| PINCE, subst. fém. I. − [Désigne une chose] A. − Instrument constitué d'une tige servant de levier. Pince de carrier. À l'aide de pinces qu'on introduit dans les joints, on soulève le pavé (Bourde, Trav. publ.,1929, p.158).[Avec déterm. exprimant un acte spécifique] Pince à arracher les clous. Le dressage [de la voie] se fait avec des pinces à riper, appelées crayons par les ouvriers et qui sont simplement des leviers ronds de 1 m 20 environ de longueur, pointus à une de leurs extrémités (Bricka, Cours ch. de fer,t.1, 1894, pp.510-511). ♦ Pince-monseigneur*. ♦ Chaud de la pince (arg. ou pop.). V. chaud I B 2 c. − CIRQUE. ,,Sorte de piquet de métal, long d'un mètre environ, que l'on plante dans le sol pour y attacher des cordes servant à tendre le chapiteau`` (Hotier Cirque 1972, p.66). B. − Usuel 1. Au sing. ou au plur. Instrument fait d'une tige repliée en U ou de deux branches articulées entre elles à l'endroit où elles se croisent, et qui permet, par rapprochement des deux mors, de serrer un objet à diverses fins (maintenir, écraser, couper p. ex.); élément de machine ayant la même fonction. Pinces courbes; pince en acier; pince à mâchoire. On le saisit [un cercle de métal] avec des pinces, on l'applique autour de la roue (Pesquidoux, Livre raison,1925, p.6): 1. ... il s'ajouta les deux mains de fer du forgeron, une tenaille et une pince; la tenaille étreint, la pince manie; l'une agit comme le poignet, l'autre comme le doigt.
Hugo, Travaill. mer,1866, p.287. Rem. Toujours au plur. dans paire de pinces (v. paire B). Pince coupante. Pince dont les mors sont affûtés pour pouvoir couper. Pour toi la grande boîte du Meccano et tout un attirail de clés anglaises et d'autres outils, une pince coupante, des limes, un marteau, un fer à souder, du fil de cuivre bobiné (Cendrars, Bourlinguer,1948, p.258).Pince plate. Pince dans laquelle la face interne des mors est plane. L'ouvrier plie à l'équerre, avec les pinces plates, les bouts des fils de fer B, D qu'il écarte à droite et à gauche (Nosban, Manuel menuisier,t.2, 1857, p.210).Pince universelle. Pince dont les mors diversement façonnés, permettent d'assurer les fonctions d'une pince plate, d'une pince coupante et d'une pince à mâchoires. Voir Ambroise, Monteur mécan., 1949, p.2.♦ P. méton. Mors d'un instrument de serrage. Une passe, étroite comme un goulot de bouteille, que dominaient deux promontoires semblables aux pinces d'une tenaille ouverte (Tharaud, Dingley,1906, p.71). − Domaine techn.[Souvent avec déterm., surtout introd. par à] ♦ ÉLECTRICITÉ Pince à dénuder. Pince dont les mors sont aménagés de telle façon que l'on peut sectionner la gaine isolante d'un fil électrique sans entamer le fil de cuivre que l'on veut dénuder. On peut éventuellement compléter cette panoplie d'une pince à dénuder dont le maniement −précisons-le −demande cependant une certaine expérience (B. Fighiera, Pour s'initier à l'électron.,Paris, Éd. techn. et sc. fr., 1983, p.32).Pince(-)crocodile. V. infra rem. ♦ IMPR. La copie sous les yeux, prenant avec sa pince les caractères disposés dans la casse, il les aligne avec dextérité dans son composteur de métal (Coston, A.B.C. journ.,1952, p.156). ♦ INDUSTR. TEXT. [Dans un métier à tisser] Il suffit donc de présenter à l'aiguille porte-trame la trame à insérer, c'est le rôle des «distributeurs de trame» qui, en fonction du tramage à exécuter, offre à la pince porte-trame le fil de trame convenable grâce à un jeu de commande par carton (Thiébaut, Fabric. tissus,1961, p.182).Les pinces à lisière saisissent les bouts de duite dépassant sur chaque bord du tissu (Thiébaut, Fabric. tissus,1961p.174). ♦ MÉD. Pince hémostatique; pince à dissection/à disséquer, à forcipressure, à ligatures, à pansement; pince de dentiste (synon. davier). Vous, enlevez les pinces, faites un pansement; et puis levez le garrot (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p.875): 2. On dénude soigneusement l'artère et on la ligature au fil dans la région la plus antérieure. On place à trois centimètres en amont une petite pince à pression continue et on prépare entre la ligature et la pince une boucle de fil.
J. Verne, Vie cellul.,1937, p.25. ♦ RELIURE. Pince à nerfs. Pince qui permet de faire saillir les nerfs sur le dos d'un livre relié. Pendant que le cuir est encore humide, faire ressortir les nerfs en les pinçant à l'aide de la pince à nerfs (...) par un mouvement oscillant de l'outil suivant l'arrondi du dos (O. Beausoleil, Reliure-dorure,Paris, Sté fr. du livre, 1972, p.32). − Domaine de la vie cour.Le rasoir au fourreau, mon père s'aspergeait d'eau froide, pour «tonifier l'épiderme», puis il passait des crayons, des cristaux d'alun, des pâtes adoucissantes, s'armait d'une pince, faisait la chasse aux poils follets, aux points noirs, aux menus boutons, aux peaux mortes, aux dartres errantes (Duhamel, Terre promise,1934, p.115). ♦ [Avec compl. prép. à] Pince à asperges, à escargots, à glaçons. V. endurance ex. 1.Pince à cravate. Tige repliée en U, servant à maintenir la cravate attachée, à mi-hauteur, à la chemise. On est harcelé par une cohue de petits marchands de toutes les pacotilles: pinces à cravate, tire-chaussette (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p.324).Pince à linge. Petit instrument formé de deux tiges reliées par un ressort qui les maintient serrées, destiné à attacher du linge à un support mince. Quelquefois elle parfumait ses lettres d'un parfum si violent qu'il était obligé de leur faire passer la nuit dehors, suspendues à des pinces à linge (Montherl., J. filles,1936, p.952).Pince à ongles. Petite pince coupante permettant de tailler les ongles. J'essayai de fracturer la serrure, les dents serrées, je ne voulais pas crier qu'on vînt m'ouvrir. J'y laissai ma pince à ongles (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p.127).Pince à épiler. Chimairis ayant tout vendu, même ses peignes et ses épingles, même ses pinces à épiler, sa chevelure s'était embrouillée dans un désordre inextricable, tandis qu'une pubescence noire ajoutait à sa nudité quelque chose de sauvage, d'impudique et de velu (Louys, Aphrodite,1896, p.88). ♦ [Avec compl. prép. de] Une pince de toilette en acier (Grandjean, Orfèvr. XIXes.,1962, p.59).Pince de bicyclette, de cycliste ou pince cycliste. Petite pince ou ruban, généralement métallique, en forme de cercle ouvert, qui sert à maintenir contre la cheville le bas des jambes de pantalon. Dominique mettait son cuir, le bas de son pantalon était pris dans des pinces cyclistes (Triolet, Prem. accroc,1945, p.79).V. dehors ex. 9. − P. métaph. Les beaux quartiers... Ils sont comme une échappée au mauvais rêve, dans la pince noire de l'industrie (Aragon, Beaux quart.,1936, p.191).Le vice qu'on saisit dans les pinces de la contradiction (S. Weil, Pesanteur,1943, p.123). − Domaine milit. (p. compar.).En pince. Synon. de en tenaille.L'opération en pince dite de la poche de Falaise où les Allemands perdirent près de 100000 hommes, tués, blessés et prisonniers et un nombre considérable de véhicules de combat (Billotte, Consid. strat.,1957, p.4005). 2. P. anal. (de forme, parfois de fonction) a) Arg. ou pop. − Main. Une barbe hirsute et malpropre, où il fourrageait à pleines mains, de ses pinces volumineuses et noires de cirage (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p.1294).Après avoir serré la pince de quelques collègues (Queneau, Loin Rueil,1944, p.21). − Au plur. Menottes. Ben, j'suis revenu. Avec les pinces, les menottes, quoi. Y m'les ont mis, les vaches! (J. Genet, Miracle de la rose,1947, p.250 ds Cellard-Rey 1980). − Au plur. [Dans des expr.] Pied(s), jambes. Synon. pincettes.Si vous faisiez ça, vous pouvez être sûrs que je ne ficherais plus jamais les pinces chez vous! (Gyp, Docteurs,1892, p.19).Qu'est-ce qu'ils croyaient? qu'ils iraient à pinces jusqu'à Paname? (Sartre, Mort ds âme,1949, p.88). Rem. En ce sens, ,,abrègement de pincettes ou pinceaux plutôt qu'emploi métaphorique de pince`` (Cellard-Rey 1980). b) Spécialement
α) ANAT. ANIM. − [Chez les animaux à sabots] ♦ Extrémité de chacun des deux doigts médians qui forment le sabot. La bête est bien un dix cors jeunement, disait la Frondée, il a beaucoup plus de pied de devant que de derrière... et assez bas jointé; il a les pinces plus grosses, le talon et la jambe plus larges (Vialar, Rendez-vous,1952, p.116). ♦ [Chez le cheval] Partie antérieure du sabot formé par un seul doigt. Tout cheval qui boite du jarret ne fléchit pas son articulation, il manoeuvre son postérieur comme une béquille. De ce fait il traîne un peu sa pince sur le sol (Garcin, Guide vétér.,1944, p.181). − [Chez certains crustacés] Extrémité des membres antérieurs formée de deux pièces opposées et articulées de façon à s'écarter et à se rapprocher l'une de l'autre. Crabes portant une actinie dans chacune de leurs pinces (Hist. gén. sc.,t.3, vol.2, 1964, p.674): 3. ... un homard de bonne taille, lequel tapote péniblement le vernis de son sol de ses multiples pattes maladroites. (...) [l'indien] se précipita sur la bête et l'ayant habilement saisie lui sectionna le bout de la queue qu'il se mit à broyer grâce à une dentition particulièrement d'attaque. Une nouvelle prise lui permet de bouffer une pince.
Queneau, Loin Rueil,1944, p.195. − [Chez certains insectes] Mandibule. Les [termites] soldats [résistent] en attaquant les agresseurs mêmes, et les perçant jusqu'au sang de leurs pinces acérées (Michelet, Insecte,1857, p.236). − [Chez les herbivores, surtout le cheval] Au plur. Incisives. (Dict. xixeet xxes.).
β) COUT. Pli qui va en diminuant, fait dans l'étoffe à l'envers d'un vêtement pour en diminuer l'ampleur à un endroit déterminé. La forme nouvelle est: droit fil devant, sans pince et cintré derrière, mais surtout! pas ajusté (Mallarmé, Dern. mode,1874, p.826).On peut, au moyen du fer chaud, faire rentrer ou rétrécir une certaine largeur de tissu préalablement mouillé au moyen du tampon, ce qui est nécessaire, dans les confections, pour éviter les poches là où on ne peut faire de pinces (Lar. mén.1926, p.1046): 4. On apportait un pantalon entièrement fait. Humann tournait, s'agenouillait, marquait de tous côtés des pinces avec du blanc et renvoyait le pantalon à un autre atelier.
Goncourt, Journal,1862, p.1194. II. − Fait de pincer. La beauté n'était pour Elisabeth qu'un prétexte à grimaces, à pinces nasales, à pommades (Cocteau, Enfants,1929, p.73).Je lui donnais de petites tapes, je lui tirais des pinces... Gentiment, pour rire... Et alors, pour se venger, elle me faisait des chatouilles... (Pagnol, Marius,1931, i, 4, p.38). − Aptitude à pincer. Cet instrument, cet outil n'a pas de pince (Ac.). ♦ Aptitude à saisir fortement avec les doigts (ou la main). Cet homme a la pince forte, la pince rude (Ac.1798-1935).Travaux préparatoires pour l'accentuation [du martelé du violon] (...) les coups d'archet indiqués développeront la pince des doigts sur la baguette [de l'archet] et la promptitude dans l'attaque (Capet, Techn. sup. archet,1916, p.49).CIRQUE. ,,Exercice des haltérophiles forains qui consiste à soulever un poids que l'on tient entre le pouce et l'index par le rebord`` (Hotier Cirque 1972, p.66). SPORTS. ,,Qualité de la main dont les doigts serrent puissamment`` (Petiot 1982). ♦ ÉQUIT. ,,Aptitude et puissance du cavalier pour enserrer le cheval dans ses jambes`` (St-Riquier-Delp. 1975). Pince du genou. Action du cavalier qui enserre le cheval dans ses jambes. Prendre pince. La chevauchée de Nanoune fit époque et porta fruit; on plaça Gaston à cheval, sur une monture où il pouvait plus aisément prendre pince (La Varende, Centaure de Dieu,1938, p.50). REM. Pince-, 1erélém. de compos.,[le 2eélém. étant lui aussi un subst. fr., le comp. est un subst. fém.] 1. [Le comp. désigne des instruments qui tiennent à la fois de la pince et d'un autre instrument désigné par le second élém.] a) Pince-débouchoir, artill. Le débouchage de l'avant [de la fusée de l'obus à balles du 75] se fait à l'aide soit de la pince-débouchoir soit du débouchoir automatique (Alvin, Artill.,Matér., 1908, p.234). b) Pince-clamp, chir. Pince-clamp stomacale, à mors lisse, de 33 cent., du Prof. Gosset (Catal. instrum. chir.[Collin], 1935, p.222). c) Pince-curette, chir. Pince-curette pour biopsies (Catal. instrum. chir.[Collin], 1935p.334). d) Pince-gouge, chir. Pince-gouge à mors effilés et coudés, pour les enfants, du Prof. Escat (Catal. instrum. chir.[Collin], 1935p.146). e) Pince-revolver, chir. Pince-revolver du Dr Michel, pour fixer les agrafes (Catal. instrum. chir.[Collin], 1935p.73). 2. [Le comp. désigne une pince dont une particularité de forme est évoquée par le 2eélém.] Pince(-)crocodile,(Pince crocodile, Pince-crocodile) électr. Petite pince métallique formée de deux éléments reliés par un ressort qui les maintient serrés, l'un de ces éléments pouvant être adapté à un fil conducteur, et dont les mors sont dentelés sur leur face interne. Solidement accrochée par un lien serré dans la cosse d'une pince-crocodile utilisée en électricité, elle ne frémit qu'aux secousses nettes, mais aux plus petites secousses (Rustica,13-19 mai 1981, no594, p.31, col.1). Prononc. et Orth.: [pε
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) α) 1376 pinche du pié (du cerf) (Modus et Ratio, 5, 33 ds T.-L.);
β) 1660 pince d'escrevice (Oudin Fr.-Esp.);
γ) 1664 [éd.] «incisive des chevaux» (Solleysel, Le Parfait Mareschal, p.3: la quatriesme sorte [de dents] sont les dents de devant, avec lesquelles les chevaux paissent l'herbe, on nomme ces dents-là les pinces, et les coings); b) α) 1857 «main» (d'apr. Esn.); 1878-79 serrer la pince (à qqn) (La Petite lune, no21, p.2, avec citat. d'aut.);
β) 1889 pinces «jambes» (Macé, Mes lundis, p.250); 1901 à pince «à pied» (Rossignol, Dict. arg., p.5); 2. a) α) 1382-84 «barre de fer aplatie et fendue à l'une des extrémités et dont on se sert comme d'un levier» (Comptes du Clos des Galées de Rouen, éd. Ch. Bréard, p.64: pinces de fer, aussi p.96: de grans pièces de fer nomméez pinches);
β) fin du xives. empl. métaph. de «petite tenaille» (Eustache Deschamps, OEuvres, V, 280, 18 ds T.-L.: Telz gens Sont du peuple les pinces Qui font les pauvres päys rons: C'est ce qui destruit les provinces; aussi tenir a la pince «tenir étroitement», III, 201, 62 ds T.-L.); b) 1483 [éd. de ca 1500] «action de saisir avec force» (O. de La Marche, Chevalier délibéré, publ. par F. Lippmann [d'apr. l'éd. de Schiedam], p.41); 3. 1660 cout. «pli qu'on fait à l'étoffe et qui se termine en pointe» (Oudin d'apr. FEW t.8, p.542b). Déverbal de pincer*. Fréq. abs. littér.: 245. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 174, b) 571; xxes.: a) 402, b) 348. DÉR. Pinçard, -arde, adj.,hipp. a) [Corresp. à pince I B 2 b α] Cheval pinçard. ,,Cheval qui appuie seulement sur la pince du pied`` (St-Riquier-Delp. 1975). Un grand Viking au poil blond qui montait un canasson pinçard au poitrail sanglant, tirait à l'arc sur tout individu dont l'air l'incommodait (G. Perec, La Disparition,Paris, Denoël, 1969, p.12).[P. méton.] Fer pinçard. Fer ,,conçu pour le cheval pinçard, la pince est plus nourrie et plus couverte, permettant de retarder l'usure du fer`` (Cass.-Moir. 1979, s.v. fer). b) Arg. des cavaliers. (Cavalier) qui ne tombe pas de sa monture, car il serre ferme. Il s'en va de la queue au crâne de la bête Tantôt penche à tribord, tantôt penche à babord. S'il est vraiment pinçard, il entre dans le port. Mais s'il est maladroit, hélas! pique une tête (France1907).− [pε
̃sa:ʀ], fém. [-aʀd]. Att. ds Ac. dep. 1835 (au masc.). − 1resattest. a) 1772 cheval pinçart (Ph. E. Lafosse, Cours d'hyppiatrique, p.13 ds DG), b) 1883 arg. des cavaliers (Fustier, Suppl. à Delvau); de pince, suff. -ard*. BBG. −Hotier Cirque 1973 [1972] p.66, 138. _Quem. DDL t.19. |