| PILER, verbe A. − Empl. trans. 1. Réduire en poudre ou en pâte des substances molles ou réduire en menus morceaux, plus ou moins fins, une matière généralement dure à l'aide d'un instrument contondant avec lequel on frappe à coups répétés. Difficulté de trouver du manioc pour nos gens. On finit par en apporter, mais il n'est pas pilé; les porteurs boudent (Gide,Voy. Congo, 1927, p.755).Aussitôt les femmes à bandeaux plats et luisants, qui s'étaient enfuies, recommencent à piler le maïs (Morand,New-York, 1930, p.8): 1. Seulement, la méthode du bouillon lui parut enfantine, il inventa de piler dans un mortier de la cervelle et du cervelet de mouton, en mouillant avec de l'eau distillée, puis de décanter et de filtrer la liqueur ainsi obtenue.
Zola,Dr Pascal, 1893, p.41. − P. métaph. Était-ce le canon qui sonnait sans relâche, pilant la terre à conquérir, qui enfonçait en nous cette certitude de vaincre? (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p.181). − ÉQUIT. [En parlant d'un cavalier] Piler du poivre. Être secoué sur sa selle par le trot du cheval. Le prince impérial est de son siècle et se sert volontiers de mots à la mode. L'autre jour, il a dit à sa mère en revenant de prendre sa leçon d'équitation qu'il avait pilé du poivre, c'est-à-dire qu'il avait monté un cheval qui avait le trot dur (Mérimée,Lettres ctessede Montijo, t.2, 1864, p.253). 2. P. anal. Fouler aux pieds; piétiner. Moi, si j'avais idée de mal faire, je creuserais un trou sous un arbre..., je mettrais mon couteau au fond du trou et je pilerais la terre dessus avec mes pieds (A. France,Mannequin, 1897, p.70): 2. Elle criait plus fort qu'eux, d'une voix aiguë qui crevait le tympan: −D'abord toi, qu'est-ce que tu as à dire? Tu crois que je ne t'ai pas vu tout à l'heure piler à coups de talon celui-là qui est quasi comme mort dans la chambre à côté?
Rolland,J.-Chr., Révolte, 1907, p.621. 3. Fam. Administrer une raclée; battre à plate couture. Synon. flanquer une pile (à qqn).La horde des Huns rasa l'Europe, se rua sur la Gaule, s'écrasa dans les plaines de Châlons où Aétius la pila dans une effroyable charge (Huysmans,À rebours, 1884, p.50). ♦ Se faire piler. Se faire, se laisser battre. Elle était la volonté entêtée qui ne revient jamais sur une décision de sa colère et, selon son expression, elle aurait mieux aimé «se faire piler» que de céder (E. de Goncourt,Élisa, 1877, p.80). B. − Empl. intrans. 1. Arg. des cyclistes. Rouler rapidement, en appuyant fortement sur les pédales. Que peut-on voir quand on «pile» à 25 kilomètres à l'heure, le nez baissé sur son guidon? (Baudry de Saunier,Cycl., 1892, p.451). 2. Région. (Canada). Marcher, appuyer le pied sur quelque chose. Et pile pas dans l'ortie (Guèvremont,Marie-Didace, 1947, p.198 ds Rogers 1977). REM. Pilé, -ée, part. passé adj.Réduit en petits morceaux, en menus fragments. Glace pilée. Il voulait faire des articles de combat, après lesquels le monde tout entier ne serait plus que du verre pilé (Renard,Journal, 1893, p.159). Prononc. et Orth.: [pile], (il) pile [pil]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 orge piled (Livre des Rois, II, XVII, 20, éd. E. R. Curtius, p.90); 2. 1656 «manger beaucoup» (Oudin Curiositez, p.325). Du b. lat. pilare «enfoncer comme un pilier, planter, empiler» (fin du ives., v. Ern.-Meillet), dér. de pila «pile, pilier». Fréq. abs. littér.: 165. DÉR. 1. Pilage, subst. masc.Action de piler; résultat de cette action. Le déchiquetage des floches de coton-poudre (...) opération, appelée pilage, se fait au moyen des piles employées en papeterie (Vennin, Chesneau,Poudres et explosifs, 1914, p.228).Équit. Pilage de poivre. Apprentissage difficile du trot monté. Le trot sur les carrés, le pilage de poivre, la récitation, sans reprendre souffle, de la généalogie des pur-sangs, les vieux effets revendus à la fin des classes (Morand,Extrav., 1936, p.46).− [pila:ʒ]. − 1resattest. a) 1310 «action de piler les pommes pour en faire du cidre» (et «obligation de piler, droit de piler [terme de féod.]») (Arch. JJ 47, pièce 98 ds Gdf.) usité en Normandie, voir L. Du Bois, J. Travers, Gloss. du pat. norm., Caen, A. Handel et Moisy 1887, b) 1869 «action de piler» (Littré); de piler, suff. -age*. 2. Pileur, -euse, subst.a) Ouvrier, ouvrière qui pile. (Dict. xixeet xxes.). b) Subst. fém. [Afrique noire] ,,Femme qui pile le grain, le mil`` (Invent. Particul. Lex. Fr. Afr. n. 1983). − [piloe:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1718-1878. − 1reattest. 1313 (Livre de la Taille de Paris, éd. K.Michaëlsson, p.219: pileur de pois); de piler, suff. -eur2*. |