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PAYS1, subst. masc.
Division territoriale habitée par une collectivité, et constituant une entité géographique et humaine.
A. −
1. [Dans une accept. large] Nation, État. Les pays de l'Europe, du monde; la capitale, les frontières d'un pays. Angleterre! pays charmant, vers lequel voguent les navires; frais rivages, parcs ombragés, où vont les jeunes miss promener leur mélancolie! (Toepffer,Nouv. genev.,1839, p.111).Les grands hommes d'un pays, son histoire, ses moeurs, c'est presque un langage commun aux peuples (Giraudoux,Siegfried,1928, iv, 5, p.180):
1. La passion mystérieuse avec laquelle j'avais pensé autrefois à l'Autriche parce que c'était le pays d'où venait Albertine (son oncle y avait été conseiller d'ambassade), que sa singularité géographique, la race qui l'habitait, ses monuments, ses paysages, je pouvais les considérer (ainsi que dans un atlas, dans un recueil de vues) dans le sourire, dans les manières d'Albertine... Proust,Sodome,1922, p.1119.
Région. (Canada). Les vieux pays. L'Europe. Ses vieux pays, c'était l'Angleterre, la mangeuse d'homme et d'argent (...) c'était la France (M. Trudel,Vézine,1946, p.237 ds Richesses Québec 1982, p.1752).
SYNT. Les grands et les petits pays; un pays proche, éloigné, lointain; les pays étrangers; les pays méridionaux, septentrionaux, occidentaux, orientaux; les pays germaniques, latins, scandinaves; le beau pays de France; les habitants, les naturels d'un pays; la langue d'un pays; entrer dans un pays; découvrir, visiter, quitter un pays.
2. [Dans une accept. restreinte]
a) Partie plus ou moins étendue d'une nation: province, région, canton. Habitudes, traditions d'un pays; vin* de pays. Le ciel (...) sourit toujours en Touraine, où les automnes sont magnifiques. Dans ce pays hospitalier, les vendangeurs sont nourris au logis (Balzac,Lys,1836, p.124).Je voudrais que vous puissiez voir l'émotion éphémère, j'en suis convaincu, obtenue par ces mesures dans un pays comme la Lorraine (Barrès,Cahiers, t.5, 1907, p.102):
2. [Il y avait dans la France agricole du xixesiècle une] immense diversité des poids et mesures basés tantôt sur la journée de travail (le journal de terre de nos trisaïeuls), tantôt sur l'animal de trait (la bovée) ou sur la quantité de semences employées (la seterée) (...). Les usagers de ces mesures archaïques se claquemuraient existentiellement en petites unités régionales, les pays [it. ds le texte]. Ceux-ci sont assimilés aujourd'hui encore aux pagus, ou pagi de l'ancienne Gaule. Le Matin,8 juill. 1983, p.25, col. 1.
Pays + subst. ou adj.
Pays de + nom propre (formant des noms géographiques)Pays d'Auge, de Caux, de Galles. Le pauvre et peu industrieux Valaisan est resté catholique, le pays de Vaud protestant (Michelet,Journal,1830, p.75).
Pays + adj. tiré d'un nom propre désignant une ville, une province, etc.Pays basque, breton, niçois. Une fête de village dans le pays messin. Le dimanche, on danse; le lundi matin, il y a une messe pour les parents (Barrès,Cahiers, t.5, 1906, p.279).De grands monuments sur lesquels plane un souffle d'art singularisent aujourd'hui les contrées du limon et de la brique. Le pays toulousain s'oppose aux pays bordelais (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.162).
Loc. et expr.
Battre, courir le pays. Parcourir toute la région (dans un but d'exploration, de recherche). Les garnisons de Lens, d'Hesdin et des autres forteresses couraient le pays, arrêtaient les convois, gênaient l'armée du roi (Barante,Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.9).On battait tout le pays pour le rendre intenable aux réguliers chinois (Mille,Barnavaux,1908, p.156):
3. En quittant le coron (...), Catherine était allée à Montsou par le pavé. Depuis l'âge de dix ans, depuis qu'elle gagnait sa vie à la fosse, elle courait ainsi le pays toute seule, dans la complète liberté des familles de houilleurs... Zola,Germinal,1885, p.1242.
(Agir, se conduire) comme en pays conquis. Nous sommes dans la salle de travail, les étrangers ne peuvent pas s'y installer comme en pays conquis... Vous y viendrez à votre tour... (Curel,Nouv. idole,1899, ii, 1, p.191).
(Être, se trouver) en pays inconnu. Être environné de personnes, de choses que l'on ne connaît pas. Anton. en pays de connaissance.Le concert commença, je ne connaissais pas ce qu'on jouait, je me trouvais en pays inconnu (Proust,Prisonn.,1922, p.249).En pays de connaissance. Anton. en pays inconnu.Je cessai bientôt de m'interroger parce que j'avais l'impression d'être en pays de connaissance (Sartre,Nausée,1938, p.166).
Gagner (du) pays (vieilli). Faire du chemin, gagner du terrain. Prompt comme l'éclair [le lièvre], gagne pays, et puis s'arrête (Florian, Fables,1792, p.110).
Tirer pays (vieilli, pop.). S'enfuir. (Dict.xixeet xxes.; J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., 1813, p.101).
Voir du pays. Effectuer de longs et lointains déplacements. Tu vas me suivre. −Quitter ma maison, je lui dis. −Cognac, il me dit, tu es jeune. Tu verras du pays et de la rigolade (Salacrou,Terre ronde,1938, ii, 1, p.173):
4. ... nous allons loin cette fois (...). On dit que le Petit Tondu, il nous emmène chez le Grand Mogol, quoi! au fin fond des Asies, en passant par chez les Cosaques et le Grand Turc... Ah! la la, on va en voir du pays; on va en manger des drôles de soupes... Adam,Enf. Aust.,1902, p.51.
Au fig. Faire voir du pays à qqn. Lui donner beaucoup de travail, lui faire éprouver de nombreux tourments. Synon. en faire voir (de toutes les couleurs*).Et pour faire voir du pays à monsieur Fiodor, laissez-moi rire! Un homme de cette espèce-là, caressant et rusé comme une femme, aussi féroce qu'un petit chat! (Bernanos,Joie,1928, p.617).
À vue de pays. Sans connaître précisément la route à suivre, en se repérant sur le seul aspect des lieux. (Dict.xixeet xxes.).
Au fig., vieilli. Au jugé, d'une manière approximative. Synon. à vue de nez*.[Gobseck] pesa les pierres en évaluant à vue de pays (et Dieu sait comme!) le poids des montures (Balzac,Gobseck,1830, p.413).Quant à l'Académie (...) j'estimais à vue de pays que, du train dont nous y allons et pour peu que nous mourions encore, il [M. de Pontmartin] avait chance d'y arriver à son tour (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.3, 1862, p.46).
b) Petite ville, village. Synon. fam. bled, coin, patelin.Le curé, l'instituteur du pays; habiter un petit pays, un pays perdu; rentrer au pays; c'est la fête au pays. Bien des filles du pays eussent voulu épouser ce bel homme; mais lui (...) les avait toutes évincées (Châteaubriant,Lourdines,1911, p.57).On pénétrait dans le petit pays où il y avait quelques maisons, une usine de limonade et une gare de marchandise (Triolet,Prem. accroc,1945, p.226):
5. ... elles passent, l'une après l'autre, la revue de tous les gens du pays qui auraient pu faire le coup... Il se trouve qu'il y en a des tas... Tous ceux-là qu'elles détestent, tous ceux-là contre qui elles ont une jalousie, une rancune, un dépit... Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p.165.
c) P. anal. Grande ville, quartier d'une grande ville. Le pays Mouffetard a ses coutumes propres et des lois qui n'ont plus ni sens ni vigueur au delà du fleuve Monge (Duhamel,Confess. min.,1920, p.55).Curieux pays que Paris, où tous les possibles sont concevables, toutes les expériences permises (Schaeffer,Rech. mus. concr.,1952, p.74).
Pays latin (vieilli). Quartier latin. Un étudiant passait-il par là pour gagner le pays latin, sa vive imagination lui faisait comparer cette vie obscure et végétative à celle du lierre qui tapisse de froides murailles (Balzac,Double fam.,1830, p.227).Ici [dans la rue Guy-de-la-Brosse] ne demeurent que de petits rentiers (...) des étudiants désireux d'étudier, de tout jeunes gens de lettres qui redoutent autour de leur solitude les tentations du pays latin (Bourget,Disciple,1889, p.12).
3. En partic. [Le pays est envisagé d'après différents points de vue, dans une accept. large ou restreinte]
a) [Du point de vue de sa géogr. phys.] Pays tempéré, de montagnes. Nous étions alors en novembre: le temps des pluies froides dans ces pays de plaine, où les vents de mer amènent sans cesse le brouillard (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t.2, 1870, p.239).Les gens du Nord appellent la Provence un pays chaud... (Colette,Naiss. jour,1928, p.31):
6. ...le contraste s'accuse entre le haut-pays dont le sol friable couvert d'une couche de terre noire a permis de pratiquer des clairières agricoles, et le bas-pays où la forêt de pins et de sapins, encore dominante, n'est interrompue que par des lacs et des marécages. Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.189.
Le plat(-)pays. V. plat1I A 1 b.
La Flandre. Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le coeur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent d'est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien (J. Brel, Le Plat paysds J. Clouzet, Jacques Brel, Choix de textes, 1964, p.121).
SYNT. Pays accidenté, sauvage; pays pluvieux, du soleil; pays de forêts, de lacs; pays(-)bas, pays(-)haut; une étendue de pays.
Arg. (Les) pays-bas. Postérieur, sexe de la femme. (Ds France 1907, Cellard-Rey 1980).
P. méton. (Un, une) pays(-)chaud. Personne originaire d'un pays chaud. Il n'y entend rien [à la jalousie], votre Shakespeare. Son Othello n'est pas un jaloux, c'est un nègre, un pays chaud, passionné, brutal, rien de plus (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p.89).J'ai voulu, la première année de notre mariage, secouer ma silencieuse oisiveté de petite pays-chaud (Colette,Cl. s'en va,1903, pp.8-9).
b) [Du point de vue de son écon.] Pays fertile, industriel, en voie de développement; ressources d'un pays. On peut tourmenter impunément les hommes, mais on ne peut jamais les contraindre à ce genre de travail qui fait la richesse des pays agricoles (Baudry des Loz.,Voy. Louisiane,1802, p.336).L'industrie suisse est à la veille de grandes souffrances, les impôts vont aller toujours augmentant, le pays quoi qu'on en ait dit quelquefois est pauvre (Gobineau,Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p.155):
7. ... l'inégalité dynamique entre les économies nationales (...) se prolonge par les formes nouvelles de compétition internationale dont font usage les grandes économies modernes. Celles-ci implantent dans des pays développés ou dans des pays à croissance retardée, des «blocs d'investissement» et des ensembles industriels. Perroux,Écon. XXes.,1964, p.189.
SYNT. Pays avancé, développé, florissant, neuf, prospère, riche; pays sous-développé, en voie de développement; pays de chasse, de pêche, de culture, d'élevage; pays exportateur, importateur; mise en valeur, modernisation du pays; balance commerciale, revenu national d'un pays.
Du pays.[En parlant d'une production, alimentaire notamment] Qui provient de la région dont il est question. Jambon, vin du pays; produits du pays. Les mousselines, les draps fins, ont dégoûté des toiles et des étoffes du pays (Dusaulx,Voy. Barège, t.1, 1796, p.84).Le pâté d'Armagnac, massif, fait à la graisse d'oie, garni de prunes du pays, croustillant et onctueux à la fois (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.163).
(C'est le) pays de (qqc.). Le pays, la région est réputé(e) pour telle ou telle production.
[Le compl. désigne une chose concr.] Le Bordelais est le pays des grands vins; la Hollande est le pays des tulipes:
8. Lorsque les hommes commencèrent à entrer en rapport par delà la barrière montagneuse qui borde la Méditerranée, le Sud représenta pour l'ultramontain le pays des fruits, de même que, par une généralisation semblable, l'Europe centrale apparut au méditerranéen comme le pays des forêts. Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.81.
[Le compl. désigne une réalité abstr.] Angoulême, ce pays de plaisir, de bon temps et de rien-faire... (Michelet,Journal,1835, p.175).Daudet revenait sur cette idée que le Midi n'est pas le pays de la couleur des images (Goncourt,Journal,1894, p.544).
P. métaph. La poésie populaire est le pays de la licence, de toutes les licences; on pourrait même dire que la licence est la seule vraie règle de sa versification (Gourmont,Esthét. lang. fr.,1899, p.265).
c) [D'un point de vue admin., jur., pol.] Pays démocratique, multinational; la juridiction d'un pays; gouverner un pays. Si la loi du pays prescrit la peine de mort pour tout vol domestique, tout domestique sait que s'il vole son maître, il s'expose à la mort (Maistre,Soirées St-Pétersb.,t.1, 1821, p.248).Le mot d'ordre de l'URSS est de rejoindre et de dépasser les pays capitalistes les plus avancés (Nizan,Conspir.,1938, p.66):
9. Les dispositions de la présente loi peuvent être invoquées par l'auteur de toute oeuvre littéraire, scientifique ou artistique publiée pour la première fois sur le territoire français ou sur le territoire des colonies françaises, des pays de protectorat ou placés sous mandat français. Civilis. écr.,1939, p.16-12.
SYNT. Pays communiste, républicain, socialiste, totalitaire; administrer, diriger, gérer (les affaires d')un pays; législation, parlement d'un pays; monnaie du pays, structures du pays.
HISTOIRE
Pays de concordat. Province où les bénéfices étaient soumis au concordat passé entre François 1eret Léon X. (Dict.xixes.). Anton. pays d'obédience*.
Pays coutumier, de coutume. Province régie par des coutumes locales. (Dict.xixeet xxes.).
Pays de droit écrit. Province où l'on suivait le droit romain. V. emphythéose ex.
Pays d'élection(s)*.
Pays d'états. Province où les impôts étaient décidés par l'assemblée des états provinciaux. La France (...) resta (...) divisée en «pays d'élections», où l'intendant, maître de sa généralité, ne redoutait que le parlement, et en «pays d'états», où il lui fallait compter avec les états provinciaux qui accrurent leur autonomie (Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.107).
Pays de franc-salé*. Le bassin de Laval, cette marche du Maine, fut, avant la Révolution, la limite entre les pays où se percevait la gabelle, et la Bretagne, pays de franc-salé, qui en était exempte (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr.,1908, p.324).
Pays de grande, de petite gabelle*. Cette ancienne marche frontière entre pays de grande et de petite gabelle, abrutie durant des siècles par une surveillance et une répression féroces (H. Bazin, Vipère,1948, p.16).
Pays d'imposition. Province qui n'avait ni élections ni états, et où les intendants administraient les impôts. (Ds Lar. 20e-Lar. Lang. fr.).
Pays de nantissement.*
Pays d'obédience*. Anton. pays de concordat (v. supra).
Pays de sapience. La Normandie (en raison de la sagesse de sa coutume). (Dict.xixeet xxes.).
d) [D'un point de vue intellectuel, relig.] Pays civilisé, policé; pays catholique, islamique, protestant; littérature, vie culturelle du pays. Sur les moeurs de l'Angleterre pays qu'il aime, comme pays de liberté, il nous cite ces curieuses anecdotes (Goncourt,Journal,1865, p.130).Je viens d'un pays barbare. Nous ne sommes chrétiens que depuis le douzième siècle (Audiberti,Mal court,1947, ii, p.171):
10. ... quand leurs conquêtes [des Romains] se furent étendues en Afrique, en Sicile et en Grèce; quand ils se furent régalés aux dépens des vaincus dans des pays où la civilisation était plus avancée, ils emportèrent à Rome des préparations qui les avaient charmés chez les étrangers, et tout porte à croire qu'elles y furent bien reçues. Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p.264.
B. − Nation, région à laquelle on appartient par la naissance (la relation d'appartenance étant généralement indiquée par le possessif).
1. [Dans une accept. large] Nation d'origine, patrie. Pays d'origine; pays natal; la gloire, le salut du pays; défendre, sauver son pays; être au service de son pays; mourir pour son pays. Je ne crains rien tant, s'il s'agit de patriotisme, que de paraître enfler la voix; nos meilleurs motifs d'aimer et de servir notre pays sont d'ordre pratique, presque tangibles et, si je puis dire, personnels (Barrès,Cahiers, t.5, 1906, p.267).Rappelez-vous la formule finale du serment olympique: «... pour l'honneur de notre pays et la gloire du sport» (J.-R. Bloch, Destin du S.,1931, p.128):
11. Comment! Cette Angleterre que vous chérissez tant, votre pays, celui de vos braves aïeux, cette terre que vous appelez depuis que vous êtes au monde!... Vous ne voulez plus rien faire pour elle?... Être rien pour elle?... Vous l'oubliez? Gobineau,Pléiades,1874, p.46.
2. [Dans une accept. restreinte] Province natale, village natal. Rentrer, retourner au pays, dans son pays. Nous avions déjeuné avec un jeune homme qui retourne dans l'île de Ré, son pays, après avoir fait un tour en Allemagne (Michelet,Journal,1835, p.171).C'est un Breton qui revient au pays natal Après avoir fait plusieurs mauvais coups (Prévert,Paroles,1946, p.79).
3. Loc. et expr.
(Avoir) le mal*, la maladie* du pays. Un homme dans un bouge assommant à coups de rouge le mal du pays (Prévert,Paroles,1946p.283).
(C'est un) enfant du pays. (C'est une) personne originaire du village, de la localité. Mais mon village qui n'avait pas vu naître Voussard (...) ne voulut pas l'adopter. Même à l'ancienneté, Voussard ne gagna point son grade d'«enfant du pays» (Colette,Mais. Cl.,1922, p.170).
(Entendre) causer, parler du pays (fig.). (Se faire) prendre à partie de façon brutale. Il y a eu beau tapage une minute passée (...). Ils se sont causé du pays un bon coup (Aymé,Jument,1933, p.288).
Être bien de son pays (fig., vieilli). Ne rien connaître du monde, être simple, naïf. De quel pays venez-vous? D'où sortez-vous? Vous me paraissez bien de votre pays avec les majorités que vous vous promettez (Mérimée,Lettres Panizzi, t.1, 1861, p.173).
Nul n'est prophète* en son pays.
C. − P. méton.
1. Ensemble des habitants, des citoyens d'une nation. Il faut dire la vérité au pays; le pays se prononce par un vote; le pays fête son héros. Aujourd'hui, vous avez pour vous l'opinion publique, les magistrats, le pays tout entier qu'on insulte, qu'on outrage, qu'on veut tyranniser (Scribe,Bertrand,1833, iv, 6, p.203).Le gouvernement va demander au pays un effort énorme (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p.160):
12. Malgré l'abomination des temps, un garçon de plus n'était pas de trop, chez le père Fouchard, dont les affaires prospéraient. Tandis que râlait le pays entier, saigné aux quatre membres, il avait trouvé le moyen d'élargir (...) son commerce de boucher ambulant... Zola,Débâcle,1892, p.504.
Pays légal
HIST. [Sous la monarchie censitaire] ,,Ensemble des citoyens qui remplissent les conditions du cens électoral, par opposition à suffrage universel`` (Littré). V. aussi légal ex. 3.
,,L'ensemble des citoyens disposant du droit de vote et les gouvernants choisis par ces citoyens`` (Debb.-Daudet Pol. 1981). Il y a une contradiction espagnole. Face au «pays légal», bloqué, il y a un «pays réel», fluide (L'Express, 12 avr. 1976, p.82, col. 2).
Pays réel. ,,L'ensemble des individus d'une nation qui, soit ne peuvent exprimer leurs choix politiques (absence de droit de vote), soit sont en désaccord avec les gouvernants en place`` (Debb.-Daudet Pol. 1981). Le gouvernement de Vichy, à la fin de la guerre, correspondait au pays légal mais non au pays réel (Debb.-Daudet Pol. 1981).Il est parfois question de «pays réel» derrière le «pays officiel»; on pourrait parler de même du XIXesiècle (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.155).
2. Tout le pays. Population d'un village, d'une région. Ainsi raisonnait ce bon curé, regretté de tout le pays (Courier,Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p.144).L'exode était attendu. Tout le pays se mettait aux portes (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.176).
D. − P. anal. ou au fig. Domaine fabuleux, irréel, généralement peuplé d'êtres et de choses imaginaires, rêvés. Le pays des songes; Alice au pays des merveilles (de Lewis Carroll). La musique (...) les soulevait ensemble au pays du rêve, sur les ailes sans cesse élargies du rythme (Zola,Joie de vivre,1884, p.888):
13. ... peu à peu, l'Espagne de ma carte devenait, sous la lampe, un pays de contes de fées. Je balisais ce fermier, ces trente moutons, ce ruisseau. Je portais, à sa place exacte, cette bergère qu'avaient négligée les géographes. Saint-Exup.,Terre hommes,1939, p.145.
Pays bleu. Pays du rêve, de l'idéal (radieux comme le ciel bleu). Ô Lune (...) Du haut des pays bleus où, radieux sérail, Les astres vont te suivre en pimpant attirail (...) Vois-tu les amoureux (...)? (Baudel.,Fl. du Mal,1857, p.146).Voilà des petits garçons qui sont des conquérants et des petites filles qui sont des héroïnes (...). Ils sont venus (...) de la Grèce et de Rome, et des pays bleus, pour danser ensemble (A. France,Nos enfants,1887, p.10).
Pays de Cocagne*.
Pays du Tendre*. [P. allus. au pays allégorique imaginé par Mllede Scudéry au xviies.] De grands bourgeois (...) eux aussi rêvent à Mllede Scudéry, au pays du Tendre, dont ce quartier était autrefois la capitale, à l'élite des précieuses (Fargue,Piéton Paris,1939, p.114).
Prononc. et Orth.: [pei], [pεi]. Littré, DG, Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Warn. 1968 ont un [j] de transition, le plus souvent en combinaison avec [ε]. Ainsi Barbeau-Rodhe 1930: [pei], [pεji] et Warn. 1968: [pεi], [pεji] dans un ,,parler de ton soutenu``, [pei] dans le ,,parler courant``. Passy 1914, en revanche, [pei], [peji]. Martinon Comment prononce 1913, p.190, croit à la plus grande fréq. des prononc. sans [j]. Ac. 1694: pais, pays; dep.1718: pays. Étymol. et Hist.1. 2emoitié xes. «région géographique habitée, plus ou moins nettement délimitée» (St Léger, éd. J. Linskill, 211: Tuit li omne de ciel païs, trestuit apresdrent a venir; Et sancz Lethgiers lis predïat); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 182: Est vus l'esample par trestut le païs, Que cele imagine parlat pur Alexis); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1859: Si lungement tuz tens m'avez servit, A oes Carlon si granz païs cunquis; 2333: Cunquis l'en [Charlemagne, par Durendal] ai païs e teres tantes...); début xiies. (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1821: Ja nuvele vait par païs [per partes terrarum] Que venuz est de paräis); 2. «division territoriale considérée des points de vue géographique et humain» a) ca 1100 désigne l'Espagne (Roland, 17, 134, 266); id. la Barbarie (ibid., 1236); id. la France (ibid., 1861); ca 1200 (Jean Bodel, Saisnes, éd. F. Menzel et E. Stengel, 352: Alemaingne ont destruite le grant païs plenier); fin xives. li païs d'Engleterre (Jean Froissart, Chron., II, § 5, éd. S. Luce, t.9, p.6); av. 1514 pais de Savoie (J. Lemaire de Belges, Exploration de pitié ds OEuvres, éd. J. Stecher, t.4, p.173); b) 1315 selonc la coustume du pay (Cart. du Mont-S.-Mart., B.N. lat. 5478, fol. 132 rods Gdf. Compl.); 1532 pays d'Anjou (Bourdigné, Faifeu, 22 ds Hug.); 3. contrée, territoire auquel on appartient, dont on est originaire ou dont on a la charge; patrie «ca 1100 (Roland, 3207: Jo [l'émir Baligant] vos durrai un pan de mun païs); début xiies. (Benedeit, op. cit., 777: Puis revendras en tun païs [ad patriam tuam redibis], Ileoc muras ù tu nasquis); ca 1170 (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 70: ...S'en vait li ber en sun païs Veeir sun pere e sun seignur); ca 1200 (Chastelain de Couci [?] Chanson, éd. A. Lerond, XXV, 5: Cascuns pleure sa tere et son païs Quant se depart de ses carnels amis); 1269-78 p.ext. (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5004: Mout est chetis e fols naîs Qui croit que ci soit ses païs: N'est pas vostre païs en terre, Ce peut l'en bien des clers enquerre Qui Boëce De Confort lisent); loc. a) 1611 péj. estre bien de son païs «avoir la simplicité, la rusticité de son terroir» (Cotgr.); b) du pays, de pays «du terroir dont on parle» 1671 langage du païs; raisins du païs (Pomey); 1798 vin de pays (Ac.); c) 1718 avoir la maladie du pays «en avoir la nostalgie» (Ac.); 4. p.ext. a) ca 1130 désigne l'enfer (Li Ver del Juise, 68 ds T.-L.: en enfer... lo doleros païs; b) «domaine attribué à différentes réalités ou abstractions» 1643 (Corneille, Menteur, I, 1: Le pays du beau monde et des galanteries [les Tuileries]); 1668 (La Fontaine, Fables, III, 1: La feinte est un pays plein de terres désertes); 5. «contrée, région géographique considérée des points de vue physique, climatique» a) 1160-74 plain païs «terrain ouvert, rase campagne» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1056); 1376 plat païs (Modus et Ratio, 246, 33 ds T.-L.); b) 1256 caus paiis; froit paiis (Régime du corps de A. de Sienne, 50, 9: 50, 12 ds T.-L.); 1377 fort païs, bon païs «pays boisé» (Gace de La Buigne, Deduis, 9091; 10119); 6. ca 1274 «ensemble de gens habitant une contrée» (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 3272: Tous li païs i ert venus conmunaument; 3312: ...tres-tous li païs contre li acoroit); 7. «partie d'une nation considérée par rapport à certaines particularités administratives, économiques...» 1355 pays coustumier (Traité entre Charles de Navarre et Jean roi de France ds Isambert, Rec. gén. anc. lois fr., t.4, p.738: bounes genz... de la Languedoïl et du pays coustumier); 1510 pays de droit écrit (Coutume d'Auvergne ds Nouv. coutumier gén. éd. Bourdot de Richebourg, t.4, p.1174a); 1690 pays d'Estats; pays d'Election (Fur.). Du b. lat. pagensis propr. «habitant du pagus, du canton» (2emoitié vies., Grégoire de Tours ds Blaise Lat. chrét.); «compatriote» (fin viiie-déb. ixes., Capit. Car. Magni ds Blaise Latin. Med. Aev.); «paysan, campagnard» (ixes., Agobard, ibid.) cf. paysan*. Pagensis a, dans ces sens, évincé paganus (autre dér. de pagus, v. de mot) lorsque ce dernier désigna les païens (v. ce mot). La désignation du «pays» par pagensis s'explique prob. par sa qualification, dans un 1ertemps, d'un subst. désignant un territoire: ager, territorium... (Few t.7, p.471b). Bbg. Dub. Pol. 1962, p.370. _Quem. DDL t.13, 14. _Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Paris-Bruxelles, 1975, p.81, 84.