| ORTHOGRAPHE, subst. fém. A. − [L'accent est mis sur la notion de correction] 1. Manière, considérée comme correcte, d'écrire un mot. Orthographe d'un nom difficile, vérifier l'orthographe d'un mot. Si votre Excellence daignait me dicter l'orthographe des mots lettre à lettre, les envieux ne sauraient plus que dire (Stendhal,Chartreuse, 1839, p.191).Les noms anciens n'ont pas d'orthographe (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p.562): 1. [Il] donna à son oncle le nom d'un détacheur bien supérieur à tout ce qu'on fait en ce genre, nom dont M. Octave prit note, par politesse, se faisant même préciser l'orthographe, encore qu'il eut l'intention bien arrêtée de n'acheter jamais ce produit...
Montherl.,Célibataires, 1934, p.809. 2. Ensemble des règles fixées par l'usage, la tradition, qui régissent l'organisation des graphèmes, la manière d'écrire les mots d'une langue; connaissance et application de ces règles. Apprendre, mettre, savoir l'orthographe; ne pas avoir d'orthographe; réforme de l'orthographe. Est-il une faute d'orthographe que d'écrire escamotter avec deux tt? escamotez-en un, alors (Flaub.,Corresp., 1864, p.146).Dompeteur: cette prononciation absurde est un des méfaits de l'orthographe enseignée à des enfants du peuple. On ne sait d'ailleurs où des humanistes ont pris le p dont ils ornèrent ce mot (Gourmont,Esthét. lang. fr., 1899, p.156).[Pour les linguistes] l'orthographe n'est pas seulement un code ou une institution sociale, mais un ensemble de signes linguistiques (N. Catach,L'Orthographe, Paris, 1978, p.54): 2. Toute orthographe phonologique dans son principe doit savoir faire des concessions, parfois très importantes, à une notation appropriée du système morphologique de la langue; c'est surtout le cas lorsque l'instabilité phonétique multiplie les variantes combinatoires, ou qu'il semble utile de conserver les caractères graphiques de la forme de base pour mieux faire sentir l'unité grammaticale ou lexicologique.
E. Jung dsN. Catach, L'orthographe, Paris,1978,p.93. ♦ Orthographe d'accord, d'usage. ,,On distingue l'orthographe d'usage et l'orthographe d'accord, l'une concernant la pure graphie du mot, l'autre sa situation et son rôle dans la phrase`` (Leif 1974). − P. métaph. La pauvre enfant n'a guère de littérature. Je suis sûr qu'elle se borne à l'orthographe du coeur, celle qui ne met point d's au pluriel (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.59). − P. anal., domaine de la mus. ♦ Orthographe musicale. ,,De même que, dans la langue française, les mêmes sons changent de signification dès qu'ils sont représentés par des combinaisons différentes de signes graphiques, de même, dans l'orthographe musicale, une même sonorité notée par un ut dièse ou par un ré bémol correspond à des tonalités distinctes et devient d'une double ressource dans le discours harmonique`` (Brenet, Dict. prat. et hist. mus., 1926, p.133). − Au fig., vieilli. Faute d'orthographe. Manquement aux usages, aux bonnes moeurs. Pas la moindre faute d'orthographe dans la conduite de la mère ou de la fille (Stendhal,Nouv. inéd., 1842, p.53).Je l'espère bien que vous ne m'avez jamais trouvée ridicule. Suis-je femme à faire de pareilles fautes d'orthographe dans une toilette? (Balzac,Splend. et mis., 1844, p.166). B. − P. ext. [Sans idée de réf. à une norme] 1. Manière, quelle qu'elle soit, d'écrire un mot. Il y avait là des lettres, des projets, des pétitions de toutes les écritures et de toutes les orthographes (Zola,E. Rougon, 1876, p.228).Ce nom de Swann (...), que je connaissais depuis si longtemps, était maintenant pour moi (...) un nom nouveau (...). Je le décomposais, je l'épelais, son orthographe était pour moi une surprise (Proust,Swann, 1913, p.413): 3. Hucheloup avait inventé une chose excellente (...) des carpes farcies qu'il appelait carpes au gras (...). Hucheloup, un beau matin, avait jugé à propos d'avertir les passants de sa «spécialité» (...) comme il avait une orthographe à lui de même qu'une cuisine à lui, il avait improvisé sur son mur cette inscription remarquable: carpes ho gras.
Hugo,Misér., t.2, 1862, p.313. 2. Système de représentation des sons par des graphies, qui est propre à une époque, à un pays, à un auteur, etc. Orthographe du XVIesiècle, de Ronsard, de Voltaire; orthographe phonétique. Philippe est pour l'orthographe réformiste. Il écrit: une cais d'eu (Renard,Journal, 1906, p.1041).On comprend qu'on puisse parler de l'«orthographe d'Untel», lorsqu'en s'en tenant aux variations admises, une forte personnalité pratique systématiquement un type de graphie qui la signale à l'attention (Cl. Blanche-Benveniste, A. Chervel, L'Orthographe, 1969, p.88): 4. ... les voyageurs, les marins, les hommes d'armes, les découvreurs, tous aventuriers pas très forts sur la grammaire, chancelant sur l'orthographe d'une langue encore instable, mais qui écrivaient comme ils parlaient, les bougres, parce qu'ils étaient des grands vivants...
Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.15. Prononc. et Orth.: [ɔ
ʀtɔgʀaf]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1529 (Geoffroy Tory, Champfleury, fo44 vo). Empr. au lat. orthographia terme de gramm. «orthographe», et d'archit. «orthographie, élévation, profil», du gr. ο
ρ
θ
ο
γ
ρ
α
φ
ι
́
α ayant également ces deux sens; v. orthographie. Fréq. abs. littér.: 373. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 453, b) 833; xxes.: a) 600, b) 391. Bbg. Beaulieux (Ch.). Hist. de l'orthographe fr. Paris, 1927, 2 v. _Blanche-Benveniste (Cl.), Chervel (A.). L'Orthographe. Paris, 1969, 238 p. _ Burney (P.). L'Orthographe. Paris, 1955, 128 p. _Catach (N.). L'Orthographe. Paris, 1978, 128 p.; L'Orthographe fr.: traité théor. et pratique... Paris, 1980, 334 p. _Thimonnier (R.). Pour une pédag. rénovée de l'orthographe et de la lang. fr. Paris, 1974, 96 p.; Le Syst. graph. du fr. Paris, 1967, 409 p. |