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PÉTRIFIÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. − Part. passé de pétrifier*.
II. − Adjectif
A. −
1. Changé en pierre et, spéc., minéralisé. Bois, végétaux pétrifiés. Comparer, autant qu'il se pourra, les coquillages pétrifiés des différens parages avec les coquillages vivans des mers voisines (Voy. La Pérouse,t.1, 1797, p.168).Çà et là, j'aperçois des fragments de bambous pétrifiés. Jadis un océan a coulé là, cela est certain (Du Camp, Nil,1854, p.75).Deux grands artistes, Léonard de Vinci, en Italie, Bernard Palissy, en France, proclamèrent (...) que les fossiles sont les débris pétrifiés d'êtres ayant vécu sur les lieux mêmes où on les observe (Boule, Conf. géol.,1907, p.51).
[Suivi d'un compl. prép. désignant le minéral obtenu] Des troncs de palmiers pétrifiés dans le silex (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p.159).
Rare, empl. subst. masc. Ce pétrifié tout à coup qui bondit, et ce mort que j'ai ressuscité (Claudel, Visages radieux,1947, p.795).
P. anal. Dur comme la pierre, solidifié et, en partic., gelé. C'est avec des morceaux de lave pétrifiée que sont bâties la plupart de ces maisons (Staël, Corinne,t.2, 1807, p.220).Une lame d'eau brisée (...) reste là comme un caillou, et la patte (...) l'abandonne, inerte, à la surface pétrifiée du bassin (Genevoix, Rroû,1931, p.189).Lewis découpait avec une scie un beefsteack pétrifié (Beauvoir, Mandarins,1954, p.520).
[Suivi d'un compl. prép. désignant un phénomène physique] Ce touriste américain qu'on a retrouvé pétrifié de froid et de faim (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p.253).
[P. méton.] Les grands froids pétrifiés de décembre (H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p.106).
2. Recouvert d'une couche de calcaire. Ces herbes que portent les longs ruisseaux acides aux eaux calcaires; d'abord, une molle feuille d'avoine, puis, à la fin, une raide aiguille pétrifiée (Giono, Eau vive,1943, p.22).
3. Représenté, matérialisé dans la pierre.
[En parlant de choses, d'êtres réels ou imaginaires] Toutes les pierres, et la plate-forme entre les deux tours, et le peuple pétrifié des monstres qui en ornent les abords sont flammés noir et blanc (Toulet, Nane,1905, p.230).J'aime Albi pour sa cathédrale, (...) éclatante à l'intérieur comme un fruit merveilleux, grenade dont la pulpe se transforme en cristaux et en mousselines pétrifiées (Jammes, Mém.,1923, p.206).
[En parlant d'abstractions] Un monument, un temple, est-il autre chose qu'une fête continuelle, pour ainsi dire, une expression pétrifiée de cette communion de tout un peuple, qui, à certains jours, s'affirme sur la place publique... (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p.233).L'importance qu'une Élisabeth de Bavière ou encore qu'un Louis II donnent à leurs châteaux, véritables rêves pétrifiés (Barrès, Amori,1902, p.194).Le temple [dans un tableau de Chirico] n'est pas un jouet (...) mais bien une imagination pétrifiée, poussée à l'extrême, mise au monde, vivante (Cocteau, Crit. indir.,1932, p.79).
B. − P. anal. ou au fig.
1. [En parlant d'une pers. du point de vue de son aspect physique ou d'un attribut de la pers.]
a) Immobile comme une statue, paralysé sous l'effet d'une émotion violente. Synon. cloué, figé, stupéfié.Jacquette à plat ventre contre un vieux panneau de boiserie, semble attentive ou pétrifiée comme un chien à l'arrêt (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p.231).Michel (...) s'arrête tout pétrifié au milieu de la route. Puis, il recommence à marcher parce que sa voiture et les autres avancent (Giono, Regain,1930, p.18):
1. Il voulut se lever, fuir, échapper; il ne put remuer un pied. Quelquefois les choses qu'on voit vous saisissent et vous tiennent. Il demeura cloué, pétrifié, stupide, se demandant, à travers une confuse angoisse inexprimable, ce que signifiait cette persécution sépulcrale... Hugo, Misér.,t.2, 1862, p.109.
[Suivi d'un compl. prép.]
[désignant un sentiment] Pétrifié d'admiration, d'étonnement, d'incrédulité, d'épouvante, de peur. À l'immobilité d'Isabelle, pétrifiée et médusée de terreur, l'enfant l'avait crue endormie (Gautier, Fracasse,1863, p.273).Une nausée souleva ses entrailles. Les doigts, d'une étreinte désespérée, seuls vivants dans son corps pétrifié d'horreur, grattèrent le sol comme des griffes (Bernanos, Soleil Satan,1926, p.177).
[désignant une attitude physique, un état psychique] MmeCastillon ne pleurait pas. La mâchoire ouverte et les prunelles éteintes, elle resta sans faire un mouvement, −pétrifiée dans son désespoir; n'étant plus un être, mais une chose en ruines (Flaub., Bouvard,t.2, 1880, p.56).Il y a deux hommes qui jouent aux boules (...). Ils s'accroupissent, lancent la boule et restent, ainsi, le bras tendu, pétrifiés dans le geste qui l'a lancée (Giono, Chron.,Noé, 1947, p.264).
[P. méton.] Attitude, contenance pétrifiée. L'homme dans son immobilité pétrifiée (...) attendait, collé contre la porte (E. de Goncourt, Faustin,1882, p.319).As-tu remarqué dans les encognures de la gare Saint-Lazare certains couples inertes? (...) Ils sont collés au mur, immobiles, sans rien dire (...). Cette extase pétrifiée dure très longtemps (Chardonne, Romanesques,1937, p.143).Je lisais, couché entre ses pieds, au milieu de ces interminables silences pétrifiés qu'il nous imposait (Sartre, Mots,1964, p.128).
b) En partic. [En parlant du visage, des yeux] Inerte, sans expression. Cet homme est desséché par le souffle des passions, aucune fraîcheur de jeunesse ne colore plus ses traits pétrifiés, sa bouche ne sait plus sourire, son teint ne s'anime jamais (Sand, Lélia,1833, p.20).À la première prise [de la drogue], pourtant médiocre, (...) elle a vu flotter son regard et son joli visage tout à coup livide, pétrifié (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p.900).
[Suivi d'un compl. prép. désignant un état psychique] Un visage soudain plus sinistre que celui d'un aveugle, absent, dissous, pétrifié dans la tension absorbante du guet (Gracq, Syrtes,1951, p.32).
[P. méton.] Deux beaux yeux et un charmant sourire pétrifié sur ses lèvres rappelaient sa première beauté (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p.68).Aussitôt après cette lumière [de gaieté] la véhémence pétrifiée envahissait son visage (Arnoux, Algorithme,1948, p.134).
c) Raide, guindé. Ce quelque chose d'automatique et de pétrifié, que montre par les rues de Paris, en plein jour, sur l'anéantissement de toute sa personne, l'accompagnateur d'un brancard s'acheminant vers l'hôpital (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p.237).Toute la journée, pétrifiée de timidité, je commentai «le discours métaphysique» (...). Je revins chaque jour, et bientôt je me dégelai (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.334).
2. [En parlant d'une pers. du point de vue de sa vie affective ou d'un attribut de la pers.] Incapable de s'attendrir. Synon. glacé, sec.Après avoir eu pitié de sa femme, il était près d'aimer son enfant. Ces deux faiblesses s'étaient glissées dans cette âme pétrifiée (Feuillet, Camors,1867, p.321).Son coeur pétrifié s'ouvrit, un flot brûlant déborda de ses yeux, et elle se précipita, s'engloutit dans les bras de l'ancienne danseuse (A. Daudet, Nabab,1877, p.119).
3. [En parlant d'une pers. ou d'une collectivité du point de vue de leur comportement intellectuel, moral, social, etc. ou d'une de leurs productions] Qui a cessé d'évoluer. Synon. figé, sclérosé.Civilisation, religion, société pétrifiée; idées, langue, valeurs pétrifiée(s). [Ponge] souhaite laisser derrière lui des «proverbes». Des proverbes, c'est-à-dire ces phrases lourdes de sens, déjà pétrifiées (Sartre, Sit. I,1947, p.275).Voici des années que les entreprises d'équipement, sur tous les points du monde, se brisent contre le statut pétrifié de la propriété privée (Le Corbusier, Charte Ath.,1957, p.113):
2. La Chine et l'Inde, l'une par le matérialisme, l'autre par une philosophie pétrifiée, sont de véritables nations-momies... Chateaubr., Ét. ou Disc. hist.,t.2, 1831, p.260.
[Suivi d'un compl. prép. introd. par dans]
[désignant un aspect partic.] L'orthodoxie, (...) pétrifiée, stéréotypée dans ses formes, ne peut jamais se départir de son passé. Comme sa prétention est d'être faite du premier coup et tout d'une pièce, elle se met par là en dehors du progrès (Renan, Avenir sc.,1890, p.61).Il était de ces hommes qui ne changent pas, pétrifiés depuis toujours dans la même forme physique et morale (Vialar, Carambouille,1949, p.195).
[désignant une manifestation du comportement, de la pensée] J'ai senti combien s'abusent nos adversaires quand ils reprochent à la foi catholique de croupir dans la stagnation, quand ils nous croient figés et comme pétrifiés dans les mêmes concepts et les mêmes pratiques (Romains, Copains,1913, p.223).Des parents pétrifiés dans des habitudes bourgeoises (Aymé, Confort,1949, p.127).
Rare, empl. subst. masc. Les anciens arrivent, ceux d'avant, ceux de toujours, les pétrifiés, les rassurants, les confortables, les culs-de-sacs, les bien léchés, la tradition enfin, assise, prospère, rasée de frais (Camus, État de siège,1948, 3epart., p.299).
Prononc. et Orth.: [petʀifje]. Ac. 1694, 1718: petrifié; dep. 1740: pé-. Fréq. abs. littér.: 420. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 662, b) 738; xxes.: a) 438, b) 561. Bbg. Gohin 1903, p.346.