| * Dans l'article "PAÏEN, PAÏENNE,, subst. et adj." PAÏEN, PAÏENNE, subst. et adj. I. − Substantif A. − 1. HIST. DES RELIG. a) Personne qui pratiquait une des religions polythéistes de l'Antiquité. Avec leur ribambelle de dieux, les païens n'étaient pas si bêtes: ils avaient tout de même réussi à donner au pauvre monde l'illusion d'une grossière entente avec l'invisible (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p.1045). b) En partic. Personne qui pratiquait une des religions polythéistes gréco-latines de l'Antiquité. Les chrétiens admirent que chez les païens une innocente soit apparue pour racheter sa race, et s'ils lèvent leur regard du texte, ils voient Antigone au milieu des anges (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p.84): 1. ... les anciens gaulois, nos aïeux, adoraient (...) le ciel et la terre, le vent, les eaux −et, par-dessus tout, le grand Teutatès, qui est le Saturne des païens.
Flaub.,Bouvard, t.1, 1880, p.112. 2. Combien parmi nous, qui rendent un culte à la Sainte Vierge, osent se souvenir que le plus célèbre monument des païens était dédié à la pureté? Le Parthénon: le temple de la jeune fille...
Paulhan,Fleurs Tarbes, 1941, p.194. 2. [P.oppos. à chrétien] Personne qui est adepte d'une religion polythéiste ou fétichiste. Prier pour la conversion des païens: 3. Y a-t-il aujourd'hui des païens? Au moins deux grandes religions, l'hindouisme (six cents millions de fidèles) et le shintoïsme (cent millions) relèvent de la définition classique du paganisme (polythéisme, culte des images, mythologie, ritualisme).
Quid 1982, p.47. B. − Personne dont l'attitude religieuse, morale ou intellectuelle s'inspire des religions polythéistes de l'Antiquité. Ma femme (...) va à la messe du dimanche (...). Moi, j'ai toujours été païen. On ne peut pas aimer la nature comme je l'aime, et Jésus-Christ (Montherl.,Pitié femmes, 1936, p.1182): 4. −Eh bien, oui, −avouait fièrement Rémonville, −je suis païen! −Et, d'un ton mi-sérieux, mi-badin, du ton d'un homme d'esprit contant un miracle auquel il croit: −Mon cher, il y a eu un savant, c'est-à-dire un Allemand, qui a nié à Munich, dans une brochure très-savante, la divinité solaire d'Apollon... savez-vous comment il est mort? Tué d'un coup de soleil!...
Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p.177. C. − P.ext., le plus souvent péj. Personne qui ne croit en aucun dieu. Synon. athée; anton. croyant.Coupeau ne voyait guère la nécessité de baptiser la petite (...). Moins on avait affaire aux curés, mieux ça valait. Mais maman Coupeau le traitait de païen (Zola,Assommoir, 1877, p.471).Il fallait faire tomber sur l'île la grâce de Dieu. Depuis une année les gens vivaient comme des païens! Personne, depuis une année, n'avait reçu l'hostie dans la bouche! (Queffélec,Recteur, 1944, p.188). − Loc. verb. Jurer comme un païen. Jurer ou blasphémer continuellement. «(...) dis-moi, as-tu battu ta mère?» À cette question, mon cavalier s'agite, lève de grands bras, jure comme un païen et s'écrie: «Monsieur le curé, vous vous f... de moi!» (A. France,Orme, 1897, p.58). II. − Adjectif A. − 1. HIST. DES RELIG. a) [En parlant d'une pers.] Qui pratiquait une des religions polythéistes de l'Antiquité. Synon. idolâtre.Les tribus franques, restées païennes, avaient des chefs qui n'étaient pas disposés à obéir au parvenu converti (Bainville,Hist. Fr., t.1, 1924, p.24). b) [En parlant d'un inanimé concr.] Relatif aux religions polythéistes de l'Antiquité. Sur ce rocher bizarre un temple païen a précédé l'église épiscopale, des cultes se sont succédé des pèlerinages ont afflué (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p.289).La tora d'Israël proscrit nombre de rites païens, associés à la cruauté ou à l'impudicité (Weill,Judaïsme, 1931, p.83). 2. Qui pratique une religion polythéïste ou fétichiste. En Afrique, en Amérique (Peaux-Rouges, Indiens d'Amazonie) et dans le Pacifique vivent des populations qui sont restées païennes mais dont l'influence décroît face à l'islam et au christianisme (Quid 1982, p.47). B. − 1. [En parlant d'une pers.] Dont l'attitude religieuse, morale ou intellectuelle s'inspire des religions polythéistes de l'Antiquité. Me voilà bien embarrassé, mon cher Godefroy. C'est donc à un pèlerin de la Salette que vous demandez ce qu'il pense de votre beau travail sur le poète païen Moréas! (Bloy,Journal, 1906, p.316).Quelqu'un a écrit que Jean de Meung fut un «devancier puissant des érudits païens et naturalistes du XVIIIesiècle» et qu'«il y a en lui le germe de Rabelais...» (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.252). 2. Qui s'inspire des caractères du paganisme antique ou les évoque. Ce naturalisme respire non seulement dans les oeuvres franchement païennes de MmeJuliette Lamber, mais dans ses moindres nouvelles (Lemaitre,Contemp., 1885, p.137). C. − P.ext. 1. [En parlant d'une pers.] Qui ne croit en aucun dieu. Synon. athée, incroyant; anton. pieux, religieux.J'ai vu passer, dans ma première jeunesse, quelques ingénieurs païens, ou du moins très-profanes, et j'étais fixé dans le préjugé d'une sorte de mécréance polytechnique (Bloy,Journal, 1906, p.293).Tels sujets, qu'on pourrait croire indifférents au plus grand nombre, dans une société devenue païenne, éveillent au contraire l'intérêt et la sympathie (Mauriac,Journal 1, 1934, p.67). 2. Qui est dénué de sens religieux. Aujourd'hui encore, le protestantisme juge qu'il est de son devoir de «réagir contre l'invasion de l'esprit païen dans l'Église» (Gilson,Espr. philos. médiév., 1932, p.213). REM. 1. Païennement, adv.,rare. De manière païenne. J'avais passé la semaine sainte trop païennement; les jours avaient été trop voluptueux (Alain-Fournier,Corresp.[avec Rivière], 1907, p.92). 2. Paganique, adj.Du paganisme antique. Et ne sont en vérité autre chose que faux Christs et faux prophètes, adorateurs de la pierre et du bois, forgeurs de plus de dieux qu'on n'en vit aux temps paganiques (Tharaud,Chron. frères enn., 1929, p.88). 3. Pagano-, élém.représentant païen ou paganisme, formateur de mots comp. signfiant «(ce) qui possède à la fois les caractères du paganisme et ceux donnés par le 2eélément». a) Pagano-catholique, adj.Quel extraordinaire mariage [le carnaval de Rio] entre la tradition pagano-catholique la plus pure, l'apport africain et le passage d'une fête hivernale dans l'hémisphère Nord qui devient, en février, une fête estivale dans l'hémisphère Sud! (Le Nouvel Observateur, 22 oct. 1979, p.3, col. 2). b) Pagano-chrétien, -ienne, adj.Nous sommes même en mesure de découvrir un oracle dans cette pièce pagano-chrétienne (La Nef, 1967, no29, p.68). c) Pagano-christianisme, subst. masc.Joseph qui, levant son verre, nous résume le pagano-christianisme villageois local en une formule d'une saisissante simplicité: «Le repas, c'est la Cène» (Le Nouvel Observateur, 9 août 1980, p.42, col. 2). Prononc. et Orth.: [pajε
̃], fém. [pajεn]. Ac. 1694-1740: payen; dep. 1762: païen, avec en 1835, 1878, une vedette de renvoi payen. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) ca 881 «qui est adepte du polythéisme gréco-latin (opposé à chrétien*)» (Ste Eulalie, 21 ds Henry Chrestomathie, p.3: li rex pagiens); 1580 livres paiens (Montaigne, Essais, II, XIX, éd. P.Villey et V.-L. Saulnier, p.668); b) 1674 «dont le comportement, les goûts sont influencés par la civilisation gréco-latine» (Boileau, Art poétique, III ds OEuvres, éd. F. Escal, p.174: Ce n'est pas que j'approuve en un sujet Chrestien Un Auteur follement idolâtre et Payen); 2. ca 1100 «qui n'a pas encore été évangélisé» qualifie ici les Sarrasins (Roland, éd. J. Bédier, 2360: la paiene gent); 3. p.ext. début xiiies. [date du ms.] «impie» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 4539, var. ms. B: mult furent paien li humme de cel fié, Le bois unt l'arcevesque vendu et essillié); 2emoitié xviies. vie païenne et séculière (Bossuet, 1erSerm. Dim. de la Passion, 1 ds Littré). B. Subst. 1. a) ca 881 «adepte du polythéisme gréco-latin» (Ste Eulalie, 12: ... Maximiien Chi rex eret a cels dis soure pagiens); b) p.ext. 1671, 29 avr. «personne dont le comportement s'inspire du paganisme antique» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p.276); 2. ca 1100 «celui qui n'a pas encore été évangélisé» (Roland, 2460); 3. 1740 «mécréant» jurer comme un païen (Ac.). Du lat. paganus (de pagus, v. ce mot) proprement «du pagus, de la campagne, de village», empl. subst. «habitant du pagus, paysan, villageois»; employé à l'époque impériale au sens de «civil, bourgeois» opposé à «militaire» (Juvénal, Sat., XVI, 33; Tacite, Hist., 1, 53; 2, 14), p.ext. «amateur, profane» par rapport à un groupe soc. déterminé (celui des littérateurs professionnels, p.ex. ds Pline, Epist., VII, 25). Étant donné que dep. le iiies., les clercs se nommaient milites (Tertullien, Cast., 12), milites Dei (Cyprien, Ad Fort., 12), milites Christi (Id., Ep., 28, 2 ds Blaise Lat. chrét.) et désignaient par militia, militia Christi la milice chrét., la lutte pour la foi (Tertullien, Mart., 3; Cyprien, Ep., 56, 2; 58, 2, ibid.), ils furent amenés à utiliser le sens péj. de paganus «civil» pour qualifier ou désigner les païens: Tertullien, Idol., 20: pagana fides, ibid.; déb. ives., époque de l'édit de Milan, l'interprétation de pagana nata par «née païenne» (inscription de Catane, CIL t. X, no7112) est jugée possible par H. Grégoire et P.Orgels ds Mél. Smets [G.], 1952, pp.378-386; ca 355, M. Victorinus, In epist. Pauli ad Galatas, II, 3, ibid., p.379, note 3: qui [Titus] ... Graecus erat, id est paganus; cf. Augustin, Ep., 184 bis, 3, 5 ds Blaise Lat. chrét.: quos vel gentiles vel jam vulgo usitato vocabulo paganos appellare consuevimus. Le terme, évinçant gentiles, fut adopté par le style législatif au début du ves., époque où la législ. elle-même était devenue défavorable aux païens (409 loi de Honorius ds Code théodosien, XVI, 5, 46 ds Mél. Smets [G.], p.390, note 1). Cette hyp. paraît, du point de vue hist., préférable à celle, ant., qui faisait dériver païen de paganus au sens de «paysan» (en raison de la résistance de la population rurale au christ.), étant donné qu'au ives., la propagation du christ. occ. était loin d'être assez avancée pour que les paysans puissent être considérés comme les seuls païens et que ceux-ci soient désignés du nom de «paysans». V. aussi FEW t. 7, pp.466b-467a, Ch. Mohrmann ds Vigiliae christianae, t. 6, 1952, pp.109-121. Fréq. abs. littér.: 1071. Fréq. rel. littér.: xixes.: 1863, b) 1032; xxes.: a) 1957, b) 1233. DÉR. Païennerie, subst. fém.,rare, péj. a) Ensemble des caractères païens propres aux religions de l'Antiquité. Malatesta: Comment rire de ceux qui prennent force dans le Christ, alors qu'ils croient en lui, puisque moi je prends force, par exemple, dans le mythe d'Adonis (...)? Le Pape: Qu'est-ce que ce mythe d'Adonis? Je suis excédé de cette païennerie qu'on met partout aujourd'hui (Montherl.,Malatesta, 1946, II, 5, p.472).b) Entourage, environnement dénué de tout sens religieux. Mimi m'a quittée pour quinze jours; elle est à ..., et je la plains au milieu de cette païennerie, elle si sainte et bonne chrétienne! (E. de Guérin,Journal, 1835, p.75).− [pajεnʀi]. − 1resattest. a) ca 1485 «paganisme» payennerie (Mystère de St Adrien, éd. E. Picot, 7214), ca 1610 (Béroalde, Parvenir, Journal I, 74 ds Hug.), b) xves. [ms.] «troupe de païens, de gentils» (Vie de Ste Febronne, B.N. fr. 2096, fol. 29 rods Gdf.), ex. isolé, c) 1835 «groupe, société de personnes dont le comportement est inspiré par le paganisme gréco-latin» (E. de Guérin, loc. cit.), d) 1922 «vie dissolue» (Barrès, Jard. Oronte, p.40); de païen, suff. -erie*; cf. le dér. en -ie*, de sens voisin «terre, monde des païens» paienie (1155, Wace ds T.-L.), v. Nyrop t. 3, § 394. BBG. −Pauli 1921, p.58 (s.v. païennement). _ Quem. DDL t. 7 (s.v. païennerie). |