| POLISSON, -ONNE, subst. et adj. I. − Subst. et adj., vieilli A. − 1. Au masc., rare au fém. Enfant livré à lui-même, qui passe son temps à vagabonder dans les rues et dans les champs. Synon. partiels galopin (fam.), garnement.Une petite polissonne (Littré). Il rencontra, rue Saint-Antoine, une bande formidable de polissons de douze à treize ans, qui (...) cassaient les vitres des confiseurs et les lanternes des marchandes d'oranges (Mussetds Le Temps,1831, p.58).Les polissons du quartier accoururent à ses trousses [d'un homme ivre]. Les huées partirent dans un formidable accord (Reider, MlleVallantin,1862, p.203).Son nez rouge, ses paupières larmoyantes, sa barbiche tordue, ses allures pourchassées ameutaient les polissons (Faure, Hist. art,1909, p.210).V. catéchisme ex. 2. − Empl. adj. Dans la rue, spectacle toujours divers, toujours nouveau: gentilles laitières, graves magistrats, écoliers polissons (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p.138). − En apostrophe. C'est donc vous, polisson, qui escaladez le jardin de M. Robert, qui est venu se plaindre ce matin? (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p.44). 2. P. ext. a) Au masc. ou au fém. Enfant dissipé et espiègle. Synon. fam. coquin (v. ce mot I C 1), fripon (v. ce mot B).Jusque-là, il avait été ce qu'on appelle un polisson, c'est-à-dire un enfant tel que devraient être tous les enfants, peu appliqué, espiègle (Michelet, Mémor.,1822, p.200): 1. Au lieu du fils qu'il avait rêvé, bien enfant, un gamin, un polisson, un de ces jolis diables dans lesquels les vieux militaires retrouvent la jeunesse de leur sang et comme le bruit de la poudre, M. Mauperin avait eu affaire à un marmot raisonnable, à un petit garçon bien sage, «à une demoiselle,» comme il disait...
Goncourt, R. Mauperin,1864, p.19. − Empl. adj. Elle est polissonne, cette mioche! (Pt Rob.). J'y eus pour camarade, à peu près en même temps que Poinsot, un enfant fort sale et fort polisson (Michelet, Mémor.,1822p.196). − En apostrophe, souvent avec une nuance affectueuse. Vilaine polissonne! (Rob.). Veux-tu bien te taire, petit polisson! (Lar. Lang. fr.). b) Au masc., p.anal., vieilli. Homme qui se comporte en gamin facétieux, vieux galopin. Vous serez donc toujours un polisson (Ac. 1835, 1878). − Empl. adj. Il est trop polisson pour son âge (Ac. 1835, 1878). B. − 1. Au masc. Individu capable d'actions répréhensibles; homme dénué de sens moral. Synon. canaille, coquin (v. ce mot I A 1), scélérat (vieilli), vaurien (vieilli).Sur tous les portraits que j'ai vus de lui (...) je lui ai toujours trouvé l'air d'un polisson. (...) ses conversations, ses querelles de famille (...) prouvent que c'était un homme infatué de lui-même, qui se croyait tout permis et qui se moquait de tout le monde, ce qui, si je ne me trompe, est le fait d'un polisson (Delécluze, Journal,1824, p.21).Que vous ayez à vous plaindre du Moniteur, ça ne m'étonne pas, le Dalloz étant, entre nous, un vilain coco et qui s'est conduit envers moi comme un vrai polisson (Flaub.,Corresp.,1879, p.311).Il paraît que tu te conduis comme un polisson, que tu te grises, que tu fais des dettes (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Soirée, 1887, p.584). − Empl. qualificatif ♦ Un (le, ce...) polisson de + nom de pers. ou nom de fonction.Nul doute que ce polisson de Valenod et M. de Frilair n'obtiennent facilement du procureur général et des juges tout ce qui pourra m'être désagréable (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p.476).Ce polisson de juge à figure de hareng saur, qui n'a pas daigné répondre à la lettre que je lui ai fait l'insigne honneur de lui écrire! (Bloy, Journal,1903, p.192). ♦ Au fig., p.plaisant. Un (le, ce...) polisson de..., une (la, cette) polissonne de + nom de chose. Oh! quelle polissonne de chose que le style! Tu n'as point, je crois, l'idée du genre de ce bouquin (Flaub.Corresp.,1852, p.361).Ah! les belles notes, toutes belles, toutes, sauf un polisson de mi grave (pour elle [MmeLehmann chantant Isolde]) qu'elle escamote avec grâce et dextérité (Willy, Bains de sons,1895, p.32). 2. a) Au masc. ou au fém. Homme, femme de moeurs légères, qui manifeste de la licence dans ses propos, dans son comportement. Synon. coquin (v. ce mot I A 2 b fam.), libertin.Vieux polisson. Ah! vous n'abuseriez donc n'encore n'à votre âge d'une femme, gros polisson? (Balzac, Cous. Pons,1847, p.117).Quel polisson vous faites! un homme marié! (Flaub., Éduc. sent.,t.2, 1869, p.39).Dans ce monde un peu mêlé, où venaient beaucoup de jeunes gens, la petite protégée de MmeNathan, pauvre et jolie, fut aussitôt le point de mire de deux ou trois polissons, qui jetèrent leur dévolu sur elle (Rolland, J.-Chr.,Antoinette, 1908, p.886). b) Adjectif − [En parlant d'une pers.] Qui mène une vie déréglée; qui est indécent dans ses propos, dans son comportement. Synon. libertin, licencieux.Ils finirent par devenir des fanfarons de mauvaises moeurs. Renée avoua qu'au pensionnat les petites filles étaient très polissonnes. Maxime renchérit et osa raconter quelques-unes des hontes du collège de Plassans (Zola, Curée,1872, p.429).«Ah! ce Brichot, s'écria Ski, en qui l'égrillarde plaisanterie de Brichot éveillait la gaîté de tradition, il est toujours le même», bien qu'il ne sût pas, à vrai dire, si l'universitaire avait jamais été polisson (Proust, Sodome,1922, p.922): 2. La pièce était richement meublée, mais avec une prétention de parvenu polisson. Des gravures du siècle dernier, assez belles d'ailleurs, représentaient des femmes à haute coiffure poudrée, à moitié nues, surprises par des messieurs galants en des postures intéressantes.
Maupass., Contes et nouv.,t.1, Ami Patience, 1883, p.1244. − [En parlant d'un inanimé] ♦ [En parlant d'un trait physique, du comportement d'une pers.] Qui dénote un tempérament libertin; qui invite aux plaisirs amoureux. Synon. coquin (v. ce mot II B 1), libidineux, licencieux.Rire, geste polisson. Ces exquises parisiennes au teint mat, aux lèvres fardées, aux hanches polissonnes, qui bougent dans de moulantes armures de satin et de soie! (Huysmans, Art mod.,1883, p.13).Monsieur m'a regardée d'un air polisson (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p.54).Et un corps! Une poitrine! et un oeil polisson (Aymé, Quatre vérités,1954, p.189). ♦ [En parlant d'un énoncé, d'une représentation artist., d'un ouvrage littér.] Qui présente un caractère licencieux. Synon. croustillant (fam.), égrillard, graveleux, grivois, leste, licencieux, paillard.Allusion, confidence, gravure, histoire, romance polissonne; sous-entendus polissons. [Le public] aime les petites oeuvres polissonnes, les mémoires de filles, les confessions d'alcôves, les saletés érotiques (Goncourt, G. Lacerteux,1864, p.v).C'étaient des gros mots, fortement salés, qui faisaient ricaner les filles rougissantes et se tordre les hommes (...). Le père et le grand-père ne tarissaient point en propos polissons (Maupass., Contes et nouv.,t.2, Bapt., 1884, p.47).Dans une bibliothèque d'acajou, quelques livres polissons (Green, Journal,1953, p.213). II. − Subst. masc., HIST. DU COST. ,,Pièce de grosse toile tuyautée et très empesée que les femmes ajoutaient à leur ceinture pour augmenter l'ampleur des reins`` (Leloir 1961). Ce dualisme charnu, dont le polisson fait aujourd'hui l'ingénieux complément, lorsque la nature s'est montrée avare de ce côté (Vidocq, Mém.,t.2, 1828-29, p.77).Les dames et demoiselles quelconques, qui, pour suppléer au manque de rondeur de certaines parties, portent ce que madame de Genlis appelle, tout crûment, un polisson, et que nous nommons une tournure (Gautier, Jeunes Fr.,1833, p.15). Prononc. et Orth.: [pɔlisɔ
̃], fém. [-ɔn]. Att. ds Ac. dep. 1694 (de 1694 à 1762 au masc.). Étymol. et Hist.1. 1628 «gueux, vagabond» (Jargon, p.29 ds Sain. Arg., p.63: Polissons sont ceux qui ont des frusquins qui ne valent que froutière en hyver) −1856 (Michel); d'où 1680 (Rich.: Polisson. Mot bas et burlesque qui se dit de jeunes écoliers et autres petis garçons malpropres et un peu fripons); 1762 poliçon «enfant espiègle, désobéissant» (J.-J. Rousseau, Émile, éd. Ch. Wirz, livre IV, p.677); 2. a) 1653 «homme sans considération et sans mérite» (Dassoucy, Le Ravissement de Proserpine, p.99 ds Littré); b) 1685 adj. «trop libre, licencieux» (Colombine avocat pour et contre, I, 8 ds E. Gherardi, Théâtre italien, éd. 1741, t.1, p.314); 1695 subst. «celui qui dit ou fait des choses trop libres» (Le Retour de la foire de Bezons, scène 3, ibid., t.6, p.167); 3. 1823 «tournure» (E. de Pradel ds Larch. 1878, p.290). Dér. de polisse «vol» 1628 (Jargon, p.38 ds Sain. Arg., p.62), dér. de polir «voler», 2emoit. xves. (Ballade en Jargon, éd. A. Lanly, XI, 21, p.142), empl. métaph. de polir*, v. Sain. Arg., p.62. Fréq. abs. littér.: 337. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 463, b) 841; xxes.: a) 834, b) 85. Bbg. Baldensperger (F.). Notes lexicol. R. Philol. fr. 1927, t.39, p.62. _Sain. Sources t.1 1972 [1925], p.12, 191, 344, 345, 364. |