1922, p. 491).Mouchette qui s'obstine, on ne sait pourquoi, « à parler de la gorge », au point d'exagérer encore l'affreux accent picard (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1266). − Pop. Il faut que ça pète (v. péter), que ça casse ou que ça dise pourquoi. b) [Avec ell. de la prop. princ.] − Littér. [Au début d'un exposé, dans le titre d'un chapitre : annonce un développement destiné à expliquer un point précis] Chapitre I. Pourquoi j'ai rassemblé ces souvenirs (Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 5).XIII Pourquoi Loubet fut magnifique (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 83). − [Par effacement d'un verbe existentiel (être, exister) : met en cause l'existence d'une chose dont on ne s'explique pas la raison d'être] « Pourquoi la vie? Pourquoi la mort? » Et surtout : « Pourquoi la douleur? Pourquoi les larmes? » En présence de ces redoutables problèmes, l'esprit humain, on le sait, n'a trouvé que des solutions incertaines et d'ailleurs contradictoires (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 10): 5. On comprend le printemps, l'aube, le nid, la rose;
Mais pourquoi les glaçons? Pourquoi le houx morose?
Pourquoi l'autour, ce criminel?
Pourquoi cette ombre froide où le jour se termine?
Pourquoi la bête fauve, et pourquoi la vermine?
− Pourquoi vous? répond l'Éternel.
Hugo, Légende,t. 5, 1877, p. 878. C.− [Précédé des présentatifs voici, voilà, c'est] − [Annonçant la conséquence de ce qui vient d'être affirmé] C'est pourquoi. Tu avais tellement taillé de crayons avec qu'aujourd'hui il [un rasoir] est un peu émoussé et ne saurait servir les soirs de cérémonie. C'est pourquoi je me suis confié aux mains d'un coiffeur (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 41). − [Annonçant la cause, l'explication de ce qu'on vient d'affirmer] Voici, voilà pourquoi. C'est que deux vies se sont unies, non pas seulement en ce qu'elles connaissent l'une de l'autre ou d'elles-mêmes, mais jusqu'au principe de leurs actions communes et de leurs sentiments indivis; et voilà pourquoi, selon une belle parole d'Aristote, une amitié qui a pu finir n'a jamais été véritable (Blondel, Action,1893, p. 253): 6. Pourtant, je n'accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir.
Colette, Naiss. jour,1928, p. 5. D.− [En fonction de rel.] − Vx, littér. [Dans qq. loc.] (La raison, le motif) pourquoi. Pour lequel, laquelle, lesquels, lesquelles. On lui demanda la raison pourquoi il souriait (Hermant, M. de Courpière,1907, ii, 3, p. 15).La cause pourquoi il m'était si doux d'embrasser ces joues qui n'étaient pas plus belles que bien d'autres (Proust, Prisonn.,1922, p. 81). − Ce pourquoi. Ce que je vis en m'éveillant, ce pourquoi je me levai (parce que cela s'était substitué dans ma mémoire et dans mon désir aux souvenirs de Combray), ce furent les impressions de la première sortie à Venise (Proust, Fugit.,1922, p. 623). II.− Subst. masc. inv. A.− [Considéré en tant que mot] Quand au sceptique « pourquoi » le « parce que » crédule a répondu, la discussion est close (Renard, Journal,1888, p. 17). − Gén. au plur. Question portant sur la cause de quelque chose. Les pourquoi succèdent aux pourquoi avant qu'on arrive à la solution de l'énigme (Durry, Nerval,1956, p. 88). ♦ [En corrélation avec parce que et comment] Tout en marchant, elle jacassait, revenue à sa composition du rôle de Madame Brimborion dont elle donna les tenants et les aboutissants, les pourquoi et les parce que (Courteline, Linottes,1912, i, p. 142).Panturle est à la réflexion. C'est un jour clair. On voit bien les choses. Ça arrive net et propre devant les yeux et l'on voit bien les pourquoi et les comment. Il voit l'ordre (Giono, Regain,1930, p. 235). B.− [Suivi d'un compl. déterminatif (éventuellement implicite)] Le pourquoi (de). Le motif, la raison (de). L'esprit saisit le pourquoi des choses, l'explication de leur manière d'être et de leurs dépendances mutuelles (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 20). Prononc. et Orth. : [puʀkwa]. Ac. 1694 et 1718 : -quoy; dep. 1740 : -quoi. Étymol. et Hist. A. 1. a) Interr. dir. ca 1050 pur quei (St Alexis, éd. Chr. Storey, 131 : ,,Filz Ale[x]is, pur quei[t] portat ta medre?``; 444); b) interr. indir. déb. xiies. (Benedeit, St Brendan, 468 ds T.-L. : Freres, savez, Pur quei poür oüt avez?); 2. a) ca 1165 en fonction de rel. « pour lequel, laquelle » (Benoît de Ste-Maure, Troie, 49, ibid. : Omers [...] Escrist de la destrucïon Del grant siege e de l'acheison, Por quei Troie fu desertee); b) 1250-70 empl. comme rel. de liaison « c'est pourquoi » (Guillaume le Vinier, Poésies, éd. Ph. Ménard, VIII, 1), empl. fréq. au xvies.; 1580 c'est pourquoy (Montaigne, Essais, II, XII, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 576); id. voyla pourquoy (Id., op. cit., I, II, p. 92). B. Empl. subst. 1174-76 le purquei (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2359). Comp. de la prép. pour* et du rel. quoi*. Fréq. abs. littér. : 31 403. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 34 659, b) 39 787; xxes. : a) 49 956, b) 52 617. Bbg. Chervel (A.)... Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français. Paris, 1977, p. 85; pp. 247-249; p. 253. − Ebneter (Th.), Gessner (M. P.). La Causalité en fr. parlé. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t. 12, no1, pp. 325-345. − Henschelmann (K.). Kausalität im Satz und im Text. Heidelberg, 1977, pp. 187-192. − Kriele (H. J.). [Pourquoi]. Praxis. 1968, t. 15, no1, p. 98. − Lorian (A.). Ce pour quoi, ce pourquoi ou c'est pourquoi? R. Ling. rom. 1968, t. 32, pp. 341-361. − Milner (J.). Négation métalinguistique. Semantikos. 1977, t. 2, pp. 47-62. − Muller (Ch.). [Pourquoi]. Praxis. 1968, t. 15, no1, pp. 98-99. |