| PIOCHER, verbe trans. A. − 1. Creuser, fouir, trancher, défoncer avec une pioche. Piocher le jardin, la vigne; piocher des décombres. La matière qui «travaille» à l'intérieur de la cuve durcit, s'agglomère en gros blocs, et pour la sortir de la cuve on risque, en la piochant, de briser ces claies en bois (Quéret,Industr. gaz, 1923, p.149).Certains petits cultivateurs (...) ont parfois quelques côtes plantées de vignes pour leur boisson. Le vigneron les aide alors à les piocher et à les tailler (Menon, Lecotté,Vill. Fr., 2, 1954, p.80). − Absol. J'ai toujours (...) comme toi, mes soixante hommes piochant par jour (Lamart.,Corresp., 1831, p.213): . On éventre le mont, on défonce le champ;
−Creusez! Creusez! dit-il aux terrassiers, piochant
De l'aube jusqu'à l'heure où le soleil se couche,
Je veux faire à ma tour un fossé si farouche
Qu'un homme ait le vertige en regardant au fond.
Hugo,Légende, t.4, 1877, p.618. 2. Au fig., fam. a) Étudier avec acharnement; travailler (un sujet, une matière) avec ardeur. Synon. bûcher2(fam.), chiader (arg. scol.), potasser (fam.).Piocher un examen. Depuis lundi dernier j'ai laissé de côté toute autre chose, et j'ai exclusivement toute la semaine pioché ma Bovary, ennuyé de ne pas avancer (Flaub.,Corresp., 1852, p.394).Cet éditeur m'annonce des offres dignes de moi, dit-il. Nous verrons. En attendant, je pioche le Bonaparte (Hugo,Corresp., 1852, p.78).Il s'appelait Sidney Gilchrist Thomas (...) et, avec son cousin le chimiste Percy Gilchrist, avait employé tous ses loisirs et sa puissance de pensée à piocher le casse-tête du fer phosphoreux (P. Rousseau,Hist. techn. et invent., 1967, p.300).V. dictionnaire ex. 2. − Absol. Piocher dur, ferme, raide, comme un enragé. Je pioche et ai pioché rudement, mais je ne veux vous lire ma philosophie que quand elle sera terminée (Flaub.,Corresp., 1879, p.197).Il ne tarda pas à reconnaître qu'avant de prétendre démolir la mécanique newtonienne, il était indispensable de la connaître. Il se mit donc à piocher dans les bouquins de son fils Robert (P. Rousseau,Hist. techn. et invent., 1967, p.258). ♦ P. ext. Travailler sans répit. Synon. bûcher2(fam.), trimer (pop.).Toutes les économies se trouvaient mangées; et il fallait piocher dur, piocher pour quatre, car ils étaient quatre bouches à table. Elle seule nourrissait tout ce monde (Zola,Assommoir, 1877, p.489). b) Vieilli, pop., empl. pronom. réciproque. Synon. se bagarrer (fam.), se battre, (se) bûcher2(vieilli), se tabasser (fam.).L'affaire est faite, dit Vautrin à Eugène. Nos deux dandies se sont piochés. Tout s'est passé convenablement (Balzac,Goriot, 1835, p.194). B. − 1. Prendre au hasard, puiser dans. Grange mangeait, courbé sur la table à la manière des paysans, et comme eux il rattrapait le long de son menton, d'un coup de cuillère, la soupe qui découlait. Tout en piochant dans l'écuelle à oreilles les côtes de choux et les pommes de terre fumantes, il assignait à chacun sa tâche (Pourrat,Gaspard, 1922, p.129).Je piochai subrepticement dans ma poche un bonbon du cornet (Arnoux,Zulma, 1960, p.78). − Empl. abs. La daube est mise sur la table. On s'assied. On la découvre. Elle emplit la pièce de son odeur. On la hume, on la vante, on la déguste d'avance. Et puis chacun pioche dans le pot (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p.128).De temps en temps, d'une ambulance du front, un jeune trouvait le temps d'envoyer un bref rapport, sur un cas curieux. Des chirurgiens, surtout... «La guerre aura du moins servi à ça: à faire avancer la chirurgie...» Il restait là, piochant dans le tas, pêchant de-ci de -là un fascicule qu'il envoyait sur la cheminée (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p.787). 2. JEUX. Puiser dans le tas de dominos ou de cartes non distribués. Empl. abs. Le docteur, même aux dominos, quand il forçait son partenaire à «piocher» et à prendre le double-six, ce qui était pour lui le plus vif des plaisirs, se contentait du mouvement des épaules (Proust,Sodome, 1922, p.975). Prononc. et Orth.: [pjɔ
ʃe], (il) pioche [pjɔ
ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1429 intrans. «creuser avec la pioche» (doc. Arch. d'Orléans ds Gdf. Compl.); 2. a) 1788 intrans. «travailler intensément» (Fér. Crit., s.v. pioche), cf. 1836 (Stendhal, Vie de H. Brulard, Paris, Champion, t.2, 1913, p.10: Ce travail sérieux et les sourcils froncés, nous l'appelions piocher d'un mot en usage à l'École polytechnique); b) 1805 trans. «étudier (une matière) avec ardeur» (arg. École polytechnique d'apr. Esn.); 3. 1835 réfl. pop. «se battre» (Balzac, loc. cit.); 4. 1867 «(au jeu de dominos) puiser dans le tas de dominos non distribués» (Delvau). Dér. de pioche* A; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 209. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 152, b) 657; xxes.: a) 253, b) 254. Bbg. Quem. DDL t.6. |