| PÂTEUX, -EUSE, adj. A. − 1. Qui a la consistance molle et collante de la pâte, intermédiaire entre le solide et le liquide. Glaise, masse, matière pâteuse; magma pâteux; métal à l'état pâteux. Tant que le bleu de Prusse est pâteux et humide, il conserve toujours une nuance pure (Manuel du fabricant de couleurs,t.1, 1884, p.284).Des sucres d'orge, des pastilles, ces bonbons multicolores qui s'agglutinent dans les bocaux en conglomérats pâteux (Tharaud, Relève,1919, p.32). ♦ Terre pâteuse. Terre grasse, molle, détrempée. Quand la terre pâteuse vous met aux pieds des raquettes d'Indiens, quand les jambes sont cuirassées de boue (Montherl., Olymp.,1924, p.378). − En partic. a) [En parlant d'un aliment] Qui empâte la bouche; qui a une consistance de pâte. Bonbon pâteux. Pain pâteux. Pain pas assez cuit ou pas assez levé. (Dict.xixeet xxes.). Fruit pâteux. Fruit farineux, pas assez juteux, ni fondant (Dict.xixeet xxes.). Synon. cotonneux; anton. fondant. b) [En parlant d'un liquide] Qui manque de fluidité; qui contient un dépôt. Synon. boueux, épais, visqueux; anton. clair, fluide.Encre pâteuse; sirop pâteux. Le grand coq rouge, debout, chancelant, un sang pâteux gouttant du bec ouvert (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p.123). 2. Loc. Avoir la bouche, la langue pâteuse. Avoir une salive épaisse qui prive la langue de sa sensibilité habituelle. Philippe ne s'éveilla qu'à sept heures, la bouche pâteuse, la figure enflée (Balzac, Rabouill.,1842, p.327): . Le désespoir de Coupeau se mêlait à un violent mal aux cheveux. Il se passait les doigts dans les crins, il avait la bouche pâteuse des lendemains de culotte, encore un peu allumé malgré ses dix heures de sommeil.
Zola, Assommoir,1877, p.655. − P. anal. [En parlant de l'élocution] Qui manque de netteté, de sonorité. Parole pâteuse. À Plassans, on lui trouvait la voix pâteuse, les gestes lourds (Zola, Fortune Rougon,1871, p.62).Il commença par lui tirer les oreilles, en lui faisant, d'une langue pâteuse et bredouillante, un sermon sur le respect que l'enfant doit à son père (Rolland, J.-Chr.,Aube, 1904, p.45).Soudain on entendit la voix de Poloche qui montait, pâteuse et bredouillante. Naturellement, il était encore plus gris que de coutume (Moselly, Terres lorr.,1907, p.138). 3. Spécialement − PEINT. Gras et moelleux; abondant en couleurs. Touche pâteuse; chairs pâteuses (Ac. 1935). Pinceaux pâteux (Ac. 1878-1935). Sa touche large, pâteuse et manétiste [semblable à celle de Manet], ne s'accorde pas avec les lignes belles et sévèrement exigeantes qu'il a employées (Péladan, Salon,1888, p.40). − MÉTALL. Fusion pâteuse. Fusion au cours de laquelle un corps ne passe pas directement de l'état solide à l'état liquide. Une argile, (...) le verre en fusion pâteuse ont une plasticité assez semblable (Al. Brongniart, Arts céram.,t.1, 1844, p.250). − JOAILL. [En parlant d'une pierre fine ou précieuse] Qui est trouble, qui manque de transparence. Diamant pâteux; oeil pâteux d'une agathe. (Dict.xixes., Lar. Lang. fr.). B. − Au fig., péj. [En parlant d'une production de l'esprit, discours, écrit, ouvrage] Lourd et maladroit, mou et sans netteté, embrouillé. Style pâteux. La partie théorique, par quoi s'ouvre le livre, est pâteuse, pesante, mal dégrossie, sans presque aucun rapport avec le récit qui la suit (Gide, Journal,1922, p.742).Ne me juge pas là-dessus. D'abord la forme est détestable! C'est boursouflé, pâteux, chargé de bavardages! (Martin du G., Thib.,Belle saison, 1923, p.949).Tout ceci ressemble à une pâteuse explication de vote (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p.314). Prononc. et Orth.: [pɑtø], fém. [-ø:z]. Ac. 1694, 1718: pasteux; dep. 1740: pâteux. Étymol. et Hist.1. xiiies. «qui a les caractères de la pâte; mou, flasque» (Hist. de Joseph, B.N. 2455, fo235 rods Gdf. Compl.); 2. 1562 langue pasteuse «chargée de mucosités» (Du Pinet, Pline, XXIII, 1, ibid.); p.ext. 1871 voix pâteuse (Zola, Fortune Rougon, p.62); 3. 1798 «trop épais d'un liquide» (Ac.); 4. id. terme de joaill. avoir un oeil pâteux (ibid.); 5. fig. 1801 style pâteux (Rivarol, 232 ds Gohin). Dér. de pâte*; suff. -eux*. Fréq. abs. littér.: 125. DÉR. Pâteusement, adv.a) Rare. D'une manière pâteuse; comme de la pâte. Au lieu de la boue jaune qui coulait pâteusement d'un bout à l'autre des boyaux, c'est de l'eau de glacier limpide et vivante, qui cascade et jase (Genevoix, Éparges,1923, p.36).b) Au fig. D'une manière gauche, embarrassée. La Vie de Buffon par Condorcet. - Pâteusement écrite, avec abus de mots vagues, abstraits, sans couleur (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1836, p.67).Les deux premiers chapitres sont encore pâteusement informes par endroits (Gide, Journal,1907, p.255).− [pɑtøzmɑ
̃]. − 1reattest. 1836 «d'une manière lourde et embarrassée» (Barb. d'Aurev., loc. cit.); de pâteux, suff. -ment2*. BBG. −Quem. DDL t.16. |