| PHARE1, subst. masc. A. − Tour édifiée sur une côte, sur un îlot ou à l'entrée d'un port, surmontée d'une source lumineuse puissante, servant à guider la navigation maritime pendant la nuit. Gardien de phare; lanterne de phare. Alexandrie! La mer, les hommes, le colossal phare de marbre dont le miroir sauvait les hommes de la mer (Louys, Aphrodite,1896, p.164).Dans le phare sans gardien de Nividic, une sirène remplace automatiquement la lumière en cas de brume, et un canon à acétylène remplace automatiquement la sirène si elle tombe en panne (Ruyer, Cybern.,1954, p.79).V. exactitude ex. 3 et grossir I A ex. de Céline: 1. Je me souviens qu'un jour Madeleine et M. de Nièvres voulurent monter au sommet du phare. Il faisait du vent. Le bruit de l'air, que l'on n'entendait point en bas, grandissait à mesure que nous nous élevions, grondait comme un tonnerre dans l'escalier en spirale, et faisait frémir au-dessus de nous les parois de cristal de la lanterne.
Fromentin, Dominique,1863, p.163. − En partic. Bateau-phare. V. bateau-feu/bateau-phare. B. − 1. P. méton. Source lumineuse placée en haut de la tour; lumière émise par cette source. Phare à feu fixe, à éclats, à occultations; phare scintillant; phare-balai; portée d'un phare. Il vit briller comme une étoile le phare de Planier (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.253).À la nuit, on apercevait le phare d'Agde, et le phare rouge tournant de Cette (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1914, p.377).Le feu de son cigare rougeoyait et s'éclipsait selon un rythme d'une régularité obsédante, ainsi qu'un phare intermittent (Arnoux, Algorithme,1948, p.297). 2. P. anal. a) Foyer lumineux puissant placé en haut d'une tour ou d'une construction métallique peu élevée, servant à guider la navigation aérienne pendant la nuit. Phares d'un aéroport. Il serait judicieux de décaler les phares, de part et d'autre des routes aériennes fréquentées, plutôt que de jalonner exactement ces routes (A.-B. Duval, Hébrard, Nav. aér.,1928, p.86): 2. ... Casablanca essaya ses feux. La rampe de balisage découpa en rouge un morceau de nuit, un rectangle noir (...). Puis un second interrupteur brancha les phares. Ils versèrent la lumière au milieu du champ comme une flaque de lait.
Saint-Exup., Courr. Sud,1928, p.53. b) P. ext. Toute source lumineuse puissante généralement en position élevée, servant à éclairer une zone, un terrain déterminés pendant la nuit. Synon. projecteur.On creusait dans le sol toujours plus profondément des caves et des tunnels. Quinze millions d'hommes travaillaient dans la ville géante, à la lumière des phares, qui jetaient leurs feux le jour comme la nuit (A. France, Île ping.,1908, p.399).Jusque sous le mur du projecteur ils [les Berbères] trouvent le moyen de voler des sacs d'orge, et lorsque l'alarme est donnée et que le phare éclaire le terrain, c'est tout juste s'il fait miroiter dans la pierraille un peu du grain tombé par l'ouverture du sac (Tharaud, Marrakech,1920, p.27): 3. Parfois, un coup de feu trouait la nuit: c'était l'un de nos hôtes qui s'était fait surprendre au passage des barbelés par le pinceau lumineux d'un phare, et le lendemain matin nous apercevions son cadavre accroché à un cheval de frise.
Ambrière, Gdes vac.,1946, p.178. c) NAV. MAR. Phare hertzien ou radio-phare (radiophare). Poste émetteur radioélectrique installé dans un phare (supra A) envoyant des signaux captables par les navires et permettant à ceux-ci de s'orienter sans visibilité. L'opérateur d'un navire quelconque peut, en prenant les relèvements de plusieurs radiophares ou phares hertziens, déterminer son «point» (Encyclop. de la radioélectr., Paris, Chiron, 1946, p.508).Le Canada (...) a installé, sur l'île Charles (...) un radio-phare sans gardien qui est mis en marche par les transmetteurs de télécommunications des navires (M. Benoist, Pettier, Transp. mar.,1961, p.194). 3. P. métaph. ou au fig., le plus souvent littér. Personne ou chose qui éclaire, rayonne, qui est un guide, un modèle. Tous les François, les yeux attachés sur la couronne, attendent que ce phare qui ne les égara jamais, brille de nouveau pour les sauver au milieu des écueils (Chateaubr., Polém.,1818-27, p.516).[Le] monothéisme, phare de toute pensée et de toute conscience qui veut maintenir une foi, juger avec sérénité la marche de l'idée religieuse (Weill, Judaïsme,1931, p.221).Un des «phares» du cinéma muet, créateur du Septième Art ayant sa place aux côtés des Chaplin, Eisenstein et Griffith, Erich von Stroheim est un cinéaste mal connu (L'Express, 14 nov. 1966, p.47, col. 2): 4. ... notre déclaration (...) doit être un guide pour la politique des gouvernements. Mais elle doit aussi être un phare pour l'espoir des peuples, une plate-forme pour l'action des associations nationales ou internationales de caractère juridique.
Déclar. univ. Dr. Homme,1949, p.19. − En appos. ou comme second élém. de subst. comp. Personne, objet, événement dont l'importance, l'influence, le rayonnement est considérable. Écrivain-phare, livre-phare, film-phare, ville-phare. L'homme-phare du combat pour la défense du consommateur. Celui qui, alors inconnu, s'attaqua à la puissante General Motors et la contraignit à retirer du marché un modèle de voiture considéré comme dangereux (L'Express,2 oct. 1972, p.31, col. 1).Dans les années 1956, Palmiro Togliatti (...) théorise l'idée qu'il peut y avoir plusieurs centres du communisme et que Moscou n'est pas forcément le pays phare (Le Nouvel Observateur,4 févr. 1974, p.33, col. 1): 5. Le «Boeuf sur le toit», les ballets russes de Diaghilev, le «Groupe des Six»: tous ces moments-phares de la vie artistique parisienne, Georges Auric, qui est mort hier à l'âge de 84 ans, y a été associé.
L'Est Républicain,24 juill. 1983, p.17, col. 1. C. − 1. Le plus souvent au plur. a) Projecteur(s) lumineux placé(s) à l'avant d'un véhicule. Phares blancs, jaunes; allumer, éteindre ses phares; faire régler, vérifier ses phares. Une motocyclette effrénée, (...) qui approche vertigineusement avec son phare et son écrasement (Barbusse, Feu,1916, p.337).Une haute automobile noire stationnait, ses phares en veilleuse (Druon, Gdes fam.,t.1, 1948, p.32): 6. Tout Paris a vu l'automobile de M. Archdeacon, portant à l'avant son phare lumineux, passer le soir sur nos boulevards, couper les cochers ébahis et inonder de ses rayons ces obscurs blasphémateurs professionnels.
La Locomotion automobile,15 oct. 1896, p.271 ds Quem. DDL t.6. ♦ Phare à iode (le plus souvent au plur.). Phare équipé d'une lampe à iode. Je n'ai essayé la voiture qu'avec des phares blancs, et j'ai trouvé que pour des phares à iode, ils n'éclairaient pas très bien (La Prévention routière,févr. 1980, p.71, col. 3). − P. méton. Lumière émise par ce/ces projecteur(s). Hypnotisé par les phares de la locomotive, il était demeuré immobile au milieu de la voie (Tharaud, Dingley,1906, p.81).Une auto passa, le double triangle de ses phares chiné de pluie (Malraux, Espoir,1937, p.758).Une bête des bois que les autos ont prise dans leurs phares (Aragon, Rom. inach.,1956, p.174). − [Dans un cont. métaph.] M. Steeg prit la parole, et d'une voix grise, sans allumer ses phares, avec des détours, mais en homme qui connaît bien le pays, il s'achemina en petite vitesse vers le centre du problème (Barrès, Pitié églises,1914, p.241).Si l'on prétend, ce qui est peut-être présomptueux, arracher le sexe à l'ombre, aux tabous, il faut l'analyser, le comprendre. Ou tout au moins le tenter. Les articles de ce numéro constituent donc autant de coups de phare et d'interrogations (Le Sauvage,avr. 1975, p.14, col. 1). b) [P. oppos. à codes et à veilleuses] Feux de route de grande intensité permettant de voir le plus loin possible. Être en phares; rouler en phares, plein phares. Sur la route, pour simplifier le passage de phare en code et vice versa, on a adopté la commande au pied par un contact (Chapelain, Techn. automob.,1956, p.312). ♦ Appel de phares. Fonctionnement court, éventuellement répété des phares pour attirer l'attention. Bientôt une bagnole américaine nous suit et se met à nous lancer des appels de phares (San-Antonio, Béru et ces dames,Paris, éd. Presses Pocket, 1969 [1967], p.196). 2. En partic. ♦ Phare antibrouillard (le plus souvent au plur.). Phare puissant dont le faisceau est dirigé vers le sol et éclaire les bas-côtés de la route. Ce carènage porte également un phare antibrouillard, placé comme il se doit (R. techn. motocycliste,juin 1949, p.38b ds Quem. DDL t.18).Les feux complémentaires, et plus particulièrement les phares antibrouillards si utiles dans la mauvaise saison, jouissent d'une grande vogue auprès du public (H. Kummel, Toute une usine électrique sur roue,Zurich, éd. Metz, 1965, p.346). ♦ Phare code ou absol. code. V. code A 2. ♦ Phare de recul. Phare de moyenne puissance placé à l'arrière de véhicule, facilitant les manoeuvres de nuit. En passant par le «phare de recul permettant les manoeuvres de nuit» et l'allume-cigarettes automatique, vous arrivez à peine à doubler le prix de la voiture sèche (P. Daninos, Sonia, les autres et moi,Paris, Plon, 1952, p.34). ♦ Girophare. V. giro-. 3. P. anal. a) P. anal. (de forme avec celle du projecteur et d'empl.). En compos. Depuis longtemps les lampes-phares, de système trop perfectionné pour la brousse, sont hors d'usage (Gide, Retour Tchad,1928, p.906).V. ailé ex. 4. b) ÉLECTRON. Lampe phare ou triode phare ou tube phare. Triode dont les électrodes sont très rapprochées pour permettre le fonctionnement aux très hautes fréquences par la réduction du temps de transit entre les électrons (d'apr. R. Chicault, Électron., Paris, éd. Techn. de l'Ingénieur, 1967, § 2140): 7. ... lorsque le temps de transit des électrons entre cathode et anode devient de l'ordre de grandeur de la période des oscillations à produire, il se produit des déphasages qui rendent impossible le fonctionnement. Deux voies s'ouvrent pour y remédier. L'une d'elles (...) consiste à fabriquer des triodes munies d'électrodes planes ou cylindriques très rapprochées: elle a conduit aux «triodes phares» qui permettent d'atteindre des longueurs d'ondes de 5 cm.
Hist. gén. sc.,t.3, vol. 2, 1964, p.278. D. − 1. Phare funéraire ou phare de cimetière. Synon. lanterne (des morts) (v. lanterne I B 1 a). 2. Phare (d'église). Grand chandelier ou lustre portant circulairement un grand nombre de lampes. [Dès les premiers siècles du christianisme] on avait donné un grand développement au luminaire des temples en réunissant sur des couronnes de métal (...) un grand nombre de lampes ou de cierges. L'ensemble prit les noms de phare, de roue; on lit dans Anastase que le pape Sylvestre fit faire un phare d'or pur (Lenoir, Archit. monast.,1856, p.137). Prononc. et Orth.: [fa:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1548 phare «tour construite à l'entrée d'un port ou à proximité d'une côte et portant à son sommet un feu servant à guider les vaisseaux pendant la nuit» (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, ch. II, p.38, ligne 5); 1636 «feu allumé au sommet d'un phare» (Monet); b) 1654 au fig. (Cyrano de Bergerac, Pédant joué, IV, 4 ds Rob.); 2. a) 1599 fare «lanterne à l'avant d'une galère» (Hornkens, Rec. de dict. françoys, espaignolz et latins, Bruxelles); 1660 phare (Oudin Esp.-fr.); b) 1896 «projecteur à l'avant d'un véhicule» ici phare d'automobile (La Locomotion automobile, loc. cit.); 3. 1690 «chandelier portant circulairement plusieurs cierges» (Fur.); 4. 1863 aviat. phares et balises de navigateurs aériens (La Landelle, Aviation, p.234 ds Guilb. Aviat., p.601); 5. 1893 phare de cimetière (DG). Empr. au lat. pharus, pharos (lui-même empr. au gr. φ
α
́
ρ
ο
ς «phare» du nom fém. Φ
α
́
ρ
ο
ς de l'île de Pharos, dans la baie d'Alexandrie, célèbre par son phare) qui a d'abord désigné le phare de Pharos puis au iers. tout phare, en partic. l'un des premiers construits en Italie, celui de Messine; ce dernier étant construit sur un détroit, son nom Faro désigna le détroit de Messine et donna en a. ital. un subst. faro «détroit» (Batt.) qu'à la faveur du commerce maritime et des croisades l'a. fr. empr. comme nom propre et nom commun au sens de «détroit (de Messine)» ca 1195 (Ambroise, Guerre sainte, 515 ds T.-L.: Meschines siet el chief de Sezille Desus le Far). Fréq. abs. littér.: 672. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 568, b) 1008; xxes.: a) 897, b) 1293. Bbg. Archit. 1972, p.176. _Ball (R. V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1975, t.43, p.52. _Quem. DDL t.6, 16. |