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PIPER1, verbe
A. − Empl. intrans.
1. [Le suj. désigne un oiseau] Pousser un petit cri. Un brave campagnard (...) qui vous donnait bien l'impression d'entendre (...) piper l'épervier (Galipeaux, Souv., 1931, p.239).
2. CHASSE. Contrefaire le cri de la chouette ou d'autres oiseaux; chasser à la pipée. Synon. frouer. (Dict. xixeet xxes.).
B. − Empl. intrans. ou trans., fam. Ne (pas) piper mot, ne pas piper, sans piper mot. Garder le silence en présence de quelqu'un; ne pas riposter. Synon. ne pas broncher, ne pas moufter (pop.), ne pas souffler mot*.Obéir sans piper. Je ne pipais pas pendant qu'il me parlait. Il en fut donc pour ses frais de confidences (Céline, Voyage, 1932, p.547).Comme le couple de visiteurs ne pipait mot, il [le notaire] les interrogea un à un de son regard promené en panoramique (Arnoux, Crimes innoc., 1952, p.296):
1. La pensée qu'une de mes clientes était victime de je ne sais quelle escroquerie à la tendresse et que moi, le conseiller légal, je laisserais la chose aller sans piper mot, m'était proprement insupportable. Estaunié, Solitudes, 1917, p.23.
C. − Empl. trans.
1.
a) CHASSE. [Le compl. désigne des oiseaux] Attirer, prendre à la pipée. Au point du jour, les petits charbonniers trouvèrent leur cabane de ramée, d'où ils pipaient les grives, couchée sur le gazon, et leurs gluaux noyés dans la fontaine (Bertrand, Gaspard, 1841, p.208).Les perdrix pipées par les appeaux (Tharaud, Trag. de Ravaillac, 1913, p.43).
b) Pop., vieilli. Prendre sur le fait; capturer. Synon. appréhender, arrêter, attraper, pincer (fam.), piquer (pop.), prendre.Se faire piper. Embrochant des fils pleins de larves de terre Et de vers de charogne à piper le poisson (Borel, Poés. div., 1831, p.205).
2. P. anal.
a) JEUX. Falsifier, truquer. Piper des cartes:
2. ... supposez (...) que sa bru lui déplaise: bonsoir, le père Cavalcanti met la main sur la clé de son coffre-fort, donne un double tour à la serrure, et voilà maître Andrea obligé de vivre comme un fils de famille parisien, en biseautant des cartes ou en pipant des dés. Dumas père, Comte Monte-Cristo, t.2, 1846, p.103.
Part. passé adj. [Le libertin de Hogarth] perd toujours, car les dés sont pipés, les cartes biseautées (Gautier, Guide Louvre, 1872, p.322).Il remit les dés dans le cornet trois, quatre et cinq fois, et toujours rafle de six. «Sangue di bacco», s'écria l'abbé, les dés sont pipés, et ils l'étaient (Hist. gén. sc., t.3, vol. 1, 1961, p.84).
b) Loc. verb. fig. Les dés sont pipés. La partie est faussée; il y a un piège. En critique du témoignage, presque tous les dés sont pipés. Car des éléments humains très délicats interviennent constamment pour faire pencher la balance vers une éventualité privilégiée (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p.61).Pour fixer le choix de l'Homme, dans son pari fameux, Pascal pipait les dés par l'appât d'un tout à gagner (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p.258):
3. Enfant, il [l'adolescent] (...) courait, il jouait sans se poser de question (...) mais il a découvert un jour qu'il avait le pouvoir de dépasser ses propres fins (...) «Les dés sont pipés», dit-il; il regarde avec mépris ses aînés; comment leur est-il possible de croire en leurs entreprises? ce sont des dupes. Beauvoir, Pyrrhus, 1944, p.10.
3. Au fig., vieilli ou littér.
a)
α) Qqn pipe qqn.Tromper, leurrer. J'en sais assez (...) pour (...) supputer combien font tant de leçons à tant par mois et ne pas me laisser piper par les marchands (M. de Guérin, Corresp., 1835, p.190).Il faut éviter, avant toutes choses (...) de se laisser piper avec des mots (Proust, Prisonn., 1922, p.282).Il arrivait qu'Antoine reprochât à Philip de se laisser piper par lui-même, et de tenir pour un jugement fondamental ce qui n'était qu'un trait improvisé de son scepticisme (Martin du G., Thib., Consult., 1928, p.1064).
Empl. pronom. réfl. Oui, sans doute l'homme se pipe; il est dupe de lui-même; il prend les sophismes de son coeur naturellement rebelle (hélas! rien n'est plus certain) pour des doutes réels nés dans son entendement (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.13).
β) Qqn pipe qqc.Voler; fausser, dénaturer. Piper de l'argent à qqn. Je devais payer la sotte admiration que j'avais pipée lors de l'apparition du Génie du Christianisme; force m'était de rendre ce que j'avais volé (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.252).
Part. passé. Un état-civil où tout indique les cachets pipés, la signature fausse (Gracq, Beau tén., 1945, p.145):
4. En présentant aux lecteurs une réalité pipée et tronquée, une pauvre et plate apparence où, le premier instant d'excitation et d'espoir passé, ils ne retrouvent rien de ce qui constitue véritablement leur vie... Sarraute, Ère soupçon, 1956, p.153.
b) Séduire, enjôler par des ruses ou par des propos fallacieux. Piper la confiance de qqn. Son père répondrait que le don de piper les femmes avec des clins d'yeux ne constituait pas chez un homme des qualités suffisantes pour faire un bon mari (Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p.149).
4. Arg. Ne pas pouvoir piper qqn. Ne pas pouvoir supporter quelqu'un, le détester. Synon. sentir (fam.); piffer, blairer et encadrer (pop.).C'gars-là, j'peux pas le piper (Riv.-Car.1969).
REM. 1.
Pipage, subst. masc.,hapax. Synon. de piperie.Il aborda enfin la famille de sa mère non sans hésitation, car il y pressentait des «pépins» et des «pipages» (La Varende, Contes fervents, Pinsonnière, 1948, p.8).
2.
Pipement, subst. masc.,vx. [Corresp. à supra I A] Action de piper, de pousser un cri, en parlant d'un oiseau. Elle l'écoute; parfois elle est assez heureuse pour entendre déjà son premier pipement (Michelet, Oiseau, 1856, p.8).
Prononc. et Orth.: [pipe], (il) pipe [pip]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.A. Ca 1180 intrans. «pousser un petit cri» (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, III, 71), peu répertorié par la lexicogr. dep. le xviies.; d'où 1582 sans piper «sans un mot» (Bretin, trad. Lucien, Jupiter tragique, 22 ds Hug.); puis 1633 ne pas piper (Comédie des Proverbes,, II, V ds Anc. Théâtre fr., t.9, p.59): 1807 (Michel (J.-Fr.) Expr. vic., p.152); 1852 ne pas piper, ne pas piper mot (Humbert, Nouv. gloss. genev., p.99). B. 1. 1376 «imiter le cri de la chouette pour chasser à la pipée» (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, § 134, 35); d'où 2. 1455 «tromper» (Coquillards, I, 91, 96, 99 ds Sain. Sources Arg. t.2, p.422); 1456-61 (Villon, Poèmes variés, éd. J. Rychner et A. Henry, IX, 21, p.62); 1573 cartes pipées, detz pipez (Dupuys). D'un lat. pop. *pīppāre, du class. pīpāre «piauler, glousser», mot d'orig. onomat., att. en lat. tardif au sens de «gazouiller» viiies. ds Blaise Lat. chrét. et au sens de «jouer de la flûte» 1287 ds Latham, avec redoublement expressif du -p-, cf. FEW t.8, pp.562b-563a. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p.78. _Goosse (A.). Le Pic. et le wallon, source du jargon des Coquillards. Cah. Lexicol. 1970, t.16, pp.113-114. _Guiraud (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t.11, p.52.