| PAUPIÈRE, subst. fém. A. − ANATOMIE 1. ANAT. HUM. ET ANIM. Chacun des deux replis musculo-membraneux mobiles bordés de cils qui peuvent recouvrir l'oeil et le protéger d'une lumière trop vive ou de l'action de corps étrangers. Les larmes qu'elle sentait poindre au bord de ses paupières (Dumas père, Monte-Cristo, 1846, p.627).Voilà M. Pasquier, mon préparateur, qui commence à battre des paupières et qui fait la petite bouche (Duhamel, Maîtres, 1937, p.197): 1. Les paupières de l'homme n'ont que deux muscles: un orbiculaire qui les ferme; et un releveur, qui relève la supérieure. L'inférieure s'abaisse par sa propre élasticité. Le muscle orbiculaire entoure les paupières de fibres concentriques et circulaires (...). Le muscle releveur de la paupière supérieure vient du fond de l'orbite au dessus des muscles droits de l'oeil, et se dilate dans l'épaisseur de cette paupière.
Cuvier, Anat. comp., t.2, 1805, p.429. SYNT. Paupière inférieure, supérieure; paupières bouffies, bridées, cernées, desséchées, épaisses, flétries, gonflées, livides, peintes, rouges; paupières abaissées, battantes, closes, demi-closes, écartées, levées; paupières douloureuses, lasses, lourdes, meurtries; abaisser, baisser, écarter, fermer, lever, ouvrir, relever, remuer, soulever la/les paupière(s); bord, commissure des paupières; cillement, clignement, mouvement des paupières; inflammation, maladie, malformation, occlusion, renversement, tumeur des paupières. − P. métaph. Le soleil sur lequel s'abaissait une paupière de nuages (Hugo, Fr. et Belg., 1885, p.67).Les paupières à demi baissées des stores et des tentures à franges (Larbaud, Enfantines, 1918, p.175). 2. ANAT. ANIM. Paupière interne, nictitante ou troisième paupière. Synon. de membrane nictitante*.La sclérotique est non seulement le point d'insertion des muscles droits et obliques de l'oeil; elle donne encore attache à ceux de la troisième paupière dans les oiseaux et dans beaucoup de reptiles (Cuvier, Anat. comp., t.2, 1805, p.389).Les lézards ordinaires ont pour paupière une espèce de voile circulaire, tendu au devant de l'orbite et percé d'une fente horizontale (...). Il y a de plus une petite paupière interne, mais sans muscle propre (Cuvier, Anat. comp., t.2, 1805, p.433). 3. P. méton., vieilli a) Littér. Cils. De grandes paupières. Corinne (...) assise au milieu des femmes anglaises, ses paupières noires, baissées comme leurs paupières blondes (Staël, Corinne, t.2, 1807, p.210). b) Poét. Yeux, regard. Ainsi, prêt à fermer mes yeux à la lumière, Nul espoir ne viendra consoler ma paupière (Lamart., Médit., 1820, p.178).Et si mes yeux parfois s'ouvrent à la lumière, Bientôt la nuit épaisse obscurcit ma paupière (Leconte de Lisle, Poèmes ant., 1852, p.340). B. − Loc. verb. 1. Vieilli a) Abaisser, fermer les paupières et, littér., la paupière. − S'endormir, dormir. Synon. fermer* l'oeil.Beaucoup restèrent là sans fermer la paupière Et passèrent la nuit couchés sur une pierre (Hugo, Légende, t.1, 1859, p.128).Il voulait absolument, disait-il, qu'elle se reposât. S'ils restaient ensemble, ni l'un ni l'autre ne fermeraient les paupières; ce serait une nuit blanche, infiniment triste (Zola, Dr Pascal, 1893, p.265): 2. ... Isambard, excédé de lassitude, se décide enfin à prendre quelque repos, mais avec la certitude qu'il ne pourroit s'y livrer que jusqu'à minuit, et qu'aussitôt qu'il entendroit sonner cette heure fatale, l'image du spectre et du malheureux Olivier ne lui permettroit pas de fermer la paupière.
Genlis, Chev. Cygne, t.1, 1795, p.266. − Mourir. Synon. fermer* les yeux.L'aïeule avait à peine abaissé les paupières Qu'elle les relevait dans le ciel sur la terre (Jammes, Géorgiques, Chant 4, 1911, p.39). b) Ouvrir les paupières et, littér., la paupière. S'éveiller. La tempête augmentait parce que le Seigneur dormait. Quand il rouvrit la paupière, elle disparut (Flaub., Tentation, 1856, p.564).L'ivrogne qui ne sait rien de ce qui s'est passé depuis vingt-quatre heures, n'a pas achevé d'ouvrir les paupières qu'il est au fait (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.500). 2. a) Abaisser, clore, fermer les paupières et, littér., la paupière à qqn/de qqn (un mourant). Synon. fermer les yeux (v. fermer II B 3 a loc. verb. au propre et au fig.).Enfant, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans, Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs? Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière? (Chénier, Bucoliques, 1794, p.130).Il fermera mes paupières; je ne mourrai pas éloigné de ce qui me reste de plus cher ici-bas (Crèvecoeur, Voyage, t.3, 1801, p.285): 3. Il pensa qu'il lui appartenait de fermer ces yeux qui lui avaient adressé à lui, Simon, leur dernier et indéchiffrable message. Il rassembla tout ce qu'il avait de piété intellectuelle pour accomplir ce geste. Mais de la manche blanche de la religieuse sortaient deux doigts calleux et courts qui d'un mouvement rapide, expert, abaissèrent les paupières du poète.
Druon, Gdes fam., t.1, 1948, p.49. b) Vieilli. Rouvrir les paupières et, littér., la paupière à qqn/de qqn. Ramener quelqu'un à la vie. Ces flancs sacrés inconnus même aux dieux Sont les derniers objets que purent voir ses yeux. Quoique chère à Pallas, les plaintes de sa mère Essayèrent en vain de rouvrir sa paupière (Chénier, op.cit., p.57).Tu serais par la mort arraché de mes voeux, Que pour te ressaisir mon âme aurait des yeux, Des lueurs, des accents, des larmes, des prières, Qui forceraient la mort à rouvrir tes paupières! (Desb.-Valm., Élégies, 1859, p.14). 3. Pop. S'en battre la paupière. S'en moquer. Synon. plus usité s'en battre* l'oeil.Moustache ou barbe, je m'en bats la paupière (A. Scholl dsLarchey, Dict. hist. arg., 1878).Du moment (...) que notre ami Rodolphe Darzens n'a pas écopé, il est bien sûr qu'on peut s'en battre la paupière [de la folie furieuse de la vitesse] (Bloy, Journal, 1903, p.173). Prononc. et Orth.: [popjε:ʀ], [pɔ-]. Ac. 1694, 1718: paupiere; dep. 1740: -pière. Étymol. et Hist.1. 1remoitié du xiies. palpere (Psautier d'Oxford, 10, 5 ds T.-L., v., pour la forme, Gröber ds Archiv. für lateinische Lexikographie und Grammatik t.4, 1887, p.427); 1erquart du xiiies. paupiere (Reclus de Molliens, Miserere, 134, 4 ds T.-L.); 2. a) α) 1579 [éd.] clore les paupieres à (un mourant) (Garnier, La Troade, acte I, fol. 2 vo);
β) 1601 [éd.] fermer les paupieres à (un mourant) (Montchrestien, Les Lacènes, acte IV, p.161); b)
α) 1620 clore les paupières «dormir» (Malherbe, Poésies, XLIV, 37 ds OEuvres, éd. L. Lalanne, t.1, p.160);
β) 1660 fermer la paupière «id.» (Boileau, Satires, VI, 100, éd. A. Cahen, p.88). Du lat. palpetra «id.», var. de palpebra. Fréq. abs. littér.: 3167. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3229, b) 5040; xxes.: a) 5619, b) 4632. |