| PERSONNALITÉ, subst. fém. I. − [Corresp. à personne1] A. − Ce qui constitue la personne, qui la rend psychiquement, intellectuellement et moralement distincte de toutes les autres. Le goût de l'indépendance individuelle est un sentiment noble, moral, qui tire sa puissance de la nature morale de l'homme; c'est le plaisir de se sentir homme, le sentiment de la personnalité, de la spontanéité humaine dans son libre développement (Guizot,Hist. civilis., leçon 2, 1828, p.35).Il faut rendre à l'être humain, standardisé par la vie moderne, sa personnalité. Les sexes doivent de nouveau être nettement définis. Il importe que chaque individu soit, sans équivoque, mâle ou femelle (Carrel,L'Homme, 1935, p.384): 1. ... la communauté de biens, le droit au travail, l'égalité absolue, l'uniformité en toutes choses, la régularité mécanique dans tous les mouvements des individus, la tyrannie réglementaire et l'absorption complète de la personnalité des citoyens dans le corps social.
Tocqueville,Anc. Rég. et Révol., 1856, p.262. 1. Spécialement a) PSYCHOL. Fonction par laquelle un individu a conscience de son moi, perçoit l'unité de sa vie psychique et son identité dans le temps. Une personnalité douteuse, un premier détraquement nerveux, tels sont les deux faits auxquels vient s'adjoindre la diminution des certitudes religieuses et philosophiques (Bourget,Nouv. Essais psychol., 1885, p.175).La personnalité naissante est encore envoûtée par le milieu, elle ne réalise avec lui qu'une adaptation partielle, gauche et visqueuse. Elle reçoit le monde extérieur sur deux registres, le mouvement vécu et le mouvement vu: leur accord reste longtemps incertain (Mounier,Traité caract., 1946, p.338). b) PSYCHIATRIE, PATHOL. ♦ Dédoublement* de la personnalité. ♦ Personnalités alternantes. V. alternant. ♦ Personnalité hystérique. ,,Trouble de la personnalité caractérisé par une affectivité superficielle et labile, la dépendance, le besoin de se faire valoir et d'attirer l'attention, la suggestibilité et les attitudes théâtrales`` (Méd. Biol. Suppl. 1982). V. aussi hystérie, hystérique. ♦ Personnalité paranoïaque. ,,Personnalité caractérisée par un sentiment de supériorité et d'orgueil démesuré avec dédain d'autrui, une psychorigidité et une fausseté de jugement menant à un comportement agressif non sociable`` (Méd. Biol. t.3 1972). ♦ Personnalité obsessionnelle. ,,Trouble de la personnalité caractérisé par des sentiments de doute et d'incomplétude entraînant des scrupules, des vérifications, une obstination et une prudence excessive`` (Méd. Biol. Suppl. 1982). c) PSYCHOSOCIOL. Personnalité de base. ,,Configuration psychologique particulière propre à tous les membres d'une société et qui se manifeste par un ensemble de comportements communs sur lesquels les individus brodent leurs variations singulières`` (Laplantine 1974). 2. P. méton. Caractère original qui différencie une personne des autres; aspect sous lequel on la considère. Affirmer sa personnalité; avoir une forte personnalité; manquer de personnalité. Je manque de vie les trois quarts du temps et j'ai à peine assez de personnalité pour me rendre compte de ma nullité (Maine de Biran,Journal, 1818, p.105).Pour quiconque avait une fois travaillé dans son service, cet homme d'une si forte personnalité restait à jamais «le patron», celui dont on ne discute pas les ordres (Bourget,Sens mort, 1915, p.12): 2. ... la pensée de Valéry (...) ne se soucie ni de la conformité de ses idées avec le monde extérieur ni de leur cohérence entre elles. Elle entend ne connaître que les exigences de la création artistique, et encore dans ce que celle-ci a de plus changeant selon le moment et de plus particulier à la personnalité de son auteur...
Benda,Fr. byz., 1945, p.286. − P. ext. Personnalité sociale. Sa personnalité sociale, si incertaine, me devint claire aussitôt quand je sus son nom, comme quand, après avoir peiné sur une devinette, on apprend enfin le mot qui rend clair tout ce qui était resté obscur (Proust,Sodome, 1922, p.892). − P. anal [À propos d'un peuple, d'une nation] Cette fusion intime des races constitue l'identité de notre nation, sa personnalité (Michelet,Introd. Hist. univ., 1831, p.448).La France, parmi toutes les nations pourvues depuis très longtemps d'une personnalité sociale, est celle qui est le plus largement ouverte à l'immigration étrangère (Gaultier,Bovarysme, 1902, p.132). − Au fig. Personnalité du style. [Des statuaires] vont voir leurs confrères; généralement ils s'abstiennent de ces visites, afin de ne point subir une influence qui pourrait ôter quelque chose à la personnalité de leur oeuvre (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.225). B. − DR., SOCIOL. Aptitude à jouir des droits attachés à la personne et définis par la loi. ♦ Personnalité juridique. Qualité d'une personne physique ou morale à qui sont reconnus tous les droits civils (d'apr. Barr. 1974). Elle se disait sans doute que les curés n'ayant plus de personnalité juridique, elle n'avait plus à les connaître (Barrès,Cahiers, t.6, 1908, p.108).La personnalité juridique n'est reconnue aux sociétés commerciales que par leur inscription au registre de commerce (Barr.1974). ♦ Personnalité morale. ,,Aptitude reconnue à un groupement ou à un établissement institué par l'État ou un particulier d'avoir en cette qualité une existence juridique propre et d'être sujet de droit`` (Cap. 1936). Car la seule personnalité morale qui soit au-dessus des personnalités particulières est celle que forme la collectivité (Durkheim,Divis. trav., 1893, p.v). C. − Personne qui s'impose par son influence ou qui fait autorité dans un domaine précis. Personnalités éminentes, marquantes, notoires, représentatives; les principales personnalités locales; personnalités de premier plan; les principales personnalités militaires, du Gouvernement, du Parlement, de la presse, du cinéma, du monde des Lettres. Cette même personnalité diplomatique m'avait dit, d'un air motivé et sérieux, que la princesse de Guermantes lui était franchement antipathique (Proust,Sodome, 1922, p.660).Un jeune chef [Saladin] dont toute l'histoire ultérieure allait révéler le génie, homme de guerre et homme d'État de premier ordre, la plus forte personnalité qu'ait produite la société musulmane (Grousset,Croisades, 1939, p.203): 3. ... en fouillant mes souvenirs, je ne trouve chez moi, pendant toute ma jeunesse, aucun désir de devenir une personnalité de premier plan. Je n'avais que l'ambition d'une vie indépendante, où je m'occuperais paresseusement d'art et de littérature, mais en amateur et non, ainsi que cela a été, en forçat de la gloire.
Goncourt,Journal, 1895, p.873. ♦ Culte* de la personnalité. II. − [Corresp. à personnel ou à personnaliser] A. − Caractère ou comportement de celui qui est trop personnel, qui ramène tout à sa personne. Une telle absence de personnalité ne s'était peut-être jamais rencontrée; sa journée se passait sans qu'il en prît aucun moment pour lui-même: il l'abandonnait aux autres par mélancolie et par bienveillance (Staël,Corinne, t.1, 1807, p.9). B. − DR. [En parlant de choses] Caractère de ce qui est personnel. 1. FISC. Personnalité de l'impôt. Caractère de l'impôt qui tient compte de la situation particulière du contribuable quant à sa situation familiale ou à certaines de ses charges. La personnalité de l'impôt apparaît par exemple dans l'application de l'abattement à la base, dans la prise en considération de la famille du contribuable, dans l'application de la réduction et de la déduction (Romeuft.21958). 2. DR. PRIVÉ. Personnalité des lois. ,,Système juridique selon lequel plusieurs lois sont susceptibles d'être appliquées sur un même territoire, en raison de la coexistence de groupes ethniques différents`` (Jur. 1981). C. − Vieilli, rare. Attaque personnelle, trait injurieux à l'adresse de quelqu'un. Ils ne voient dans ma brochure qu'une personnalité contre Soult (Constant,Journaux, 1815, p.431).Mais Poisson s'était levé. Il s'avança et mit la main sur son coeur, en disant: −Vous me blessez, Auguste. Discutez sans faire de personnalités (Zola,Assommoir, 1877, p.735). Prononc. et Orth.: [pε
ʀsɔnalite]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. I. 1. 1481 personaltie «caractère personnel d'une action judiciaire» (Littleton, Instit., 315 ds Gdf.); 2. a) 1495 «personne, une des trois formes de Dieu» (J. de Vignay, Miroir historial, I, 3, fo13 ro); b) 1495 «ce qui constitue la personne en général, la possession de soi-même» (Id., op. cit., II, 33, fo25 ro); 1749 (Condillac, Traité des systèmes, chap.8, p.179); 3. 1697 personnalités plur. «détails personnels» (Bayle, Lettre à Le Duchat, 5 janv. ds Littré); ca 1720 «trait piquant, injurieux et personnel lancé contre quelqu'un» (La Chapelle ds Trév. 1752); 4. 1762 «caractère propre à une personne en particulier» (Ac.); 1935 avoir de la personnalité (Ac.); 5. 1767 «attachement à sa propre personne» (Marmontel, Bélisaire, VII ds Littré); 6. 1867 «personne en vue, remarquable par sa situation sociale, son activité» (Moniteur universel, 13 juin, p.734, 2ecol., ibid.); 7. dr. 1872 «qualité de personne légale» (Journ. officiel, 12 mai, p.3172, 2ecol., ibid.), 1872 personnalité civile (ibid., 15 mai, p.3254, 3ecol., ibid.); 8. 1958 personnalité de l'impôt (Romeuf). Empr. au lat. personalitas, dér. de personalis (personnel*). Fréq. abs. littér.: 2085. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1116, b) 2183; xxes.: a) 3364, b) 4722. Bbg. Gohin 1903, p.298. _ Quem. DDL t.8. |