| PARTERRE, subst. masc. A. − 1. Populaire a) Sol (d'un enclos, d'une maison). Anne-Marie apprenait à sa soeur Pauline à élever la volaille, à travailler le parterre, à gouverner les servantes (Pourrat, Gaspard, 1925, p.7).Le parterre [d'une pièce misérable] était fait de briques rouges (Arland, Ordre, 1929, p.121). − Loc. Faire un parterre. Faire une chute. (Dict.xixeet xxes.). b) Synon. de carrelage, plancher.Ma mère, à soixante ans, qui lave les par-terres (Sénac, poète oranais dsLanly1962p.277): 1. ... si Ferdinand arrive demain avec sa femme et les enfants... −Il n'ira pas regarder le parterre de la cuisine, qu'est-ce que tu me racontes? −Il aime quand même à trouver sa maison propre...
Aymé, Jument, 1933, p.43. 2. HORTIC. Partie découverte, plane d'un jardin d'agrément ou d'un parc, généralement située face au bâtiment principal d'une résidence et/ou à l'intérieur d'un jardin public, comprenant des combinaisons de corbeilles, de plates-bandes, de bordures de fleurs, de gazon, d'arbustes, quelquefois des pièces d'eau ou des bassins et formant un ensemble décoratif. Compartiment de parterre; dessin des parterres. Ils passèrent (...) devant les statues des reines, suivirent des allées discrètes et, revenus à la terrasse, se penchèrent pour mieux voir les plantes et le parterre à la française (Estaunié, Empreinte, 1896, p.208).Sous ma fenêtre, dans le jardin, un parterre oblong de violettes, que le soleil n'avait pas encore touchées, bleuissait dans la rosée (Colette, Vagab., 1910, p.274): 2. Enfin ils descendirent dans le parterre. C'est un vaste rectangle, laissant voir d'un seul coup d'oeil ses larges allées jaunes, ses carrés de gazon, ses rubans de buis, ses ifs en pyramide, ses verdures basses et ses étroites plates-bandes, où des fleurs clair-semées font des taches sur la terre grise.
Flaub., Éduc. sent., t.2, 1869, p.154. − En partic. ♦ Parterre à broderie; parterre de broderie; parterre brodé. Parterre composé de rinceaux, de fleurons, et autres figures formées par des traits de buis nain et entourées de plates-bandes (d'apr. Bouillet 1859). Un vaste terrain distribué d'après les principes de Le Nôtre et les règles de la plus exacte symétrie; des parterres bordés et brodés en buis, des murs de charmille, des allées droites à perte de vues (Jouy, Hermite, t.5, 1814, p.251). − En partic. Parterre d'eau. ,,Canaux découverts qui ornent un jardin et forment des compartiments à peu près semblables à ceux des parterres ordinaires`` (Jossier 1881). Le cuivre et l'étain des parterres d'eau tache à peine de reflets ternes les rideaux nets de buis et d'ifs qui réunissent de traits noirs les masses rousses des végétations d'automne aux rameaux sombres de l'été (Faure, Hist. art, 1921, p.96). − P. méton. Fleurs qui ornent un parterre. Derrière la grosse tour et la grise maçonnerie de Langeais fleurissent des parterres (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p.149).L'orage qui, depuis midi, pesait sur la ville, semblait retenir au ras du sol le parfum des parterres (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.590). − P. métaph. Un parterre de gâteaux, de petits fours, de fruits confits et de bonbons (Maupass., Notre coeur, 1890, p.320).De larges autocars outremer dont l'impériale est un parterre multicolore de matelas et de sacs brodés (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.188). − Au fig. Comme c'est joli et naturel, une fleur de gaieté dans un parterre d'ennuis (Renard, Journal, 1906, p.1066).Ce petit volume de moins de 200 pages (...) est un parterre d'idées tant biologiques que philosophiques (Les Lettres Fr., 28 août 1968, p.25, col. 3). 3. EAUX ET FORÊTS. Parterre de (la) coupe. ,,Sol de la partie exploitée d'un bois`` (Plais. 1969). Vienne une phase de récession dans la papeterie? Moins d'achats à l'étranger comme en France, les bois restent sur parterre de coupe (Industr. fr. bois, 1955, p.40).Certains propriétaires exploitent (...) eux-mêmes leurs bois et les vendent façonnés sur le parterre de la coupe (Cochet, Bois, 1963, p.130). B. − THÉÂTRE 1. a) [Aux xviieet xviiies.] Partie de la salle située au-dessous du niveau de la scène, circonscrite par l'orchestre et le pourtour des loges du rez-de-chaussée et où le public se tenait debout (d'apr. Bouillet 1859). On est tous les jours invité à Londres à d'immenses assemblées, où l'on se coudoie comme au parterre (Staël, Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.363).À l'hôtel de Bourgogne, il y a deux rangs de loges. Au milieu, le parterre où l'on se tient debout, et parfois une grille le sépare de la scène (Brasillach, Corneille, 1938, p.56). b) Partie de la salle qui, dans certains théâtres, est située derrière les fauteuils d'orchestre et où les spectateurs sont assis. Billets, places de parterre. L'orchestre se tut, les gens du parterre se levèrent et commencèrent lentement à évacuer la salle (Camus, Peste, 1947, p.1380).Collégien, j'étais déjà un habitué du parterre à cinq francs aux matinées classiques du Français et de l'Odéon (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p.lx). − Loc., fig., pop. [Par recoupement de supra A 1] Prendre un billet de parterre. V. billet II G. ♦ P. ell. de billet, place. Deux ou trois fois par semaine, il se payait un parterre à l'Opéra ou aux Italiens (A. Daudet, N. Roumestan, 1881, p.22).Sous celui [le nom] de fauteuils d'orchestre il avait fait prendre des parterres qui coûtaient moitié moins (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.776). 2. P. méton. a) Spectateurs occupant cette partie de la salle; en partic., vieilli, public populaire. Applaudissements, huées, sifflets du parterre; faire rire, régaler, ravir le parterre. Henry Monnier était un acteur trop fin pour le parterre (Vigny, Journal poète, 1834, p.1006).On découvre un trait génial du jeu de la Berma huit jours après l'avoir entendue, par la critique, ou sur le coup, par les acclamations du parterre (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.450): 3. Les quolibets, les lazzis des dialogues [des marionnettes], qui avaient encore toute la verve et la causticité italienne, excitaient à la ronde les gros éclats de rire du parterre.
Balzac, OEuvres div., t.1, 1839, p.260. b) P. anal. − Vieilli. Peuple (par rapport à ceux qui occupent des emplois élevés). Nous demanderons seulement qu'on nous laisse les droits du parterre, et qu'on nous permette quelques observations et quelques avis qui nous semblent de bon sens (Jouffroy, Mél. philos., 1833, p.28). − Public en général. [Le professeur] contemplait, du haut de son estrade, un parterre parfait (Arnoux, Algorithme, 1948, p.31): 4. Ce n'est pas une des moindres épreuves de la guerre que ces louanges qu'il faut que les grandes nations se donnent à elles-mêmes devant un parterre de neutres indifférents à tout ce qui n'est pas leur propre terreur.
Mauriac, Journal 3, 1940, p.292. − Cour. Assemblée composée de personnalités en vue (journalistes, notables, personnalités politiques, vedettes). Synon. pléiade.Les présentations de haute couture des collections de printemps débutent aujourd'hui à Paris, pour se prolonger toute la semaine. Un parterre de journalistes appréciera quelque 3.000 modèles élaborés en secret depuis deux mois (L'Est Républicain, Magazine dimanche, 22 janv. 1984, p.24, col. 2). Prononc. et Orth.: [paʀtε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1542 «sol, plancher» (doc. ds Mém. de la Société nat. des antiquaires de France, t.74 [8esérie, t.4], 1914, 48: faire le planchement d'assemblaige de menuyserie du parterre sur le plancher de lad. salle de la longueur et largeur d'icelle); b) 1630 faire un parterre «faire une chute» (A. D'Aubigné, Aventures du baron de Faeneste, IV, 3 ds OEuvres complètes, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t.2, p.568); c) 1842 prendre un billet de parterre (Ac. Compl.); 2. 1579 «partie d'un parc, d'un jardin d'agrément où l'on a aménagé des compartiments de fleurs, de gazon» (Ducerceau, Les plus excellents bastiments de France ds Rommel, p.7); 3. a)α) 1668 «partie du rez-de-chaussée d'une salle de théâtre où le public se tient debout» (Boileau, Satire, IX, 178, éd. A. Cahen, p.130);
β) 1660 «public du parterre» (Molière, Les Précieuses ridicules, 9 ds OEuvres, éd. E. Despois, t.2, p.91);
γ) 1701 «billet qui donne accès au parterre» (Fur.); b) 1786 «partie du rez-de-chaussée d'une salle de théâtre, derrière les fauteuils d'orchestre, où le public est assis» (Encyclop. méthod. Gramm. et litt. t.3, p.2). Comp. de par1* et de terre*. Fréq. abs. littér.: 628. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1171, b) 1159; xxes.: a) 940, b) 484. Bbg. Archit. 1972, p.180. |