| PATRIOTE, subst. et adj. I. − Subst., vieilli. Synon. de compatriote.Frédéric considéroit ses sujets comme des étrangers, et les hommes d'esprit français comme ses patriotes (Staël,Allemagne,t.1, 1810, p.232). II. A. − Subst. et adj. [En parlant d'une pers.] 1. (Celui, celle) qui aime sa patrie, se met à son service, prend les armes pour sa défense. Rossini, en Italien patriote, soutient que tout est parfait en Italie (...) et que nous sommes des jaloux de mauvaise foi lorsque nous n'en convenons pas (Stendhal,Rossini,1823, p.200).Hitler (...) jetait toute la classe ouvrière du côté de la Résistance. La nation voyait les travailleurs reparaître en patriotes en même temps qu'en insurgés (De Gaulle,Mém. guerre,1959, p.94): 1. [Les républiques italiennes] ne surent jamais résister en commun à l'ennemi commun. Aussi beaucoup des Italiens les plus éclairés, les meilleurs patriotes de notre temps, déplorent-ils le régime républicain de l'Italie au Moyen Âge, comme la vraie cause qui l'a empêchée de devenir une nation...
Guizot,Hist. civilis.,leçon 10, 1828, p.23. − [P. oppos. à révolutionnaire, cosmopolite] Et moi aussi, bien sûr, je suis pour l'armée, pour la patrie, pour la religion et contre les Juifs (...). On peut dire tout ce qu'on voudra des domestiques (...). Mais ce qu'on ne peut pas leur refuser, c'est d'être patriotes (Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p.121).Dans les lycées, avec une force superbe, brutale, les forces nationales relèvent la tête... La jeunesse est patriote, traditionaliste (Barrès,Cahiers,t.7, 1909, p.267). 2. HISTOIRE a) (Celui, celle) qui, pendant la Révolution, s'oppose aux aristocrates, à l'Ancien Régime, en défendant les idées nouvelles. Législateur patriote, à qui je réponds en ce moment, quelles précautions proposez-vous pour prévenir ces dangers, et pour combattre cette ligue? (Robesp.,Discours,Guerre, t.8, 1791, p.58).Les voyageurs, fort patriotes, parlant d'accrocher les aristocrates à la lanterne (Chateaubr.,Mém.,t.1, 1848, p.388): 2. ... les patriotes de 1792 étaient les tenants de la Révolution; les aristocrates opposaient le roi à la patrie et bafouaient la nation; ils attendaient impatiemment l'arrivée des Allemands ou combattaient dans leurs rangs...
Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.251. − En partic., empl. subst. Citoyen(ne) armé(e) pendant la Révolution. Le patriote a pour ami Tous les bonnes gens du pays, Mais ils se soutiendront Tous au son du canon. L'aristocrate a pour amis Tous les royalistes à Paris (La Carmagnole, 1792ds Hist. Fr par chans., p.102).Nous avons frotté par deux fois ces enragés de patriotes (...); ils se font tuer comme des mouches, et pour un bon Français de tué ou de blessé, il y a cinquante patriotes à bas, mais c'est leur canon qui les rend forts, ils en ont autant que de fusils (Sénac de Meilhan,Émigré,1797, p.1893). − P. ext., empl. subst. Partisan des idées républicaines ou révolutionnaires. Les habitants de Saumur étant peu révolutionnaires, le père Grandet passa pour un homme hardi, un républicain, un patriote, pour un esprit qui donnait dans les nouvelles idées (Balzac,E. Grandet,1834, p.11).Les patriotes ne me pardonneront pas ce livre, ni les réactionnaires non plus! (Flaub.,Corresp.,1868, p.385).On frappe ce traître comme, après 1871, on frappait les patriotes exaspérés par les malheurs de la patrie (Le Radical,25 déc. 1894). b) [Pendant l'affaire Dreyfus, p.oppos. aux mauvais Français qui attaquent l'armée, symbole de la France] Voici dans quels termes M. Georges Lebret parlait de l'affaire Dreyfus à ses électeurs: Dreyfus a été justement condamné (...). Comme tous les patriotes, je réprouve hautement la campagne infâme menée en faveur du traître par un syndicat de sans-patrie (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.425). ♦ Ligue des Patriotes. Association nationaliste, fondée en 1882 pour rassembler les partisans d'une revanche militaire sur l'Allemagne, qui s'opposa aux Dreyfusards et disparut avant la Seconde Guerre mondiale. Un grand garçon à particule, membre de la Ligue des Patriotes, qui distribuait de petites brochures (Alain,Propos,1921, p.293). ♦ Les Jeunesses Patriotes. V. jeunesse III C ex. de Nizan. c) [Durant la Seconde Guerre mondiale, p.oppos. à collaborateur] Choisir des patriotes indiscutables, dont la loyauté interdit de penser qu'ils utiliseraient leur poste (...). Enfin même, pourquoi ne pas utiliser les compétences techniques de tel ou tel collaborateur, mais en le faisant surveiller étroitement (Nous sommes les rebelles, coll. Défense de l'homme, 1945, p.95).Des attentats dirigés par les patriotes contre les troupes allemandes d'occupation et leurs complices (Procès Pétain,t.2, 1945, p.1120). d) [Pendant les guerres de libération nationale dans les pays colonisés, comme synon. de résistant (à l'occupant)] [Le Parti Communiste Français] s'incline devant la mémoire des patriotes tunisiens tombés victimes de cette politique (...) et se proclame solidaire des dirigeants du mouvement national arrêtés et déportés (...) ainsi que de tous les patriotes emprisonnés (L'Humanité, 19 janv. 1952, p.1, col. 1). B. − Adj. [En parlant d'un inanimé abstr.] Qui témoigne d'un vif attachement à la patrie. Tâchez donc d'écrire des dépêches qui soient très patriotes (Staël,Lettres jeun.,1791, p.528).L'opinion conservatrice et patriote (Maurras,Kiel et Tanger,1914, p.lxxxii). REM. 1. Patriotiser, verbe trans.Rendre patriote. Levons-nous, braves guerriers, / Patriotisons la terre / En mourant sous les lauriers (Le Réveil du père Duchesneds Hist. Fr. par chans., t.4, 1821, p.145 ds Quem. DDL t.13). 2. Patrouillotte, adj.,péj. [Avec un jeu de mots] Patriotique. Je remplissais depuis déjà longtemps les fonctions d'expéditionnaire à la Préfecture de la Seine, emploi qui m'eût exempté de tout service «militaire», n'eût été mon patriotisme (un peu patrouillotte) (Verlaine, OEuvres compl., t.4, Prisons, 1893, p.363). Prononc. et Orth.: [patʀijɔt]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.1. 2emoitié du xves. «compatriote» (J. Chartier, Hist. de Charles VII, éd. Vallet de Viriville, t.2, p.144); 2. 1562 bon patriote (Catherine de Médicis, Lettres, éd. H. de La Ferrière, t.1, p.293a); 3. 1756 «personne qui aime sa patrie et la sert avec dévouement» (De Sainte-Foy, La Noblesse militaire ou le Patriote françois ds Brunot t.6, p.135, note 2); 4. 1789 «partisan de la Révolution» (d'apr. Brunot t.9, p.664). Empr. au b. lat. patriota «compatriote», gr. π
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ς. Bon, vrai patriote a été empr. par l'angl. good, true patriot (déb. du xviies. ds NED), qui l'a abrégé en patriot (1699, ibid.); ce dernier a été repris par le fr. au xviiies. (sens 3). Voir Barb. Misc. 14, pp.118-119; FEW t.8, p.24. Fréq. abs. littér.: 1045. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1181, b) 2349; xxes.: a) 2346, b) 765. DÉR. 1. Patriotard, -arde, adj. et subst.,péj. Qui exprime un patriotisme violent, agressif. Que tant d'hommes avertis, méfiants, puissent devenir tout à coup si crédules, dès qu'on fait vibrer la corde patriotarde (Martin du G.,Thib.,Été 14, 1936, p.609).Le succès de la symphonie patriotarde (Rolland,Beethoven,t.1, 1937, p.73).Empl. subst. N'avons-nous donc que des ennemis dans le monde? Nos patriotards ignorent-ils que les écrivains russes (...) ont soutenu la même opinion que mon jurisconsulte d'Amérique? (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.22).Une formation politique des curés, des patriotards, de toute la clique, enfin de la réaction (Aragon,Beaux quart.,1936, p.71).− [patʀijɔta:ʀ], fém. [-aʀd]. − 1reattest. 1899 (Clemenceau, op. cit., p.11); de patriote, suff. -ard*. − Fréq. abs. littér.: 11. 2. Patrioterie, subst. fém.,péj. Patriotisme étroit et exagéré. Dans sa patrioterie libérale, à la suite du Morning Chronicle, le Constitutionnel se croit encore au temps de Canning (Balzac,OEuvres div.,t.3, 1836, p.69).Lui qui avait été élevé dans la patrioterie et la religion de la baïonnette citoyenne (Gautier,Jeunes-Fr.,1833, p.89).− [patʀijɔtʀi]. − 1reattest. 1828 (E. Deschamps d'apr. Mat. Louis-Philippe, p.321); de patriote, suff. -erie*. BBG. −Barb. Loan-words 1921, p.260. _ Darm. 1877, p.99 (s.v. patrioterie). _ Davillé (L.). Note sur le mot «patriote». R. Philol. fr. Litt. 1910, t.24, pp.150-153. −Dub. Pol. 1962, p.368. _ Field (T.). The Concept of la patrie in French writing, 1898-1914. Wales, 1972, 311 p._ Gohin 1903, p.298. _ Lutaud (O.). Translation, trad., tradition... Cah. Lexicol. 1968, no2, p.58. −Militz (H. M.). Citoyen und patriote in ihrem Gebrauch während der französischen Revolution. Beitr. rom. Philol. 1973, t.12, no2, pp.393-397. _ MOTS 1982, no4, pp.192-193. _ Quem. DDL t.11, 21. _ Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Paris, Bruxelles, 1975, p.58, 61, 64, 80, 84. _ Ranft 1908, pp.155-156. _ Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p.283. |