| PAUVRE, adj. et subst. I. − [En fonction d'épith., l'adj. est placé derrière le subst.] A. − [En parlant d'une pers. ou d'un ensemble de pers.] Dont les ressources sont insuffisantes, qui possède à peine le strict nécessaire pour subvenir à ses besoins, qui a très peu d'argent. Synon. fauché (fam.), nécessiteux, ruiné.Pauvre et misérable; classes pauvres. J'étais si pauvre que, si j'avais dû payer mon billet de chemin de fer pour le Cotentin, je n'y serais certainement pas allé (Billy,Introïbo,1939, p.172): 1. De qui le père du médecin tenait-il sa fortune? Était-il propriétaire, ou seulement usufruitier? S'il était riche, qu'on explique sa richesse; s'il était pauvre, comment a-t-il pu subvenir à une dépense si considérable?
Proudhon,Propriété,1840, p.235. − [P. allus. au personnage biblique] Pauvre comme Job. Très pauvre. Un jeune étudiant, candide, beau, doué d'une âme artiste et passionnée, mais pauvre comme Job (...) lui conta des douceurs et la mit à mal (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels,1883, p.12). − Traiter qqn en parent* pauvre. − Empl. subst. masc. Personne qui n'a vraiment rien pour vivre, qui est dans la misère. Synon. indigent, misérable, miséreux.Il hésita s'il donnerait dix ou vingt sous, prit entre ses doigts vingt sous, puis les changea pour dix sous quand il vit que le pauvre avait les mains propres, ce qui lui parut indiquer que l'homme avait de l'argent (Montherl.,Célibataires,1934, p.855).[Ils] avaient tous (...) signé le document. La tante Torture aussi, stupidement mariée à un pauvre, veuve de ce pauvre et fidèle au souvenir de ce pauvre! Alors, que venait maintenant réclamer cette indigente? (H. Bazin, Vipère,1948, p.76). Rem. Le subst. est plus fort que l'adj.; un pauvre (au fém. une pauvresse*) ne vit que de charité. − Empl. subst., au plur. L'ensemble des gens pauvres. Donner aux pauvres; secourir les pauvres; quête pour les pauvres; les pauvres de la paroisse. Dieu a choisi les pauvres pour leur donner en héritage le royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment (Théol. cath.t.4, 11920, p.1022).Une bonne femme parlant toujours (...) de ses tricots, de ses éternels tricots pour les pauvres. C'est drôle comme les pauvres ont éternellement besoin de tricots. On dirait qu'ils n'ont besoin que de tricots (Anouilh,Antig.,1946, p.209): 2. Le grignotement des riches par les pauvres: voilà le type de ces maux dont on ne parle pas! Tout pour les pauvres, toujours! Quand les trois quarts des pauvres sont pauvres parce qu'ils le veulent bien!
Montherl.,op.cit.,p.864. ♦ Nouveaux pauvres. V. nouveau. ♦ Pauvres honteux. Personnes indigentes qui n'osent pas mendier. [Les mendiants] sont des fainéants, mais il y a les pauvres honteux, et ceux-là sont à plaindre. Il y en a partout; ils se cachent, et ils souffrent plutôt que de demander (A. France,Vie fleur,1922, p.290).V. honteux ex. de Balzac. ♦ (Bienheureux* les) pauvres en esprit. J'ai surtout relu l'Évangile, en priant Dieu avec ardeur de me donner la soumission des pauvres en esprit (Coppée,Bonne souffr.,1898, p.16). ♦ Petites soeurs des pauvres. [Nom d'une congrégation religieuse] Je croise (...) un carrosse de harem fermé comme un cercueil, quatre persans coiffés d'astrakan, deux pompes à incendie qui galopent (...) trois derviches, un évêque bulgare, deux petites soeurs des pauvres (Farrère,Homme qui assass.,1907, p.15).[Précédé d'un adj. poss.] Personnes indigentes prises en charge par quelqu'un. Avoir ses pauvres. Pardon!... qu'il nous demande... c'était pour mes petits pauvres... pour mes aveugles! pour mes petits-sourds-et-muets... Il supplie qu'on le laisse quêter (Céline,Mort à crédit,1936, p.529). − Empl. générique. Assurer du travail au pauvre. J'aime à voir glaner le pauvre. Laissez-lui quelques épis de plus. Laissez à l'indigent une part des moissons (Chênedollé,Journal,1823, p. 126): 3. Dans la lutte éternelle que la société amène entre le pauvre et le riche (...), il y a deux observations à faire: la première est que leurs actions, leurs discours sont évalués à des mesures différentes, à des poids différents...
Chamfort,Max. et pens.,1794, p.79. Rem. On trouve dans la lang. littér. des ex. où l'adj. est antéposé: Il n'y a que les pauvres gens qui donnent, parce que l'habitude du besoin leur a enseigné la pitié (Nodier, Fée Miettes, 1831, p.160). − P. méton. ♦ [En parlant d'un lieu] Qui est habité, occupé par des personnes sans ressources, sans revenus. Il m'est arrivé, dans les quartiers pauvres de Paris, de voir soudain, descendu dans la rue, séparé par des agents intervenus dans la bataille, un ménage qu'on croyait heureux, uni, honnête (Alain-Fournier,Meaulnes,1913, p.294). ♦ [En parlant d'un pays] Dont la situation financière ou économique n'est pas prospère. Synon. sous-développé.Il est devenu banal de classer les pays selon l'importance décroissante de leurs revenus nationaux par tête. Les écarts entre les pays les plus pauvres et les pays les plus riches peuvent alors s'étager de 1 à 20, 30 ou 40 (Univers écon. et soc.,1960, p.8-2). B. − [En parlant d'une réalité concr.] 1. Qui n'a pas de valeur, qui a peu de valeur, de prix, qui dénote des ressources très modestes. [La chambre] était une espèce de galetas assez spacieux meublé d'un matelas posé à terre, d'une table et de quelques chaises (...). Le réverbère du boulevard éclairait vaguement cet intérieur pauvre (Hugo,Misér.,t.1, 1862, p.522).Au bout d'un long mur il avisait une maison pauvre: deux fenêtres en haut, une fenêtre en bas et la porte (Jouve,Paulina,1925, p.254).Quelque modeste que soit un vêtement, quelque pauvre que soit une toilette, si le linge d'une personne est en bon état, s'il est d'une irréprochable propreté, cette personne est de mise convenable (Lar. mén.1926, p.752). 2. Qui est insuffisant, en quantité trop faible. Dieu peut vous rendre plus que vous n'avez perdu; nos biens sont fort pauvres en comparaison de ses richesses (Cottin,Mathilde,t.2, 1805, p.300).Bien des femmes pensaient à un Bonaparte en le voyant [M. Barrès] tel que je le peignis à vingt-cinq ans, les cheveux pauvres et plats, la peau olivâtre, maigre, en veste grise (Blanche,Modèles,1928, p.3).L'étroite fenêtre ne laisse passer qu'une lumière pauvre, encore assombrie par les sapins proches (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1362). 3. Qui contient, qui renferme une faible quantité d'éléments d'une seule sorte ou de plusieurs. Minerai pauvre. Mangée de chlorose, trop grande pour ses douze ans, elle avait la laideur molle et bouffie, les cheveux rares et décolorés de son sang pauvre (Zola,Terre,1887, p.50).V. intra-muros ex. de Macaigne. − Pauvre en + subst.Qui n'a guère de. Sol pauvre en humus; roches pauvres en alcalis; crâne pauvre en cheveux. Il existe 73 000 écoles élémentaires publiques, qui sont habituellement très pauvres en livres (Civilis. écr.,1939, p.46-7).L'Espagne était pauvre en refuges; je craignais, en face de la panne menaçante, de ne pas savoir où chercher l'accueil d'un champ de secours (Saint-Exup.,Terres hommes,1939, p.143).Les viandes sont très pauvres en calcium, mais elles sont riches en phosphore (Lalanne,Alim. hum.,1942, p.70). − Pauvre de + subst.Il restait replié sur lui-même, encore trop pauvre de sang pour se dépenser au dehors (Zola,Faute Abbé Mouret,1875, p.1330).Devant les organismes patronaux, les syndicats de salariés sont pauvres de ressources, mais aussi d'hommes (Reynaud,Syndic. en Fr.,1963, p.131). − Spécialement ♦ AGRIC. [En parlant du sol] Peu fertile, qui donne peu. Terrain, zone pauvre. Les montagnes peu élevées d'abord que nous traversons sont entièrement nues et presque désertes. Le sol en général est pauvre et stérile (Lamart.,Voy. Orient,t.2, 1835, p.196).Usure des terres pauvres par la monoculture du pin (Forêt fr.,1955, p.8). ♦ CHIM. et INDUSTR. CHIM. Gaz pauvre. Mélange gazeux obtenu en brûlant du carbone en présence d'air, de manière à former de l'oxyde de carbone, de formule CO (d'apr. Encyclop.Sc. Techn. t.2 1970, p.653). Synon. gaz* à l'air.Moteur à gaz pauvre. On donne le nom de gaz pauvre au gaz obtenu par la combustion du charbon en présence d'un gros excès de combustible (...). Le gaz pauvre contient (...) théoriquement un tiers d'oxyde de carbone et deux tiers d'azote (Dupont,Bois carburant,1941, p.48): 4. Carburant national (...), le «gaz des forêts» (c'est-à-dire le gaz pauvre produit par des gazogènes à bois ou à charbon de bois) va tenir une grande place parmi les carburants de remplacement.
Tinard,Automob.,1951, p.359. Mélange pauvre. ,,Mélange gazeux qui contient une quantité insuffisante de vapeurs inflammables`` (Soé-Dup. 1906). ♦ GÉOL. [En parlant de couches minérales] Qui contient peu d'éléments exploitables. Gisement, filon pauvre. Différentes couches (...), localement bien distinctes et séparées par des intercalaires stériles ou pauvres, peuvent être jointives à certains endroits (D.C.F.G.1976). C. − Au fig. 1. Peu fourni, dont le contenu est insuffisant. Son stock de citations latines était assez pauvre, suffisant d'ailleurs pour émerveiller ses élèves (Proust,Sodome,1922, p.1072).[Le paysan] pense peu et mal dans la pensée articulée, où son vocabulaire est pauvre (Mounier,Traité caract.,1946, p.85): 5. Elle eût voulu dire, expliquer tout ce qu'il avait fait, l'appui qu'elle avait trouvé en lui, mais ces choses-là ne s'expliquent pas ainsi tout d'un coup. Les mots sont trop pauvres, elle ne trouvait rien que des phrases banales, des répétitions dont elle sentait elle-même le vide...
Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.244. ♦ Langue pauvre. Langue dans laquelle les mots nécessaires à l'expression des nuances de sens font défaut. On a souvent accusé notre langue d'être pauvre et l'on a tort: une langue n'est pas riche par la quantité de mots dont elle se compose mais par la quantité d'expressions créées qui se trouvent dans ses écrivains (Chênedollé, Journal,1815, p.79). − Pauvre en + subst.Une preuve d'aveuglement des gens qui, contre tout bon sens et contre toute raison, préfèrent tout à l'aveu de l'iniquité commise, est livrée par la polémique, bien pauvre en idées, du poète François Coppée (Affaire Dreyfus,1899, p.243). − Pauvre de + subst.Explication pauvre de logique. Ce que vous sentez maintenant, c'est le seringa, dont l'arôme est enivrant. Il commence à peine de fleurir. Il fait penser à l'oranger. Nous sommes si pauvres de mots pour parler des parfums! (Duhamel,Suzanne,1941, p.100). ♦ Empl. subst. [En parlant d'une pers.] Un, une pauvre d'esprit. Personne qui ne jouit pas de toutes ses facultés intellectuelles. Il n'est pas de feuilleton, si fade ou si coriace qui ne soit avalé jusqu'à la dernière tranche par quelque pauvre d'esprit affamé de grosse littérature (A. France,Vie littér.,1892, p.318): 6. ... il parabolait «heureux les pauvres d'esprit, ceux qui ne cherchent pas à comprendre, ils travailleront dur, ils recevront des coups de pieds au cul, ils feront des heures supplémentaires qui leur seront comptées plus tard dans le royaume de mon père».
Prévert,Paroles,1946, p.35. 2. [En parlant d'une manifestation de l'activité intellectuelle ou artist.] Qui offre, qui présente peu de matière, peu de possibilités de développement, qui dénote un manque de qualités intellectuelles ou artistiques. Conversation, pensée pauvre. Il arrive souvent qu'un morceau pauvre en lui-même, mais exécuté par une jeune fille sous l'empire d'un sentiment profond, fasse plus d'impression qu'une grande ouverture pompeusement dite par un orchestre habile (Balzac,U. Mirouët,1841, p.151): 7. Pour résumer mon père d'un mot, c'était un Rezeau statique. Plus d'esprit que d'intelligence. Plus de finesse que de profondeur. Grandes lectures et courtes réflexions. Beaucoup de connaissances, peu d'idées. Le sectarisme des jugements pauvres lui tenait quelquefois lieu de volonté.
H. Bazin, Vipère,1948, p.38. ♦ Rime pauvre. Rime ne portant que sur la dernière voyelle. La rime du vers français est dite (...) pauvre si elle ne comporte que la répétition d'un élément vocalique finale (déjà −voilà) (Mar. Lex.1933, p.162). II. − [En fonction d'épith., l'adj. est placé avant le subst.] A. − Qui inspire de la pitié, de la commisération. Pauvre homme; pauvre monde. Une femme, qui pleurait à chaudes larmes la mort de Louis XVI, me disait: «Mais, cher monsieur, est-il vrai que le pauvre roi était vêtu d'une redingote, quand on lui coupa la tête?» (Chateaubr.,Mém.,t.1, 1848, p.524).Il arrivait (...) que Jean Valjean lui prenait sa petite main rouge et crevassée d'engelures et la baisait. La pauvre enfant, accoutumée à être battue, ne savait ce que cela voulait dire (Hugo,Misér.,t.1, 1862, p.526): 8. Elle vous plaît? dit Claudie avec un petit rire canaille quand les deux femmes se furent éloignées. Si le coeur vous en dit, vous pouvez y aller: elle n'est pas très regardante, la pauvre gosse. −Pourquoi pauvre? −Lucie n'est pas facile à vivre; vous savez, les femmes qui en ont bavé trop longtemps avant de réussir, généralement c'est pas des tendres.
Beauvoir,Mandarins,1954, p.270. ♦ Pauvre diable*, pauvre hère*. − Empl. subst. [Exclam. ou en incise, marquant une pitié, un attendrissement feint ou réel du locuteur à l'égard de celui ou de celle dont il parle] Le pauvre, la pauvre; oh, le pauvre! Il est vrai que le beau Léon était un peu jaloux de moi parce qu'il croyait que je lui avais soufflé une danseuse, le pauvre, et nous nous en étions expliqué en riant (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.188): 9. Mon dieu, que je suis malheureuse!... Il lisait des livres, monsieur, que rien que les titres, ça me donnait du respect pour mon garçon... La pauvre! Elle revint la semaine d'après. Il était affreusement changé, le bas du corps paralysé...
Benjamin,Gaspard,1915, p.99. − Loc. interj. Pauvre de moi, de nous (etc.)! Gondran (...) le regarde et boit ses étranges paroles. −Tu t'imagines de tout voir, toi, avec tes pauvres yeux? (...) Tu crois, toi, que les arbres c'est tout droit planté dans la terre, avec des feuilles, et que ça reste là, comme ça. Ah, pauvre de moi, si c'était ça, ce serait facile (Giono,Colline,1929, p.33). B. − 1. Qui est en mauvais, en piteux état, ou de qualité médiocre. Pauvre caleçon; pauvre logis; pauvres souliers crevés; pauvres bras, pauvres yeux. Va voir le pauvre jardin! Les poules n'y laissent pas une graine (Renard,Journal,1900, p.577).C'était une pièce banale, assez grande, avec de pauvres rideaux blancs à ses fenêtres nues (G. Leroux, Parfum,1908, p.17).Sa pauvre main crevassée par l'hiver, tachée de noir (il badigeonnait d'encre ses gerçures) fit le geste d'effacer (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1466). 2. De peu de valeur. Vous pourriez empêcher la dissipation de mes biens... de mes pauvres biens (Balzac,Illus. perdues,1843, p.605).V. londrès ex. de Miomandre: 10. ... il ne nous resta rien. Les pauvres bijoux de ma mère, légers d'or et peu fournis de diamants et de perles, la vieille argenterie de famille toute bossuée et dépareillée (...) tout fut mis en gage...
A. France,Pt Pierre,1918, p.155. C. − Au fig. 1. De peu d'importance; insignifiant, faible. Pauvre argument, comparaison; des pauvres petits soucis quotidiens. Ces quatorze pauvres kilomètres d'air respirable qui environnent la planète (Bourget,Disciple,1889, p.175).Ces pauvres petits succès d'écolier bien noté étaient, pour son imagination d'adolescent, des triomphes d'imperator romain (Larbaud,F. Marquez,1911, p.53): 11. ... elle est bien jolie ce soir! Gérard gardait le silence. −N'est-ce pas votre avis? continua-t-elle en insistant. −Elle est très-fraîche, répondit-il d'un air indifférent. − Fraîche!... c'est un pauvre compliment que vous lui faites là... Elle a de jolis yeux, de beaux cheveux.
Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.85. 2. Qui est triste, pénible. Pauvre aveu, histoire. M. Malvy a dit à la Chambre dans la pauvre séance du 4 octobre: −Toute la Chambre sait (...) quelles sont les responsabilités qui ont pesé sur ce mouvement (les incidents militaires de mai-juin 1917) (Barrès,Cahiers,t.11, 1917, p.283).Pendant des années, j'avais rêvé de ce fils inconnu. Au long de ma pauvre vie, je n'avais jamais perdu le sentiment de son existence (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.231): 12. Henriette, nous devions annoncer nos fiançailles à la Noël, n'est-ce pas? Vous voyez, je me souviens!... Eh bien! Je ne me rappelle pas les mots, naturellement, mais cette pauvre date du vingt-cinq décembre, que nous avions aimée ensemble...
Bernstein,Secret,1913, II, 10, p.26. D. − Familier 1. [Souvent précédé d'un adj. poss. marquant la pitié, l'amitié ou une tendresse réelle ou feinte] Mon pauvre chou, ma pauvre petite, mon pauvre gars; la pauvre bête. Ce n'est pas le bon chemin, ma pauvre dame, ici ça ne mène nulle part (Triolet,Prem. accroc,1945, p.18).Tu peux être content de toi, mon pauvre ami. Ton père a l'air fin devant ces Pluvignec, à qui tu as confié le soin de contrôler ses abus de pouvoir! (H. Bazin, Vipère,1948, p.216): 13. ... quand vous éprouvez le besoin de me dire quelque chose de finement désagréable, vous ne pouvez imaginer comme je le sens bien. −Alors, ma pauvre amie, vous faites fausse route. Vous ne serez pas Cordelia parce que nous ne jouerons pas Le Roi Lear, tout simplement.
Duhamel,Suzanne,1941, p.34. − En partic. [En parlant d'une pers. défunte] Je prends soin du jardin de M. Muller, dit le jardinier; et, si vous venez au printemps, vous verrez qu'il n'a jamais été plus beau. Le pauvre cher homme, s'il revenait, je suis sûr qu'il serait content (Karr,Sous tilleuls,1832, p.256).Si tu voulais renoncer purement et simplement à la succession de ta pauvre chère mère défunte, et t'en rapporter à moi pour l'avenir, j'aimerais mieux ça (Balzac,E. Grandet,1834, p.220).MmeLoiseau expliqua qu'elle avait rêvé d'une salle à manger de chêne clair (...) et elle avait fini par l'avoir quand ils s'étaient installés ici, son pauvre mari n'en avait pas profité longtemps (Triolet,Prem. accroc,1945p.211). 2. [Marque le dédain, le mépris] Pauvre andouille; mon pauvre ami! Le cher frère Arcangeli ne donnait rien en réponse à ses plaintes (...) et Christiane enfin, de qui même, la pauvre sotte avait espéré du secours, s'obstinait à rester invisible, et sa chambre fermée à tous (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p.257).De braves gens, disiez-vous, oui, braves comme ceux qui se sont fait tuer à la guerre, n'est-ce pas? Tranchons-en, des héros: beaucoup de malheureux et quelques pauvres imbéciles (Breton,Nadja,1928, p.66). ♦ Pauvre type*. − [En parlant d'un auteur, d'un artiste] Piètre, mauvais dans son genre. Pauvre écrivain. L'Allemand Offenbach (...) avait du génie, mais était un bien pauvre musicien (Saint-Saëns,Germanophilie,1916, p.39).Ces gens si difficiles, pour qui H. de Balzac est un pauvre scribouilleur, quand ils écrivent à leur tour, se montrent au-dessous de toute critique, et en les lisant nous nous sentons rassurés (Larbaud,Journal,1934, p.300). Prononc. et Orth.: [po:vʀ
̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 «qui est nécessiteux, qui manque de biens matériels nécessaires» (Alexis, éd. Chr. Storey, 527); 2. a) ca 1050 (d'une chose) «digne d'un pauvre, d'un misérable» (ibid., 419); b) 1176-81 «qui n'a pas de valeur ni de force, piètre, pitoyable» (Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 3174); 1188 «de peu de valeur ou de peu d'importance» (Aimont de Varennes, Florimont, 4094 ds T.-L.); 1549 langue [...] pauvre (Du Bellay, Deffence et illustration, éd. H. Chamard, p.84, l. 8); 1615 rime [...] pauvre (Th. Sebillet, Art poétique, éd. F. Gaiffe, p.66); 1690 ouvrage pauvre (Fur.); 3. 1190 povre de «qui manque de» (Herman de Valenciennes, Bible de Sapience, 224 ds Bartsch Chrestomathie, 23, p.76); 1671 pauvre en «qui manque de, a peu de» (Pomey); 4. a) xves. [mss] «(d'une personne) qui fait pitié» (Combat de trente Bretons ds Bartsch Chrestomathie, 83, p.37); b) 1461-69 par affaiblissement avec une valeur affective un peu condescendante (Farce de Maistre Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 679: le povre homme!); c) ca 1485 id. avec une valeur dépréc. (Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 42124: povres meschans). B. Subst. 1. ca 1050 «personne nécessiteuse» (Alexis, éd. Chr. Storey, 94); 2. a)1553 les povres d'esprit (Bible de l'imprimerie Jean Gérard, Matth. 5, 3); 1560 les povres en esprit (Bible de l'imprimerie d'Antoine Rebul, Matth. 5, 3); b) 1690 (Fur.: On appelle aussi un pauvre d'esprit, un imbecille qui manque de jugement, de vivacité pour comprendre les choses). Du lat. pauper, -eris «pauvre». La forme pauvre, fruit d'une restitution étymol. de la graph. au (Alexandre, ms. Poitiers, 215 179 [après 1480] éd. E. Fleischmann, dactyl. Strasbourg, 1958, p.6, l. 8), a supplanté povre au xvies.; H. Estienne en 1579 (Precellence du Langage, éd. E. Huguet, p.204, 209 etc.) cite encore povre comme la forme normale alors que la forme pauvre était pourtant généralisée chez les auteurs de la Pléiade, très courante chez Rabelais (p.ex. ds Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, une seule fois la forme de l'Ouest pouvre XXXII, 64, p.204 à côté de pauvre généralisé), les éd. de l'oeuvre de Du Fail attestant aussi cette évolution (Propos Rustiques, éd. J. Assézat selon éd. de 1547 donne presque toujours la forme povre et Contes et Discours d'Eutrapel, selon l'éd. de 1585 donne toujours la forme pauvre, dans les passages dépouillés pour l'IGLF). Fréq. abs. littér.: 29903. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 45164, b) 59372; xxes.: a) 42125, b) 31486. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.370. _ Quem. DDL t.13, 17. |