| * Dans l'article "PHÉNOMÉNAL, -ALE, -AUX,, adj." PHÉNOMÉNAL, -ALE, -AUX, adj. A. − PHILOS., lang. des sc. [Corresp. à phénomène I] 1. Relatif aux phénomènes; fondé sur les phénomènes. Pour savoir le sens vrai des lois phénoménales, ne faudrait-il pas connaître les corrélations qui existent entre les phénomènes et la loi d'ensemble? (Balzac, Séraphita, 1835, p.295).Dans les relations phénomènales telles que la nature nous les offre, il règne toujours une complexité plus ou moins grande (Cl. Bernard, Introd. ét. méd. exp., 1865, p.112): 1. Il est des auteurs qui assignent à la sociologie religieuse des fondations purement théologiques. Entre profane et sacré, la différence de nature exclurait les approches d'une science phénoménale, empirique.
Traité sociol., 1968, p.97. 2. Qui appartient à la catégorie du phénomène, qui est donné par l'expérience. Synon. empirique, physique2, sensible.Monde phénoménal; réalité phénoménale; caractère, plan phénoménal; apparence, diversité, existence, manifestation phénoménale. La télépathie sera (...) réduite au minimum dans un monde où l'on pense par phénomènes, où les hommes sont pratiquement assimilés eux-mêmes à des éléments phénoménaux (G. Marcel, Journal, 1919, p.168).Ainsi l'être phénoménal se manifeste, il manifeste son essence aussi bien que son existence et il n'est rien que la série bien liée de ces manifestations (Sartre, Être et Néant, 1943, p.13).V. absolu ex. 8: 2. ... dans la mort (...) il semble que notre vie se digère et s'élabore, de manière que, tout en s'effaçant sous sa forme phénoménale, elle se transforme en nous, et augmente, en passant à l'état latent, la force potentielle de notre être.
P. Leroux, Humanité, 1840, p.290. − [S'oppose chez Kant à nouménal] L'objet réel sur lequel porte la connaissance du moi est le soi nouménal (...) pour l'analyse, le soi ce n'est qu'un «concept-limite» qu'elle peut envisager, mais non pas étreindre. Sous les prises de la raison se présente le moi phénoménal, qui n'est autre que le sujet conscient tel qu'il s'apparaît empiriquement à lui-même (Mounier, Traité caract., 1946, p.524). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. L'ordre du phénoménal. [Une analyse savante] identifie d'une part l'immensité et l'éternité, la substance absolue et la cause absolue, l'absolue perfection et l'absolue unité; et de l'autre, le multiple, le phénoménal, le relatif, le limité, le fini, le borné, l'imparfait (Cousin, Hist. philos. mod., 1846, t.1, p.82). B. − Lang. cour. [Corresp. à phénomène II] Qui tient du phénomène ou qui est digne d'un phénomène. 1. Qui est extraordinaire par la taille, l'importance, les performances, l'originalité. Synon. colossal, étonnant, prodigieux, surprenant, de taille.Abondance, grosseur, proportions phénoménale(s); appétit, culot, succès phénoménal; bêtise, erreur, mémoire, performance, vigueur phénoménale. Il craignait, en mangeant et en buvant trop, de perdre la maigreur phénoménale qui était son meilleur moyen comique (Gautier, Fracasse, 1863, p.33).L'orange phénoménale n'était pas bonne à manger (Montesquiou, Mém., t.1, 1921, p.181).J'imaginais pour sa réjouissance les péripéties d'une virée phénoménale (...) de bobinard en bobinard (Céline, Voyage, 1932, p.198): 3. À l'ère des spécialistes, il faut être l'un des deux: compositeur ou bien pianiste. D'ailleurs on ne dit plus pianiste, mais virtuose, c'est-à-dire un instrumentiste capable de prouesses digitales phénoménales, se livrant à un sport toujours plus acrobatique, cette adresse étant seule garante du succès.
Écho de la mode, 8 janv. 1967, p.16, col. 1. − Fam. [Dans un propos rapporté au style dir., avec valeur superl.] Moi la danse, dit Baponot, la danse artistique bien entendu, je trouve ça phénoménal (Queneau, Loin Rueil, 1944, p.101): 4. ... nous [les enfants] devisions à voix basse, dans le cabinet de consultations. Et, soudain, Ferdinand proféra une chose étonnante: −Il [le père malade] ne va pas fort. La preuve, c'est qu'il demande à voir Paula Lescure [sa maîtresse]. Il y eut un grand moment de silence. Puis, Joseph lança tout bas, dans un souffle: −Voir Paula! C'est phénoménal! Et comment sais-tu qu'il veut voir Paula?
Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p.263. 2. [En parlant d'une pers.] Qui est remarquable, unique en son genre. Le jeune Edouard, enfant phénoménal, qui tue déjà comme père et mère (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.667): 5. La Norma [de Bellini], se poursuit aujourd'hui avec un éclat particulier grâce à Joan Sutherland. Dans une mise en scène nouvelle de Sandro Sequi, le Covent Garden en effectua une reprise où la phénoménale cantatrice britannique fait ses débuts officiels dans un rôle qu'elle n'avait qu'effleuré naguère à l'Opéra de Vancouver...
Le Figaro littér., 11 déc. 1967, p.39, col. 1. REM. Phénoménalement, adv.a) Philos. [Corresp. à supra A]
α) Par les phénomènes. La contradiction (...) entre une méthode qui veut expliquer les choses et une méthode qui décrit phénoménalement les motifs [du suicide] (J. Vuillemin, Être et trav., 1949, p.143).
β) Philos. kantienne. Par la représentation, l'apparition. Le moi se manifeste d'abord à lui-même phénoménalement (Maine de Biran, Journal, 1823, p.387).b) Lang. cour. [Corresp. à supra B] D'une manière phénoménale, exceptionnelle, remarquable. L'action menée en France par nous tous, les médias, les auteurs, la Gaumont, moi [D. Toscan du Plantier], a crédibilisé phénoménalement l'importance du cinéma (Libération, 1ermars 1985, p.3, col. 2). Prononc. et Orth.: [fenɔmenal]; plur. masc. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist.1. 1803 «qui tient du phénomène, lui appartient, y a rapport» (Boiste, avec réf. à Kant); 2. 1827 (Ac. Suppl.: qui tient du phénomène. Se dit de l'effet d'une chose merveilleuse). Dér. de phénomène*; suff. -al*. Fréq. abs. littér.: 218. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 69, b) 230; xxes.: a) 572, b) 399. DÉR. Phénoménalité, subst. fém.,philos. Nature phénoménale d'un être. Nous reconnaissons dans l'élément variable du monde interne le caractère de phénoménalité (Jouffroy, Mél. philos., 1833, p.198).Complexe inextricable et mystère insondable, ce charme fugace [le charme musical] est à la fois profond et superficiel: profond parce que l'interprète n'a jamais fini d'en dérouler les inépuisables richesses, et superficiel parce qu'il tient tout entier dans l'insécable phénoménalité de sa manière sensible (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.44).P. méton. [Avec un indéf., gén. au plur.] Être qui existe en tant que phénomène; ce qui apparaît, ce qui se manifeste. Une philosophie qui pulvérise l'être en phénoménalités subjectives, la science en impressions fuyantes, desquelles on ne peut avec assurance rien nier ni rien affirmer, n'est-ce point là au premier titre ce que tout le monde appelle scepticisme? (G. Lyon, L'Idéalisme en Angleterre au XVIIIes., 1888, p.465).− [fenɔmenalite]. − 1reattest. 1833 [éd.] (Jouffroy, loc. cit.); de phénoménal, suff. -ité*. BBG. −Quem. DDL t.26, s.v. phénoménalité. |