| PANACÉE, subst. fém. A. − HIST. DE LA MÉD., ALCHIM. Remède de caractère universel, censé posséder la propriété de guérir à lui seul toutes les maladies, et représentant l'un des buts des recherches alchimiques. [Des moines] lui apparaissaient, ainsi qu'au moyen âge, cultivant des simples, chauffant des cornues, résumant dans des alambics de souveraines panacées, d'incontestables magistères (Huysmans, À rebours, 1884, p.220): 1. ... l'alchimie (...) prétendait à la fois enrichir ses adeptes en leur apprenant à fabriquer l'or et l'argent, les mettre à l'abri des maladies par la préparation de la panacée, enfin leur procurer le bonheur parfait en les identifiant avec l'âme du monde et l'esprit universel.
Berthelot, Orig. alchim., 1885, p.2. − Panacée universelle. Les remèdes héroïques, les panacées universelles, (...) ne sont que l'expression empirique de cette réaction contre la médecine hippocratique (Cl. Bernard, Introd. ét. méd. exp., 1865, p.329).La quinine, en effet, est une bonne chose; ce n'est pourtant pas la panacée universelle, et on ne s'étonnera guère que, recherchée par cet unique moyen, la guérison d'Harriet ait fait de minces progrès (Gobineau, Pléiades, 1874, p.130). − P.anal. Ce dont il faut se garder (...) c'est de faire de l'opothérapie thyroïdienne une panacée (Apert dsNouv. Traité Méd.fasc. 81925, p.142).Les vitamines (...): le grand public leur prête souvent et à tort des vertus de panacées (...) alors que leur action propre est étroitement spécifique (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p.688). − HIST. DE LA PHARM. Substance qui passait pour posséder certaines propriétés merveilleuses la rendant active contre un certain nombre de maladies. ♦ Panacée anglaise. ,,Mélange de carbonate de magnésium et de craie`` (Duval 1959). Panacée antimoniale. ,,Composé voisin du kermès minéral`` (Duval 1959). Panacée double ou de Holstein (vx). ,,Sulfate de potassium`` (Duval 1959). Panacée mercurielle (vx). Synon. de calomel. (Ds Duval 1959).Si la maladie est très-grave, on donnera (...) des tablettes composées de médicamens plus actifs, tels que le safran de mars, (...) la panacée mercurielle (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p.318).Panacée de Glauber. ,,Sulfate de soude, sel de Glauber`` (Privat-Foc. 1870). B. − P.ext., souvent iron. 1. [P.allus. à la polyvalence comme à l'efficacité attribuées à la panacée des alchimistes] Toute substance, tout procédé se révélant efficace dans le traitement d'un certain nombre de maladies. Le docteur Saint-Ernest énumérait les maladies justiciables de sa méthode curative. Comme on le devine, rien ne se dérobait à l'action souveraine de cette panacée (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.90). − Panacée universelle. La saignée. C'est du reste en ce moment, chez les Anglais, le remède en faveur, la panacée universelle; ils l'emploient pour tout et pour rien (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.367).Il n'entendait rien à la médecine et appliquait ce maudit émétique à tous les maux. C'était sa panacée universelle (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.257). 2. [P.allus. à la seule notion d'efficacité] Remède: 2. −(...) Tes fioles d'électricité et des globules soulagent-ils au moins quelques malades? −Peuh! ils guérissent un peu mieux que les panacées du Codex, ce qui ne veut pas dire que leurs effets soient continus et sûrs...
Huysmans, Là-bas, t.1, 1891, p.9. − Panacée de + subst. (désignant une maladie).Remède spécifique contre (telle maladie). Gens qui ne l'acceptent [le thé] que comme la panacée des indigestions (Balzac, Ét. femme, 1830, p.386). − Panacée préservatrice. Remède préventif. Nos bestiaux (...) sont quelquefois sujets à des incommodités et à ce que nous appelons tristesse (...). Ma panacée préservatrice, sur-tout pour mes chevaux, est l'assa-fétida (Crèvecoeur, Voyage, t.2, 1801, p.253). C. − P.métaph. ou au fig. Ce que l'on croit capable de guérir tous les maux physiques ou moraux, de répondre à tous les besoins, de résoudre quasi miraculeusement tous les problèmes. Les utopies de ceux qui (...) croient à une panacée, à une formule qu'il s'agit de trouver pour faire le bonheur du monde (Gambettads Fondateurs 3eRépubl., 1872, p.262).Il n'est pas donné à l'homme, je le répète, de rencontrer ni dans le monde physique, ni dans le monde politique, une panacée (Hugo, Actes et par., 1, 1875, p.192).Est-ce à dire (...) que nous prenions notre analyse pour une panacée et une réponse à toutes les objections? (Antoine, Passeron, Réforme Univ., 1966, p.126): 3. ... il n'y eut jamais tant de «plans» qu'à la veille du désastre. On peut dire qu'à l'heure où, à la lettre, la France se désagrégeait, jamais de plus habiles médecins ne se bousculèrent à son chevet, qui tous étaient assurés de détenir le meilleur remède. Nous sommes payés pour connaître l'inutilité de ces panacées, de ces programmes mirifiques, tapés à la machine. Aucun ne mordait sur le réel.
Mauriac, Bâillon dén., 1945, p.393. − Panacée universelle. Il n'y a point de panacée universelle pour le chagrin, il en faudroit autant que d'individus (Chateaubr., Essai Révol., t.2, 1797, p.162).Ce cabinet où résidait la panacée universelle, le crédit! (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.266).M. d'Harville, prenant un pistolet de combat (...) −Voici, messieurs, la panacée universelle pour tous les maux (Sue, Myst. Paris, t.5, 1843, p.91).Il ne faudrait pas croire cependant que le fédéralisme est une panacée universelle et garantit la paix éternelle (Scelle, Fédéralisme eur., 1952, p.23). Prononc. et Orth.: [panase]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1213 «variété d'herbe brûlée avec d'autres pour éloigner les serpents» (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 612, 8), attest. isolée; 1549 «variété d'herbe qu'on peut voir dans les prés» (Ronsard, Hymne de France, 54, OEuvres, éd. P.Laumonier, t.1, p.26); 1559 «plante servant de remède» (Id., Odes, Livre 1, XVIII, 45, ibid., p.157); 1564 «remède absolu» (Id., Nouvelles poésies, livre III, 105, ibid., t.12, p.262: Tu es ma panacée, à toy je viens icy Pour guerir de ma playe, et pour avoir mercy). Empr. au lat. panacea, du gr. π
α
ν
α
́
κ
ε
ι
α nom d'une plante imaginaire servant de remède universel personnifiée sous le nom de la fille d'Esculape, de π
α
ν- «tout» et α
́
κ
ο
ς «remède». Fréq. abs. littér.: 48. |