| OBTUS, -USE, adj. A. − Arrondi à son extrémité ou de forme arrondie. Museau obtus; pointe obtuse. Fleur mâle [des Lianes du Chili] (...) Calice formé de six feuilles ouvertes, ovales-oblongues, obtuses, dont trois extérieures plus larges (Voy. La Pérouse,t.4,1797,p.266).Orvet (...). Queue courte et obtuse se brisant facilement (d'où son nom de serpent de verre) (Coupin,Animaux de nos pays,1909, p.159).«J'ai été fou», pensa-t-il, s'asseyant sur l'herbe, caressant avec une tendre science la douce tête obtuse de l'une des bêtes (Montherl.,Songe,1922, p.8). ♦ Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le rond et le musclé des corps (dans une sculpture) se combinent à l'obtus et à l'aigu (Arnoux,Juif Errant,1931, p.198). − GÉOM. Angle obtus. Angle dont la mesure est supérieure à 90 degrés. Près de Tahoser, (...) se tenait agenouillée, une jambe repliée sous la cuisse et l'autre formant un angle obtus, (...) une joueuse de harpe (Gautier,Rom. momie,1858, p.198).Soient deux droites (...) qui se coupent. Elles forment quatre angles deux à deux égaux comme opposés par le sommet. Deux de ces angles sont aigus et les deux autres obtus (Roux, Miellou,Géom.,1946, p.16). B. − Au fig. 1. Vieilli. [En parlant des sens ou des organes des sens; en parlant des sensations] Qui manque de netteté, de finesse. Quoique, d'après tout ce que nous venons de dire, ce sens [le toucher] soit très-obtus dans les oiseaux, néanmoins les oiseaux grimpeurs, sur-tout les perroquets, sont, avec les chouettes, ceux qui l'ont encore le plus parfait et qui en font le plus d'usage (Cuvier,Anat. comp., t.2, 1805, p.587).Cette singulière lucidité dont les phénomènes contrastent parfois chez les ivrognes avec les obtuses visions de l'ivresse (Balzac,Peau chagr.,1831, p.188).V. arrière-bouche ex. 2: 1. L'homme qui se repose éprouve un bien-être aussi général qu'indéfinissable; il sent ses bras retomber par leur propre poids, ses fibres se distendre, son cerveau se rafraîchir; ses sens sont calmes, ses sensations obtuses; il ne désire rien, il ne réfléchit plus; un voile de gaze s'étend sur ses yeux. Encore quelques instants, et il dormira.
Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p.199. 2. a) [En parlant de l'homme considéré intellectuellement ou, p. méton., de l'intelligence, de l'esprit] Qui manque de subtilité, de finesse, qui comprend très lentement. Synon. épais, lourd, borné, bouché (fam.).La finesse chez nous est ce qu'il y a de plus rare: tout à l'air d'être fait avec de gros outils et, qui pis est, par des esprits obtus et vulgaires (Delacroix,Journal,1855, p.338).Un subalterne obtus qui ne voit pas plus loin que la lettre de la consigne (Arnoux,Roi,1956, p.273): 2. Comparez la guerre à la paix. Les travaux de la paix sont longs, monotones, souvent pénibles, et sans gloire pour la plupart de ceux qui s'y livrent; les oeuvres de guerre, promptes, faciles, à la portée des intelligences les plus obtuses.
A. France,Vie fleur,1922, p.476. ♦ Obtus à + subst. indiquant l'objet de l'incompréhension.La foule qui se passionne, mouvante et vague, autour d'un livre ou d'une pièce, et les met à la mode, n'est pas artiste, au sens où les initiés entendent ce terme. Elle est obtuse aux beautés de forme, les plus importantes au regard des cénacles (Bourget,Nouv. Essais psychol.,1885, p.5). − En emploi subst. Le moyen du scepticisme est l'ironie, l'essence et la quintessence de l'esprit français, la formule la moins accessible aux masses, aux obtus, aux épais, aux sots et aux niais (Goncourt,Journal,1858, p.459). b) [En parlant d'un sentiment, d'une expression ou d'un aspect du comportement] Qui manifeste ou qui dénote une absence de compréhension ou de finesse dans le jugement. Air, orgueil obtus; confiance, soumission, susceptibilité, volonté obtuse. S'il ne s'agissait que de moi seule, je ne saurais ni vaincre son silence obtus, opposé pendant des heures entières à des arguments justes, ni répondre à des observations sans logique, de véritables raisons d'enfant (Balzac,Lys,1836, p.87).L'expression indifférente, obtuse de son visage, ou plutôt son inexpressivité absolue glaçait jusqu'à sa source mon bon vouloir (Gide,Symph. pastor.,1919, p.885).V. affirmer ex. 16: 3. C'était un garçon d'une trentaine d'années et son visage d'aryen blond ne portait pas les stigmates de la bestialité. J'eus une seconde d'espoir mais je rencontrai son regard et j'y lus tant d'obtuse haine (...) que celui-ci s'effaça aussitôt...
Vialar,Hte-mort,1951, p.174. REM. 1. Obtusément, adv.,rare. a) [Correspond à supra A] D'une façon légèrement arrondie. Sternum (...) obtusément triangulaire (E. Perrier, Zool., t.1, 1893, p.1102).b) [Correspond à supra B] Au fig. D'une façon sotte, inintelligente. La compagne aveugle et obtusément éprise d'un être pareil (A. Daudet, Jack, t.1, 1876, p.239).Elle demeurait obtusément convaincue que ma peine était vaine (Gide, Symph. pastor.,1919, p.889). 2. Obtuser (s'), verbe pronom.a) [Correspond à supra A] Rare. Devenir de plus en plus obtus; tendre vers cent quatre vingts degrés. La circonférence, idéal de la ligne courbe, est comparable à une figure analogue composée d'une infinité de lignes droites, qui doit se confondre avec elle, les angles intérieurs s'obtusant de plus en plus (Baudel.,Salon,1846, p.147).b) [Correspond à supra B] Au fig. ,,Perdre de son acuité`` (Rheims 1969). Mais quand on dort, s'obtusent, s'isolent nos sens véritables (F. Poictevin, Tout bas,1893, p.121 ds Rheims 1969). 3. Obtusisme, subst. masc.,méd. Obtusisme mandibulaire. ,,Ouverture exagérée de l'angle formé par les deux branches de la mandibule`` (Méd. Biol. t.3 1972). 4. Obtusité, subst. fém.Défaut d'intelligence. Cette vue [de tant d'affliction] m'a ému de compassion et j'ai essayé de verser quelque baume dans ces souffrances, où parfois les ecclésiastiques ne coulent que du vinaigre et de la glace, non par méchanceté, mais par obtusité (Amiel,Journal,1866, p.177). Prononc. et Orth.: [ɔpty], fém. [-y:z]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. Ca 1370 (Guy de Chauliac d'apr. Sigurs, p.67); 1478 (Id., Guidon en françois, trad. par N. Panis, fo203, ibid., p.573: forcetes obtuses id est non agues); 1532 fig. (Giles du Wes, An Introductorie for to Lerne... ds Palsgr., p.1057); 1542 géom. angle obtus (Charles de Bovelles, Livre ... touchant l'art et practique de géométrie, p.7). Empr. au lat. obtusus «émoussé, affaibli», part. passé de obtundere «émousser, affaiblir», d'abord «frapper contre» d'où «émousser en frappant», comp. de ob marquant l'hostilité et de tundere «frapper». Fréq. abs. littér.: 174. Bbg. Vrbkova (V.). La Méthode struct. appl. à l'ét. du champ conceptuel de la bêtise en fr. du xxes. Ét. rom. Brno. 1977, t.9, p.103. |