| PARESSEUX, -EUSE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − Qui répugne au travail, à l'effort; qui manifeste habituellement de la paresse physique ou intellectuelle. 1. [En parlant d'une pers.] Synon. apathique, clampin (pop.), cossard (pop.), fainéant (fam.), feignant (pop.), flemmard (fam.), inactif, nonchalant; anton. actif, bûcheur (fam.), laborieux, travailleur.Écolier, élève, enfant paresseux; traiter qqn de paresseux. La Servien (...) avait vécu longtemps à Paris, à la charge de son frère, car elle était paresseuse avec délices (A. France,Servien,1882, p.8): 1. J'ai bien peur que vous restiez pour la vie et pour l'éternité l'individu indécrottable que vous avez toujours été. Puissé-je me tromper! Puissiez-vous, dans le troupeau des pécheurs, n'être pas un cancre obtus et paresseux comme vous l'étiez au lycée.
Aymé,Cléramb.,1950, II, 3, p.83. − [Le déterminé est un subst. coll.] En voyant les Orientaux, sous un ciel brûlant (...), ne peut-on pas prononcer, sans autre examen, que ces peuples sont oisifs et paresseux? (Jouy,Hermite,t.4, 1813, p.260). − Empl. subst. Beaucoup de paresseux qui eussent trouvé commode de gagner leur argent dans leur lit (Soulié,Mém. diable,t.1, 1837, p.268): 2. Le paresseux s'accommode d'une maxime qui le dispense de faire lui-même les observations qui ont mené l'auteur de la maxime au résultat dont il fait part à son lecteur. Le paresseux et l'homme médiocre se croient dispensés d'aller au delà, et donnent à la maxime une généralité que l'auteur (...) n'a pas prétendu lui donner.
Chamfort,Max. et pens.,1794, p.13. ♦ PSYCHOL. Personne qui présente ce type de caractère. Heymans trouve le maximum de paresseux chez les amorphes (...) et chez les nerveux (...). L'extinction de toute ferveur personnelle livre passivement les premiers aux remous du milieu (Mounier,Traité caract.,1946, p.398). 2. [P. anal., en parlant d'un animal] Âne paresseux. La vitalité du chat qui a l'air si paresseux! Ses oreilles et ses yeux travaillent toujours (Renard,Journal,1910, p.1063). B. − P. ext. 1. a) [En parlant d'une pers.] Qui manque d'énergie pour (faire) quelque chose; qui manifeste de la paresse dans une circonstance particulière. Synon. apathique, indolent, inerte, lent, négligent, nonchalant; anton. actif, courageux, énergique, zélé.Être paresseux pour écrire. ♦ Empl. subst. Un paresseux que cela ennuie de réfléchir profondément, mais que ce paresseux a de grâce dans sa manière de l'exprimer! (Green,Journal,1934, p.127). − [Avec un adj. antéposé, dans un tour affectif] Grand paresseux. Veux-tu bien travailler, (...) vilaine paresseuse! Veux-tu pas rester comme ça à ne rien faire! (Flaub.,Corresp., 1845, p.134).Il n'était pas rare que l'on aperçût le prétendu recteur en train de lire au soleil comme un gros paresseux, dans un coin abrité (Quéffelec,Recteur,1944, p.164). ♦ Vieilli. Paresseux à + subst. déterminé.Je pense (...) pouvoir te procurer du travail, car tu n'es pas paresseux à la besogne (Gautier,Fracasse,1863, p.319). ♦ Rare. Paresseux pour + subst. déterminé.Je suis trop paresseux pour la colère (Nizan,Conspir.,1938, p.105). − [P. méton.] Littér. Qui témoigne d'un manque d'énergie, peu actif; qui manque de vivacité, de dynamisme, d'ardeur. ♦ [En parlant d'un sentiment] Amour paresseux; prudence, sincérité paresseuse. La plupart [de ses collègues] n'avaient qu'une sympathie paresseuse pour ce professeur âgé, venu tard de province, qui leur semblait un type vraiment démodé (Aymé,Mais. basse,1934, p.241).Il ne lui portait pas une affection paresseuse et quiète, mais bien un amour généreux et allant (L. Febvre,Blondel, [1940] ds Combats, 1953, p.371). b) [En parlant d'un inanimé] Qui témoigne d'un moindre effort. Synon. facile, simpliste.Affirmation, explication paresseuse. Prise au pied de la lettre (...) l'innéité des idées constitue une doctrine naïve et paresseuse bonne tout au plus pour les philosophes du sens commun (Hamelin,Élém. princ. représ.,1907, p.402).Cette rime paresseuse attendue, cette rime toute allante qui fait rimer le nom avec le nom (Péguy,V.-M., comte Hugo,1910, p.761).C'est le thomisme qui est venu troubler la quiétude des solutions paresseuses et déterminer de nouveaux progrès (Gilson,Espr. philos. médiév.,1931, p.186). 2. Lent, nonchalant. a) [En parlant d'une pers. et, p.méton., de son attitude] Geste, mouvement, pas paresseux. Dans ces robes flottantes et ne tenant pour ainsi dire pas au corps souple des Japonaises, la grâce paresseuse et un peu ratatinée de leurs mouvements a un charme enfantin (E. de Goncourt,Mais. artiste,t.1, 1881, p.206).V. cherchant rem. s.v. chercher, ex. de Malègue. 3. Un souci meilleur vint le distraire, à savoir la grossesse de sa femme (...). Quand il voyait de loin sa démarche paresseuse et sa taille tourner mollement sur ses hanches (...) et qu'elle prenait, assise, des poses fatiguées dans son fauteuil, alors son bonheur ne se tenait plus...
Flaub.,MmeBovary,t.1, 1857, p.100. − Paresseux à + verbe à l'inf.Ce n'est certainement pas simple hasard si le mammifère-roi [l'homme] est aussi le plus paresseux à croître (Cuénot, J. Rostand,Introd. génét.,1936, p.68). − Paresseux de + subst.Mmed'Iscamps entra: elle était grande, paresseuse de gestes, avec des yeux étonnés et doux (Toulet,Nane, 1905, p.63). b) [En parlant d'une faculté intellectuelle] Intelligence paresseuse. Le mariage et surtout la province vieillissent étonnamment un homme, l'esprit devient paresseux, et un mouvement du cerveau à force d'être rare devient pénible et bientôt impossible (Stendhal,Souv. égotisme,1832, p.60).L'imagination de Virginie n'étant pas paresseuse, elle a bientôt trouvé un expédient (Kock,Pucelle,1834, p.81). c) Littér. [En parlant d'une chose concr. en mouvement et, en partic., d'un élément de la nature] Nuage paresseux; mer, rivière paresseuse; fleuves, flocons paresseux. Et le vent paresseux Berce du mol effort de son aile éthérée Les larmes de la nuit sur la feuille dorée (Leconte de Lisle,Poèmes ant.,1852, p.9).La paresseuse ondulation des saules (Faure,Hist. art,1914, p.497).À mes pieds est ma ville, que l'Yonne paresseuse et le Beuvron baguenaudant ceignent de leurs rubans (Rolland,C. Breugnon,1919, p.29). − Paresseux à + verbe à l'inf.Le revolver qu'il tenait au poing étirait encore dans le soir un fil de fumée bleuâtre, paresseux à se dissoudre (Genevoix,Raboliot,1925, p.167). d) Spécialement − HORTIC. [En parlant d'un élément de la végét.] Tardif. Anton. précoce.Les laitues pommées (...) Laitues d'été et d'automne: Grosse blonde paresseuse −Blonde du Cazard (Guide pratique jardinage, Paris, Édilec, 1976, p.161). − TECHNOL. Ressort paresseux. Ressort mou, qui ne se détend pas bien. (Dict.xixeet xxes.). Balance paresseuse. Balance peu sensible (Dict.xixeet xxes.). C. − MÉD. [En parlant d'un organe] Qui fonctionne ou réagit avec une lenteur anormale ou de manière incomplète. Intestin, organe, ventre paresseux. La bière contient trop d'eau, elle rend l'estomac paresseux, et quand l'estomac est paresseux, cela gagne tous les membres (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz,1864, p.157). II. − Substantif A. − Subst. fém. 1. HIST. DE LA COIFFURE. (Coiffure à la) paresseuse. Coiffure postiche de femme au xviies. (Dict.xixeet xxes.). 2. HIST. DU COST. (Corset à la) paresseuse. Corset de femme qui se lace ou s'agrafe par devant. Son peignoir flottait sans ceinture, et laissait voir un jupon de batiste brodé, mal attaché sur sa paresseuse (Balzac,Paysans,1850, p.360): 4. ... en 1842, apparut un nouveau corset, dit à la paresseuse [it. ds le texte], qui différait un peu de ceux des époques antérieures; il prenait mieux la taille, la gorge et les hanches, était plus agréable à porter...
Léoty,Corset,1893, p.83. B. − Subst. masc., ZOOL. Synon. usuel de aï4et unau.Le paresseux de l'Amazonie suspendu par les quatre pattes la tête en bas à la cime d'un arbre, qui mange les feuilles à portée de ses babouines à gauche et à droite de sa tête, qui a les yeux implorants de Marie-Madeleine et sa tignasse dans les yeux (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.102).V. aï4ex. Rem. En Afrique, le mot est couramment utilisé pour désigner le potto: Il convient de rejeter pour les animaux représentés en Afrique, les noms employés à tort qui désignent des animaux d'Amérique: il n'y a pas en Afrique (...) de paresseux ni de tatous (G. Roure, Animaux sauvages, 1962 ds Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1983). Prononc. et Orth.: [paʀ
εsø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. Adj. 1. 1121-34 pareçus «enclin à la paresse» (Philippe de Thaon, Le Bestiaire, éd. E. Walberg, 853); ca 1160-70 empl. subst. (Guillaume de St-Pair, Roman du Mont Saint-Michel, éd. P. Redlich, p.38, 1685: Moines et clers toz dis ama, Les perechous de lor servise Amonestout à mainte guise); 1160-74 perechoux de + inf. (Wace, Chronique ascendante, éd. A. J. Holden, 102); 1574 paresseux à + inf. (Garnier, Cornelie, 159, I, p.91 ds IGLF); 1746 paresseux pour + inf. (Condillac, Essai sur l'orig. des connaiss., p.285); 2. ca 1265 «qui se déplace avec lenteur» mer perecheuse (Brunet Latin, Tresor, I, 123, éd. Fr. J. Carmody, p.118); 3. 1575 se dit d'un organe trop lent à remplir sa fonction ventre paresseux (A. Paré, OEuvres, XX, 16, éd. J.-Fr. Malgaigne, III, p.112b); 4. 1580 «lent à agir» (Montaigne, Essais, II, XVII, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.643: il n'a esté besoin de forcer ce naturel poisant, paresseux et fayneant); 5. 1765 cheval paresseux (Encyclop.). II. Subst. masc. 1640 zool. (J. de Laet, L'Histoire du Nouveau Monde ds Arv. 1963, p.393: De l'Animal dit paresseux). III. Subst. fém. 1. 1669 «coiffure de femme» (Th. Corneille, Le Baron d'Albicrac, I, 5); 2. 1850 «corset» (Balzac, loc. cit.). I et III dér. de paresse*; suff. -eux*. II trad. du terme lat. ignavus «sans activité, indolent, paresseux», utilisé par L'Escluse, 1605, Exoticorum libri: illud animal, cui Ignavi nomen indidi (Arv. 1963, loc. cit.). Fréq. abs. littér.: 1142. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1639, b) 1865; xxes.: a) 1406, b) 1612. |