| ORGE, subst. A. − Subst. fém. 1. Céréale à épi barbu, la plus anciennement cultivée, de la famille des Graminées, à croissance rapide, poussant dans les terres médiocres des contrées montagneuses ou nordiques des régions tempérées, et cultivée pour son fourrage précoce et pour son grain. Champ, sillons d'orge; orge d'hiver, de printemps. La délicieuse idylle de Ruth et de Booz, la jeune veuve arrivant au pays de Bethléem, pendant la moisson des orges (Zola,Dr Pascal, 1893, p.154): 1. Parmi les céréales (...), l'orge a été longtemps la favorite; semée en novembre et récoltée en mars ou avril, elle mûrit plus tôt que le blé et, chose précieuse dans ces terres d'irrigation, laisse plus longtemps la place libre pour d'autres cultures.
Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p.134. − BOTANIQUE ♦ Orge à deux rangs. Orge dont l'épi porte deux rangs de grains. Synon. paumelle2.Les palafittes ont donné l'orge à deux rangs de grains (Mortillet,Préhist., 1882, p.581). ♦ Orge à six rangs. Orge dont l'épi porte six rangs de grains. Synon. escourgeon.Les trois épillets sont fertiles (...) chez l'Orge à six rangs ou Escourgeon (Plantefol,Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.291). − Loc. verb. fig., vieillie. Faire ses orges. Faire ses affaires en réalisant des profits, en s'enrichissant, le plus souvent de façon peu scrupuleuse: 2. Le drôle se fait donc huit mille francs aux boulevards (...). Comprends-tu? (...) −Je comprends que je ne suis pas libre d'écrire ce que je pense... −Eh! que t'importe, si tu y fais tes orges...
Balzac,Illus. perdues, 1839, p.433. 2. P. méton. a) Grain de cette céréale dont la valeur alimentaire se situe entre celles du blé et du seigle, et qui est utilisé surtout en brasserie pour la fabrication du malt. Farine, galettes d'orge. Quand mai viendra (...) je sèmerai (...) cent trente minots de blé, d'orge et d'avoine (Hémon,M. Chapdelaine,1916, p.189).[Les extraits de malt] sont préparés dans quelques usines spécialisées à partir du malt d'orge ou malt ordinaire (Brunerie,Industr. alim., 1949, p.28): 3. ... un homme de Saint-Laurent, y a de ça deux mois, est donc venu me trouver: «Taboureau, qu'il m'a dit, pourriez-vous me vendre cent trente-sept setiers d'orge? −Pourquoi pas? que je lui dis (...)»
Balzac,Méd. camp., 1833, p.66. − Pain d'orge. Pain de mauvaise qualité, lourd et indigeste, fabriqué à partir de la farine d'orge. Tandis que l'administrateur des finances laisse passer la fleur de nos grains chez l'empereur, il nous fait manger du pain d'orge et de seigle (Marat,Pamplets, Nouv. dénonc. Necker, 1790, p.179).Et tant de pauvreté! Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été. Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge (Hugo,Légende, t.2, 1859, p.765). ♦ (Être) grossier comme du pain d'orge. (Être) très grossier, brutal et rustre. Les façons de M. César lui imposaient, lui donnaient le change. M. Amédée, il le trouvait grossier comme du pain d'orge (Pourrat,Gaspard, 1930, p.188). − Loc. proverbiale, vx. Il faut mourir, petit(s) cochon(s), il n'y a plus d'orge. La mort est inévitable, faute de ressources, d'espoir. Depuis plus de quarante-huit heures (...) [le serrurier sans travail] n'avait (...) pris aucune espèce de nourriture. «Allons, dit le serrurier, (...) il faut mourir, petits cochons, il n'y a plus d'orge (...)» (Vidocq,Mém., t.4, 1828-29, p.146). b) Sucre d'orge. Pâte translucide colorée, obtenue par cuisson de sucre dépuré dans une décoction d'orge et dont on fait de petits bâtons en confiserie. C'était la tristesse d'un gosse auquel on enlève son bâton de sucre d'orge pour le donner à sucer à un autre (Huysmans,Oblat, t.2, 1903, p.32).Augustine n'a pas d'économies. Elle dépensait tout son argent à s'acheter des sucres d'orge et des livraisons illustrées (Renard,Journal, 1909, p.1223). 3. P. anal. Grain d'orge a) [Dans une loc. adj. ou adv.] − [En parlant d'un tissu, d'un cuir] (À/de) grain d'orge. Semé de points ressemblant à des grains d'orge. Toile, linge grain d'orge, de grain d'orge, à grain d'orge; futaine, broderie à grain d'orge (Ac. 1835, 1878). Sac de voyage (...) en cuir de vache, grain orge (Catal. jouets (Louvre),1937).Empl. subst. masc., p. ell. Du grain d'orge (Littré). − À/en grain d'orge. En forme de grain d'orge. [Quand] l'extrémité inférieure de la tige du tour à faïence n'est ni aiguë ni obtuse, (...) on dit [qu'elle est] terminée à grain d'orge (Bastenaire, Daudenart,Art fabr. faïence, 1828, p.466). ♦ Lancette à/en grain d'orge. Lancette dont l'extrémité de la lame est en forme de grain d'orge. On pratique sur la région préparée, avec la lancette à grain d'orge, des scarifications verticales (Nocard, Leclainche,Mal. microb. animaux, 1896, p.379). b) Synon. fam. de orgelet. (Dict. xixeet xxes.). B. − Subst. masc. 1. Orge mondé. (Grain d')orge dépouillé de sa première enveloppe. L'orge mondé est l'orge qui a été dépouillée par le frottement (Deschamps d'Avallon, Compendium pharm. prat., 1868, p.648).Orge perlé. (Grain d')orge dépouillé de ses deux enveloppes et réduit à son seul volume alimentaire, de forme arrondie, qui entre dans la préparation de potages. Menu de grand dîner. Potages, purée de perdreaux chasseur, orge perlé à la princesse (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p.787). 2. Eau d'orge (mondé ou perlé) et, p. ell., orge. Eau dans laquelle on a fait bouillir de l'orge mondé ou de l'orge perlé. L'orge est employé en médecine sous forme de gargarismes émollients (Planchon, Collin,Drogues orig. végét., t.1, 1895-96, p.113).V. bol2ex. 1: 4. ... il faut ouvrir cette tumeur (...). Ensuite, le pus étant évacué, on déterge l'ulcère avec un mélange d'eau d'orge et de miel rosat...
Geoffroy,Méd. prat., 1800, p.270. Prononc. et Orth.: [ɔ
ʀ
ʒ
̭. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1121-34 «graminée herbacée à fleurs disposées en épi simple, cultivée comme céréale» (Philippe de Thaon, Bestiaire, 871 ds T.-L.); b) ca 1170 «grain de cette céréale» (Rois, éd. E. R. Curtius, p.90); c) 1378 orge mondé (doc. ap. B. et H. Prost, Inventaires mobiliers et extraits des comptes des ducs de Bourgogne, t.2, p.23, no135); 1765 orge perlé (Encyclop.); d) 1644 sucre d'orge (Poussin, Lett., 12 janv. ds Littré); 2. a)
α) 1538 (ouvrage) à grain d'orge «(broderie, toile) semée de points ressemblant à des grains d'orge» (Inv. de Cl. Brachet ds Gay, s.v. grain);
β) 1723 grain d'orge «étoffe croisée, en laine de qualité ordinaire» (Savary d'apr. FEW t.4, p.235b); b) 1660 «orgelet» (Oudin d'apr. FEW t.4, p.234b). Du lat. hordeum, au sens 1 a. Fréq. abs. littér.: 372. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 453, b) 881; xxes.: a) 381, b) 493. DÉR. Orgé, -ée, adj.Qui contient de l'eau d'orge. Quelques cuillerées d'un julep qu'on composera avec six onces d'eau de scabieuse, un gros d'eau de canelle orgée, une once d'eau de fleurs d'oranges... (Geoffroy,Méd. prat., 1800, p.36).− [ɔ
ʀ
ʒe]. − 1reattest. 1761 (A. Levret, Art des accouchemens, 2eéd., p.213 ds Fonds Barbier); de orge, suff. -é*; cf. dès ca 1200 mangier d'orgie «mets fait avec de l'orge» (Naissance du chevalier au cygne, Elioxe, éd. E. J. Mickel, 1867), 1591 orgée «mélange d'orge et d'avoine» (doc. ds Pierreh.). BBG. −Clément (J.-M.). Lex. des termes de brasserie-malterie. Banque Mots. 1977, no13, p.83. _ Dauzat Ling. fr. 1946, p.44. |