| * Dans l'article "PARADIS,, subst. masc." PARADIS, subst. masc. A. − 1. ANTIQ. ,,Verger, parc, jardin arrosé et planté d'arbres`` (Bible 1912, p.2120). Un vieux mot, paradis (...) qui désigna d'abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous: un jardin délicieux où l'on continuerait à jamais la vie charmante que l'on menait ici-bas (Renan, Vie Jésus, 1863, p.200).L'Égypte, la Chaldée, les jardins ou paradis de l'Asie occidentale jouèrent pour les animaux le même rôle que pour les plantes (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p.287). ♦ ,,Les terrasses de Babylone`` (Ac. Compl. 1842). Synon. jardins suspendus (v. jardin). ♦ Région. (Ouest), vieilli. Pré planté d'arbres fruitiers. Elle, avec un panier au bras, allait au paradis fruitier des Mariel (Pérochon, Les Fils Madagascar, 1932ds Rézeau, Note sur le lexique d'Ernest Pérochon ds R. Ling. rom. t.42 1978, p.112). − En partic. [P. réf. à Gen. II, 8, 15, 22] Paradis terrestre. ,,Jardin merveilleux que Dieu donna comme séjour à Adam et Ève au moment de leur création`` (Bible, loc. cit.). Synon. Éden.Les arbres, les fleuves du paradis; Adam chassé du paradis terrestre. Le village où cette Jézabel nous a donné des fleurs, c'est Freidis, mot syriaque qui veut dire petit paradis. On croit que c'est l'endroit où se trouvait le paradis terrestre à cause de ce grand fleuve qui s'y trouve (Barrès, Cahiers, t.10, 1914, p.356).P. anal. Lieu très agréable; ce qui constitue sur terre un paradis. Tous mes regrets, comme toutes mes espérances, me ramènent en Surrey. C'est là le paradis terrestre pour moi (Staël, Lettres div., 1793, p.465). ♦ Paradis perdu. Paradis d'où Adam a été chassé. Je comprends que les traditions arabes placent à Damas le site du paradis perdu: aucun lieu de la terre ne rappelle mieux l'éden (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.238).Au fig. Ce qui fait l'objet de regrets, de nostalgie. Je prends mes dispositions pour passer ma première nuit dans le jardin de mon enfance, ce paradis perdu et, ce soir, retrouvé (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.106). 2. P. anal. et p.métaph. a) Lieu enchanteur par sa beauté, sa douceur de vivre. Un paradis d'herbe, de roses, de verdure. J'ai couru la Provence et la Savoie; la Savoie de Chambéry, un paradis! (Sand, Corresp., t.4, 1861, p.264): 1. ... Beyrouth avec ses maisons en amphithéâtre, au milieu de vastes jardins, un paradis délicieux planté d'orangers, de citronniers et de palmiers.
Zola, Argent, 1891, p.77. ♦ Lieu qui est à l'image du paradis. C'est un vrai paradis; ce pays, votre maison est un vrai paradis. Un de ces paradis sur terre, si chers aux Méridionaux, qu'on intitule villas à Nice, bastides en Avignon, cabanons à Marseille (Arène, Veine argile, 1896, p.233). ♦ Coin de paradis. Endroit très agréable, paradisiaque. Je revoyais ce pays merveilleux, cette côte d'azur aperçue au réveil comme un coin de paradis après l'horrible départ de Paris (G. Leroux, Parfum, 1908, p.28). b) Endroit rêvé pour les plaisirs qu'il peut offrir; lieu idéal pour quelqu'un, quelque chose. Paradis culinaire, matériel; paradis d'insouciance; paradis des jouets, de la technique. Montparnasse, avant d'être le quartier des faux peintres arrivés, a longtemps été un petit paradis (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.154): 2. ... dans le pays de cocagne, dans ce paradis dont un trouvère du
xiiiesiècle a dépeint les ineffables douceurs, la place est largement faite aux plaisirs de la bouche.
Faral, Vie temps st Louis, 1942, p.174. ♦ Paradis fiscal. ,,Pays où la législation fiscale est très avantageuse et permet notamment de placer ou de mettre en sûreté des capitaux étrangers de telle sorte qu'ils échappent à certaines impositions qui les auraient frappés dans leur pays d'origine`` (Gilb. 1980). À Bâle un référendum populaire institue une «taxe sur les riches»: à partir d'un certain niveau de revenu, la Suisse cesse d'être un paradis fiscal (Le Nouvel Observateur,24 sept. 1973,ds Gilb. 1980). ♦ Paradis de qqn.Le paradis des enfants, des chasseurs, des pêcheurs. On appeloit la France le paradis des femmes, parce qu'elles y jouissoient d'une grande liberté (Staël, Allemagne, t.1, 1810, p.79).La France apparaissant comme le paradis des inventeurs et le berceau de la voiture sans chevaux (P. Rousseau, Hist. techn. et invent., 1967, p.343). c) État qui procure le contentement, le bonheur. Le paradis de l'enfance; un paradis de tendresse; trouver le paradis sur terre. Il a, dans sa jeunesse, connu le paradis, un bonheur dont il ne peut guérir (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p.86). − P. métaph. Le paradis d'un visage. Donne-moi encore une fois ce paradis de ta petite tête (Montherl., Malatesta, 1946, iv, 1, p.511). ♦ [P. réf. à l'oeuvre de Baudelaire (1860)] Paradis artificiels. L'état de bien-être, l'euphorie extrême produits par l'usage des stupéfiants. [Baudelaire] atteignait à la contemplation de l'éternité. (...) c'est (...) dans les Paradis artificiels qu'il a parlé de ses états de rêverie avec le plus de netteté (Béguin, Âme romant., 1939, p.378). B. − RELIGION 1. Région suprême; lieu de séjour où, dans les différentes traditions, les âmes se retrouvent après la mort. Paradis bouddhique, celte, germanique. Quelques nations du sud (...) plaçaient leur paradis au milieu des mers, où les élus jouissaient d'une fraîcheur qu'ils ne rencontrent jamais dans leurs sables brûlans (Voy. La Pérouse, t.2, 1797, p.274).Mais où vont ces ames célestes lorsqu'elles sont séparées du corps? (...) elles passent dans un des sept paradis ou mondes (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.281). ♦ Paradis de Mahomet, du prophète, d'Allah. Lieu de délices promis aux musulmans après leur mort en récompense de leurs mérites, et où ils jouiront de tous les plaisirs des sens. Les houris du paradis. Comme on comprend, sous ces verdures, le désordre passionné de la poésie arabe et son éternelle promesse de paradis verdoyants! (Tharaud, Fête arabe, 1912, p.18). ♦ Paradis orphique. Le paradis orphique, promis aux initiés, était une région bienheureuse du monde souterrain, prairies émaillées de fleurs où abondent les arbres chargés de fruits, où les âmes se reposent dans une douce lumière, participent aux danses et aux chants sacrés, et festoyent à des tables dressées sous les ombrages de beaux jardins (Encyclop. univ.t.61970, p.240). 2. CHRIST. [P. oppos. à purgatoire, à enfer] Lieu de séjour où les âmes des justes jouissent de la béatitude éternelle. Aller, monter au/en paradis; mériter le paradis; avoir sa place en paradis. Dieu (...) nous a toutes fait la même révélation, qui est que nous irons en paradis si nous vivons en bons chrétiens (Péguy, Myst. charité, 1910, p.27).La mère disait que si les pauvres gagnent le paradis par leur misère même, les riches n'arrivent à le gagner que par leur charité. Les uns parce qu'ils n'ont rien, les autres parce qu'ils donnent ce qu'ils ont (Pourrat, Gaspard, 1925, p.86): 3. ... tôt ou tard le seigneur m'appellera (...) j'irai donc dans le paradis, je verrai Jésus-Christ, la Vierge, les anges, les bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, tous les martyrs, les chérubins et les séraphins...
Flaub., Tentation, 1849, p.369. ♦ Le chemin du paradis. ,,Chemin étroit, montant et difficile`` (Ac. 1835, 1878). ♦ La clef, les clefs, les portes du paradis. À droite, on voit (...) saint Pierre avec la clef du paradis (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p.352).Fam. Le portier du paradis. Saint Pierre. (Dict.xixeet xxes.). ♦ Part de paradis. Place promise au paradis aux élus. Attendre sa part de paradis; jurer qqc. sur sa part de paradis. Sur ton salut éternel tu promets de faire ce que je t'ai dit? Landry: Sur la part que j'espère dans le paradis, je le jure (Dumas père, Tour Nesle, 1832, iii, 2, p.57). − Loc. verb. ♦ Avoir, faire son paradis en ce monde. ,,Se livrer à toutes sortes de plaisirs`` (Ac. 1878, 1935). ♦ Envoyer en paradis (pop., vieilli). Tuer. Que j' t'y prenne à me faire des queues, j' t'envoie en paradis (H. Monnier) (Larch.1872, p.126). ♦ Être, se croire en/au paradis; avoir le paradis dans le coeur. Éprouver un grand sentiment de repos, de joie. Renée répondit à ce regard par son plus doux sourire, et Villefort sortit avec le paradis dans le coeur (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.71).La pelouse était couverte de faibles vapeurs condensées, qui déroulaient leurs blancs flocons sur les pointes des herbes. Nous pensions être en paradis (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p.595). ♦ Avoir heurté à la porte du paradis (vieilli). Avoir été à l'agonie. (Ds Besch. 1845, Littré, Lar. 19e-20e). ♦ [En formule d'invocation, de prière ou de souhait] Bonjour papa, bonjour maman, je vous souhaite une bonne année, une bonne santé et le paradis à la fin de vos jours (Renard, Poil carotte, 1894, p.114).Dieu, messer Farinata, vous garde de l'enfer et vous reçoive, après votre mort, en son saint Paradis! (A. France, Clio, 1900, p.133).Se recommander à tous les saints du paradis. Implorer leur protection. Grands saints du paradis! s'écria le vieillard, où sommes-nous? (Hugo, Han d'Isl., 1823, p.143). ♦ [En formule de menace] Ne pas l'emporter en/au paradis; ne pas porter en/au paradis (vieilli et pop.). Être puni de telle action. Le fait est que ces messieurs se sont cruellement joués de vous (...) Ils ne le porteront pas en paradis (Augier, Fils Giboyer, 1862, pp.143-144).Il faut le laisser à ses bougies, au petit ménage de l'autel... Tout de même, il ne l'emportera pas en paradis! (Vercel, Cap.Conan, 1934, p.191). − P. anal. ♦ JEUX. ,,Jeu de marelle, à cause du nom donné au point gagnant`` (France 1907). ♦ LITURGIE Vieilli. ,,Autels provisoires élevés dans les rues les jours de procession solennelle`` (Ac. Compl. 1842). Synon. reposoir.Paradis: Reposoirs que l'on fait à la Fête-Dieu, que l'on faisait autrefois à la porte des églises (Collinet, Région. hte-montagne, 1925).Ces mêmes autels élevés dans les églises, les chapelles au temps des grandes fêtes chrétiennes. Visiter les «Paradis» dans les églises et les chapelles (Arène, Calanque, 1896, p.88). ♦ THÉÂTRE, vieilli. Places les plus élevées et les moins chères d'un théâtre. Synon. poulailler (fam.).Un public de paradis. Elle est pleine [la salle], des fauteuils d'orchestre au paradis (P. Lalo, Mus., 1899, p.49). − Spécialement ♦ BOT. Pommier de paradis ou paradis. Espèce de pommier nain utilisé comme porte-greffe. Ce moyen de propagation reste le plus employé pour la production commerciale des porte-greffes autres que les francs (cognassiers, pommiers paradis) (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.77). ♦ ORNITH. Oiseau de paradis. Synon. de paradisier.Les colibris et les oiseaux de paradis étalaient en plein air les richesses de leur plumage (Verne, 500 millions, 1879, p.109).Plumes de paradis, p.ell., paradis. Plumes de cet oiseau que les femmes portent dans leur coiffure. Longue figure immobile (...) encadrée de deux plumes de paradis roses qui lui emprisonnent les joues entre deux parenthèses (Green, Journal, 1945, p.272). REM. Paradiser, verbe trans.,rare. Rendre merveilleux comme un paradis. La variété prodigieuse, infinie, des parures dont la nature a voulu maternellement glorifier l'hymen de l'insecte et lui paradiser ses noces (Michelet, Insecte, 1857, p.156). Prononc. et Orth.: [paʀadi]. Att.ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.A. 1. Fin xes. «lieu où les âmes des justes jouissent de la béatitude» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 300: Eu t'o promet, oi en cest di Ab me venras in paradis); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 173: Quar il ad Deu bien ed a gret servit, Ed il est dignes d'entrer en paradis); ca 1135 (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 431: Qui en ce jor morra en la bataille, En paradis sera son herbergage); 1188 le paradis considéré comme le comble de la félicité (Aimon de Varennes, Florimont, 6019 ds T.-L.: Est gueris qui la [la pucele] puet vëoir; Vis est qu'il soit em paradix); 2. fin xiies. «bonheur parfait, béatitude» (Mainet, III, 3, ibid.); 1226-27 (Guillaume le Clerc, Besant de Dieu, éd. P. Ruelle, 452: Querez vus autre paradis Que seeir en tel palefrei); 3. 1269-78 «séjour des divinités païennes» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5399); 4. 1597 mar. «anse d'un port où les navires sont en sûreté» (doc. ds Jal1); 5. 1606, avr. «amphithéâtre placé dans la partie la plus haute d'un théâtre» (doc. ds G. Cohen, Compte des dépenses pour le Mystère de la Passion, 1925, LI). B. 1. Ca 1135 «jardin merveilleux où, selon Gen. II, 8-10, Dieu plaça Adam et Ève» (Couronnement de Louis, 703); 1146-70 (Jeu d'Adam, éd. W. Noomen, 198, 345); ca 1200 le paradis considéré comme un lieu riche et fécond, aux productions délectables (Aye d'Avignon, 62 ds T.-L.: ... qui ert vaillant et clere [la pierre precïose] De paradis terrestre l'avoit on aportee); ca 1240 (Narbonnais, 4318, ibid.: ... une espice aroment, ... En paradis fu prise voirement, Là ò Dex fist Adan primierement); spéc. a) 1225-30 graine de paradis (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 1341); b) 1256 poume de paradis «banane» (,,Régime du corps`` de Aldebrandin de Sienne, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p.99, 6); 1538 pomme de paradis «pomme d'api» (Est., s.v. malus); c) 1585 oyseaulx de paradis (Franchières, Fauc., ms. Chantilly 1528, fol. 5 rods Gdf. Compl.); d) 1521 fleur de paradis (Trév.). Empr. au lat. chrét. paradisus (gr. π
α
ρ
α
́
δ
ε
ι
σ
ο
ς «parc clos où se trouvent des animaux sauvages [en parlant des parcs des rois et des nobles perses]» empr. à l'iranien [Chantraine], utilisé dans les Septante aux sens B [Gen. II, 8] et A [Luc XXIII, 43; 2 Cor. XII, 4]) «parc, enclos» (Aulu-Gelle), «jardin délicieux» (Cant. IV, 12), employé pour désigner le paradis terrestre (Tertullien, St Jérôme), le séjour des justes, le ciel [p.oppos. à inferi] (Tertullien), de là le sens de «lieu de bonheur spirituel» (St Augustin, Gen. Man. ds Blaise Lat. chrét.). Cf. la forme adaptée a. fr. pareïs «séjour des élus» (ca 1100, Roland, éd. J. Bédier, 1855, 2396; 1121-35 parais terrestre Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1456); pour la forme a. fr. parevis, parvis, v. ce dernier mot. Fréq. abs. littér.: 2401. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2705, b) 4032; xxes.: a) 3894, b) 3399. |